Le bail réel solidaire : la reconnaissance de l’emphytéose rechargeable

Publié le 22/11/2016

La thématique de la modernisation du rapport à la propriété est plus que jamais d’actualité, en particulier dans le domaine de la valorisation de l’utilisation de l’immeuble : parfois à visée patrimoniale, désormais avec un but social certain, les mécanismes juridiques permettant la dissociation du foncier et du bâti se voient complétés par le législateur, lequel vient d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice moderniste de l’accession à la propriété : le bail réel solidaire.

1. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques envisageait, dans son article 94, la création d’un « contrat de bail de longue durée, dénommé “bail réel solidaire”, par lequel un organisme de foncier solidaire (…) consent à un preneur (…) des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements ».

2. L’ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016 relative au bail réel solidaire1 vient compléter cette loi et indiquer les dispositions de ce nouveau bail à long terme. Modifiant le titre V du livre II du Code de la construction et de l’habitation, ladite ordonnance crée un chapitre V intitulé : « Bail réel solidaire », codifiant ce dernier aux articles L. 255-1 à L. 255-19 du Code de la construction et de l’habitation et le définissant comme « le bail par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur, dans les conditions prévues à l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme et pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements, avec s’il y a lieu obligation pour ce dernier de construire ou réhabiliter des constructions existantes », ces logements devant, « pendant toute la durée du contrat, à être occupés à titre de résidence principale »2.

Toute la finalité du nouveau bail réel solidaire réside dans l’article qui le définit : le but de cette « dissociation de la propriété du foncier (ou du bâti ancien) et d’un droit réel octroyé à un preneur »3 sera de permettre l’accession à la propriété (du moins la propriété des constructions établies grâce à la titularité du droit réel) aux ménages les plus modestes, puisque cette accession reposera sur des critères sociaux liés aux ressources (plafonnées) du preneur4.

3. Le bail réel solidaire a déjà été commenté et décrit à plusieurs reprises5. Aussi, au regard de sa nature, il apparaît intéressant de faire le rapprochement avec deux autres mécanismes légaux : si, au moment de sa conclusion, il est possible de le rapprocher du bail à construction, sa transmission devra, quant à elle, être comparée à celle d’un bail emphytéotique particulier, dont la particularité, outre le fait d’être conditionnée, sera d’être rechargeable. Nous verrons également que le bail réel solidaire est loin d’être une invention du législateur français puisqu’il se rapproche de différents mécanismes existants à l’étranger, notamment des Community Land Trust.

I – Une « accession artificielle » à la propriété immobilière

La valorisation du bien immobilier en droit privé se conçoit, concernant le bailleur, par la valorisation de l’utilisation de son bien immeuble (ou de son droit lorsqu’il s’agit d’usufruit notamment), laquelle prendra dans la majeure partie des cas la forme de la location.

En effet, lorsqu’il s’agit de valoriser l’utilisation d’un bien et que le propriétaire n’est pas disposé à en jouir lui-même, la jouissance par un tiers moyennant le paiement d’une redevance, d’une indemnité ou d’un loyer s’avère être la méthode la plus efficace d’en valoriser l’utilisation : ces mécanismes oscillent entre gestion des biens et gestion du patrimoine.

Le preneur peut alors jouir des biens et valoriser l’usage qu’il pourra en faire en vertu des droits que lui a accordés le propriétaire sans pour autant en détenir la propriété.

La symbolique est néanmoins différente pour ce qui concerne le bail réel solidaire : son but n’est pas de valoriser l’utilisation d’un bien immobilier pour le compte de son propriétaire, mais plutôt de tirer partie de la dissociation du foncier et du bâti dans un but social ; il ne s’agit alors pas de valorisation patrimoniale, mais bien d’optimisation sociale de l’utilité de l’immeuble6 afin de favoriser « l’accession artificielle »7 à la propriété immobilière.

A – Un outil supplémentaire pour favoriser l’accession à la propriété

1. Dans la lignée du BRILO. Dès 2014, l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire8, introduisant la notion de bail réel immobilier dans le paysage juridique de l’exploitation du foncier, présageait de la dichotomie qui va désormais s’avérer être une composante de l’exploitation du foncier : distinguer l’utilité de la propriété du bien immobilier. Régi par les articles L. 254-1 à L. 254-9 du Code de la construction et de l’habitation, le BRILO9 est un bail réel immobilier dont la finalité s’avère résolument sociale : les locataires, qui doivent occuper le bien à titre de résidence principale, sont ainsi concernés par des plafonds de ressources10. Les loyers ou le cas échéant le prix de revente sont également plafonnés11 : cette volonté du législateur d’imposer des plafonnements « vise donc à assurer le respect tout au long du bail réel immobilier du caractère intermédiaire des logements afin de garantir un accès à un coût maîtrisé à ces logements »12.

2. Le BRILO et le bail réel solidaire semblent porter sur les mêmes objectifs ; à cette différence que le BRILO vise en particulier les logements intermédiaires. C’est pourquoi, le législateur conditionne ce dernier tant à des plafonds qu’à des minima de ressources13 : ce faisant, il cible directement les ménages, ou plus généralement les preneurs, issus des classes sociales intermédiaires14.

3. Une visée plus sociale. Le bail réel solidaire a, quant à lui, une vision sociale beaucoup plus prononcée que celle du BRILO puisqu’il ne vise plus les logements intermédiaires, mais les logements destinés à l’habitation principale des ménages modestes15.

Cette vision sociale transparaît d’autant plus lorsque l’on s’intéresse à l’organisme demeurant propriétaire du foncier16. En ce sens, ce nouveau bail à long terme, s’il possède une nature hybride comparable à celle du BRILO, demeure néanmoins particulier eu égard aux conditions qui pèsent sur sa conclusion : le législateur a donc choisi de « créer un bail d’un type nouveau » afin « de constituer un parc pérenne d’accession à la propriété ou à la location de ménages modestes, sous plafond de ressource et de loyer ou de prix le cas échéant »17.

