La fragmentation du droit de propriété
Le développement du phénomène de l’innommé en droit civil des biens justifie une réflexion sur les concepts et les institutions structurants cette discipline du droit privé. La fragmentation du droit de propriété apparaît, à bien des égards, comme une grille de lecture des droits réels sui generis, en droit privé contemporain.
1. Pierre angulaire du droit privé contemporain, la notion de propriété constitue implacablement le centre de gravité de l’essentiel des techniques juridiques mobilisées dans les rapports interpersonnels1. Dans la conception générale, il est admis que tout propriétaire a le droit d’utiliser, de percevoir les revenus et de disposer d’une chose de manière absolue et exclusive, sous réserve des restrictions établies par la loi2. Le droit de propriété appartient à la famille des droits réels principaux, que l’on distingue fort nettement des garanties réelles. La catégorie des droits réels principaux est celle qui a engendré la théorie des démembrements de propriété3, laquelle consisterait en un détachement des droits réels et à en concéder certains attributs à d’autres que le propriétaire, sans pour autant modifier l’unité de la propriété elle-même4. Seulement, la notion de démembrement du droit de propriété, bien que saisissante à plus d’un titre, se révèle parfois impropre à rendre compte de certaines dérivées du droit de propriété5. En effet, le partage des utilités d’un bien, par plusieurs personnes, ne saurait être le résultat exclusif d’une dissociation de la pleine propriété6. Celui-ci peut également être le résultat d’une certaine fragmentation7 du droit de propriétaire au profit exclusif des tiers, sans pourtant qu’ils n’accèdent au statut très reluisant d’usufruitiers.
2. En matière civile, la fragmentation du droit de propriété apparaît, à bien des égards, comme une technique juridique susceptible de justifier l’émergence de nouvelles formes de droits réels. L’affaire Maison de la poésie8, qui a sonné comme un véritable requiem du numerus clausus des droits réels, a relancé le débat sur le pouvoir de la volonté individuelle en matière de création des droits réels9 autres que ceux expressément prévus par le législateur. La profusion doctrinale, suscitée par la consécration jurisprudentielle de la notion de droit réel de jouissance spéciale, invitait alors à repenser la notion de propriété en tant que socle du droit des biens10. Le concept de fragmentation du droit de propriété désigne moins une propriété-partagée qu’un partage des utilités économiques attachées à ce droit subjectif11 ; nonobstant qu’elle implique, pour le propriétaire, une sorte d’abdication à l’exclusivité de son droit pour l’accession des tiers aux utilités du bien qui en constitue l’assiette. En effet, bien qu’appartenant toutes les deux au label des techniques juridiques d’accession aux utilités du bien d’autrui, le démembrement de propriété se distingue nettement de la fragmentation de ce droit, en ce que la première repose sur l’amputation12 totale de l’un des attributs naturels du droit de propriété, tandis que la seconde consiste en l’attribution à une personne d’une portion des prérogatives du propriétaire ou de l’assiette du droit de propriété. Toutefois, en raison de son caractère exclusif, seul le propriétaire peut être l’initiateur de l’opération de fragmentation et définir préalablement ses modalités d’exercice. Cette réflexion s’inscrit donc, résolument, dans le phénomène de contractualisation du droit des biens13 âprement combattu par les adeptes de la pensée révolutionnaire, viscéralement attachés à l’idée d’une propriété-exclusive. Pourtant, c’est un lieu commun du juriste que d’affirmer que la propriété14 et la liberté font office de locomotives chargées d’actionner et de convoyer la création des richesses. L’enjeu serait de rendre compte de la viabilité du concept de fragmentation du droit de propriété, en tant que technique juridique nouvelle susceptible de légitimer l’extension du domaine des droits réels en droit privé contemporain. Cela implique indéniablement l’examen de ses justifications (I), d’une part, et de ses fondements (II), d’autre part.
I – Les justifications du concept de fragmentation du droit de propriété
3. Outre la disparité conceptuelle entre les nouveaux droits réels et les droits réels traditionnels (B), la fragmentation du droit de propriété pourrait être justifiée par l’impertinence du concept de démembrement du droit de propriété pour l’appréhension des droits réels sui generis (A).
A – L’impertinence du concept de démembrement du droit de propriété pour les droits réels sui generis
4. La notion de propriété15 est appréhendée comme la réunion d’un ensemble de prérogatives entre les mains d’une personne disposant, sous certaines réserves, d’un droit de vie et de mort sur une chose corporelle ou incorporelle. Néanmoins, la toute-puissance du propriétaire peut se voir tempérée, notamment lorsque ses prérogatives sont dissociées au profit d’une ou plusieurs personnes. Cet éclatement du droit de propriété n’a nullement vocation à engendrer des prérogatives concurrentes à celles du propriétaire. Ce dernier, à travers la technique du démembrement du droit de propriété, n’entend nullement être concurrencé dans l’exercice de son autorité sur son bien. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un véritable démembrement de la propriété, laquelle demeure pleine et entière au profit exclusif de son titulaire, mais davantage d’une dissociation de ses attributs essentiels16. Ce résultat n’est réalisable qu’au prix d’une scission de l’usus et/ou du fructus, seules composantes du droit de propriété auxquelles une personne autre que le propriétaire peut valablement prétendre. En effet, le titulaire du démembrement du droit de propriété est, par postulat, dépourvu du droit de disposer de la chose. Le recours aux démembrements du droit de propriété ne saurait donc avoir pour finalité de porter atteinte aux droits du propriétaire qui devrait ultérieurement recouvrer l’intégralité de ses prérogatives. Lorsqu’elle est mise à la disposition d’une personne en vertu du droit de jouissance et/ou d’usage, la chose est en effet destinée à regagner le patrimoine du propriétaire, et ce, reconstituée de l’ensemble de ses prérogatives.
