La prise de participation des offices publics de l’habitat au sein de sociétés privées intervenant dans le secteur de l’immobilier social
Si la filialisation et la prise de participation des établissements publics industriels et commerciaux, dont relèvent les offices publics de l’habitat, auprès de sociétés civiles et commerciales sont de plus en plus admises, ces instruments de coopération avec le secteur privé dans le domaine de l’immobilier social n’en restent pas moins encadrés, notamment en ce qui concerne les sociétés commerciales. Pour autant, quelle qu’en soit la forme juridique, la souscription ou l’acquisition de parts sociales par les offices publics de l’habitat soulève des interrogations pratiques propres à l’actionnariat et à la vie d’une société que le Code de la construction et de l’habitation n’est pas à même de régler entièrement.
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi Alur) est à l’origine d’une modification de l’article L. 421-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) permettant aux offices publics de l’habitat (OPH) de souscrire ou acquérir des parts de sociétés civiles immobilières (SCI) ayant pour objet la réalisation d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation destinés à des accédants dont les ressources n’excèdent pas des plafonds fixés par l’autorité administrative.
À titre subsidiaire et transitoire (pour une durée de 6 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi Alur), les OPH ont également été autorisés à acquérir auprès de SCI, à due concurrence de leurs apports et dans le cadre de contrat de vente d’immeubles à terme ou en l’état futur d’achèvement, des logements, pourvu que ces sociétés aient pour unique objet la construction d’immeubles et qu’elles réalisent au moins 25 % de logements mentionnés à l’article L. 411-2 du CCH (CCH, art. L. 421-1-10).
La participation des OPH à des sociétés commerciales est également possible.
En effet, l’article L. 421-2-4° du CCH prévoit que les OPH peuvent prendre des parts ou des actions dans des sociétés pouvant réaliser des opérations d’aménagement ou conclure une convention de projet urbain partenarial sans apporter de restriction quant à la forme juridique de cette société qui peut être aussi bien commerciale que civile.
Pour autant, il est vrai que la coopération en la forme commerciale reste, en pratique, moins courante en ce que, d’une part, cette possibilité semble plus strictement encadrée par les textes en comparaison avec les SCI et, d’autre part, en ce que contrairement à la SCI, la société commerciale bénéficie d’un régime fiscal moins attractif pour les OPH.
Quoi qu’il en soit, les prises de participation par les OPH au sein de sociétés civiles ou commerciales, auxquelles ont de plus en plus recours les organismes d’habitation à loyer modéré (HLM)1 (I), si elles sont autorisées sous certaines conditions (II), soulèvent quelques interrogations que les textes n’ont toujours pas su dissiper de manière certaine.
Sans prétendre à l’exhaustivité2, la première de ces interrogations porte sur la possibilité, pour les OPH, de prendre des participations auprès de sociétés dans lesquelles il y a des actionnaires qui ne sont pas des organismes d’HLM et dont l’objet social est, principalement, la vente d’immeubles à usage d’habitation ou, à usage professionnel et d’habitation, sans aucun plafond de ressources ou sans prix de vente maximum.
La seconde de ces interrogations porte sur les avances sur compte courant que certains OPH sont tentés de consentir en leur qualité d’actionnaire ; le CCH ne prévoyant pas expressément de telles avances (III).
I – Sur la possibilité, pour les OPH, de participer au capital tant de sociétés civiles que de sociétés commerciales pour réaliser leurs programmes de construction
Lorsqu’une société possède plus de la moitié du capital d’une autre société, la seconde est considérée comme filiale de la première (C. com., art. L. 233-1). Inversement, lorsqu’une société possède dans une autre société, une fraction du capital comprise entre 10 % et 50 %, la première est considérée comme ayant une participation dans la seconde (C. com., art. L. 233-2).
Les OPH peuvent aussi bien créer des filiales que prendre des participations dans une société.
Concernant plus spécifiquement l’acquisition ou la souscription de parts sociales, les sociétés civiles immobilières de construction-vente (SCCV) semblent être l’outil privilégié, ou à privilégier par les OPH, pour leurs opérations dans le secteur de l’immobilier social même si le recours à la société commerciale reste possible.
A – La souscription ou l’acquisition de parts par les OPH auprès de sociétés civiles immobilières
Ont le caractère civil, toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet (C. civ., art. 1845, al. 2).
De manière assez classique, la nature de l’objectif poursuivi par le client permet l’identification du type de société civile requise pour l’opération envisagée.
Aussi, trois grands types de sociétés civiles correspondent généralement à trois types d’opération : les sociétés civiles à objet immobilier, les sociétés civiles de portefeuille, les sociétés civiles à objet professionnel.
Eu égard à cet objet social, et à ses missions, il est aisé de comprendre que les prises de participation de l’OPH se feront auprès de sociétés civiles à objet immobilier.
Or relèvent de la catégorie des sociétés civiles à objet immobilier : les sociétés civiles de location, les sociétés civiles abritant le logement familial, les sociétés civiles de placement immobilier, les sociétés civiles de construction-vente3 (SCCV) et les sociétés civiles d’attribution.
Jusqu’à la loi Alur, un organisme d’HLM ne pouvait prendre des parts dans une SCI que si l’objet de cette dernière était limité à la construction pour l’accession sociale à la propriété.
Pour permettre aux organismes d’HLM de développer des partenariats locaux sous la forme de SCI ayant pour objet la construction de logements à statuts diversifiés, le législateur a permis aux organismes d’HLM de participer à des SCCV.
