Contrôle fiscal et recours hiérarchique
Le point sur le recours hiérarchique, garantie substantielle du contribuable en cas de contrôle fiscal, prévu par la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié dont les dispositions sont opposables à l’administration fiscale.
Le recours au supérieur hiérarchique du vérificateur ou à l’interlocuteur départemental constitue une des garanties du contribuable. Cette possibilité offerte au contribuable est prévue aux paragraphe 6 du chapitre I et au paragraphe 4 du chapitre III de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Ce document est essentiel pour le contribuable en cas de contrôle fiscal externe. Il lui permet de s’informer du déroulement du contrôle et de ses grandes étapes, qu’il s’agisse d’une vérification de comptabilité, d’un examen de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. Surtout, il lui permet de faire le point sur ses obligations ainsi que sur les garanties dont il bénéficie. Le dernier alinéa de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales (LPF) précise que les dispositions contenues dans la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont opposables à l’administration fiscale.
Précédemment, ce document était remis au contribuable au début du contrôle fiscal. Depuis le 1er janvier 2016, le contribuable est simplement informé de la mise à disposition de ce document sous format électronique sur le site de Bercy. Ce document consultable en ligne sous format dématérialisé par l’ensemble des contribuables vérifiés, est mis à jour annuellement. Précisons qu’il est cependant possible pour le contribuable vérifié d’obtenir la remise d’une charte sous format papier sur simple demande de sa part. Une telle demande n’obéit à aucun formalisme et peut intervenir à tout moment au cours du contrôle, jusqu’à la mise en recouvrement des impositions. En cas de contrôle inopiné, la charte est remise en main propre lors de la première intervention sur place. Le service doit alors porter en marge de la copie de l’avis qu’il conserve, la mention suivante : « Un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié vous a été remis le (…) » et demander au contribuable d’apposer sa signature à la suite de cette mention. Le défaut de respect de cette obligation qui prive le contribuable d’une garantie substantielle est susceptible d’entraîner la nullité de la procédure de vérification et, par suite, l’abandon des rehaussements effectués ou des rappels d’imposition établis.
Deux chartes à ne pas confondre
Il convient de distinguer la charte du contribuable, dite « charte Copé », et la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. La charte Copé doit être remise à chaque contribuable et chaque agent des impôts. Elle expose les droits et obligations réciproques du contribuable et de l’administration fiscale et peut être remise au contribuable à toutes occasions (envoi de courrier, réception…). Elle est également disponible sur le site de l’administration fiscale (www.impôts.gouv.fr). Si un contribuable peut se prévaloir des mentions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, il n’en est pas de même des mentions contenues dans la charte Copé. La jurisprudence administrative est constante sur ce point (CAA Paris, 29 mai 2012, n° 10PA05558, CAA Bordeaux, 1er juil. 2013, n° 12BX01912, CAA Marseille, 25 nov. 2014, n° 11MA02180, TA Versailles, 17 avr. 2015, n° 1101252). Elle consacre un principe de non-opposabilité, tant à l’égard de cette charte du contribuable prise dans son ensemble, qu’à l’égard de certaines de ses dispositions, comme celles relatives au délai préconisé de réponse aux observations du contribuable. Ce principe a été confirmé dans une espèce où le contribuable avançait comme argument qu’il était fait mention de la charte du contribuable dans la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (TA Versailles 15 déc. 2015, n° 1206291). Cette mention dans une charte opposable à l’administration n’a pas pour effet de rendre la charte du contribuable opposable à l’administration tant sur le fondement de l’article L. 10 du LPF que sur celui de l’article L. 80 A du LPF.
Une garantie substantielle
La possibilité pour un contribuable de pouvoir s’adresser, dans les conditions édictées par le paragraphe 6 du chapitre I et par le paragraphe 4 du chapitre III de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l’interlocuteur départemental, constitue une des garanties essentielles du contribuable en cas de contrôle fiscal. Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent être ainsi fournis au contribuable si nécessaire par l’inspecteur départemental ou l’inspecteur principal. Si après ces contacts, des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l’interlocuteur départemental spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur. Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande, la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l’interlocuteur départemental.
Cette possibilité est ouverte au contribuable à deux moments distincts de la procédure contradictoire. Elle lui est offerte, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l’envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle. Et elle lui est offerte, en second lieu, après la réponse faite par l’administration fiscale aux observations du contribuable (ROC) sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.
Le recours hiérarchique constitue une garantie substantielle dont la méconnaissance entache d’irrégularité la procédure. Pour le juge administratif « Ces dispositions assurent aux contribuables la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, avec l’interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend ce dernier. Il en résulte que lorsque le contribuable sollicite régulièrement, avant la mise en recouvrement des impositions, un entretien en application de ces dispositions, l’administration ne peut, sans entacher la procédure d’irrégularité, procéder au recouvrement de ces impositions avant d’avoir satisfait à cette demande », précise la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 9 nov. 2015, n° 374884).
Un recours effectif
Pour le Conseil d’État, un contribuable qui n’a à aucun moment de la procédure de vérification, manifesté son intention de demander à bénéficier de la garantie offerte par la charte du contribuable vérifié, d’obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur tous les points où persiste un désaccord avec ce dernier, ne saurait soutenir utilement devant le juge de l’impôt qu’il aurait été privé de cette garantie et que la procédure d’imposition serait, pour ce motif, irrégulière (CE, 15 mai 2006, n° 276160). Toutefois, le contribuable peut utilement soutenir que, compte tenu des circonstances de fait, et notamment des informations que l’administration a portées à sa connaissance dans la proposition de rectification ou dans la réponse à ses observations, l’administration l’a induit en erreur sur la possibilité d’obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, alors même qu’elle n’était pas légalement tenue de faire connaître au contribuable, à ce stade de la procédure, sa faculté d’obtenir un tel débat (CE, 21 sept. 2016, n° 383857).
Pour la cour administrative de Marseille (CAA Marseille, 2 avr. 2019, n° 16MA033916), l’administration n’est pas tenue de donner suite à la demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, présentée au cours d’une vérification de comptabilité, qui ne fait état d’aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle susceptible de la rattacher à l’exercice de la garantie prévue au chapitre I de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Or la possibilité pour le contribuable de bénéficier d’un entretien avec le supérieur hiérarchique au cours des opérations de contrôle et avant l’envoi de la proposition de rectification constitue une garantie substantielle distincte de celle ouverte après la réponse faite par l’administration fiscale aux observations du contribuable sur la proposition de rectification, précise le Conseil d’État (CE, 25 mars 2021, n° 430593). Sur ce point, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit, précise le juge de cassation. Cependant, la cour s’est également fondée, pour écarter le moyen en cause, sur d’autres motifs tirés de ce que l’administration n’était pas tenue de donner suite à la demande d’entretien, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le courrier ne faisait état d’aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle susceptible de rattacher cette demande à l’exercice de la garantie prévue au chapitre I de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Ce motif, exempt d’erreur de droit, justifie à lui seul l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’imposition.
Référence : AJU000f4