1 – Le rôle des organismes fonciers solidaires

1. L’article 329-1, alinéa 1er du Code de l’urbanisme définit les organismes de foncier solidaire comme « des organismes sans but lucratif agréés par le représentant de l’État dans la région, qui, pour tout ou partie de leur activité, ont pour objet d’acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs »18.

2. Un organisme à but non lucratif. L’organisme de foncier solidaire sera le propriétaire du foncier donné à bail au titre du bail réel solidaire. Sa nature même présuppose de la finalité du bail réel solidaire : il se définit en effet comme un organisme à but non lucratif19, qualification prenant un sens particulier au regard de la mission sociale pour laquelle ces organismes ont été créés20 : le but du législateur s’avère donc de permettre non pas la valorisation de l’immeuble, mais bien son optimisation, dans une finalité sociale21, à travers la dissociation du foncier et du bâti. Le décret n° 2016-1215 du 12 septembre 2016 relatif aux organismes de foncier solidaire précise que des personnes morales « de droit public ou de droit privé »22 pourront prétendre au statut d’organisme de foncier solidaire si elles sont « en mesure de garantir la pérennité des baux accordés dans le cadre de l’exercice de cette activité »23, ce statut étant déterminant pour pouvoir être agréé comme l’exige l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme24.

La mission principale de ces personnes morales sera nécessairement celle définie par l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme25, c’est-à-dire devenir un « nouvel acteur foncier dont l’objet est notamment de constituer un parc pérenne d’accession à la propriété ou à la location de ménages modestes »26. L’article R. 329-3 du même code vient quant à lui préciser les conditions que devra respecter l’organisme de foncier solidaire, à savoir : « Son objet est autre que le partage des bénéfices – sa gouvernance est définie et organisée par les statuts dans ce but – sa gestion est conforme aux principes suivants : les bénéfices réalisés sont entièrement affectés au maintien ou au développement de l’activité de l’organisme ; les réserves financières obligatoires constituées ne peuvent pas être distribuées. Elles sont consacrées exclusivement à l’activité de gestion des baux réels solidaires signés par l’organisme ou au développement de cette activité. Les recettes générées par cette activité y sont entièrement affectées, y compris les produits de cessions ».

Le législateur a ainsi confié la formation et la gestion du bail réel solidaire à des structures spécialement dédiées27 à la mise en place et au fonctionnement des baux réels sociaux avec une dimension sociale certaine ; en vertu de l’article L. 254-1 du Code la construction et de l’habitation et de l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme, lesdits organismes seront également en mesure de conclure notamment des baux réels immobiliers relatifs au logement. Par conséquent, l’organisme de foncier solidaire devient le pilier central de l’organisation du bail réel à finalité sociale tant dans son statut que dans sa mission28.

3. La nature hybride du bail réel solidaire. La présence d’un organisme à but non lucratif détenteur de la propriété du foncier permet de distinguer le bail réel solidaire des autres types de baux conférant un droit réel immobilier de jouissance tel que le bail à construction ou le bail emphytéotique, dans lesquels la qualité du bailleur n’avait pas d’incidence sur la validité du bail29. De manière générale, la nature hybride du bail réel solidaire repose tant sur la qualité du bailleur que sur la finalité poursuivie : le bail à construction et le bail emphytéotique ne sauraient valablement limiter le preneur dans l’utilisation qu’il pourra faire du bien30, et ne pourraient pas définir un profil de preneur autorisé à conclure le bail31.

2 – Une conclusion du bail conditionnée

1. Des conditions de ressources. L’article L. 255-1, alinéa 1er du Code de la construction et de l’habitation impose des conditions à la conclusion du bail réel : le bail réel solidaire est le bail consenti par un organisme de foncier solidaire au profit d’un preneur dans les conditions de l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme, c’est-à-dire « sous des conditions de plafond de ressources, de loyers et, le cas échéant, de prix de cession ». L’article L. 255-2, alinéa 1er précise quant à lui que « les plafonds de prix de cession des droits réels et de ressources du preneur sont fixés par décret en Conseil d’État », mais l’alinéa 2 dudit article vient poser une exception à cette fixation des seuils par décret en précisant que « l’organisme de foncier solidaire peut, en fonction de ses objectifs et des caractéristiques de chaque opération, appliquer des seuils inférieurs », renforçant le rôle que devra jouer, au sein du phénomène de l’accession sociale à la propriété, ledit organisme.

2. Des conditions d’usage. L’article L. 255-1, alinéa 2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit une condition à la conclusion du bail réel solidaire liée à la nature de l’occupation des biens loués : il précise en effet que ces derniers « sont destinés, pendant toute la durée du contrat, à être occupés à titre de résidence principale ».

Cependant, à la lecture de l’article précité, il apparaît que cette notion de résidence principale s’appliquera à l’occupant du logement et non systématiquement au preneur lui-même32. Pour bien comprendre cette différence instituée par le législateur entre le preneur et l’occupant (locataire ou propriétaire du logement), il convient de se référer aux dispositions des articles L. 255-2, alinéa 1er et L. 255-3, alinéa 1er (et L. 255-4, alinéa 1er) du Code de la construction et de l’habitation : le premier article indique que « le bail réel solidaire peut être consenti à un preneur qui occupe le logement », tandis que le second article précise que ledit bail pourra « être consenti à un opérateur qui, le cas échéant, construit ou réhabilite des logements »33.

B – Un « bail à construction » à finalité sociale ?

La comparaison entre le bail à construction34 et le bail réel solidaire repose sur leur but commun au moment de leur conclusion. L’utilisation de guillemets dans le titre est importante. En aucun cas le régime de ces baux ne saurait être analysé de la même manière : mais le point commun de ces deux mécanismes réside dans l’obligation de construire ou de réhabiliter qui peut peser, lorsqu’elle est inscrite dans le contrat, sur le preneur.

1 – La finalité du bail à construction

Le bail à construction (mais également le bail à réhabilitation des articles L. 252-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, lorsque l’on compare la formation du bail réel solidaire avec d’autres baux de longue durée) fait peser sur le preneur une véritable obligation de construire et d’entretenir les constructions édifiées pendant le bail, limitant ainsi ses possibilités d’utiliser le bien loué35. Tout comme le bail réel solidaire, il confère au preneur un droit réel cessible ou hypothécable36 et doit nécessairement porter sur une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans37.