L’article L. 421-1, 10°, du CCH permet dorénavant aux OPH :
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non seulement de souscrire ou acquérir des parts de SCI ayant pour objet la réalisation d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation destinés à des accédants dont les ressources n’excèdent pas des plafonds fixés par l’autorité administrative ;
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mais également, à titre subsidiaire et transitoire pour une période de 6 ans, d’acquérir dans le cadre d’une vente d’immeuble à construire, à due concurrence de leurs apports, des logements sociaux auprès d’une SCI dans laquelle ils détiennent des parts et dont l’unique objet est la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente, à la condition que cette société réalise au moins 25 % de logements mentionnés à l’article L. 411-2 et soit constituée pour une durée n’excédant pas 5 ans.
Les SCCV, qui sont une forme particulière de SCI, sont ici constituées uniquement dans le but de construire et de vendre des logements, en partie sociaux.
Elles ne doivent donc pas, en principe, permettre à leurs associés, au premier plan desquels les OPH, d’exercer une autre activité que la construction-vente soumise à des conditions de ressources des accédants à la propriété ou à un prix de vente libéré de celui du marché spéculatif.
Il s’agit donc de la réalisation d’un objet spécifique auquel il ne peut être dérogé (CCH, art. L. 211-1).
Du respect de cet objet spécifique dépend directement le maintien du bénéfice de l’article 239 ter du Code général des impôts (CGI) permettant à ce type de société d’être assujetti à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC et non à l’impôt sur les sociétés.
Enfin, les modalités pratiques de la vente du ou des immeubles sociaux, objet du contrat et de la SCCV, revenant à l’OPH à due concurrence de son apport, peuvent s’avérer délicates.
Le CCH prévoit que la SCCV constituée entre l’OPH et l’opérateur privé cède les logements sociaux à l’OPH4.
Dès lors, la question qui se pose, ou peut se poser, est de savoir si cette SCCV peut vendre directement aux accédants à la propriété les logements sociaux revenant à son actionnaire HLM plutôt que de les lui céder.
La signature d’un contrat de VEFA entre l’OPH et la SCCV dont il est actionnaire, semble le mieux répondre à une interprétation stricte de l’article L. 421-1-10° du CCH. Ainsi, une fois la construction achevée, l’OPH devient propriétaire d’une fraction des logements (au moins 25 %) avant de les céder, à son tour, aux propriétaires finaux.
L’OPH n’ayant pas vocation à devenir propriétaire de nouveaux logements locatifs ou propriétaire de nouveaux bâtiments destinés à satisfaire ses besoins propres, l’interface qu’il assure de la sorte entre la SCCV et les propriétaires finaux des logements apparaît comme une étape qui, non seulement allonge la réalisation effective des programmes d’accession à la propriété5, mais en alourdit également le coût financier puisqu’elle engendre des frais de notaire supplémentaires et successifs.
Aussi, plutôt que de faire passer les logements concernés dans le parc immobilier de l’OPH, il est permis de se demander si la SCCV ne peut pas vendre directement aux accédants à la propriété la fraction des logements revenant à son actionnaire à due concurrence de son apport.
Il y aurait alors, dans ce cas de figure, des contrats de VEFA conclus directement entre la SCCV et les accédants à la propriété concernés par le programme, voire la signature d’un contrat de mandat conclu entre l’OPH et la SCCV aux termes duquel cette dernière serait habilitée à vendre directement, en lieu et place de son actionnaire HLM, les logements sociaux aux conditions fixées par le mandat et le CCH.
Dans un tel cas de figure, la logique de la VEFA serait préservée conformément à l’article L. 421-1-10° du CCH :
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il y aurait toujours une équivalence entre les fonds investis par l’OPH dans la SCI et le nombre de logements sociaux réalisés ;
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la SCI réaliserait, en vue de leur vente, 25 % de logements sociaux visés à l’article L. 411-2 du CCH ;
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il y aurait participation, à titre subsidiaire, de l’OPH en sa qualité d’actionnaire en vue de s’associer avec des opérateurs privés pour construire, ensemble, à titre expérimental, à la fois des logements sociaux et des logements privés.
B – La souscription ou l’acquisition de parts par les OPH auprès de sociétés commerciales
Le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet (C. com., art. L 210-1).
Sont commerciales à raison de leur forme, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes ou encore les sociétés par actions simplifiées.
Le recours aux sociétés commerciales est une nouveauté pour les entités publiques dans le cadre de leurs partenariats avec des opérateurs privés mais qui restent timides, en pratique, en raison des restrictions existantes et d’un coût fiscal plus important.
Il apparaît effectivement que la participation des personnes publiques en général, et des OPH en particulier, à des sociétés commerciales ou de capitaux, est strictement encadrée par la législation, de sorte que cette forme d’intervention doit être utilisée avec précaution comparée aux SCI et SCCV.
La possibilité de recourir à des sociétés commerciales semble même avoir été reconnue à l’origine uniquement pour les établissements publics industriels et commerciaux (ÉPIC) rattachés à l’État.
En effet, et sur ce point, la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée (SAS) avait ajouté un article 262-1, alinéa 1 à la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, abrogé par l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de commerce, selon lequel les établissements publics de l’État qui ont une activité industrielle ou commerciale et ne sont pas soumis aux règles de la comptabilité publique pouvaient être associés d’une SAS.