5. Ainsi, la notion de démembrement du droit de propriété devrait-elle être appréciée au prisme de ses manifestations. Elle consiste, pour le propriétaire, en la reconnaissance à autrui du droit d’utiliser la chose et/ou d’en percevoir les fruits. L’hypothèse serait en réalité celle d’une accession aux utilités économiques de la chose d’autrui, et ce, pendant une durée prédéterminée. Le temps et l’usage sont alors des critères déterminants pour la constitution d’un démembrement du droit de propriété, en ce sens qu’ils permettent d’en fixer le contenu ainsi que les conditions de mise en œuvre. Or, les droits réels nouvellement créés17 se démarquent significativement de leurs prédécesseurs, étant donné qu’ils ne permettraient pas à leur titulaire d’accéder aux fruits de la chose, d’une part, et ne sont point enfermés dans une borne temporaire18, d’autre part. En effet, la confection de ces droits réels innommés poursuit, manifestement, une logique d’émancipation des droits réels traditionnels et ne saurait donc raisonnablement aboutir à une transposition pure et simple de leurs traits caractéristiques. Souvent engendrés à l’occasion d’une aliénation de la chose, ces nouveaux droits réels sont généralement reconnus au propriétaire antérieur qui ne compte pas abandonner totalement les utilités essentielles de la chose. Ne pouvant se voir reconnaître dans une même convention, en sa qualité d’aliénateur, le double statut de nu-propriété-usufruitier, il emprunterait alors fort logiquement la technique de la fragmentation du droit de propriété qui justifierait aisément la création d’un droit réel spécifique. L’accroissement des propriétés fragmentées sur certaines utilités des choses corporelles est le signe, non pas d’un retour à une vision collective des choses de l’ancien régime, mais davantage d’un mouvement de réservation individuelle de ces choses19.
6. De plus, ces droits réels nouveaux n’ont pas un caractère viager et donc sont susceptibles de survivre au décès de leur titulaire20. Il en est ainsi du droit de crû et à croître21 auquel la Cour de cassation reconnaît la possibilité d’être constitué pour une durée indéterminée. À l’exception des situations où ils sont marqués du sceau de l’intuitu personae, les droits réels innommés peuvent valablement être transmissibles entre vifs ou pour cause de mort. Leur existence juridique déroge, manifestement, au caractère temporaire des démembrements du droit de propriété. La fragmentation du droit de propriété, contrairement à la technique du démembrement, justifie amplement la création d’un droit réel pour une durée supérieure à 30 ans, au profit des personnes morales, et au-delà de la durée de vie des personnes physiques. C’est dire que le temps n’est point une variable déterminante pour la confection de ces nouveaux droits réels, par le recours à la technique juridique de la fragmentation du droit de propriété. Les droits réels susceptibles d’être créés sont donc potentiellement perpétuels22, notamment lorsqu’ils sont constitués au profit d’une entité juridique23, telle qu’une société ou une fondation dont l’espérance de vie est de 99 ans. En outre, le démembrement du droit de propriété entraîne un véritable changement de nature du droit du propriétaire. Ce dernier se trouve momentanément privé de la plénitude de ses prérogatives et est désormais considéré, à juste titre, comme un nu-propriétaire. En revanche, la fragmentation du droit de propriété n’amoindrit pas le droit de propriété, dès lors que le propriétaire demeure détenteur de l’intégralité de ses prérogatives. Il s’agit en réalité davantage d’une fragmentation des prérogatives et/ou de l’assiette du droit de propriété que du droit de propriété lui-même, lequel demeure l’exclusivité de son titulaire. Au regard du caractère limitatif de la liste24 des démembrements du droit de propriété contenus dans le Code civil de Napoléon, les droits réels innommés engendrés par fragmentation du droit de propriété ne sauraient objectivement être fondus dans le moule dédié aux principaux droits réels.
B – L’indépendance réelle des prérogatives engendrées par rapport aux droits réels principaux
7. La fragmentation du droit de propriété, en tant que source de légitimation du développement de droits réels sui generis, doit être confrontée au prisme de ses institutions aux principaux droits réels. Cette confrontation conceptuelle invite à mobiliser, dans la catégorie des droits réels principaux, les institutions qui présentent le plus grand coefficient hégémonique et susceptibles de contribuer à l’articulation de règles communes. On pense, précisément, à l’usufruit et son diminutif, le droit d’usage aux fins d’habitation et aux servitudes.
