Épargnants : pourquoi votre banque vous demande-t-elle de remplir des questionnaires ?

Publié le 23/12/2022

Les clients des banques sont désormais interrogés sur leurs préférences en matière de finance durable. Cette dimension s’ajoute au questionnaire d’adéquation destiné à déterminer leur profil d’investisseur, une mesure de protection prévue par la réglementation européenne.

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À chaque fois que vous souscrivez un produit financier, votre conseiller bancaire ou votre conseiller indépendant vous soumet à une série de questions écrites. Ce test d’adéquation est un formalisme imposé par la loi pour vous protéger d’un investissement qui pourrait ne pas vous convenir. Explications.

Les leçons de la crise financière de 2008

Revenons quelques années en arrière. La crise financière de 2008-2009 a engendré un gouffre économique et financier sans précédent. Rien que l’effondrement des crédits hypothécaires à risque (les subprimes) aurait coûté 1,200 milliards d’euros selon la banque d’affaires Goldman Sachs. En France, la crise financière a coûté 1,541 milliards d’euros en termes de produit intérieur brut (PIB) perdu, du quatrième trimestre 2008 au deuxième trimestre 2018, d’après Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management. Cette perte de richesse a entraîné une perte de revenus et une baisse des recettes fiscales.

Une réglementation européenne plus protectrice

L’Union européenne a lancé un grand mouvement de régulation et a adopté un train de mesures pour renforcer la réglementation relative aux investissements financiers, en particulier ceux réalisés par les personnes physiques, les épargnants. La protection des avoirs des citoyens européens passe en partie par une meilleure information du public. À cette fin, dans les 27 États membres, les professionnels de la finance sont soumis à des contraintes réglementaires de plus en plus fortes.

Cette réglementation s’inscrit dans la directive dite MiFID 2 (Markets in Financial Instruments Directive), un texte élaboré par la Commission européenne, approuvé par les États membres et applicable dans toute l’Union européenne. La directive « marchés d’instruments financiers » de 2004, dite MiFID 1 (2004/39/CE du 21 avril 2004 et entré en vigueur le 1er novembre 2007) avait créé un marché européen unique des services financiers permettant aux prestataires de services d’investissement (PSI) agréés par les États membres d’opérer dans toute l’Union européenne. Elle mettait fin au monopole des Bourses historiques au bénéfice de plateformes alternatives. Pour l’épargnant, elle avait mis en place des règles de transparence avant et après la négociation des ordres. Surtout, elle avait déjà mis en place un mécanisme d’information adapté au niveau d’expérimentation des clients.

Jugé insuffisant à assurer une protection efficace des investisseurs et des marchés, ce cadre a été modifiéen 2014 par la Commission européenne, avec l’adoption de la directive MiFID 2. Ce texte consacre des obligations en matière de gouvernance des instruments financiers. L’objectif consiste en une définition plus fine des responsabilités respectives entre producteurs et distributeurs en instaurant un lien entre les deux maillons principaux de la chaîne de distribution des produits financiers. Les nouvelles mesures sont progressivement entrées en vigueur, la date butoir étant le 3 janvier 2018.

Les épargnants mieux informés

Le renforcement de l’information se traduit par une information détaillée fournie aux clients et relative aux produits conseillés. Elle figure dans un document – le DICI Document d’Information Clé de l’Investisseur – qui lui est remis à l’entrée en relation. Cette obligation pèse sur les banques, les sociétés de gestion, les entreprises d’investissement et les conseillers en investissements financiers lorsqu’ils fournissent des services ou des conseils d’investissement. La communication concerne la souscription d’actions, obligations, parts de fonds d’investissement, SICAV. Toutes les caractéristiques de ces produits doivent être précisées : leur niveau de risque, leur horizon de placement, le public auxquels ils s’adressent, etc. L’information délivrée au client porte aussi sur la rémunération liée à la prestation d’investissement : la prestation de conseil ou la vente du produit est-elle désintéressée ou donne-t-elle lieu au versement d’une rémunération ? En plus de l’existence de la rémunération, le client doit connaître le montant et le mode de calcul des rémunérations et commissions versées.