L’associé public d’une SAS devait donc, en vertu même de cet article, répondre à trois critères cumulatifs qui permettaient d’exclure toutes les personnes morales de droit public que la loi n’avait pas souhaité viser, même implicitement :
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l’activité industrielle ou commerciale :
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en retenant comme critère « l’activité industrielle ou commerciale », la loi du 3 janvier 1994 contenait une conception doublement extensive des établissements publics concernés,
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d’abord l’activité n’était pas obligatoirement un service public, il suffisait qu’elle soit industrielle ou commerciale, pouvant être gérée par des entreprises privées,
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ensuite l’activité industrielle ou commerciale n’avait pas à être exclusive ni même prépondérante à s’en tenir à la lettre de la loi, ce qui permettait d’inclure nombre d’établissements publics administratifs qui ont une activité économique accessoire,
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à l’inverse les ÉPIC de commodité qui ont été dotés de cette forme pour les nécessités de leur gestion sans exercer d’activité économique n’étaient pas concernés6 ;
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l’exclusion des règles de la comptabilité publique :
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les établissements publics dépourvus d’agent comptable public échappent aux règles de la comptabilité publique et sont soumis à la comptabilité privée en raison de leur insertion concurrente dans la vie économique,
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l’article L. 421-17 du CCH dispose, à cet égard, que les OPH sont soumis soit aux règles applicables aux entreprises de commerce, soit aux règles de la comptabilité publique ;
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le rattachement à l’État :
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personne publique secondaire, l’établissement public est rattaché à une collectivité publique,
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selon la collectivité publique à laquelle il est rattaché, l’établissement public est à caractère national ou local,
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en visant expressément les établissements publics « de l’État » et non les établissements publics « nationaux », la loi semblait prendre en compte les cas dans lesquels le niveau de rattachement de l’établissement et son domaine de compétence territoriale ne coïncidaient pas. En effet, certains établissements publics sont rattachés à l’État sans disposer pour autant d’une compétence territoriale nationale. Les OPH sont des ÉPIC rattachés à des collectivités territoriales ou à leurs groupements.
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En conséquence de ce qui précède, une interprétation stricte des dispositions de l’article 262-1, alinéa 1, introduit par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 instaurant la SAS conduisait à exclure toute possibilité pour un OPH de participer à une telle société.
Or la SAS ne peut plus aujourd’hui être considérée comme un instrument juridique d’intervention dans le secteur privé réservé aux ÉPIC rattachés à l’État. Le législateur reconnaît aux OPH une large possibilité d’action.
Aussi, et de manière intéressante, l’article L. 421-2 du CCH dispose que « les offices publics de l’habitat peuvent également souscrire ou acquérir :
1° des parts ou actions émises par des sociétés d’habitations à loyer modéré, des sociétés d’économie mixte d’aménagement, de construction et de gestion de logements sociaux et des sociétés anonymes de coordination d’organismes d’habitations à loyer modéré ;
2° des parts dans le capital de sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété régies par les articles L. 215-1 à L. 215-10 ;
3° des parts de sociétés civiles immobilières régies par les articles L. 443-6-2 et suivants ;
4° des parts ou des actions dans des sociétés pouvant réaliser des opérations d’aménagement ou conclure une convention de projet urbain partenarial ; cette participation est soumise à l’accord de sa collectivité de rattachement et du représentant de l’État dans le département du lieu de l’opération ou du projet. À défaut d’opposition de la part du représentant de l’État notifiée dans le délai de deux mois à compter de la date de la réception de la demande, son avis est réputé favorable (…) ».
L’article L. 421-2 du CCH ouvre, par conséquent, un champ particulièrement large au partenariat, notamment en ce qui concerne la création ou la prise de participation dans une société « pouvant réaliser des opérations d’aménagement » (article L. 421-2-4°, préc.) dans la mesure où l’article L. 300-4 du Code de l’urbanisme précise que les opérations d’aménagement peuvent être concédées « à toute personne y ayant vocation », c’est-à-dire, à toute société ou personne morale dont l’objet statutaire vise la réalisation d’opérations d’aménagement et qui peut voir participer, en son sein, un OPH.
De plus, il faut souligner que les textes ne posent aucune limite quant à la nature ou à la forme juridique de la société « ayant vocation » à réaliser des opérations d’aménagement.
Néanmoins, en vertu de l’article L. 421-1 du CCH qui dispose que les OPH ont aussi pour objet de créer des filiales qui auront pour seul objet de construire, d’acquérir et de gérer des logements locatifs intermédiaires, il semble qu’il faille pour l’OPH, afin d’échapper à cette restriction ou à tout risque lié à cette restriction, ne pas être en situation majoritaire au sein de la société pour que cette dernière ne soit pas considérée comme une « filiale » au sens commun du terme et venant restreindre de manière conséquente le périmètre de l’intervention de la société.
Nonobstant tout ce qui précède, il n’en reste pas moins que le législateur semble être assez hostile à toute forme de participation d’une personne publique dans le capital d’une société commerciale comme en témoigne, par exemple, l’article L. 2253-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) :
« Sont exclues, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d’État, toutes participations d’une commune dans le capital d’une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif n’ayant pas pour objet d’exploiter les services communaux ou des activités d’intérêt général dans les conditions prévues à l’article L. 2253-2.
Par dérogation au premier alinéa, les communes et leurs groupements peuvent, par délibération de leurs organes délibérants, participer au capital d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou sur des territoires situés à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire ».
En tout état de cause, la liberté laissée aux OPH par le législateur connaîtra toujours des limites dans la mesure où l’établissement public est soumis au double accord de la collectivité de rattachement et du représentant de l’État dans le département du lieu de l’opération ou du projet.
Ces autorités de tutelle et de contrôle, d’une part, prennent en compte l’objet de l’opération et son lien avec la spécialité de l’OPH, d’autre part, apprécient les risques encourus par l’organisme d’HLM en fonction du statut juridique de la société et de la fiabilité économique de son partenaire.
C – La société civile immobilière, en particulier la société civile de construction-vente, reste pour les OPH plus favorable que les sociétés commerciales
La SCI semble être une structure plus adaptée, créée spécifiquement pour faciliter les opérations immobilières des OPH.