8. Un rapprochement peut être fait entre les droits réels innommés et l’usufruit. Ce dernier est composé des deux attributs du droit de propriété permettant à leur titulaire usufruitier d’utiliser la chose d’autrui et d’en percevoir les fruits. Il s’agit d’un véritable démembrement du droit de propriété, en ce qu’il résulte d’une dissociation des prérogatives du propriétaire en deux ensembles distincts engendrant un rapport de coopération entre le nu-propriétaire et l’usufruitier. Cela entraîne une sorte de dépendance réciproque, dans la mesure où l’utilisation efficiente de leurs prérogatives respectives nécessite une prise en compte de la situation juridico-économique de chacune des parties. Mais, en dépit de sa relative autonomie, l’usufruitier ne peut jouir pleinement de ses prérogatives sans se référer à celle du propriétaire et inversement. Lorsque l’usufruit porte sur un corps certain, il fait peser sur l’usufruitier l’obligation de conserver la chose, afin que celle-ci soit rétrocédée au propriétaire25. Le droit de récupérer la chose reconnue au propriétaire est justifié, entre autres, par la généralité de la jouissance reconnue à l’usufruitier. Car, contrairement aux droits réels sui generis qui portent généralement sur une partie de l’assiette du droit de propriété, l’usufruit est générateur d’un droit de jouissance générale26.
9. En sus d’être un véritable droit réel, l’usufruit a un caractère temporaire. Le législateur a prévu expressément la durée maximum de ce démembrement du droit de propriété, en tenant compte principalement de la personne de son titulaire. L’usufruit consenti à une personne physique aura très souvent un caractère viager27, tandis que celui reconnu à une personne morale ne saurait légalement excéder 30 années. La propriété ainsi démembrée a vocation à être reconstituée, alors que les prérogatives octroyées au terme d’une fragmentation du droit de propriété pourraient avoir un caractère permanent. Cette permanence des droits réels innommés est subordonnée à la volonté des parties, lesquelles peuvent s’abstenir délibérément de prévoir une borne temporaire ou une durée supérieure à celle consacrée en matière d’usufruit. Avec la technique de la fragmentation du droit de propriété, le viager parvient à perdre ce caractère de pari honteux sur le décès du bénéficiaire pour s’inscrire dans le système rationnel du calcul économique28. Ce n’est que par souci d’uniformité que la Cour de cassation tentera magistralement de mobiliser la durée légale applicable à l’usufruit29 pour une transposition30 aux droits réels innommés, avant de l’abandonner31 ultérieurement. La fragmentation du droit de propriété ne saurait logiquement encourir la censure de la Cour de cassation, du fait de la création des droits réels quasi perpétuels.
10. Une assimilation peut également être faite entre les droits réels innommés et le droit d’usage et d’habitation. Au-delà du fait qu’elles portent toutes sur une chose corporelle, ces prérogatives ont pour dénominateur commun le fait de reconnaître à leur titulaire le droit d’user de la chose d’autrui. Mais, en dépit de cette convergence manifeste, ces institutions présentent une différence structurelle tant du point de vue de leur assiette que de leur finalité. Du point de vue de leur assiette, le droit d’usage et d’habitation porte exclusivement sur un bien immobilier, en l’occurrence un immeuble bâti32, tandis que les droits réels sui generis peuvent au contraire porter indistinctement sur un bien mobilier ou immobilier. Le droit d’usage et d’habitation présente donc un domaine d’application restreint, alors que celui des droits réels innommés est particulièrement large. Le droit d’usage aux fins d’habitation obéit manifestement à la technique du démembrement du droit de propriété, en ce qu’il est constitué à travers le détachement du droit d’usage des autres prérogatives du propriétaire. Il ne s’agit pas d’une fragmentation du droit de propriété qui porterait sur une portion de l’assiette du droit de propriété, mais plutôt d’un véritable démembrement du droit de propriété assis sur l’ensemble du bien appartenant à autrui. Au regard de leur finalité, les prérogatives engendrées par les droits réels innommés ont une diversité de buts, alors que le droit d’usage et d’habitation permet d’assurer le logement du bénéficiaire ainsi que celui de sa famille. Aussi, contrairement aux nouveaux droits réels, le droit d’usage aux fins d’habitation est marqué par l’intuitu personae en raison de la prééminence du statut personnel du bénéficiaire dans la constitution de ce démembrement du droit de propriété. La fragmentation du droit de propriété ne saurait être génératrice d’un droit d’usage aux fins d’habitation, lequel repose totalement sur une composante du droit de propriété et revêt généralement un caractère viager. De plus, le droit d’usage aux fins d’habitation poursuit une finalité domestique, tandis que les fragments du droit de propriété concourent principalement à l’atteinte d’un objectif professionnel33.
