Chronique de contrats spéciaux(Suite et fin)

Publié le 21/08/2019

Cette nouvelle chronique est la première publication collective du Centre de recherche en droit Antoine Favre, nouveau nom du Centre de recherche en droit privé et public des obligations et de la consommation (CDPPOC), de l’université Savoie Mont Blanc. Donner au centre de recherche le nom de ce juriste savoyard contemporain et ami de Cujas permettait en effet de mieux manifester la diversité des thématiques qui y sont abordées, notamment en droit des contrats. C’est cette diversité que veut refléter la présente chronique, qui touche au droit privé et public et s’intéresse aussi aux « smart contracts ».

I – Contrats relatifs au transfert d’un bien

A – Vente immobilière

B – Pacte de préférence et promesse unilatérale de vente

II – Contrats relatifs aux sûretés

III – Contrats publics

A – Délégation de service public

Régime comptable des délégations de service public : à propos des incidences fiscales de la qualification de la convention en contrat d’affermage

CE, 3 déc. 2018, n° 402037, ministre de l’Action et des Comptes Publics c/ Sté d’exploitation des aéroports de Rennes et Dinard. L’application des règles comptables est, à bien des égards, décisive pour le régime d’exécution des conventions de délégation de service public. Tout d’abord, les amortissements pratiqués par le délégataire sont de nature à retentir tant sur la régularité des conventions que sur le traitement indemnitaire des fins de contrat1. Ensuite, la malléabilité de la norme comptable est parfois exploitée habilement par les délégataires pour abonder leur rémunération au travers de pratiques interlopes sur lesquelles la jurisprudence administrative est occasionnellement amenée à se prononcer2. Enfin, les écritures comptables des délégataires sont également associées à un contentieux fiscal. L’arrêt Ministre de l’Action et des Comptes Publics c/ Société d’exploitation des aéroports de Rennes et Dinard rendu par le Conseil d’État le 3 décembre 2018 illustre à ce titre l’influence que la terminologie propre au droit des contrats publics peut exercer sur les écritures comptables des délégataires et pour finir sur la détermination de leur charge fiscale3.

À l’origine de cet arrêt, un litige opposant l’administration des finances publiques à une société délégataire chargée de l’exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard au sujet du paiement des taxes foncières sur les propriétés bâties au titre des années 2011 et 20134. Au cœur du litige, un questionnement sur l’obligation pour l’exploitant aéroportuaire d’appliquer l’ancien article 393-1, devenu l’article 621-8, du plan comptable général relatif à l’inscription à l’actif du bilan des biens mis dans la concession. Le questionnement sur l’application de cet article du plan comptable général était en l’espèce essentiel à la détermination de la méthode de référence pour le calcul de l’impôt dû au titre de la détention des infrastructures aéroportuaires5. L’article 1500 II CGI prévoit en effet deux méthodes de détermination de la valeur locative de ces immeubles : la méthode dite comptable prévue à l’article 1499 CGI et la méthode d’appréciation directe prévue au 3° de l’article 1498 CGI. Le recours à la méthode dite comptable – en l’espèce défavorable à la société délégataire – suppose cependant que les biens concernés par l’imposition figurent à l’actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant. Or l’article 621-8 précité du plan comptable général ne requiert une telle inscription à l’actif du bilan que dans l’unique mesure où les immobilisations font l’objet d’une concession de service public.

Au fond, le règlement du litige était donc suspendu à la qualification en concession ou en affermage du contrat unissant en l’espèce la région Bretagne et la société d’exploitation du service public aéroportuaire. Assimilée à un concessionnaire, l’entreprise délégataire était tenue d’appliquer l’article 621-8 précité du plan comptable général, d’inscrire à l’actif de son bilan les immobilisations industrielles passibles de l’impôt et en définitive de supporter une charge fiscale évaluée selon la méthode comptable. Dans le second cas, elle se trouvait libérée de cette obligation comptable et dès lors redevable d’une imposition évaluée selon la méthode plus favorable d’appréciation directe.

Ce n’était bien sûr pas la première fois qu’une telle incidence contentieuse découlait de la distinction entre les deux types de contrat. La détermination de la qualité de concessionnaire ou de fermier n’est, par exemple, pas neutre au regard du régime de responsabilité applicable à raison des dommages causés par les ouvrages affectés au service public6. Il y a peu, le Conseil d’État lui-même s’était déjà prononcé sur les conséquences fiscales de cette distinction dans une affaire ayant précisément trait au paiement des taxes foncières par une société délégataire du service public aéroportuaire7. Mais la résolution du litige ne présentait en l’espèce aucune véritable difficulté relative à la détermination de la nature du contrat. C’est d’ailleurs tout ce qui fait l’intérêt de l’arrêt commenté. Car la solution arrêtée le 3 décembre 2018 par le Conseil d’État pour qualifier la convention n’a rien d’une évidence. La preuve en est que la cour administrative d’appel de Nantes – amenée à statuer dans ce même litige sur la contestation du montant de la cotisation foncière des entreprises due par la société d’exploitation des aéroports de Rennes et Dinard – a opté pour une autre qualification du contrat que celle choisie par la juridiction suprême à la fin de l’année 20188.