La SCI semble d’autant plus appropriée que la société commerciale ne présente pas, pour les OPH, des avantages supérieurs à ceux conférés par les SCI, en matière fiscale notamment, bien au contraire.
Dotées d’un statut particulier par les articles L. 211-1 à L. 211-4 du CCH, les sociétés civiles dont l’objet social est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de la vente, bénéficient d’un régime fiscal dérogatoire au droit commun qui a largement contribué à leur succès auprès des promoteurs immobiliers.
En effet, sont passibles de l’impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l’article 207 du CGI, les établissements publics, les organismes de l’État jouissant de l’autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toute autre personne morale se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.
Les sociétés civiles sont également passibles de l’impôt sur les sociétés.
Toutefois, des dispositions particulières prévoient que certaines sociétés civiles sont exclues du champ d’application de cet impôt.
Aussi, l’article 239 ter du CGI exclut du champ d’application de l’impôt sur les sociétés les SCCV.
L’administration fiscale a toujours précisé qu’il n’y avait pas lieu de distinguer selon que cet objet est réalisé à titre exclusif, ou conjointement avec l’exercice d’une activité purement civile du point de vue fiscal telle que la location d’immeubles7.
En d’autres termes, l’administration fiscale tolère que les SCCV procèdent à la location de certains biens composant leur stock immobilier, lorsque ceux-ci ne sont pas encore vendus.
En revanche, le régime dérogatoire cesse de s’appliquer aux sociétés civiles qui se livrent, en plus des opérations de construction-vente, à d’autres opérations qui, si elles étaient effectuées isolément, auraient pour conséquence la soumission de ces sociétés à l’impôt sur les sociétés en application des dispositions combinées des articles 206, 34 et 35 du CGI8.
Le maintien du bénéfice de l’article 239 ter du CGI permettant à ce type de société d’être assujetti à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC et non à l’impôt sur les sociétés.
Les sociétés commerciales sont en revanche imposables à l’impôt sur les sociétés. Le taux d’imposition (qui peut aller de 15 à 33,3 %) dépendra du chiffre d’affaires.
Par ailleurs, la participation à une société, quelle que soit sa forme juridique, implique pour les associés de s’engager « à contribuer aux pertes » comme le rappelle l’article 1832 du Code civil.
Or l’article L. 211-2 du CCH prévoit aussi que les associés sont tenus responsables à proportion de leurs droits sociaux. Cette formulation doit être comprise dans le sens de parts dans le capital social.
Chaque associé est donc soumis à l’impôt à hauteur de sa quote-part dans le résultat de la SCCV.
II – La souscription ou l’acquisition de parts doit toujours se faire par l’OPH, pour mener à bien ses missions dans le secteur de l’immobilier social, conformément au principe de spécialité
Le principe de spécialité, qui s’applique aux OPH en leur qualité d’établissement public, vaut également pour les prises de participation auprès des sociétés civiles ou commerciales.
A – Les coopérations institutionnelles, indépendamment de leur forme et de leur nature juridique, doivent toujours se faire en lien avec les missions de l’OPH
Comme tous les établissements publics, l’OPH est régi par le principe de spécialité.
Selon le Conseil d’État, le principe de spécialité signifie que « la personne morale, dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée, n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission. Il n’appartient pas à l’établissement d’entreprendre des activités extérieures à cette mission ou de s’immiscer dans de telles activités »9.
En application de ce principe, en cas de doute, le juge se réfère aux statuts et peut adopter une interprétation stricte de ces derniers10.
Les missions des OPH sont fixées par les compétences qu’ils détiennent de par la loi à savoir, principalement, en matière de logements des personnes et familles à ressources modestes et gestion de ces logements (à loyers modérés) ; les OPH pouvant être syndic de copropriété des immeubles et exercer des fonctions d’administrateur de biens.
Les OPH construisent et réhabilitent aussi des logements locatifs destinés aux personnes à revenus modestes dont ils assurent la location, la gestion et l’entretien.
Ils construisent également pour l’accession sociale à la propriété et réalisent des opérations d’urbanisme et d’aménagement.
Nonobstant les possibilités de coopération expressément prévues par le législateur, un OPH ne peut transférer à une structure des missions qui présentent, pour lui, un caractère essentiel11 ou encore lui abandonner l’ensemble de ses tâches12 ; le Conseil constitutionnel ayant effectivement reconnu l’attribution des logements sociaux comme une mission de service public dévolue par la loi13.
Néanmoins, le Conseil d’État admet, dans son avis du 7 juillet 1994, Diversification des activités d’EDF-GDF14, que si le principe de spécialité invite, pour déterminer la nature des activités confiées à l’établissement, à se reporter à ses règles constitutives, telles qu’elles ont été définies en l’espèce par la loi, il ne s’oppose pas par lui-même à ce qu’un établissement public, surtout s’il a un caractère industriel et commercial, se livre à d’autres activités économiques à la double condition :
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d’une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale ou du moins connexe à ces activités ;
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d’autre part, que ces activités soient à la fois d’intérêt général et directement utiles à l’établissement public, notamment par son adaptation à l’évolution technique, aux impératifs d’une bonne gestion des intérêts confiés à l’établissement, le savoir-faire de ses personnels, la vigueur de sa recherche et la valorisation de ses compétences, tous moyens mis au service de son objet principal.
Également, le principe de spécialité implique que l’OPH exerce ses activités dans le périmètre territorial défini par les textes.