11. En revanche, l’exclusion des servitudes34 de la technique de la fragmentation du droit de propriété est difficilement concevable, en raison de la proximité structurelle qui caractérise ses institutions et les prérogatives découlant de cette technique juridique. S’il est vrai que les servitudes sont unanimement considérées comme l’expression d’un démembrement du droit de propriété, il n’en reste pas moins que leur constitution obéit davantage à une fragmentation des prérogatives et/ou de l’assiette du droit de propriété. En effet, le bénéficiaire d’une servitude, lui-même propriétaire d’un bien immobilier, recherche une complète satisfaction dans l’affectation de la chose, et ce, sans jamais réellement accéder aux prérogatives du propriétaire du fonds servant. L’article 637, du Code civil de 1804, définit cette institution comme étant « une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». À la lumière de cette disposition, seule une fragmentation du droit de propriété pourrait aisément justifier la création d’un droit réel portant sur une portion congrue des prérogatives du propriétaire ou de l’assiette de ce droit. On conçoit sans peine que les servitudes ne visent pas à autoriser les tiers à accéder aux utilités du bien d’autrui, mais la jouissance par autrui de sa propriété. La fragmentation du droit de propriété pourrait donc justifier l’absence d’amoindrissement du droit de propriété, lors de la naissance d’une servitude sur le bien d’autrui. Seulement, en l’absence de fonds dominant35, les droits réels sui generis ne sauraient valablement prétendre à la qualification de servitudes36. Pour l’heure, il conviendrait de rechercher les bases juridiques de cette technique particulière de création de droits réels.
II – Les fondements du concept de fragmentation du droit de propriété
12. L’introduction de la fragmentation du droit de propriété dans le jardin conceptuel du droit des biens se trouverait, assurément, justifiée au regard de l’effondrement du numerus clausus des droits réels (A) et du succès rencontré par la liberté contractuelle dans le giron du droit des biens (B).
A – L’effondrement du numerus clausus des droits réels
13. Longtemps considéré comme un îlot de stabilité du droit des biens, le numerus clausus des droits réels a subi les coups de boutoir de la pratique très encline à la confection des droits réels autres que ceux expressément prévus par le législateur de 1804. Jadis considéré comme applicable à l’ensemble des droits réels, le numerus clausus a d’abord été sectionné dans son application aux droits réels accessoires. En effet, les réformes successives du droit des sûretés ont conduit à une remise en cause de la rigidité de son application à la catégorie des garanties réelles qui se révèle favorable à l’éclosion de nouvelles institutions en son sein. Le coup de grâce du numerus clausus des droits réels principaux sera, quant à lui, l’œuvre de la jurisprudence37 qui, à travers une interprétation dynamique des dispositions de l’article 543 du Code civil de Napoléon38, finira par conclure au caractère non limitatif de cette catégorie de droits réels. À l’occasion d’une lecture prospective relative aux droits réels, Romain Boffa soutiendra, sans réserve, qu’« il n’y a définitivement pas de numerus clausus des droits réels39 ». On conçoit désormais sans peine que l’invocation d’un principe de numerus clausus des droits réels principaux résulte d’une interprétation incantatoire des dispositions de l’article 543 du Code civil de Napoléon. Néanmoins, loin d’être une pétition de principe, l’abandon du numerus clausus des droits réels principaux résonne comme une invitation au rajeunissement du droit des biens, et ce, en vue d’une meilleure prise en compte de ses mutations institutionnelles. La fragmentation du droit de propriété apparaît inévitablement comme une alternative reluisante pour l’édification d’une nouvelle typologie de droits réels principaux, dès lors qu’elle n’implique guère une diminution des prérogatives du propriétaire déjà obtenue à travers la technique du démembrement.
14. Aussi, l’effondrement du numerus clausus des droits réels principaux pourrait être considéré comme le fondement subjectif du recours à la fragmentation du droit de propriété aux fins de création des droits réels sui generis. À défaut de s’en remettre aux démembrements du droit de propriété, un propriétaire peut procéder à la fragmentation de son droit en vue de reconnaître à autrui des prérogatives particulières sur son bien. La fragmentation du droit de propriété lui offre donc un meilleur champ de possibilités, pour la confection de prérogatives adaptées à sa situation socioprofessionnelle ainsi qu’à celle de son cocontractant. Le propriétaire pourrait, par exemple, subordonner la pérennité des prérogatives octroyées à la réalisation à intervalles réguliers, par le bénéficiaire, des travaux d’entretien, l’objectif étant d’assurer la sauvegarde de son statut de propriétaire. L’idée serait qu’on ne puisse valablement créer des droits concurrents au droit de propriété, ce dernier étant l’archétype des droits réels principaux en droit privé contemporain. Mais, s’il est vrai que la technique du démembrement du droit de propriété donne incontestablement naissance à des diminutifs du droit de propriété, il va sans dire que celle de la fragmentation conduirait à l’édification des droits réels indépendants. Cette indépendance relative serait due, notamment, à l’absence d’interdépendance entre les prérogatives du propriétaire et celles reconnues aux tiers. La segmentation du droit de propriété étant d’application exclusive aux droits d’usage et de jouissance, elle ne saurait avoir pour conséquence de conduire à l’attribution complète à autrui de l’une de ces prérogatives sur la chose d’autrui. En toute hypothèse, le propriétaire n’entend pas se dépouiller d’une seule de ses prérogatives et donc ne saurait concéder qu’une parcelle de souveraineté sur son bien.
