Obligation de neutralité du salarié employé à une mission de service public

Publié le 20/10/2022

Un salarié est licencié pour faute grave, pour avoir publié sur son compte Facebook, accessible au public, « des propos incompatibles avec l’exercice de [ses] missions et notamment, une critique importante et tendancieuse du parti politique Les Républicains et [du] Front National, ainsi que des appels à la diffusion du Coran, accompagnés de citations de sourates appelant à la violence ».

En premier lieu, les principes de laïcité et de neutralité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé.

Le Code du travail prévoit que les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d’association sont des personnes de droit privé gérant un service public.

Il s’ensuit que le salarié de droit privé employé par une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions.

En second lieu, l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable, prévoit que les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs peuvent, lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé, dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d’État et que les personnels ainsi mis à disposition sont soumis aux règles d’organisation et de fonctionnement du service où ils servent et aux obligations s’imposant aux fonctionnaires. Il en résulte que le salarié de droit privé mis à disposition d’une collectivité publique territoriale est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions.

Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d’appel qui juge que la mission locale a discriminé le salarié en raison de l’expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement et annuler en conséquence le licenciement, au motif qu’un conseiller d’insertion au sein d’une mission locale, même mis à disposition d’une municipalité, ne perd nullement sa liberté d’engagement politique et d’expression publique de cet engagement en dehors de l’exercice de ses fonctions et peut librement critiquer l’État en dehors de son travail, que la mission locale ne peut imposer au salarié le respect de la laïcité en dehors de son activité professionnelle  et qu’en reprochant au salarié, au soutien de la mesure de licenciement, de n’avoir pas obtempéré à l’injonction illégitime visant à restreindre sa liberté politique et sa liberté religieuse, l’employeur a commis une discrimination.

En effet, il résulte de ses constatations que le salarié, conseiller en insertion sociale et professionnelle pour les missions d’insertion auprès d’un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle, en grande fragilité sociale, a publié sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, des commentaires mentionnant « Je refuse de mettre le drapeau… Je ne sacrifierai jamais ma religion, ma foi, pour un drapeau quel qu’il soit », « Prophète ! Rappelle-toi le matin où tu quittas ta famille pour aller placer les croyants à leurs postes de combat ». La cour d’appel n’a pas recherché, comme il lui était demandé, si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d’insertion sociale et professionnelle affecté au sein d’une commune, notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels le salarié exerçait ses fonctions, et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l’obligation de réserve du salarié en dehors de l’exercice de ses fonctions en tant qu’agent du service public de l’emploi mis à la disposition d’une collectivité territoriale, en sorte que son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article L. 1133-1 du Code du travail, tenant au manquement à son obligation de réserve.

Sources :
Rédaction
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