Dans son avis n° 352281 du 15 juillet 1992, le Conseil d’État, après avoir rappelé que la RATP devait exercer ses compétences dans les limites de la région Île-de-France, a néanmoins estimé que cette contrainte ne saurait lui interdire d’exercer, conformément à une jurisprudence constante, même en dehors de la région des transports parisiens, des activités qui sont le complément de sa mission et qui présentent un intérêt direct pour l’amélioration des conditions d’exercice de celle-ci.
Ainsi, un OPH ne saurait participer, opérationnellement et géographiquement, à une structure de coopération dont l’objet social serait sans lien avec ses missions.
Il ne peut davantage le faire d’un point de vue financier, c’est-à-dire, en matière de participation au capital d’une société.
B – Le principe de spécialité vaut également pour les prises de participation des OPH
Le Conseil d’État, dans son avis du 7 juillet 1994 précité, rappelle que les critères de la spécialité valent « quelle que soit la méthode de diversification retenue : par l’établissement public lui-même, par une filiale à contrôle majoritaire de l’établissement ou par une participation minoritaire ».
Il a été considéré qu’une interprétation trop stricte du principe de spécialité serait néanmoins peu adaptée aux logiques financières du monde économique qui peuvent nécessiter la création de filiales et des prises de participation.
Le Conseil d’État, dans son avis du 7 juillet 1994, a admis que ces entreprises pouvaient se livrer à des activités annexes, à côté des missions strictement liées à sa spécialité, pour peu toutefois, qu’elles soient techniquement et commercialement le complément normal de la mission principale et que ces activités soient d’intérêt général et directement utiles à l’établissement public.
Ainsi, EDF, chargée pour l’essentiel de la production et de la distribution d’électricité, pouvait intervenir dans les activités concourant à ces missions et créer, par exemple, des filiales pour produire de l’énergie à partir de déchets, mais pas collecter ces déchets.
Cette solution jurisprudentielle vaut parfaitement pour les OPH.
III – La prise de participation des OPH soulève des difficultés pratiques propres à l’actionnariat et à la vie des sociétés
De manière générale, un compte courant est constitué et alimenté, pendant la vie de la société, par des versements effectifs dans la caisse sociale (il s’agit d’apports, de versements ou d’avances en compte courant). Un associé peut également laisser à la disposition de la société, des sommes qui auraient dû lui revenir mais qu’il renonce, temporairement, à percevoir (il s’agit ici alors d’abandon en compte courant).
Pour la Cour de cassation15, les sommes ainsi apportées pouvant être abandonnées en compte courant sont des prêts. Cette pratique, qui peut être regardée comme « normale » en droit des sociétés ou dans la vie d’une société, soulève néanmoins des questions lorsqu’il est question d’un OPH.
De même, se pose la question de la limitation de l’actionnariat des SCCV à certaines catégories de personnes. Plus exactement, l’OPH peut-il participer à une structure composée presque exclusivement d’organismes non HLM ou n’intervenant pas dans le secteur réglementé du logement social.
A – Sur la possibilité, pour l’OPH, en sa qualité d’actionnaire, de consentir des avances en compte courant à la société
Si l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel, l’article L. 312-2 du même code permet néanmoins des fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d’une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs.
Par analogie, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, dans ses articles 128 et 131 (codifiés respectivement aux articles L. 423-15 et L. 423-16 du CCH), autorise les OPH à consentir des avances en compte courant aux sociétés HLM dont ils détiennent au moins 5 % du capital et des prêts participatifs aux sociétés d’HLM avec lesquelles ils ont directement ou indirectement des liens de capital leur donnant un pouvoir de contrôle effectif sur ces sociétés au sens de l’article L. 233-3 du Code du commerce.
Avances et prêts participatifs sont soumis à un régime de déclaration préalable auprès des ministres chargés du Logement et de l’Économie. L’absence d’opposition motivée conjointe des deux ministres dans un délai de 2 mois à compter de la date de réception de la déclaration vaut accord.
Le décret n° 2011-1151 du 22 septembre 2011 précise les modalités de mise en œuvre de ces deux opérations.
Il définit notamment les pièces que les organismes d’HLM doivent fournir aux ministres chargés du Logement et de l’Économie à l’appui de leur déclaration préalable.
Dans le cas d’une avance en compte courant, les pièces en question comprennent une justification de la participation supérieure à 5 % au capital de la société devant bénéficier de l’avance, une copie du contrat d’avance en compte courant signé avec indication du montant, de la durée et du taux de rémunération, mais aussi une note présentant les justifications de l’avance en compte courant consentie, ainsi que ses conséquences financières.
Pour les filiales, l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire prévoit un certain nombre de règles.
Ainsi, seules deux formes d’apports en capital sont autorisées : les apports en nature de logements intermédiaires que l’organisme détient déjà ; les apports en numéraire provenant du produit d’activités ne relevant pas du service d’intérêt économique général défini à l’article L. 411-2 du CCH.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le capital de la société sera alors fixé à 1 € et les fonds propres nécessaires au financement de l’activité de la société seront apportés par les associés n’ayant pas le statut d’organismes HLM ou par des tiers sous forme d’avances en comptes courants ou de prêts participatifs.
De même, l’article L. 1522-5 du CGCT autorise l’apport en compte courant d’associés dans le cadre d’une convention expresse entre la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire d’une part, et la société d’économie mixte (SEM) locale d’autre part.
Destinés à élargir la marge de manœuvre financière des SEM, les apports en compte courant d’associés sont autorisés sur une certaine période et ont pour finalité de répondre à des besoins en trésorerie conjoncturels. Au terme de cette période, l’avance doit être remboursée ou transformée en augmentation de capital.
Comme à chaque fois, le seul vrai souci du législateur est de prévoir des mécanismes permettant de prévenir tout risque financier excessif pour les collectivités publiques16.