Amené à se prononcer sur la nature d’une convention, le Conseil d’État ne s’en tient pas à une position simplement formelle. La terminologie utilisée dans la rédaction du contrat n’est en principe pas un facteur décisif de qualification9. Cette approche substantielle guide également le Conseil d’État dans l’appréhension des écritures comptables du délégataire. Le défaut d’inscription des immobilisations industrielles à l’actif du bilan du délégataire ne produit par lui-même aucun effet juridique sur la détermination de la nature du contrat et finalement du régime fiscal qu’il convient d’appliquer. C’est bien la règle de droit public qui guide l’application de la règle comptable et non l’inverse. En matière de fiscalité des délégations de service public, l’Administration est donc parfaitement fondée à contrôler la régularité de l’imputation comptable au regard des qualifications contractuelles de référence et, le cas échéant, à s’affranchir des qualifications comptables opérées pour déterminer le montant de l’imposition10.

L’administration fiscale avait considéré que l’entreprise exploitante se rattachait à la catégorie des concessionnaires et qu’il lui incombait d’inscrire à l’actif de son bilan les infrastructures dédiées à l’exécution du service public aéroportuaire. Dans son recours en première instance, l’entreprise avait quant à elle naturellement plaidé en faveur de son appartenance à la catégorie des fermiers. Le tribunal administratif de Rennes lui avait donné raison en considérant que, dépourvue de la qualité de concessionnaire, elle n’avait pas à inscrire à l’actif de son bilan les infrastructures exploitées et qu’en conséquence le montant de son imposition devait être allégé. C’est cette position que le Conseil d’État, saisi en appel par le ministre des Finances, a réitérée dans l’arrêt commenté.

Le délégataire était-il, dans cette affaire, uni à l’Administration par un contrat de concession ou par un contrat d’affermage ? Il faut se méfier des questions simples. Elles n’appellent que rarement des réponses catégoriques. L’examen de la jurisprudence administrative révèle à cet égard la subtilité des solutions retenues pour distinguer les deux catégories de contrat11. Bien sûr l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 3 décembre 2018 tranche le litige en repoussant la qualification de concession contrairement à la position retenue par l’administration fiscale. Et la rédaction retenue par la juridiction précise utilement que l’imputation différée aux délégataires des frais de premier établissement des ouvrages qui leur sont remis ne fait pas perdre à une convention de délégation de service public sa nature de contrat d’affermage (I). Mais l’ambiguïté demeure quant à l’influence véritablement exercée sur la qualification de la convention par la réalisation de travaux postérieurs à la remise des ouvrages publics (II).

I. Affermage et imputation différée des frais de premier établissement. C’est probablement à l’arrêt précité du Conseil d’État du 29 avril 1987, Commune d’Élancourt, que l’on doit la contribution la plus remarquable à la distinction des concessions et des affermages. Dédiées l’une comme l’autre à l’exploitation d’un service public, ces formules contractuelles se distinguent avant tout par l’implication du délégataire dans la construction des ouvrages affectés à l’exploitation du service public. Alors qu’il incombe au concessionnaire de prendre en charge la construction de ces ouvrages, le fermier les reçoit en principe de l’autorité délégante qui les lui met à disposition. Cette absence d’implication dans la construction des installations constitue le critère primaire de la distinction entre les deux catégories de contrat. Dans le modèle théorique le plus pur de l’affermage, elle a pour conséquence comptable mécanique de libérer le fermier – à la différence du concessionnaire – de la charge du financement de la construction des ouvrages ainsi utilisés. Leur mise à disposition du fermier au moment de la conclusion du contrat explique au passage la durée généralement plus faible des contrats d’affermage dont l’exécution ne fait pas peser sur ce dernier la lourde charge des investissements nécessaires à la construction des infrastructures. L’exécution des contrats d’affermage n’a dès lors pas à s’inscrire dans une durée aussi longue que celle des contrats de concession dont le calibrage temporel doit au contraire permettre à l’exploitant d’amortir les investissements réalisés pour construire les ouvrages.