L’édification des constructions n’est alors « pas une simple faculté »38, et la qualité du preneur n’est pas limitée par le législateur : toute l’idéologie (et donc la finalité) du bail à construction réside donc dans cette obligation de construire pesant sur le preneur, sans que la mission de ce dernier puisse être limitée. L’obligation principale du preneur, outre la construction, sera en outre de conserver ces dernières « en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail »39.

2 – La finalité du bail réel solidaire

Le bail réel solidaire a pour but de permettre l’accession à la propriété pour les personnes ou les familles les plus modestes : en dissociant le coût du foncier du coût du bâti, le législateur a souhaité diminuer le prix d’achat de logements, mais également réguler les prix de revente.

1. À la différence du bail à construction, le bail réel solidaire ne prévoit pas systématiquement une obligation de construire à la charge du preneur. En réalisant un savant mélange entre le bail à construction et le bail à réhabilitation, l’article L. 255-1 du Code de la construction et de l’habitation indique en effet que ce bail a pour but premier de consentir au preneur des droits réels « en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements »40, avec, le cas échéant, « obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes »41. Ce que l’article L. 255-7, alinéa 1er du même code confirme en précisant que « le bail réel solidaire oblige, s’il y a lieu, le preneur à effectuer des travaux de construction ou de réhabilitation ».

2. Il convient néanmoins de préciser nos propos sur cette distinction : le bail réel solidaire ne prévoit pas systématiquement d’obligation de construire, car sa rédaction envisage, ainsi que nous l’avons étudié précédemment, deux situations différentes. Dans le cas où le preneur affectera directement les droits qu’il tire du bail à sa résidence principale, l’obligation de construire n’aura de sens que si le logement n’est pas déjà construit. L’obligation de construire sera en réalité (presque) pleinement effective42 lorsque le bail aura été conclu au profit d’un opérateur qui prendra la responsabilité de procéder à ces constructions ou réhabilitations.

L’obligation de construire dépendra donc tant de la nature du preneur que de la nature de la construction envisagée ou réalisée en vertu du droit réel conféré par le bail.

3. La qualité de preneur, hors le cas de l’opérateur, doit être conjuguée avec les dispositions de l’article L. 255-9 du Code de la construction et de l’habitation afin de mieux percevoir la finalité du bail réel solidaire. Si l’on s’arrête à la qualification de preneur, l’intérêt d’un tel bail eu égard à la qualité de locataire au titre de la loi du 6 juillet 1989 semble tout d’abord limité : mais le fait que le droit conféré au preneur soit un droit réel permet de mieux visualiser la finalité sociale du bail réel solidaire et la volonté du législateur de « constituer un parc pérenne d’accession à la propriété ou à la location de ménages modestes ». Ainsi, le droit du preneur pourra être saisi, les parties pouvant « librement convenir de la date d’échéance des sûretés qu’elles constituent » : ce droit pourra être grevé de sûretés. Cette possibilité est néanmoins nécessaire au regard de la potentielle obligation de construire pesant sur le preneur : ce dernier doit en effet, en échange du financement de l’opération, être en mesure d’offrir une contrepartie en échange43.

II – Une modernisation du rapport à la propriété

Dans son fonctionnement, le bail réel solidaire pourrait être considéré comme une emphytéose rechargeable. Bien évidemment, le terme emphytéose doit être perçu comme une illustration puisqu’en aucun cas le bail réel solidaire ne saurait être confondu avec le bail emphytéotique. Pas de confusion. Mais une comparaison : cette dernière devient envisageable, car l’analogie que permet l’étude comparée de ces deux mécanismes révèle des similarités et des différences flagrantes. Si ces deux baux, constituant des droits réels, peuvent faire l’objet d’une transmission (à titre gratuit, à cause de mort ou à titre onéreux), la délicate question du temps restant à courir sur le bail transmis diffère singulièrement.

A – Une « emphytéose » rechargeable, mais conditionnée

Comme tout droit réel, le bail réel solidaire se doit d’être transmissible : sa nature même suppose en effet, sur le modèle des baux à construction ou emphytéotiques, que le preneur puisse céder son droit. Mais à la différence de ces deux types de baux, le bail réel solidaire subordonne la cession de son droit par le preneur à des conditions de ressources similaires à celles exigées pour sa conclusion, mais également à un agrément du cessionnaire par l’organisme propriétaire du foncier.

Comme pour l’analogie avec le bail à construction exposée plus avant, l’utilisation de guillemets dans le titre est importante : bien que les régimes de ces deux baux soient semblables, ainsi que nous le verrons plus après, leurs finalités et leurs régimes respectifs ne permettent qu’une comparaison afin de mieux comprendre comment fonctionne le bail réel solidaire.

1 – La possibilité de transférer la titularité du droit réel

Il est nécessaire ici de faire la différence entre les notions de possibilité et de liberté : dans l’emphytéose, le preneur peut librement transmettre son bail sans que le bailleur puisse s’y opposer.

Dans le bail réel solidaire néanmoins, la transmission du droit réel relèvera plus de la possibilité que de la liberté eu égard aux restrictions pesant sur cette dernière, étant ici visée en particulier l’agrément préalable du cessionnaire par le bailleur44 : si sur le principe, le bail réel solidaire est transmissible, il convient de préciser qu’il ne l’est pas librement.

1. Dans le bail emphytéotique. Les débats doctrinaux quant à la qualification de l’emphytéose sont nombreux, mais reflètent l’ambivalence sous-jacente que provoque l’attribution de droits réels (non pas illimités, mais plutôt sans limites imposées par le propriétaire) au profit du preneur. La jurisprudence retient comme élément déterminant de la qualification du bail emphytéotique la volonté du propriétaire de constituer un droit réel au profit du preneur, estimant que le bail devra revêtir « toutes les caractéristiques de l’emphytéose, que sa durée [soit] supérieure à dix-huit ans, que le montant du loyer [soit] peu élevé et que le preneur se [voit] conférer les droits réels »45. Ainsi, le droit réel de l’emphytéote, bien qu’il puisse parfois être qualifié de « droit réel principal démembré du droit de propriété »46, doit être différencié du droit de propriété en ce sens que pour l’article L. 451-10 du Code rural, « l’emphytéote profite du droit d’accession pendant la durée de l’emphytéose ».

