Julia Heinich : « Les cessions de droits sociaux sont une matière très vivante »
Le 8 avril prochain, un panel de praticiens et d’universitaires donnera une formation sur le thème des cessions de droits sociaux. L’occasion de se réunir entre juristes pour faire un point sur l’actualité du sujet, la jurisprudence et d’aborder des cas pratiques. Julia Heinich, agrégée des facultés de droit, professeur à l’université de Bourgogne, qui a pensé cette formation au sein du conseil scientifique de la Revue des contrats, en livre un aperçu. Rencontre.
Actu-Juridique : Les formations de la Revue des contrats sont basées sur le binôme universitaire et praticien. Pourquoi ?
Julia Heinich : Dans les formations de la Revue des contrats, nous avons en effet l’habitude de mêler les interventions de praticiens et d’universitaires pour permettre un double regard, qui est je crois, apprécié par les participants : celui des aspects fondamentaux du thème abordé et de son appréhension en pratique par les magistrats, avocats, juristes d’entreprise ou notaires.
AJ : Quel est le profil des participants attendus ?
Julia Heinich : Principalement des avocats et des juristes d’entreprises, intervenant en conseil ou en contentieux, mais aussi des notaires. En somme les principaux métiers du droit, souvent représentés dans notre public, dont beaucoup sont d’ailleurs abonnés à la Revue. Mais d’une manière générale, tous les professionnels du droit ont vocation à s’intéresser à ces questions. Lors de notre dernière formation intervenaient ainsi un juge du tribunal de commerce de Paris et un magistrat de la Cour de cassation.
AJ : Quelle est l’actualité principale des cessions de droits sociaux et droit des contrats ?
Julia Heinich : Il n’y a pas eu d’évolution législative majeure depuis la réforme du droit des contrats qui a été opérée en 2016. En revanche, cette réforme a un certain nombre de répercussions sur la jurisprudence, c’est-à-dire que petit à petit, la Cour de cassation et les juridictions du fond ont commencé à délivrer des analyses, des interprétations, des solutions qui font évoluer les règles applicables aux cessions de droits sociaux, et donc la pratique de ces cessions. Il faut avoir en tête que la cession de droits sociaux est une opération très courante : des cessions de contrôle, des transmissions, des restructurations, des levées de fonds conduisant à l’entrée au capital d’investisseurs interviennent tous les jours dans la vie des affaires. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence sur ce thème est très nourrie et doit être bien maîtrisée pour sécuriser et affiner la rédaction des clauses de ces contrats. Encore très récemment, de nouveaux arrêts de la chambre commerciale ont ainsi abordé la question des clauses de « buy or sell » et de « drag along », qui ne manqueront pas d’intéresser les participants à la formation. La question du prix est aussi au cœur de nombreux arrêts et constitue un enjeu majeur qui sera abordé par deux grands experts de la question : le professeur Laurent Aynès et Maître Emmanuel Brochier.
AJ : Éviter les risques d’invalidité, question de consentement à la cession, de détermination du prix ou encore de garanties contractuelles… Autant de sujets abordés. Quelles notions suscitent-elles le plus l’intérêt de la part de vos participants ?
Julia Heinich : Nous avons construit cette formation de façon à évoquer tous les points qui peuvent intéresser les praticiens. Je ne dirais pas que l’un est plus important que l’autre, car tout dépend des situations et des pratiques. Je remarque cependant que dans le cadre de la rédaction de ces contrats très spécifiques et aux enjeux majeurs, la question du prix est une question particulièrement sensible et qui suscite beaucoup de contentieux. C’est donc logiquement une question que l’on retrouve souvent dans les arrêts de la Cour de cassation. La question des garanties est aussi toujours essentielle dans les cessions, avec en particulier, les garanties contractuelles, d’actifs, de passif, qui sont au centre de la pratique des cessions.
AJ : Les notions passent-elles bien à travers des cas pratiques ?
Julia Heinich : Dans le cadre des formations, fidèle à l’esprit que j’ai déjà évoqué – renforcer les fondamentaux, informer de l’actualité et améliorer les pratiques, – les intervenants s’appuient sur des promesses, des contrats de cession, des clauses, qu’ils vont utiliser à titre d’illustration ou d’analyse, afin de pouvoir s’ancrer dans la pratique. La formation compte aussi des temps de discussion et d’échange avec la salle, pour que les participants soient actifs et posent leurs questions.