15. En outre, la négation du numerus clausus des droits réels principaux impliquait de rechercher une technique juridique justifiant la création de droits réels nouveaux. La dissociation du droit de propriété ayant pour conséquence l’amputation totale de l’une de ses composantes, la fragmentation du droit de propriété se révèle particulièrement favorable pour une application à cette nouvelle typologie de droits réels. À travers la segmentation du droit de propriété, le propriétaire conserve l’ensemble de ses prérogatives, bien que celui-ci soit indirectement contraint de répartir les utilités de son bien40. Le fragment du droit de propriété n’est point un diminutif du droit de propriété mais plutôt un ensemble de prérogatives autonomes exercées sur la chose d’autrui, comme le droit d’occuper, à des fins professionnelles, une partie d’un bâtiment en l’absence de toute contrepartie pécuniaire et/ou le droit de percevoir les fruits de l’exploitation d’un domaine dont une autre personne assure l’administration et la gestion. Le bénéficiaire d’un fragment de la propriété n’est pas semblable à un usufruitier qui peut prétendre, inconditionnellement, aux utilités économiques de la chose d’autrui. La fragmentation du droit de propriété est très souvent liée à l’activité du bénéficiaire, lequel n’a pas vocation à spéculer sur le bien d’autrui. C’est dire que l’effondrement du numerus clausus des droits réels principaux a pour finalité première de permettre l’accession d’autrui aux utilités d’une chose corporelle. Le partage des utilités de la chose, par la fragmentation du droit de propriété, n’est objectivement envisageable qu’en vertu de la règle de la liberté contractuelle.
B – Le triomphe de la liberté contractuelle en droit des biens
16. Derrière le conflit virtuel qui oppose le droit des biens au droit des obligations, en raison d’une opposition traditionnelle du droit patrimonial entre droit réel et droit personnel, les deux disciplines entretiennent plutôt des rapports cordiaux du fait de leur imbrication dans la construction des mécanismes juridiques qui organisent les rapports interpersonnels. Véritable principe directeur du droit privé contemporain, la liberté contractuelle apparaît comme l’outil permettant de naviguer dans les eaux calmes et paisibles de ces deux champs disciplinaires. En effet, c’est au nom de la liberté contractuelle que tout propriétaire devrait, en principe, autoriser à autrui l’accession aux utilités de son bien. En matière de propriété, la règle demeure que l’accession aux utilités de la chose d’autrui devrait résulter d’une acceptation du propriétaire. Le propriétaire en qualité de maître et possesseur de la chose dispose, en l’espèce, de la liberté du choix de son cocontractant ainsi que de la destination de la chose. Même lorsqu’ils émanent de la volonté de l’autorité judiciaire, les droits réels principaux ne sauraient avoir pour effet d’intimer au propriétaire une ligne de conduite dans l’emploi de son bien. Celui-ci peut proprio motu mettre un terme à la relation juridique nouvellement créée, et ce, en procédant à l’aliénation de la chose objet du droit de propriété.
17. Aussi, la liberté contractuelle a-t-elle pour incidence de permettre au propriétaire de constituer de nouveaux droits réels sur son bien. Renonçant ainsi au démembrement et à l’aliénation de son droit de propriété, celui-ci pourrait emprunter la voie médiane de la fragmentation de ses prérogatives. La fragmentation du droit de propriété se révèle comme une alternative reluisante, pour la sauvegarde par le propriétaire de sa toute-puissance. Ici, la propriété n’est pas amoindrie mais simplement redéfinie, en l’occurrence du point de vue de son assiette. Une telle opération ne peut être lancée que sur le fondement de la liberté reconnue au propriétaire dans la gestion de son patrimoine. En effet, seule la volonté contractuelle permet d’accorder à autrui un droit réel original sur la chose, par fractionnement des prérogatives du propriétaire sur son bien ou une réduction de l’assiette du droit de propriété41. Dès lors qu’elle ne conduit pas à une contrariété aux règles d’ordre public42, la liberté contractuelle favorise pour le propriétaire une utilisation optimale de ses prérogatives. Le triomphe de la liberté contractuelle dans le domaine des droits réels principaux trouverait, assurément, dans la technique de la fragmentation du droit de propriété un terrain fertile pour son implantation. De plus, le recours à la technique de la fragmentation du droit de propriété permettra au propriétaire d’aménager librement les prérogatives qu’il entend reconnaître à autrui. Il s’agira généralement d’une modification des institutions préexistantes, dans l’optique de les rendre plus favorables pour le propriétaire. La liberté contractuelle autoriserait au propriétaire de faire montre d’inventivité et de s’affranchir des catégories préexistantes. Par la fragmentation du droit de propriété, le génie créatif se trouve désormais restauré, aux fins d’une organisation efficiente des prérogatives du propriétaire sur son bien.