1.1. À l’extinction du bail, le preneur se verra transférer la propriété des biens construits sur l’immeuble loué (ou bénéficiera des améliorations apportées aux biens existants47). Dès lors, pendant toute la durée du bail, le preneur se comportera comme le véritable propriétaire du bien, puisqu’aucune limite quant à l’usage ou la jouissance de ce dernier ne peut être insérée dans l’emphytéose sans encourir une requalification de cette dernière48. Par limite, la jurisprudence entend aussi bien une interdiction stricte pour le preneur de réaliser certains travaux que l’obligation pour ce dernier d’obtenir l’autorisation du propriétaire avant la réalisation de modifications sur le bien objet du bail49.

1.2. Les articles L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime et L. 251-3 du Code de la construction et de l’habitation offrent la faculté au preneur de pouvoir céder son bail, bien que la cession soit limitée à la durée du bail. La Cour de cassation a retenu à plusieurs reprises que toute clause limitant ou empêchant le preneur de pouvoir céder son droit entraînait une requalification du bail, ce pouvoir devant être apprécié comme « une caractéristique essentielle de l’emphytéose »50.

Le bailleur pourra également céder son droit de propriété sur l’immeuble objet du bail : le bail emphytéotique n’affecte en effet que l’utilisation du bien, mais ne modifie en rien la capacité du propriétaire du fonds de pouvoir céder ce dernier. La valeur de cession devra néanmoins prendre en compte la nature de l’utilisation qui est faite par le preneur ainsi que la durée restant à courir sur le bail.

1.3. La sous-location du bail par le preneur au profit d’un tiers est également un aspect intéressant de l’emphytéose, puisque le bailleur ne pourra valablement s’y opposer51 ou se prévaloir d’une clause de solidarité entre le preneur et le sous-locataire52, sans toutefois que les prérogatives de ce dernier ne puissent excéder celles du preneur53, à l’exception des dispositions d’ordre public qui demeurent néanmoins opposables au bailleur54.

2. Dans le bail réel solidaire. Le régime est radicalement différent de celui du bail emphytéotique : si effectivement le preneur du bail réel solidaire peut céder ou transmettre son droit, il ne pourra le faire librement. L’impossibilité de le sous-louer se déduit des dispositions des articles L. 255-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

En réponse à la finalité sociale du bail réel solidaire, il apparaît normal que la transmission de ce dernier soit soumise aux mêmes conditions de que la conclusion du bail lui-même, et que toute velléité lucrative soit exclue. Ainsi, la transmission du bail, en plus d’être soumise à un agrément préalable par l’organisme foncier solidaire, verra son montant (en cas de cession à titre onéreux) plafonné afin de limiter toute velléité spéculative55.

2.1. Le régime de la transmission du bail réel solidaire est régi par les articles L. 255-10 à L. 255-16 du Code de la construction et de l’habitation, le législateur ayant distingué « le cas de la vente ou de la donation (articles L. 255-10 à L. 255-13) du cas de la succession (article L. 255-14) »56. Dans tous les cas de transmission, le nouveau preneur devra nécessairement avoir préalablement été agréé par l’organisme de foncier solidaire : l’article L. 255-10 du même Code impose en effet au preneur cédant ou donateur de délivrer au cessionnaire ou donataire une « offre préalable de cession ou de donation » contenant diverses informations.

La délivrance de cette offre est obligatoire et doit être maintenue au minimum trente jours durant lesquels le cessionnaire ou donataire pourra accepter après un délai de réflexion de dix jours. À ce titre, il ne s’agit pas d’un délai de rétractation similaire à celui de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation pour la vente de logements à usage d’habitation, bien que le logement du preneur soit nécessairement à usage d’habitation ou mixte.

Une fois l’offre acceptée, le cédant ou donateur devra informer l’organisme de foncier solidaire dans les trente jours et fournir notamment « les pièces permettant d’établir l’éligibilité de l’acquéreur ou du donataire choisi par lui »57.

2.2. Ainsi, la transmission du bail réel solidaire obéit à un formalisme strict qui, s’il n’est pas respecté, entraînera la nullité de la vente ou de la donation58.

Ce mode de transmission diffère d’autant plus de celui d’un autre bail à long terme que le bailleur dispose, en plus de sa capacité d’agréer ou non le cessionnaire ou donateur59, d’un droit de préemption « à l’occasion de toute cession ou donation »60. En cas de décès du preneur, les droits réels seront automatiquement transmis à ses ayants droit. Néanmoins, si ces derniers ne satisfont pas aux conditions de plafond de ressources, ils devront procéder à la vente des droits réels qu’ils tiennent du défunt dans les douze mois ; à défaut, ils encourent une résiliation du bail (moyennant indemnisation par l’organisme de foncier solidaire)61.

2.3. À l’extinction du bail, « les droits réels immobiliers du preneur deviennent la propriété de l’organisme de foncier solidaire après indemnisation de la valeur de ses droits réels immobiliers »62, dans la limite de leur valeur initiale actualisée le cas échéant ; les constructions et améliorations réalisées par le preneur subiront le même sort63.

En outre, concernant l’usage ou la jouissance de son droit par le preneur dans le bail réel solidaire, bien que l’usage soit libre pour les constructions ou réhabilitations effectuées par le preneur (dans la limite de la destination prévue dans le bail, bien que l’organisme de foncier solidaire puisse donner son accord pour un changement de destination ou d’affectation du bien loué, uniquement pour une activité accessoire64), ce dernier ne pourra « effectuer aucun changement qui diminue la valeur de l’immeuble »65 sans encourir une résiliation de ce dernier66.

L’usage du bien loué est donc strictement limité pour le preneur, le législateur lui interdisant de réaliser les travaux autres que ceux initialement prévus67.