AJ : Quels sont les avantages de cette formation ?
Julia Heinich : D’abord, cette formation permettra aux participants de se tenir au courant des dernières actualités de la matière, en bénéficiant de l’analyse des meilleurs experts, universitaires ou professionnels, avocats, magistrats, juristes. Ensuite, elle leur permettra aussi d’échanger avec les intervenants et entre eux. En effet, ces professionnels sont très pris par leur pratique dans leur cabinet ou leur entreprise. La formation leur permet de s’ouvrir aux experts présents et ainsi qu’aux autres participants et de participer à des échanges et des discussions précieux pour partager une difficulté, une nouvelle pratique rencontrée dans le cadre d’une cession ou dans son suivi. Ce temps de réflexion et de discussion est rare dans le quotidien des praticiens mais il se révèle très utile et enrichissant.
AJ : Que dire à ceux qui trouveraient le sujet aride car trop technique ?
Julia Heinich : Au contraire, je trouve que c’est une matière très vivante ! Avec ce thème, nous nous situons à l’intersection de deux matières, le droit des contrats et le droit des sociétés. Comme à chaque fois que l’on est face à une interaction entre deux disciplines, les questions qui se posent sont plus intéressantes et moins arides, car on puise dans chacune pour enrichir la réflexion et les pratiques, le cas échéant en les contextualisant. Par ailleurs, la cession de droits sociaux est une opération tout à fait essentielle pour le tissu économique, l’attractivité et le développement des entreprises, c’est-à-dire en somme pour la vie du pays. Elle a donc non seulement un intérêt juridique, mais implique aussi des enjeux économiques et financiers majeurs, bien au-delà du droit. Les cessions de droits sociaux sont aussi essentielles pour les transmissions d’entreprises que pour les investisseurs, car elles permettent l’entrée de nouveaux associés (fonds, industriels, family offices, etc.) dans des sociétés pour les faire évoluer, grandir, émerger -, en particulier s’agissant de start-up. C’est donc une matière très vivante qui laisse toute sa place à l’imagination des praticiens. Les avocats, les notaires, les juristes vont ainsi pouvoir, en fonction des besoins exprimés par leurs clients, créer sur mesure de nouvelles clauses, de nouvelles pratiques, faire émerger de nouvelles idées de rédaction qui vont ensuite être adoptées plus largement, validées par les tribunaux et qui participeront ensuite à l’évolution du droit des contrats et des sociétés.
AJ : Comment avez-vous construit la formation, pour qu’elle soit vivante, adaptée et complète ?
Julia Heinich : D’abord, nous avons opté pour un format sur une matinée (4 heures) car nous avons conscience que les professionnels qui y participent sont très occupés. Nous avions donc vocation à leur donner le meilleur dans un temps limité. Au préalable, le conseil scientifique de la Revue des contrats s’est réuni, comme il le fait régulièrement, pour faire émerger les thématiques les plus actuelles, les plus riches et les plus intéressantes pour les praticiens. Une fois le thème arrêté, nous nous sommes concertés pour déterminer les points qui bénéficient d’une actualité particulière, qui posent des questions encore irrésolues, ou qui font l’objet de pratiques particulièrement riches ou récurrentes et sur lesquels les praticiens ont besoin d’un retour. Nous avons donc prévu des interventions sur chacun de ces points, en prenant soin de laisser entre elles un large temps d’échange et de questions pour les participants.
AJ : Quid des prochaines formations ?
Julia Heinich : Nous n’avons pas encore arrêté de prochain thème. Mais nous explorons les thématiques à la frontière du droit des contrats et d’autres disciplines. L’année dernière, par exemple, nous avions organisé une formation sur les pactes d’actionnaires à destination des professionnels du droit des sociétés, du contentieux, des notaires et des juristes d’entreprise, qui avait rencontré un certain succès. Avec cette formation sur les cessions de droits sociaux, nous nous inscrivons dans sa continuité. Nous avons également organisé en décembre une journée de formation consacrée à l’actualité annuelle du droit des contrats qui a vocation à se pérenniser et deviendra un temps fort pour les praticiens.
Référence : AJU017c2