18. En outre, la fragmentation du droit de propriété apparaît comme une manifestation de la liberté contractuelle en droit des biens. La création de nouveaux droits réels requiert impérativement la mobilisation d’une technique juridique consolidant cette finalité. En vertu de la liberté contractuelle, le propriétaire peut procéder à la fragmentation de ses prérogatives dans l’optique de constituer des droits réels spécifiques. La fragmentation des prérogatives du propriétaire sur son bien constituerait une technique juridique, pour la création de droits subjectifs au bénéfice d’autrui. La liberté contractuelle implique le consentement express du propriétaire, dans l’acte juridique constitutif de la fragmentation de son droit. Le bénéficiaire éventuel du fragment de propriété doit lui, également, souscrire délibérément à la relation juridique ainsi créée. Néanmoins, la liberté des parties ne saurait prévaloir sur le formalisme exigé pour la constitution de droits réels sur certains biens, en l’occurrence ceux de nature immobilière. L’opposabilité erga omnes des prérogatives relatives aux biens immobiliers étant subordonnée à l’inscription des droits institués au registre de la publicité foncière43, les parties devront, à l’occasion de la fragmentation du droit de propriété portant sur un bien immobilier, satisfaire à cet impératif. Ce formalisme informatif vise, entre autres, à protéger les tiers de tout acte juridique susceptible de porter atteinte à leur droit. La sécurité juridique ne saurait être sacrifiée sur l’autel du libéralisme économique, pour l’habilitation de la technique de la fragmentation du droit de propriété. C’est dire que, sous couvert de la liberté, les parties ne sauraient se soustraire impunément à l’ordre public des biens par un usage malicieux de la fragmentation des prérogatives du propriétaire car une telle démarche est de nature à compromettre la viabilité économique de la relation juridique édifiée au moyen d’une fragmentation des prérogatives du propriétaire.
19. Vestige de la révolution de 1789, le droit civil des biens traverse une crise sans précédent. Cette crise structurelle est notamment occasionnée par la vétusté de ses institutions qui ne parviennent guère à rendre compte du phénomène de l’innommé qui déferle sur cette discipline du droit privé. Pour faire face à cette situation, il convient de procéder à une refonte de cette discipline, à travers un renouvellement des concepts qui l’organisent. Marqué du sceau de la liberté contractuelle, le concept de fragmentation du droit de propriété pourrait constituer un outil intellectuel permettant de pallier l’incomplétude du concept de démembrement sur l’appréhension des droits réels atypiques. Cet outil intellectuel traduit, amplement, le choix fait par les praticiens de sacrifier la technique juridique sur l’autel du libéralisme au nom de l’utilité économique. Le rajeunissement du droit des biens requiert, indubitablement, l’instauration des instruments juridiques prenant en compte aussi bien la dimension matérielle que la dimension économique du droit civil des biens. Dans cette entreprise de rajeunissement du droit des biens, la fragmentation du droit de propriété pourrait obtenir la part belle, si jamais elle parvient à évoluer dans le Code civil.
Notes de bas de pages
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1.
Pour les professeurs Zenati-Castaing et Revet, la propriété est une notion cardinale du droit et constitue la technique de base du droit des biens (F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, 3e éd., 2008, PUF, Droit fondamental, p. 257).
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2.
L. Leveneur et S. Mazeaud-Leveneur, Droit des biens. Le droit de propriété et ses démembrements, 2021, LexisNexis, p. 49.
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3.
P. Chauvire, « Quel avenir pour la propriété ? », in R. Boffa (dir.), Acte du Colloque organisé à Lille le 7 mars 2014, 2016, LGDJ, p. 63 à 81, spéc. p. 77.
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4.
J.-L. Bergel, M. Bruschi et S. Cimamonti, in J. Ghestin (dir.), Les biens, 2000, LGDJ, Traité de Droit civil, p. 253.
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5.
W. Dross, « Une approche structurale de la propriété », RTD civ. 2012, p. 419. Cet auteur soutient que la technique du démembrement de la propriété est impropre à rendre compte de certaines institutions du droit des biens comme l’usufruit. Ce constat est particulièrement vrai pour les droits réels sui generis.
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6.
G. Cornu (dir.), Vocabulaire Juridique, 14e éd., 2022, PUF, v° Démembrement.
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7.
P. Robert, in A. Rey (dir.), Le Petit Robert, 2017, p. 1092. Au titre d’une précision idéelle, la fragmentation désigne l’action de fragmenter, fait de se fragmenter, c’est-à-dire de partager, de séparer en fragments.
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8.
Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16304 : D. 2012, p. 2596, obs. A. Tadros ; D. 2013, p. 53, note L. d’Avout et B. Mallet-Bricout ; D. 2013, Pan., obs. N. Reboul-Maupin ; AJDI 2013, p. 540, obs. F. Cohet-Cordey ; RDI 2013, p. 80, obs. J.-L. Bergel ; JCP G 2012, 1400, note F.-X. Testu ; JCP G 2013, 627, obs. J.-B. Seube ; LPA 29 oct. 2013, p. 10, note N. Thomassin ; RTD civ. 2013, p. 12, obs. E. Agostini ; RDC avr. 2013, p. 584, note R. Libchaber ; RTDI 2014/1, p. 11, note M. Painchaux.
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9.
L. d’Avout, « De l’autonomie, de la durée et des causes d’extinction des droits réels de jouissance spéciale », D. 2007, p. 134.
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10.
D. Mazeaud, « L’avenir du droit des biens : rapport introductif », in Acte du Colloque organisé à Lille le 7 mars 2014, 2016, LGDJ, p. 5 à 13, spéc. p. 9.
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11.
J. Arlettaz, « La fragmentation de la souveraineté », in J. Arlettaz et R. Tiniere (dir.), Fragmentation en droit-Fragmentation du droit, 2014, L’Epitoge, L’unité du droit, p. 35 à 41, spéc. p. 36. Pour cette auteure, par analogie à la notion de souveraineté, par la fragmentation seule une répartition de compétence en différentes matières est pensable, tandis qu’une répartition de degrés de puissance est un horizon inatteignable.
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12.
J.-L. Bergel, M. Bruschi et S. Cimamonti, in J. Ghestin (dir.), Les biens, 3e éd., 2019, LGDJ, Traité de Droit civil, p. 309, EAN : 9782275038797.
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13.
V. Streiff, « Les nouveaux droits réels : évolution ou révolution », Dr. & patr. 2016, n° 258, p. 1 à 5, spéc. p. 1.
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14.
Pour F. Zenati-Castaing, la propriété est la clé des rapports de droit privé. V. F. Zenati-Castaing, « La propriété, mécanisme fondamental du droit », RTD civ. 2006, p. 445.
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15.
G. Lardeux, « Qu’est-ce que la propriété ? Réponse de la jurisprudence récente éclairée par l’histoire », RTD civ. 2013, p. 741 ; J.-P. Chazal, « La propriété : dogme ou instrument politique ? Ou comment la doctrine s’interdit de penser le réel », RTD civ. 2014, p. 763.
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16.
W. Dross, « Que l’article 544 du Code civil nous dit-il de la propriété ? », RTD civ. 2015, p. 27.
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17.
On pense, notamment, aux droits réels de jouissance spéciale admis par la Cour de cassation, respectivement dans les affaires Maison de la poésie et Grand Roc. Dans ces affaires, les droits réels sui generis consistaient à exclure de la vente la jouissance du deuxième étage d’un immeuble réservé exclusivement à l’association Maison de la poésie, d’une part, et à assurer les frais de fonctionnement de la piscine attachée à un lot de copropriété et à autoriser son accès gratuit aux copropriétaires, d’autre part. V. Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16304 – Cass. 3e civ., 7 juin 2018, n° 17-17240.
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18.
Sur la perpétuité des droits réels sui generis, W. Dross, « L’ordre public permet-il que soit créé un droit réel perpétuel ? », RTD civ. 2013, p. 141 ; C. Drouiller, « Perpétuité et droits réels de jouissance spéciale au regard de l’ordre public », AJ Contrat 2019, p. 170 ; N. Kilgus, « Le droit réel sui generis : plaidoyer pour une utilisation décomplexée et raisonnée », RTD civ. 2022, p. 515.
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19.
P. Chauvire, « Quel avenir pour les droits réels ? », in R. Boffa (dir.), Acte du Colloque organisé à Lille le 7 mars 2014, 2016, LGDJ, p. 83 à 94, spéc. p. 93.
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20.
J.-L. Bergel, « Droits réels de jouissance et valorisation des biens : les propositions de réforme du droit des biens », in Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Mouralis, 2011, PUAM, Aix-en-Provence, p. 19 et s., spéc. p. 25.
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21.
Cass. 3e civ., 23 mai 2012, n° 11-13202 : Bull. civ. III, n° 84. Pour les hauts magistrats, le droit de crû et à croître est une prérogative consistant en un droit d’exploiter des arbres situés sur le sol d’un fonds appartenant à un tiers et qui ne s’éteint pas par le non-usage trentenaire.
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22.
T. Genicon, « L’ordre public des biens et les servitudes : réflexions sur les incidences du droit de jouissance spéciale », in L. Andreu (dir.), La liberté contractuelle et droits réels, 2005, Institut universitaire Varenne, Colloques & Essais, p. 109 à 131, spéc. p. 118.
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23.
