Le délicat maniement du moyen de preuve illicite

Publié le 14/03/2023

Le délicat maniement du moyen de preuve illicite

Contestant son licenciement pour faute grave, une salariée saisit la juridiction prud’homale.

Il résulte des articles 6 et 8 de la Conv. EDH que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

La cour d’appel de Paris constate d’abord que l’employeur, d’une part, n’avait informé la salariée ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait et, d’autre part, n’avait pas sollicité, pour la période considérée, l’autorisation préfectorale préalable exigée par les dispositions, alors applicables, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et des articles L. 223-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure, ce dont elle déduit exactement que les enregistrements litigieux extraits de la vidéosurveillance constituaient un moyen de preuve illicite.

Elle relève ensuite que, pour justifier du caractère indispensable de la production de la vidéosurveillance, la société fait valoir que les enregistrements ont permis de confirmer les soupçons de vol et d’abus de confiance à l’encontre de la salariée, révélés par un audit qu’elle avait mis en place et qui avait mis en évidence de nombreuses irrégularités concernant l’enregistrement et l’encaissement en espèces des prestations effectuées par la salariée, tout en constatant que la société ne produisait pas cet audit dont elle faisait également état dans la lettre de licenciement.

Ainsi, la production des enregistrements litigieux n’étant pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, dès lors que celui-ci disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versé aux débats, peu important qu’elle ait ensuite estimé que la réalité de la faute reprochée à la salariée n’était pas établie par les autres pièces produites, la cour d’appel peut déduire que les pièces litigieuses sont irrecevables.

Sources :
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