2 – La recharge des droits du nouveau preneur

1. Dans le bail emphytéotique. L’article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime indique dans son alinéa 1er que le bail emphytéotique est librement cessible : cette liberté de cession a été reconnue par la jurisprudence comme une caractéristique essentielle de l’emphytéose.

Néanmoins, la cession de son droit par le preneur ne saurait, comme c’est le cas pour le bail réel solidaire, permettre une prorogation de plein droit : le cessionnaire ne saurait « bénéficier d’un droit réel d’une durée égale à celle prévue dans le contrat initial »68, la durée initiale de l’emphytéose s’avérant opposable au cessionnaire (mais également au sous-locataire)69.

2. Dans le bail réel solidaire. La recharge des droits du nouveau preneur à bail dépendra directement de son agrément par l’organisme de foncier solidaire. Nous pouvons ici utiliser le terme « recharge » : l’article L. 255-12 du Code de la construction et de l’habitation, même s’il n’utilise pas ce terme, précise que « si cet agrément est délivré, la durée du bail est de plein droit prorogée afin de permettre à tout nouveau preneur de bénéficier d’un droit réel d’une durée égale à celle prévue dans le contrat initial ».

C’est ainsi une véritable recharge de la durée du bail que le législateur offre au cessionnaire ou donataire du preneur : la seule utilisation du terme proroger aurait permis de penser que le législateur ne souhaitait offrir que le maintien de la situation créée par le bail réel solidaire, sans que la durée ne puisse être modifiée, à l’instar des baux à construction ou emphytéotique. Néanmoins, ce faisant, il serait allé à contresens de la finalité pérenne du bail réel solidaire. Ainsi, en précisant que le nouveau preneur agréé pourra bénéficier « d’un droit réel d’une durée égale à celle prévue dans le contrat initial », l’article L. 255-12 du Code de la construction et de l’habitation permet à ce dernier de voir les droits réels qu’il aura acquis ou reçus par donation ou succession, demeurer identiques à ceux du preneur précédant, sans que la durée du premier bail puisse affecter celle du nouveau bail. Le nouveau preneur va donc acquérir un véritable droit réel dont la durée lui sera propre et non un délai restant à courir sur un droit réel déjà constitué.

B – Une modernisation de la « conception napoléonienne de la propriété »

Historiquement, la propriété se voulait indivisible. Néanmoins, le législateur offre la possibilité de moderniser cette « conception napoléonienne de la propriété »70 en permettant de dissocier le foncier du bâti.

En ce sens, l’approche moderniste de la valorisation de l’utilité de l’immeuble (au regard de la valorisation du droit de propriété lui-même) constitue une source d’étude résolument tournée vers l’avenir, bien que ce schéma s’inspire de mécanismes déjà existants.

1 – Dans la lignée du Community Land Trust

1. La principale distinction à apporter avec le Community Land Trust réside dans la nature du propriétaire du foncier : par définition, les Community Land Trusts se basent sur une conception communautaire de la propriété71 ou la propriété du foncier est répartie entre les membres du Community Land Trust, là où le bail réel solidaire a préféré confier la qualité de propriétaire à un organisme à but non lucratif dans lequel les preneurs à bail ne sauraient être qualifiés de membres puisque, eu égard aux exigences légales relatives à la qualité du bailleur, aucun lien ne saurait être présumé entre ce dernier et le preneur.

2. La conception juridique selon laquelle le foncier est dissocié du bâti dans le but de permettre l’accession à la propriété en fonction de critères sociaux n’est en soi pas une nouveauté. Aux États-Unis – mais également dans d’autres pays tels que le Royaume-Uni ou la Belgique –, le Community Land Trust a permis dès les années 1970 de permettre l’accession à la propriété sur le même modèle que le bail réel solidaire. Ce système est basé sur les mêmes principes que ceux du bail réel solidaire, à savoir une dissociation du foncier et du bâti dans le but de permettre, le plus souvent, l’accessibilité à la propriété (ou au logement de manière plus générale) aux ménages les plus modestes72.

Le Community Land Trust peut se définir comme « une structure juridique sans but lucratif proposant à la vente des logements abordables à des personnes disposant de bas revenus » et se positionne dans un schéma de « perspectives résidentielles collectivistes »73. Le but du Community Land Trust s’avère similaire à celui poursuivi par le bail réel solidaire74. Ce faisant, l’accédant à la propriété se voit offrir la possibilité de n’acquérir que les constructions édifiées (ou le droit d’édifier ces dernières), tandis que leur assiette, donc le foncier, demeure la propriété du Community Land Trust.

Ce mécanisme entend finalement répondre à un contexte économique dans lequel « l’importance de la propriété foncière et de la spéculation » doivent être considérées comme des « sources d’injustice et d’inégalité sociale »75.

2 – La distinction moderne de l’utilité et de la propriété

1. Lors de la création du bail à construction, la doctrine estimait que ce mécanisme préfigurait de « cette distinction entre un domaine éminent qui serait conservé par le propriétaire du sol et un domaine utile consistant en un droit d’usage et de constructibilité conféré au preneur »76.

Longtemps, la propriété fut perçue (et le reste toujours d’une certaine façon) comme l’expression d’une sécurité patrimoniale, comme le meilleur moyen de faire le lien entre la création de richesses et la possession. Néanmoins, « la pratique a remis en cause la conception élémentaire de la finalité de la propriété basée sur la satisfaction des besoins et des désirs du propriétaire »77 en ce sens que la prise en compte moderne des droits réels et leur effectivité dans la valorisation des patrimoines privés ont ouvert de nouvelles perspectives. Et c’est là tout l’avantage de cette modernisation du rapport à la propriété78 : la valorisation du bien se conçoit désormais par la propriété, mais également par les mécanismes que permet la dissociation de cette dernière entre le foncier, support de l’utilisation de l’immeuble, et le bâti support de la valorisation de l’utilisation de l’immeuble. L’extrapolation de la conception des droits du propriétaire de l’immeuble par le biais des droits réels de jouissance a permis cette modernisation du rapport à la propriété et de la disposition de droits accessoires à la propriété79.