Après une hésitation en 2015, la Cour régulatrice semble favorable depuis 2018 à la constitution d’un droit réel innommé quasi perpétuel. V. Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 14-10013 : AJDI 2015, p. 304, obs. N. Le Rudulier ; D. 2015, p. 599, note B. Mallet-Bricout ; GPL 17 juill. 2018, n° GPL325r1, note F. Vern ; JCP 2015, p. 252, note T. Revet ; LPA 22 août 2018, p. 10, obs. J.-F. Barbiéri ; RDC juin 2015, n° RDC111y1, obs. R. Boffa ; RDI 2015, p. 175, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 2015, p. 413, obs. W. Dross – Cass. 3e civ., 7 juin 2018, n° 17-17240 : AJDI 2019, p. 216, obs. D. Tomasin ; D. 2018, p. 1577, note F. Masson ; D. 2018, p. 1772, obs. L. Neyret et N. Reboul-Maupin ; RDI 2018, p. 448, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 2018, p. 712, obs. W. Dross.
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24.
A. C. de Beaupre, Droit des Biens, 2011, Vuibert, Dyna’Sup droit, p. 11.
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25.
V., en ce sens, C. civ., art. 587 à 589.
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26.
C. civ., art. 578.
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27.
Le testament est un mode très fréquemment utilisé pour l’établissement de l’usufruit. Un legs d’usufruit permet, par exemple, d’assurer au bénéficiaire des ressources viagères sans pour autant déposséder définitivement les héritiers légaux, conformément aux articles 913 et 917 du Code civil. V. Cass. 1re civ., 19 mars 1991, n° 89-17094 : Bull. civ. I, n° 100 ; D. 1992, p. 229, obs. B. Vareille ; RTD civ. 1992, p. 162, obs. J. Patarin.
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28.
F. Drosso, « Le viager ou les ambiguïtés du droit de propriété dans les travaux préparatoires du Code civil », Droit et société 2011, n° 49, p. 895 à 911, spéc. p. 910.
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29.
C. civ., art. 619 : « L’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers, ne dure que trente ans ».
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30.
Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16304 : D. 2012, p. 2596, obs. A. Tadros.
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31.
Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 14-26953 : D. 2017, p. 134, note L. d’Avout et B. Mallet-Bricout.
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32.
L. n° 65-557, 10 juill. 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
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33.
La spécificité des droits réels sui generis repose non pas uniquement sur leur assiette mais davantage sur leur affectation. Il en serait ainsi, par exemple, des parents qui décideraient de confier l’administration et la gestion d’un domaine à leurs enfants, tout en se réservant le droit de percevoir les fruits, et ce, pendant le restant de leurs jours. Une telle opération n’est pas réalisable avec la technique du démembrement, laquelle attribue à l’usufruitier les fruits de l’exploitation.
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34.
C. Atias, Droit Civil. Les biens, 12e éd., 2014, LexisNexis, p. 192. Selon cet auteur, « la servitude désigne un lien complémentaire institué entre des fonds distincts ».
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35.
On constate une servitude lorsque le service profite au fonds dominant ou à l’exploitation ou au fonds de commerce qui s’y trouve. Il en est ainsi, par exemple, du propriétaire d’une verrerie ayant le droit de prendre dans une mine voisine le charbon nécessaire à son industrie. Cass. 1re civ., 9 janv. 1901 : DP 1901, 1, p. 450.
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36.
C’est cette position qui a été adoptée par la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 mars 1992. Dans cette affaire, la haute juridiction soutiendra, pour écarter la qualification de servitude, que le droit de seconde herbe représente une charge pour le fonds sur lequel s’exerce ce droit, profitant seulement aux habitants d’une entité territoriale et l’exercice de ce droit n’implique pas d’être propriétaire foncier à l’endroit considéré. Cass. 3e civ., 25 mars 1992, n° 89-21866 : Bull. civ. III, n° 106.
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37.
F. Terre & P. Simler, Droit Civil. Les biens, 10e éd., 2018, Dalloz, p. 772. Pour ces auteurs, l’arrêt Maison de la Poésie a mis fin définitivement au mythe du numerus clausus des droits réels.
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38.
C. civ., art. 543 : « On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre ».
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39.
P. Chauvire, « Quel avenir pour les droits réels ? », in R. Boffa (dir.), Acte du Colloque organisé à Lille le 7 mars 2014, 2016, LGDJ, p. 84 à 85.
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40.
C. Atias, Droit Civil. Les biens, 12e éd., 2014, LexisNexis, p. 1.
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41.
C. Larroumet et B. Mallet-Bricout, Traité de Droit Civil, 6e éd., 2019, Economica, p. 343.
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42.
T. Genicon, « L’ordre public des biens et les servitudes : réflexions sur les incidences du droit de jouissance spéciale », in L. Andreu (dir.), La liberté contractuelle et droits réels, 2005, Institut universitaire Varenne, Colloques & Essais, p. 118. Pour cet auteur, la notion d’ordre public en droit civil des biens « renvoie aux règles impératives du statut des biens et plus exactement à celles des règles qui organisent les modes d’allocation des utilités d’un bien aux personnes ».
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43.
L’article 28, 2°, du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière, précise clairement que sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles « les actes entre vifs dressés distinctement pour constater des clauses d’inaliénabilité temporaire et toutes autres restrictions au droit de disposer ».
Référence : AJU008z7