Partant de ce tout ce qui précède, si la souscription de parts dans des SCCV est possible pour un OPH (CCH, art. L. 421-1-10°), l’objet statutaire des offices ne prévoit pas expressément la possibilité pour ces derniers de consentir des avances de trésorerie à ce type de structure.
Néanmoins, si aucune disposition législative ne prévoit, explicitement, une telle possibilité, inversement, aucune ne l’interdit.
Aussi, en l’absence de prohibition expresse en matière d’avances sur compte autres qu’entre organismes HLM, rien ne devrait empêcher de manière générale un OPH d’accorder aux SCCV, dont il est actionnaire, des avances sur compte courant.
Pour autant, et en l’absence de disposition claire en cette matière, il convient de s’interroger sur la sanction d’une avance en compte courant consentie de telle manière par un OPH.
Si les avances en compte courant entre organismes d’HLM sont soumis à un régime de déclaration préalable des ministres compétents, rien n’indique néanmoins que le régime serait identique pour celles consenties par les OPH au profit des SCCV ou des SCI dont ils sont actionnaires.
Et, à supposer que le régime juridique applicable soit identique pour ces deux types d’avances (entre organismes HLM et entre SCCV et OPH actionnaire), il ne semble toujours pas possible d’affirmer, ou d’arguer, que les secondes seraient nulles ou illégales au seul motif que le ministre ne les a pas (expressément) autorisées.
En effet, le régime en la matière semble assez souple dans la mesure où le législateur a prévu que le silence gardé sur la déclaration préalable vaut acceptation implicite des ministres compétents (CCH, art. L. 423-15, al. 1).
De même, une régularisation semble possible dès lors que ce même législateur fait courir le délai de réponse ou d’opposition des ministres à compter de la réception de la déclaration préalable composée de l’intégralité des pièces.
En tout état de cause, la question des avances sur compte courant consenties par les OPH aux SCCV dont ils ont des participations mérite d’être posée devant le juge ou précisé par la réglementation.
Enfin, les avances en compte courant, en plus d’être normales dans la vie d’une société, ne semblent en rien contrevenir à la réglementation communautaire en matière d’aide publique (ce qui va encore dans le sens d’une reconnaissance de ces pratiques).
L’aide d’État est définie comme un avantage accordé par l’État ou au moyen de ressources d’État (TFUE, art. 107, § 1). Il y a ressources d’État lorsque ces ressources sont sous contrôle public.
Aussi, la Cour a posé, dans l’arrêt Steinike17, le principe selon lequel « l’article 87 [aujourd’hui l’article 107 du TFUE] englobe les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’aide est accordée directement par l’État ou par des organismes publics ou privés qu’il institue ou désigne en vue de gérer l’aide ».
Les personnes publiques spécialisées (EPA, ÉPIC, nationaux et locaux), quel que soit leur degré d’autonomie, ainsi que les entreprises publiques, dans le cas où elles accorderaient des avantages privilégiés à leurs filiales de droit privé18 ou par le biais de leurs tarifs, doivent pouvoir entrer dans le champ d’application de la définition et des règles applicables en matière d’aides d’État ou publiques.
Sont néanmoins compatibles avec le marché intérieur, les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits.
L’avantage consenti n’est ici, en général, que très indirect.
Le caractère social d’une aide peut, notamment, résulter du fait qu’elle ne couvre que certaines catégories de bénéficiaires (enfants, handicapés, personnes résidant dans une région défavorisée).
Le bénéfice de l’aide doit profiter au « consommateur » final.
La Commission19 s’est, par exemple, appuyée sur ce fondement pour admettre une aide mise en œuvre par le Danemark en matière de transport, dont le but était de s’assurer que les enfants, étudiants et personnes retraitées bénéficiaient de tarifs réduits pour leurs trajets de longue distance en bus.
Pour terminer, précisons aussi que lorsque la qualification juridique des faits entraîne la superposition de régimes juridiques susceptibles de recevoir application, il appartient au juge de déterminer celui qu’il retiendra selon les méthodes classiques de combinaison des normes (lex specialis derogat generali, intention du législateur, primauté de l’intérêt général, commune intention des parties, etc.).
Ainsi, le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de donner la primauté à la notion de participation au capital d’une SEM sur celle d’aide directe20.
B – Sur la souscription ou l’acquisition de parts d’une société dans laquelle participent des organismes HLM et dont l’objet est principalement la réalisation d’opérations ne relevant pas de la réglementation HLM
À la lecture de l’article L. 421-1-10° du CCH, il est tout d’abord permis de s’interroger sur la participation des OPH à des SCCV en cas d’actionnaires non HLM.
La société, constituée pour une durée n’excédant pas 5 ans, doit avoir pour unique objet la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, et doit réaliser au moins 25 % de logements relevant du secteur d’intérêt général visé par l’article L. 411-2 du CCH (logements conventionnés, logements en accession sociale, logements intermédiaires dans la limite de 10 % de l’activité, logements situés dans des copropriétés en difficulté ou dégradées).
Or sur ce point, il est intéressant de noter qu’il n’est pas rare de voir des SEM, qui ne sont pourtant pas, juridiquement, des organismes HLM, dans le secteur de la construction et la gestion de logements sociaux (les SEM dites de construction et de gestion de logements sociaux ayant même été consacrées et reconnues par la loi Alur).
De manière similaire, et indépendamment du statut d’organisme d’HLM, peuvent être citées les associations agréées qui accueillent les populations les plus fragiles, que le parc social « classique » n’a pas été en mesure de loger.
Il peut résulter de ce qui précède qu’un OPH peut prendre des participations au sein de sociétés dans lesquelles peuvent se trouver aussi bien des organismes HLM que des organismes non HLM.