2. Les droits de jouissance de l’arrêt Maison de Poésie. L’arrêt Maison de Poésie80 est venu consacrer « le droit du propriétaire de créer un droit réel de jouissance spéciale hors des démembrements dessinés par le Code civil »81. La jurisprudence avait déjà estimé que le droit de propriété pouvait faire l’objet de « diverses modifications et décompositions »82 : étaient alors visés des droits sui generis, ne correspondant à aucun mécanisme légal ou jurisprudentiel. L’arrêt Maison de Poésie est quant à lui venu apporter une rénovation des droits réels pouvant porter sur un immeuble, s’inscrivant alors dans une politique d’ouverture à la notion de démembrement du droit de propriété, bien que se posa alors la question de la nature perpétuelle de ces nouveaux droits conventionnels83.

Dès lors, outre les droits réels issus de la rédaction de la loi, les contractants ont désormais « le pouvoir de créer des droits réels originaux, sous réserve de respecter les règles d’ordre public »84. Cette originalité dans la création de droits réels doit par conséquent s’apprécier comme la vision moderne du droit de propriété. Si cela n’en constitue pas nécessairement le futur, elle doit néanmoins être perçue comme un futur de l’exploitation de l’immeuble.

Notes de bas de pages

  • 1.
    JORF n° 0168, 21 juill. 2016, texte n° 26.
  • 2.
    CCH, art. L. 255-1, al. 2.
  • 3.
    Durand-Pasquier G., « Création d’un nouveau bail à long terme : le bail réel solidaire », Constr.-Urb. 2016, alerte 56.
  • 4.
    CCH, art. L. 255-2 et C. urb., art. L. 329-1, al. 2.
  • 5.
    « Bail réel solidaire : quelques éclairages », Loyers et copr. 2016, alerte 61 ; Durand-Pasquier G., « Création d’un nouveau bail à long terme : le bail réel solidaire », op. cit. ; Boulanger D. (dir.), « Des aspects immobiliers de la loi Macron », JCP N 2015, n° 1155 ; Roussel F., « Les baux réels solidaires en dix questions », Defrénois 15 sept. 2016, n° 124e6, p. 867 ; Roussel F., nos 30-34, « Nouveau bail notarié : voici le bail réel solidaire », JCP N 2016, act. 925.
  • 6.
    La seule référence au foncier aurait été trop limitée, car sous-entendant que le but du bail réel solidaire serait de construire. Or, la rédaction de l’ordonnance du 20 juillet 2016 précise que l’organisme de foncier solidaire pourra prévoir dans le bail, une obligation « de construire » ou « de réhabiliter des constructions existantes » : L. n° 2015-990, 6 juill. 2015, art. 94 – CCH, art. L. 255-1.
  • 7.
    Bertrel J.-P., « L’accession artificielle immobilière – Contribution à la définition de la nature juridique du droit de superficie », RTD civ. 1994 p. 737.
  • 8.
    Modifiée par L. n° 2015-990, 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
  • 9.
    Bail réel immobilier relatif au logement.
  • 10.
    CCH, art. L. 254-1, 1°. Les clauses « d’affectation précise » dans les baux réels étant prohibées et sanctionnées par la requalification du bail. Il s’agit donc de concilier la « nécessité publique » de logement et « l’intérêt privé de l’acquéreur » : 112e Congrès des notaires de France, « La propriété immobilière, entre liberté et contraintes », n° 4296, p. 1139.
  • 11.
    CCH, art. L. 254-1, 2°.
  • 12.
    Poumarède M., « Le bail réel immobilier logement », RDI 2014, p. 265.
  • 13.
    CCH, art. L. 254-1 : ce dernier renvoi aux « plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III », relatifs à l’aide personnalisée au logement et codifiés aux articles R. 331-1 et suivants du même code.
  • 14.
    Voir en ce sens la définition du logement intermédiaire par CCH, art. L. 302-16.
  • 15.
    Rapp. au président de la République relatif à Ord. n° 2016-985, 20 juill. 2016 relative au bail réel solidaire.
  • 16.
    Outre le fait que CCH, art. L. 255-1 ne vise pas expressément de ressources minimales.
  • 17.
    Rapp. au président de la République relatif à Ord. n° 2016-985, 20 juill. 2016, op. cit.
  • 18.
    C. urb., art. L. 329-1 procède alors à un renvoi à CCH, art. L. 301-1, lequel précise dans son II que l’objectif des organismes de foncier solidaire sera de permettre à « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir ». Cette vision de l’accessibilité des personnes à la propriété immobilière résume le but poursuivi par le législateur à travers le bail réel solidaire.
  • 19.
    C. urb., art. R. 329-3 précisant à cet effet que « les bénéfices réalisés sont entièrement affectés au maintien ou au développement de l’activité de l’organisme » et que « les réserves financières obligatoires constituées ne peuvent pas être distribuées ».
  • 20.
    Encore une fois, la finalité du bail réel solidaire s’avère plus sociale que celle du BRILO : dans le premier, le bailleur sera nécessairement un organisme de foncier solidaire tandis que dans le second, le bailleur pourra être « un propriétaire personne physique ou personne morale de droit privé », mais également des « collectivités territoriales, leurs groupements, leurs établissements publics ainsi que par les établissements publics fonciers de l’État » (CCH, art. L. 254-1), et donc en ce compris un organisme de foncier solidaire.
  • 21.
    Visée renforcée par les dispositions de C. urb., art. R. 329-3.
  • 22.
    C. urb., art. R. 329-1, al. 1er.
  • 23.
    Idem.
  • 24.
