Transfert de contrat de travail et bénéfice des primes
À raison de la protection du salarié dont le transfert du contrat est envisagé, l’employeur demande une autorisation à l’inspecteur du travail qui la lui accorde. Presque deux ans plus tard, le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’un rappel de bonus « Corporate » au titre de l’année du transfert de son contrat, d’une contestation des conditions de ce transfert et de demandes en paiement de sommes diverses pour licenciement nul.
La cour d’appel constate que le salarié, membre titulaire du comité d’établissement et délégué syndical, avait fait l’objet d’une demande d’autorisation de transfert de la part de son employeur, que l’inspecteur du travail avait autorisé ce transfert, que le transfert avait été réalisé et qu’aucun recours n’avait été formé par les parties à l’encontre de la décision administrative. Elle énonce exactement qu’il n’appartient pas à la juridiction de l’ordre judiciaire de statuer sur le transfert ainsi autorisé.
Mais les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Il en résulte que l’employeur ne peut refuser aux salariés transférés le bénéfice, dans l’entreprise d’accueil, des avantages collectifs, qu’ils soient instaurés par voie d’accords collectifs, d’usages ou d’un engagement unilatéral de l’employeur, au motif que ces salariés tiennent des droits d’un usage ou d’un engagement unilatéral en vigueur dans leur entreprise d’origine au jour du transfert ou des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d’un accord collectif.
Pour limiter la condamnation de la société à laquelle le contrat a été transféré au paiement d’une certaine somme au titre d’un rappel de bonus « Corporate » 2014, l’arrêt retient que si le principe d’égalité de traitement peut être invoqué pour des salariés exerçant des emplois de valeur égale, certaines catégories de salariés pouvant effectivement être considérés comme exerçant des emplois de valeur égale, il apparaît que ces salariés, en provenance d’entreprises différentes, bénéficient de bonus ayant une origine différente résultant d’un engagement unilatéral de l’employeur dans le cas de la société d’origine et majoritairement contractualisés dans le cas de la société à laquelle les contrats ont été transférés.
Il ajoute que le nouvel employeur est légalement tenu de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qu’ils tiennent de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert, cette obligation justifiant la différence de traitement qui en résulte entre les salariés en raison de leur provenance d’entreprises différentes. Il observe que l’article L. 2261-14 du Code du travail accorde un délai maximum de quinze mois à l’entreprise dans le cas de transfert de salariés en provenance d’une autre entreprise, pour lui permettre de négocier avec les partenaires sociaux des accords de substitution ayant vocation à définir le cadre juridique applicable pour chacun des salariés transférés et qu’en l’espèce, un engagement unilatéral du 1er décembre 2014 a déterminé pour l’ensemble des salariés ingénieurs et cadres, un nouveau taux applicable à compter du 1er janvier 2015.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si les conditions dans lesquelles la société à laquelle le contrat avait été transféré avait décidé de verser aux salariés de son entreprise un bonus calculé selon un mode prédéterminé, ne caractérisaient pas de sa part un engagement unilatéral, de sorte que le salarié dont le contrat de travail était transféré pouvait prétendre au bénéfice de cet avantage collectif dans les conditions fixées par cet engagement, la cour d’appel ne donne pas de base légale à sa décision.
Sources :