En vérité, la possibilité pour les OPH de créer des coopérations institutionnelles avec des opérateurs privés est implicitement reconnue dans la mesure où le législateur précise que ces organismes peuvent acquérir dans le cadre de vente d’immeuble à construire, « à due concurrence de leurs apports, des logements mentionnés à l’article L. 411-2 auprès d’une société civile immobilière dans laquelle ils détiennent des parts et dont l’unique objet est la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente, à la condition que cette société réalise au moins 25 % de logements mentionnés à l’article L. 411-2 ».
Dès lors qu’un OPH peut, à titre subsidiaire (et transitoire), prendre des participations dans des SCI qui réalisent au moins 25 % de logements HLM et intermédiaires, il est possible d’en déduire que ces sociétés peuvent, pour le surplus (majoritaire), réaliser des logements privés non sociaux… la participation d’organisme non HLM au sein de ces sociétés semblant alors parfaitement cohérente.
Cette analyse est d’ailleurs confirmée par l’exposé de l’amendement n° 1288 à l’origine de la nouveauté introduite à l’article L. 421-1-10° du CCH.
En effet, il ressort de l’exposé parlementaire que cette disposition vise bien à permettre aux organismes HLM de participer à des SCI constituées entre « organismes HLM et organismes privés pour réaliser des logements privés et des logements sociaux locatifs et en accession à la propriété ».
Aussi, l’article L. 421-10 du CCH donne la possibilité pour un OPH de prendre des participations dans une SCCV dont le périmètre dépasse celui des programmes d’accession sociale ; la volonté du législateur étant de favoriser la mixité sociale et urbaine à travers ces types de coopération.
Ensuite, au titre de l’article L. 421-1-10° du CCH toujours, il est permis de se demander si avec seulement le respect d’un plafond de prix de vente à ne pas dépasser, un OPH peut réaliser intégralement ces opérations avec des accédants à la propriété dont les ressources, tout en dépassant les plafonds, n’en restent pas moins à revenus modestes.
En vertu de l’article L. 421-1 5° du CCH, les OPH peuvent réaliser, rénover ou acquérir et améliorer, en complément de leur activité locative, en vue de leur vente, des logements à titre de résidence principale destinés à des personnes physiques « de ressources modestes » et respectant des prix de vente maxima fixés par l’autorité administrative, soit lorsqu’une offre satisfaisante de ces logements n’est pas assurée dans un îlot, un quartier ou une commune, soit à la demande de la collectivité territoriale dans le cadre d’une action ou d’une opération d’aménagement ou de la mise en œuvre des objectifs de renouvellement urbain et de mixité sociale prévus dans les contrats de ville.
Dans des zones tendues (celles définies notamment à l’article 232 du CGI), ils peuvent également réaliser ou acquérir et améliorer, en complément de leur activité locative, en vue de leur vente à des personnes morales, et dans les mêmes hypothèses, des logements destinés à des personnes « dont les ressources ne dépassent pas les plafonds fixés » par décret et respectant des prix de vente maxima fixés par l’autorité administrative.
La définition correspond ici à ce qu’il est convenu de nommer, en pratique, le logement intermédiaire.
L’article L. 302-16 dispose, de la manière suivante :
« Les logements intermédiaires s’entendent, à l’exclusion des logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5, des logements :
1° Faisant l’objet d’une aide directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, accordée par l’État, une collectivité locale ou l’un de ses groupements, ou par toute autre personne morale et conditionnée au respect, pendant une certaine durée, des conditions prévues aux 2° et 3° ;
2° Destinés à être occupés, à titre de résidence principale, pendant la durée fixée lors de l’attribution de l’aide mentionnée au 1°, par des personnes physiques dont les ressources n’excèdent pas des plafonds, fixés par décret en fonction de la typologie du ménage, de la localisation et du mode d’occupation du logement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III ;
3° Dont le prix d’acquisition ou, pour les logements donnés en location, dont le loyer, n’excède pas, pendant la durée mentionnée au 2°, des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement, de son type et, le cas échéant, de son mode de financement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III ».
À la seule considération du premier alinéa de l’article L. 421-1-5° du CCH, les OPH semblent autorisés à réaliser, rénover, améliorer ou acquérir, en vue de leur vente, des logements à titre de résidence principale respectant des prix de vente maxima à des personnes physiques qui, tout en dépassant les plafonds de ressources fixés par les textes ou, du moins, en n’y étant pas assujetties, sont des personnes à revenus modestes.
Ainsi, si une interprétation stricte de l’article L. 421-1-10° conduit à exclure la possibilité pour un OPH de réaliser des opérations destinées à des accédants dont les ressources sont supérieures aux plafonds fixés par l’autorité administrative, par une combinaison des articles L. 421-1-10° et L. 421-1-5° du CCH, il devient possible de défendre l’idée selon laquelle l’OPH peut souscrire ou acquérir des parts à hauteur de 25 % ou plus auprès de SCCV dont l’objet ou l’activité est la réalisation, en vue de leur vente, soit de logements mentionnés à l’article L. 411-2 du CCH ou destinés à des accédants dont les ressources n’excèdent pas des plafonds fixés par l’autorité administrative compétente, soit de logements qui ne pourront être cédés qu’à un prix de vente maximum. Pour le surplus (soit au moins 75 %), la SCCV portera sur des logements privés qui relèvent de la compétence du promoteur immobilier ou de l’opérateur économique coopérant avec l’OPH au sein de la société.
Ce dernier montage juridique semble conforme à l’esprit de la jurisprudence qui veut que les activités annexes des ÉPIC soient techniquement et commercialement le complément normal ou connexe de leur mission statutaire principale.
