Retraites : la réforme validée par le Conseil constitutionnel

Publié le 17/04/2023

Par sa décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023. Validée – partiellement – par le Conseil constitutionnel le 14 avril, la LFRSS pour 2023 a été promulguée et publiée le 15 avril au Journal officiel.

Sur le fond, concernant la réforme des retraites

Le Conseil constitutionnel était notamment saisi, par un recours émanant de plus de soixante députés, de contestations dirigées contre les dispositions de l’article 10 de la loi déférée prévoyant le report de l’âge légal de départ à la retraite de soixante-deux à soixante-quatre ans ainsi que l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein.

Il était notamment soutenu par les auteurs de ce recours que ces dispositions compromettaient la politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités et la sécurité matérielle des vieux travailleurs, en méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Selon eux, ces dispositions avaient en outre pour conséquence d’annuler les effets compensatoires des mesures destinées à corriger les inégalités entre les hommes et les femmes et étaient ainsi contraires au troisième alinéa du même préambule. Enfin, ils soutenaient que le report de l’âge légal de départ à la retraite avait pour effet d’accroître la prévalence des situations de chômage et l’allongement des périodes de précarité des seniors, en méconnaissance de l’article 1er de la Constitution.

Par sa décision du 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Suivant sa jurisprudence constante, il juge que l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités. Il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées. En particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Il ne lui est pas moins loisible d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. Cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l’équilibre financier du système de retraite par répartition et, ainsi, en garantir la pérennité. Il a notamment tenu compte de l’allongement de l’espérance de vie. Au nombre des mesures qu’il a prises figurent le report à soixante-quatre ans de l’âge légal de départ à la retraite tant pour les salariés du secteur privé que pour les agents du secteur public ainsi que l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une pension à taux plein. Le législateur a par ailleurs maintenu ou étendu des possibilités de retraite anticipée au bénéfice des personnes ayant eu des carrières longues, de celles ayant un taux d’incapacité de travail fixé par voie réglementaire ou encore des travailleurs handicapés. Il a en outre maintenu l’âge d’annulation de la décote à soixante-sept ans pour les salariés du secteur privé et institué un âge d’annulation de la décote dans la fonction publique. Ce faisant, il a pris des mesures qui ne sont pas inappropriées au regard de l’objectif qu’il s’est fixé et n’a pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles précitées.

Puis, se prononçant sur le grief tiré de la méconnaissance du troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées n’ont en elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de supprimer le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance de quatre trimestres attribuée aux femmes assurées sociales au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, prévue à l’article L. 351-4 du Code de la sécurité sociale.

Les « cavaliers sociaux » censurés

Le Conseil constitutionnel a, soit sur la base des critiques formulées dans les saisines, soit d’office, censuré six groupes de dispositions qui n’avaient pas leur place dans la loi déférée. Relevant qu’elles n’avaient pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, le Conseil constitutionnel a, suivant sa jurisprudence constante relative aux « cavaliers sociaux », censuré :

– l’article 2, relatif à ce qu’on appelle couramment l’« index sénior » ;

– l’article 3, relatif au « contrat de travail sénior » ;

– l’article 6, qui apportait certaines modifications à l’organisation du recouvrement des cotisations sociales ;

– certaines dispositions de l’article 10, relatives aux conditions d’ouverture du droit au départ anticipé pour les fonctionnaires ayant accompli leurs services dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant leur titularisation ;

– certaines dispositions de l’article 17, concernant un suivi individuel spécifique au bénéfice de salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels ;

– et l’article 27, instaurant un dispositif d’information à destination des assurés sur le système de retraite par répartition.

Sans préjuger de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles, le Conseil a donc censuré ces six ensembles de dispositions, juridiquement détachables du reste de la loi.

Sources :
Rédaction
Plan
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