    L’agrément sera ainsi délivré par le préfet de région où l’organisme de foncier solidaire souhaitera exercer con activité (C. urb., art. R. 329-6). Étant ici précisé que le préfet de région pourra révoquer l’agrément de l’organisme de foncier solidaire, de manière temporaire ou définitive, pour le cas où ce dernier ne remplirait plus les conditions nécessaires audit agrément, ou si un manquement grave à ses obligations (dont C. urb., art. R. 329-16 donne quelques illustrations) venait à être détecté (C. urb., art. R. 329-14).
  • 25.
    Et C. urb., art. R. 329-1, al. 2.
  • 26.
    Rapp. au président de la République relatif à Ord. n° 2016-985, 20 juill. 2016, op. cit.
  • 27.
    La mission principale de l’organisme de foncier solidaire devra être, ainsi que le précise C. urb., art. R. 329-1, al. 2, celle indiquée à C. urb., art. L. 329-1, à savoir « acquérir et gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs conformément aux objectifs de CCH, art. L. 301-1 ».
  • 28.
    Définie à CCH, art. L. 300-1.
  • 29.
    CCH, art. L. 254-8 prévoit en effet la nullité de tout bail réel immobilier contracté en violation des dispositions de CCH, art. L. 254-1 (donc notamment la qualité du bailleur).
  • 30.
    Sur la libre cessibilité comme caractère essentiel du bail emphytéotique : Cass. 3e civ., 10 avr. 1991, no 89-20276 : Bull. civ. III, n° 114 : toute clause limitant ou empêchant le preneur de pouvoir céder son droit entraînerait une requalification du bail, ce pouvoir devant être apprécié comme « une caractéristique essentielle de l’emphytéose » (Cass. 3e civ., 29 avr. 2009, n° 08-10944, Rouvière F., « La cessibilité, élément de qualification du bail emphytéotique », LEDIU juill. 2009, p. 2 – ainsi que Cass. 3e civ., 7 avr. 2004, n° 02-19870 : Bull. civ. III, n° 72, p. 67) – Sur l’impossibilité, dans le même bail, de prévoir « une clause limitant l’usage auquel le bénéficiaire pouvait affecter les lieux loués » : Cass. 3e civ., 13 mai 1998, n° 96-13586 : Bull. civ. III, n° 101 ; JCP N 1998, I, 1616.
  • 31.
    Au nom notamment de la liberté contractuelle.
  • 32.
    Il pourra s’appliquer à un preneur, mais pas nécessairement au preneur ayant contracté avec l’organisme de foncier solidaire. Une innovation particulière du bail réel solidaire sera de permettre à l’organisme de foncier solidaire de confier à un tiers (CCH, art. L. 255-3 et CCH, art. L. 255-4) « le soin de commercialiser les droits réels afférents au bail réel solidaire soit sous forme de cession de droits réels immobiliers, soit sous forme de parts et actions permettant la jouissance du logement » (Rapp. au président de la République, op. cit.).
  • 33.
    Dans un tel cas, la mission de l’opérateur titulaire du bail réel solidaire, outre la construction ou la réhabilitation de logements, sera de proposer ces derniers à la vente (CCH, art. L. 255-3) ou à la location (CCH, art. L. 255-4). Les limitations relatives à la qualité de l’acquéreur et aux divers plafonds restent celles définies par CCH, art. L. 255-2.
  • 34.
    Ou à réhabilitation, mais pour ce dernier, la qualité du preneur est alors limitée à « un organisme d’habitations à loyer modéré, soit une société d’économie mixte dont l’objet est de construire ou de donner à bail des logements, soit une collectivité territoriale, soit un organisme dont l’un des objets est de contribuer au logement des personnes défavorisées et agréé à cette fin par le représentant de l’État » (CCH, art. L. 251-1).
  • 35.
    CCH, art. L. 251-1 et CCH, art. L. 251-4. En effet, « l’acte qui ne fait référence qu’à “l’édification éventuelle” d’une construction n’est pas un bail à construction (…) les parties [ayant alors] entendu conclure un bail emphytéotique » (Cass. 3e civ., 11 juin 1986, n° 84-17222 : Bull. civ. III, n° 93) : 112e Congrès des notaires de France, « La propriété immobilière, entre liberté et contraintes », n° 1072, p. 53.
  • 36.
    CCH, art. L. 251-3.
  • 37.
    CCH, art. L. 251-1, al. 3 : la durée correspond à celle du bail réel solidaire telle qu’exprimée par CCH, art. L. 255-1, al. 1er.
  • 38.
    Saint-Alary-Houin C., Bail emphytéotique, Dalloz action Droit de la construction, dossier 140, nos 140-190.
  • 39.
    CCH, art. L. 251-1, al. 1er.
  • 40.
    CCH, art. L. 255-1, al. 1er.
  • 41.
    C. urb., art. L. 329-1, al. 2.
  • 42.
    Bien que là aussi une nuance s’impose, puisque le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 20 juillet 2016 indique que le bail réel solidaire puisse « concerner une construction existante, ne nécessitant pas de travaux ».
  • 43.
    Néanmoins, à la différence du bail à construction (CCH, art. L. 251-3, al. 2) ou du bail à réhabilitation (CCH, art. L. 251-3, CCH, art. L. 252-3, al. 1er), CCH, art. L. 255-9 ne précise pas expressément que le droit réel du preneur pourra être hypothéqué. Mais ledit article prévoit néanmoins la possibilité pour les parties de convenir de la durée des sûretés pouvant être consenties sur le droit.
  • 44.
    CCH, art. L. 255-11 précisant, dans son alinéa premier, que « la vente ou la donation de droits réels afférents au bien objet du bail réel solidaire est subordonnée à l’agrément de l’acquéreur ou du donataire par l’organisme de foncier solidaire ».
  • 45.
    Cass. 3e civ., 11 juill. 2007, n° 06-14214, AJDI 2007, n° 833.
  • 46.
    Saint-Alary-Houin C., Bail emphytéotique, Dalloz action, Droit de la construction, dossier 140, nos 140-80.
  • 47.
    Selon les dispositions de C. rur., art. L. 451-8.
  • 48.
    Cass. 3e civ., 3 oct. 1991, n° 90-15889 : Bull. civ. III, n° 222 ; Defrénois 30 mars 1992, n° 35220, p. 382, obs. Vermelle G. – ainsi que Cass. 3e civ., 13 mai 1998, nos 96-13586 et 96-14076 : Bull. civ. III, n° 101, p. 68 et Cass. 3e civ., 16 juin 2011, n° 10-17169 : Bull. civ. III, n° 102.
