Revirement de jurisprudence concernant l’articulation du congé parental et des congés payés
Une salariée qui, à la suite d’une suspension de son contrat de travail pour cause de maladie, puis de congé pathologique et prénatal, puis de congé maternité et dont le contrat avait pris fin à la suite d’une rupture conventionnelle, saisit la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
La Cour de cassation a jugé que la décision du salarié de bénéficier d’un congé parental d’éducation s’impose à l’employeur, ce dont il résulte que l’intéressé, qui a lui-même rendu impossible l’exercice de son droit à congé payé, ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés (Cass. soc., 28 janv. 2004, n° 01-46314).
Toutefois, le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union et, aux termes de l’accord-cadre révisé sur le congé parental, les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin du congé parental. Ces droits s’appliquent à l’issue du congé parental, tout comme les modifications apportées à la législation, aux conventions collectives et/ou à la pratique nationales.
La CJUE juge que cette disposition a pour but d’éviter la perte ou la réduction des droits dérivés de la relation de travail, acquis ou en cours d’acquisition, auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental et de garantir que, à l’issue de ce congé, il se retrouvera, s’agissant de ces droits, dans la même situation que celle dans laquelle il était antérieurement audit congé.
De même, la CJUE a dit pour droit que le droit de l’Union s’oppose à une disposition nationale selon laquelle les travailleurs, faisant usage de leur droit au congé parental de deux ans, perdent, à l’issue de ce congé, des droits à congés annuels payés acquis durant l’année précédant la naissance de leur enfant.
Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10929).
Il y a donc lieu de juger désormais qu’il résulte des articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du Code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental, que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.
Viole ces textes le jugement qui, pour débouter la salariée de sa demande, constate que le bulletin de paie de juin 2020 faisait mention de quarante-trois jours de congés payés alors que le bulletin du mois suivant n’en mentionnait aucun et retient que les droits à congés payés ayant été reportés à l’issue du congé maternité, la salariée a été parfaitement en mesure de prendre ses congés avant son congé parental d’éducation et n’a pas été placée dans l’impossibilité de le faire et que, enfin, la situation des salariés en arrêt maladie ou accident de travail n’est pas comparable à celle des salariés en congé parental, la salariée n’ayant pas été empêchée de prendre ses congés payés à l’issue de la période de référence puisqu’elle avait choisi elle-même sa date de départ en congé parental.
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