Vous êtes questionné pour établir votre profil d’investisseur

L’information fournie au client et surtout l’offre qui lui est proposée sont adaptées à son profil d’investisseur, c’est-à-dire à son niveau de connaissance et d’expertise des marchés et des produits financiers. La connaissance du client est au cœur du dispositif de protection. Ainsi, parmi les contraintes imposées aux établissements bancaires comme aux conseillers indépendants figure l’obligation de déterminer le profil d’investisseur lors de l’entrée en relation. Ce profil est déterminé d’après un questionnaire qui mesure sa situation financière, sa connaissance des marchés et des investissements ainsi que les objectifs qu’il poursuit (épargne longue ou court terme, disponibilité des fonds, couple rendement/risque…).

Sur la base de ce questionnaire, le client est rattaché à une des trois catégories prédéterminées.

Ces catégories sont les suivantes :

– le client non professionnel : il s’agit des particuliers, des PME, des collectivités locales. Il s’agit de tout client qui ne peut pas être rattaché aux deux autres catégories ;

– le client professionnel, par nature (les entreprises françaises ou étrangères remplissant certains critères) ou sur option (détention d’un portefeuille d’instruments financiers d’une valeur supérieure à 500 000 euros ; occupation pendant au moins un an, dans le secteur financier, d’une position professionnelle exigeant une connaissance de l’investissement en instruments financiers, réalisation d’opérations d’un montant supérieur à 600 euros par opération sur des instruments financiers, à raison d’au moins 10 par trimestre en moyenne sur les 4 trimestres précédents, etc.) ;

– les contreparties éligibles : cette catégorie regroupe les établissements financiers.

Ainsi, les clients non professionnels ne se verront pas proposer des produits considérés comme présentant un haut risque.

À partir d’août 2022 : vos préférences en matière de placement durable

Par ailleurs, l’Union européenne s’est engagée en faveur d’une finance durable. Lancé en mars 2018, son plan d’action pour une économie plus verte et plus propre a pour objectif d’orienter la finance pour qu’elle réponde aux besoins spécifiques de l’économie européenne, dans l’intérêt de la planète et de notre société.

L’Union européenne veut en effet atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Elle entend mobiliser plusieurs milliards d’euros par an, jusqu’en 2050, en incitant notamment les épargnants à flécher leur argent vers des investissements responsables.

Adopté en novembre 2019 par le Parlement européen et le conseil de l’Union européenne, le règlement dit SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), en vigueur depuis le 10 mars 2021, a été pris pour accroître la transparence des informations relatives à la durabilité et étendre la comparabilité des informations pour les investisseurs finaux. Il en ressort que les gestionnaires d’actifs et les conseillers en investissement doivent publier des informations sur la façon dont ils prennent en compte le risque en matière de durabilité et les principales incidences négatives de leurs investissements. Ainsi informé, l’investisseur fait un choix en toute conscience parmi les produits qui lui sont proposés et peut sélectionner des placements qui répondent à ses convictions personnelles en matière de finance durable.

En outre, depuis le 2 août 2022 (le 1er janvier 2023 pour les conseillers en investissements financiers), le prestataire de service d’investissement doit interroger le client sur ses orientations en matière d’investissements durables. La question d’adéquation s’enrichit donc de ses préférences sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de leurs placements. De quoi réduire l’écart entre l’intérêt affiché des épargnants et la prise en compte de leurs convictions. En effet, d’après un sondage Ifop pour le Forum de l’investissement responsable (« Les Français et la finance responsable », septembre 2021), les épargnants montrent un fort intérêt pour l’investissement responsable. Dans leurs décisions de placement, ils sont 6 sur 10 à accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux. La moitié des Français a la conviction de pouvoir avoir un impact positif sur la société grâce à son épargne. Pourtant, les offres en matière d’investissement socialement responsable (ISR) sont encore mal connues : ils sont seulement 37 % à en avoir entendu parler, et 8 % à s’en être vu proposer.

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