  • 49.
    Cass. 3e civ., 7 oct. 1992, n° 89-19227 : Bull. civ. IIII, n° 264, où une clause « interdisait au preneur tous travaux de construction, démolition, percement de murs ou cloisons, sans le consentement de la bailleresse ».
  • 50.
    Cass. 3e civ., 29 avr. 2009, op. cit., F. Rouvière, « La cessibilité, élément de qualification du bail emphytéotique », op. cit. – ainsi que Cass. 3e civ., 7 avr. 2004, op. cit.
  • 51.
    Cass. soc., 6 mai 1964 : JCP 1964, II, 13831, note Ourliac P. et de Juglart P. – ainsi que Cass. 3e civ., 27 oct. 2004, n° 02-21314 : Bull. civ. IIII, n° 180, p. 163.
  • 52.
    Cass. 3e civ., 3 oct. 1991, n° 90-15889 : Bull. civ. III, n° 222, p. 131.
  • 53.
    Cass. 3e civ., 9 févr. 2005, n° 03-17065 : Bull. civ. III, n° 34, p. 29 ; Gaz. Pal. 5 juill. 2005, n° 186, p. 14, ainsi que Cass. 3e civ., 7 avr. 2004, op. cit.
  • 54.
    Pour les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation en cas de sous-location : Cass. 3e civ., 2 juin 2010, n° 08-17731 : Bull. civ. III, n° 110.
  • 55.
    Là où pour le bail à construction, et donc par analogie l’emphytéose (Cass. 3e civ., 24 sept. 2014, n° 13-22357 : Bull. civ. III, n° 111 – et Cass. 3e civ., 7 avr. 2004, n° 02-16283 : Bull. civ. III, n° 70), la clause imposant l’agrément du cessionnaire du bail par le bailleur est réputée non écrite.
  • 56.
    Rapp. au président de la République relatif à Ord. n° 2016-985, 20 juill. 2016 relative au bail réel solidaire.
  • 57.
    CCH, art. L. 255-10, al. 3.
  • 58.
    CCH, art. L. 255-11, al. 3.
  • 59.
    Donc de permettre ou d’empêcher la vente ou la donation (CCH, art. L. 255-11, al. 1er).
  • 60.
    CCH, art. L. 255-15, al. 1er.
  • 61.
    CCH, art. L. 255-14.
  • 62.
    CCH, art. L. 255-16, al. 1er.
  • 63.
    CCH, art. L. 255-5, al. 1er et CCH, art. L. 255-7, al. 3.
  • 64.
    CCH, art. L. 255-7, al. 5.
  • 65.
    En ce compris toute démolition même avec l’intention de reconstruire : CCH, art. L. 255-7, al. 1 et 2.
  • 66.
    CCH, art. L. 255-8, al. 2.
  • 67.
    CCH, art. L. 255-7, al. 1er.
  • 68.
    CCH, art L. 255-12.
  • 69.
    La jurisprudence a en effet estimé que « la durée du bail consenti par un emphytéote ne pouvant excéder celle du bail emphytéotique, le sous-locataire ne peut prétendre à l’expiration de celui-ci à aucun droit au renouvellement et, partant, au paiement d’une indemnité d’éviction » : Cass. 3e civ., 9 févr. 2005, n° 03-17065 : Bull. civ. III, n° 34.
  • 70.
    Streiff V. et Pommier C., « Établir et protéger la propriété immobilière : un droit à rafraîchir… », Defrénois 1er juin 2016, n° 123h3, p. 13, hors-série.
  • 71.
    Cette conception communautaire de la propriété n’est pas sans rappeler celle qui présida à la création des kibboutz, bien qu’il convienne ici de nuancer ces propos : si le Community Land Trust a pour but de permettre l’accession à la propriété en communautarisant le foncier, le kibboutz a par définition une vision communautaire non pas de la propriété, mais de la possession.
  • 72.
    Bien que parfois, les Community Land Trust puissent avoir comme objet les terres agricoles.
  • 73.
    Bernard N., de Pauw G. et Géronnez L., « Coopératives de logement et Community Land Trust », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2010/28 n° 2073, p. 25.
  • 74.
    Pour une autre définition : « la terre appartient en commun à un consortium de collectivités et d’acteurs privés, qui la mettent à disposition de particuliers qui jouissent de la propriété bâtie posée sur ce sol sous certaines contraintes (notamment des clauses anti spéculatives) ». Uhry M., « Nouvelles voies pour le logement social : que cent fleurs s’épanouissent », Alternatives économiques, « L’Économie politique », n° 2015/1, n° 65.
  • 75.
    Idem, p. 26. Bien que l’auteur cette réflexion soit du XIXe siècle (Henry George : 1839-1897).
  • 76.
    Saint-Alary R., « Bail à construction et opérations d’urbanisation », JCP 1966, I, 1976, cité par : Bertrel J.-P., op. cit.
  • 77.
    Zenati F., « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD civ. 1993, p. 305.
  • 78.
    Dans sa conception moderne de séparation entre le droit de propriété et le droit réel portant sur un immeuble. Bien que le système moyenâgeux des inféodations et sous-inféodations ne soit pas sans rappeler le système actuel des baux conférant un droit réel.
  • 79.
    Ainsi, « la constitution de droit réel est une disposition non pas en ce qu’elle provoque la disparition du lien de propriété existant entre le propriétaire et son bien, mais en ce qu’elle altère ce lien par l’octroi d’une prérogative concurrente résultant de l’affectation de la chose à un tiers », Zenati F., op. cit.
  • 80.
    Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16304 : Bull. civ. III, n° 159. À mettre en relation avec Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 14-10013 : Bull. civ. III, n° 13.
  • 81.
    Dross W., « Que reste-t-il de l’arrêt Maison de Poésie ? », RTD civ. 2015 p. 413.
  • 82.
    Arrêt Caquelard, req. 13 févr. 1834 : S. 1834, 1, p. 205.
  • 83.
    Bien que désormais la jurisprudence ait précisé que ces derniers ne sauraient être perpétuels : Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, op. cit. – Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 14-26953, PB.
  • 84.
    Rapp. Cour de cassation, 2012, Livre 4, Droit immobilier, environnement et urbanisme, Propriété.
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