C’est pourquoi, aucun article pris isolément ou aucune combinaison d’articles, ne peut donner à un OPH la possibilité de participer, directement ou indirectement, à des opérations immobilières destinées à la vente sans plafond de ressource ou sans prix de vente maximum.
En sa qualité d’organisme d’HLM, les interventions de l’OPH doivent toujours se faire en faveur de personnes que la réglementation entend protéger d’une manière ou d’une autre de la spéculation immobilière ou du marché de l’immobilier privé non réglementé.
Pour autant, et en l’absence de jurisprudences tranchant les différentes questions ou difficultés abordées, l’extrême prudence doit conduire les OPH à interpréter les articles du CCH de manière stricte :
1. En dehors du dispositif expérimental prévu à l’alinéa 2 de l’article L. 421-1-10° du CCH, la participation des OPH au capital d’une société impose toutes les contraintes de l’accession sociale à l’ensemble de leurs programmes immobiliers, c’est-à-dire le respect des conditions de ressources et de prix de vente.
2. Au sein même du dispositif expérimental de l’alinéa 2 de l’article L. 421-1-10° du CCH, les OPH doivent veiller, pour la partie du programme immobilier qui leur revient, au respect non seulement des plafonds de prix de vente, mais aussi des conditions de ressources applicables aux accédants à la propriété pour les opérations d’accession sociales21.
3. Dans le cadre du dispositif expérimental de l’alinéa 2 de l’article L. 421-1-10° du CCH, les OPH doivent également procéder directement à la vente des logements aux accédants à la propriété remplissant les conditions de ressources et qu’ils auront préalablement acquis auprès des SCCV dont ils sont actionnaires (cette vente en direct suppose donc, comme indiqué ci-dessus, que les logements transitent dans le parc immobilier de l’OPH). Ainsi les OPH pourront, à due concurrence de leur apport, acheter, dans le cadre d’un contrat de VEFA, des logements sociaux construits par les SCI.
4. Enfin, au-delà de l’article L. 423-15 du CCH, le législateur n’a pas entendu reconnaître aux OPH le droit de consentir des avances sur comptes courants aux sociétés dont ils sont, pourtant, actionnaires.
Notes de bas de pages
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1.
Cette pratique est ainsi codifiée à l’article L. 422-2 du CCH pour les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré ; à l’article L. 422-3 du CCH pour les sociétés anonymes coopératives de production d’habitations à loyer modéré et sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif d’habitations à loyer modéré.
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2.
Nous pensons, par exemple, à l’épineuse question de la soumission des contrats de souscription ou acquisition aux règles de la commande publique, ou du risque de requalification des contrats de construction-vente en marchés de travaux.
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3.
Les sociétés civiles dont l’objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions sont régies par les chapitres 1er et II du titre IX du livre III du Code civil et par les dispositions du chapitre 1er, titre Ier du livre II du Code de la construction et de l’habitation.
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4.
L’article L. 421-1-10° dispose : « À titre subsidiaire et à titre transitoire pour une période de six ans, ils (les OPH) peuvent également acquérir dans le cadre de l’article L. 261-1, à due concurrence de leurs apports, des logements mentionnés à l’article L. 411-2 auprès d’une société civile immobilière dans laquelle ils détiennent des parts et dont l’unique objet est la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente ».
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5.
Sans parler d’un risque accru de requalification des contrats de vente en marchés publics de travaux ; les juges restant sensibles à la destination de l’ouvrage et à la propriété de celui-ci.
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6.
Cas par exemple du Centre national d’études spatiales, article 1er de la loi du 19 décembre 1961, ou de l’Office national interprofessionnel des céréales, article 21 de la loi du 6 janvier 1986.
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7.
V. en ce sens par ex. CE, 6 nov. 1998, n° 171927, SCI Paradis Prat.
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8.
CE, 28 nov. 2012, n° 332110, SCI Virapin Apou.
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9.
CE, avis, 7 juill. 1994, n° 356089, relatif à EDF-GDF.
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10.
CE, 19 nov. 1975, n° 94791, Cne de Thaon-les-Vosges ; CE, 23 oct. 1985, n° 46612, Cne de Blaye-les-Mines ; CAA Lyon, 17 juin 1999, n° 99LY00321, Communauté urbaine de Lyon.
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11.
CE, avis, 16 juin 1994, n° 356101 : EDCE 1994, p. 367.
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12.
CE, 27 mars 1995, n° 108696, chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes : Lebon, p. 143.
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13.
Cons. const., 18 mars 2009, n° 2009-578 DC.
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14.
CE, avis, n° 356089, préc.
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15.
Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-20056.
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16.
Ainsi, en vertu de l’article L. 1522-5 du CGCT précité, aucune avance ne peut être accordée par les collectivités locales ou leurs groupements si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la SEML sont devenus inférieurs à la moitié du capital social.
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17.
CJCE, 22 mars 1977, n° 78/76, Steinike.
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18.
CJCE, 11 juill. 1996, n° C-39/94, SFEI c/La Poste.
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19.
Déc. n° N 332/08 de la Commission, 13 janv. 2009 : JOUE C 46, 25 févr. 2009.
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20.
CE, 7 janv. 1994, nos 133837 et 133905, Préfet du département des Alpes-de-Haute-Provence.
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21.
La SCCV pourra ainsi construire des logements dans le cadre d'une opération de location-accession PSLA donc en respectant les plafonds de prix et de ressources prévus pour ce type d'opération agréée. Il est peut-être également utile de préciser que les SCCV entrant dans le périmètre de l’alinéa 2 de l’article L. 421-1-10° du CCH n’ont pas vocation à gérer les logements construits eu égard à sa durée qui est limitée à 5 ans.