Pour asseoir la qualification en contrats d’affermage des délégations de service public aéroportuaire, l’arrêt du 3 décembre 2018 se réfère bien sûr en premier lieu au fait que les ouvrages aéroportuaires ont été « mis à la disposition » des sociétés délégataires. Mais il insiste par ailleurs de manière remarquable sur la dimension comptable de cette mise à disposition en faisant valoir que les sociétés n’ont pas « supporté les frais de premier établissement ». Aussi limpide soit-elle, cette référence aux frais de premier établissement mérite cependant d’être examinée au regard de la réalité de l’exécution contractuelle. Certes, dans cette affaire, les ouvrages publics préexistaient au contrat de délégation en cause et avaient bien été mis à disposition de l’exploitant nullement impliqué dans les opérations de réalisation des infrastructures aéroportuaires. Ces opérations avaient en effet été prises en charge quelques années plus tôt par une chambre de commerce et d’industrie alors concessionnaire de la Région Bretagne. Mais les clauses financières du contrat de délégation conclu avec la société d’exploitation aéroportuaire à l’origine du recours fiscal la conduisaient par ailleurs à verser à la chambre de commerce et d’industrie des sommes dont l’importance est venue jeter le trouble sur la nature véritable du contrat. En application de mécanismes contractuels aussi variés que nébuleux, il est certes d’usage que le fermier verse à l’autorité délégante propriétaire une « surtaxe » au titre de la mise à disposition des infrastructures et une « redevance » destinée à contribuer à l’amortissement des investissements qu’elle a réalisés. Mais le jeu de ces clauses financières débouche parfois sur un système dans lequel les sommes ainsi versées organisent en réalité le remboursement aux entités à l’origine des opérations de construction des frais qu’elles ont initialement engagés pour les mener à bien. Dans de telles circonstances, n’est-il pas permis de considérer que les stipulations contractuelles font en réalité supporter de manière indirecte au délégataire la charge financière de la construction des ouvrages utilisés en répercutant sur ce dernier l’essentiel des frais de premier établissement ? N’est-il pas fallacieux de prétendre dès lors que le contrat est une convention d’affermage au motif que le délégataire n’a pas supporté les frais de premier établissement ? Car au fond, si ce dernier ne les a pas supportés de manière directe, les stipulations contractuelles les auront tout de même mis à sa charge de manière indirecte. C’est cette argumentation qu’avait tenté de faire valoir le ministre pour obtenir la qualification en contrat de concession du contrat de délégation du service public aéroportuaire. La cour administrative d’appel de Nantes n’avait d’ailleurs pas hésité à accueillir favorablement ce raisonnement. Pour assimiler le contrat à une concession, son arrêt du 12 décembre 2017 a ainsi parfaitement pris en considération le fait que la société « a dû indemniser les CCI pour les premiers investissements qu’elles avaient réalisés »12. En faisant reposer la distinction affermage/concession sur un simple questionnement relatif à l’imputation finale des coûts de construction des infrastructures utilisées, cette solution témoigne d’une approche exclusivement financière des deux catégories de contrats.

C’est précisément cette approche que l’arrêt du 3 décembre 2018 vient de censurer en indiquant que l’obligation contractuelle faite au délégataire d’indemniser la chambre de commerce et d’industrie de Rennes à hauteur de 3 370 000 €, dont 2 147 000 € au titre de la valeur nette comptable des immobilisations, est sans incidence sur la qualification du contrat en convention affermage. Cette mise à l’écart de la question relative à l’imputation différée des coûts pouvait d’ailleurs se déduire de l’arrêt du Conseil d’État Commune d’Élancourt rendu il y a près de 30 ans13. Peu importe au fond que les stipulations organisent le remboursement par le délégataire des coûts associés à la construction des infrastructures. L’existence de telles clauses d’indemnisation des entités (tiers ou autorités délégantes) ayant eu à supporter les frais de premier établissement est neutre pour la qualification en contrat d’affermage ou de concession. Si l’on suit bien la logique de l’arrêt rendu le 3 décembre 2018, l’essentiel n’est pas de savoir qui supporte finalement les coûts mais au contraire qui les a supportés en premier. Ce critère de distinction fondé sur l’antériorité du financement des ouvrages est, à bien des égards, pertinent. Il traduit en tout état de cause une différence de degré dans la prise de risque associée au projet d’exploitation du délégataire. Certes, par principe, il ne peut y avoir de délégation de service public sans l’existence d’un risque auquel s’exposent les délégataires. Mais le risque pris par le délégataire qui assure le primo financement de la construction des ouvrages est nettement supérieur à celui pris par le délégataire qui est simplement amené à rembourser les frais de premier établissement. Le premier est en effet comptable du bon achèvement de l’ouvrage avec tous les aléas qui sont associés au respect d’un tel engagement. À la différence du fermier, il l’est aussi des dommages que cet ouvrage pourrait, une fois construit, éventuellement causer aux tiers en raison de son « existence », de sa « nature » ou encore de son « dimensionnent »14.

Cette différence d’exposition au risque découlant de l’implication dans la construction des ouvrages est donc de nature à justifier à elle seule une différenciation dans la qualification des montages contractuels choisis, indépendamment de la mise en œuvre éventuelle de mécanismes contractuels de répercussion du coût initial de la construction des infrastructures.

II. Affermage et réalisation de travaux postérieurs à la mise à disposition des ouvrages publics. Si l’entretien des infrastructures mises à sa disposition est considéré aujourd’hui comme une obligation naturelle du fermier, les clauses des conventions d’affermage mettent parfois à sa charge des obligations nettement plus discutables sous couvert de renouvellement, de renforcement, d’extension ou de construction d’ouvrages supplémentaires.

Dans quelle mesure l’obligation contractuelle faite au délégataire de réaliser de tels travaux après l’entrée en possession des ouvrages publics s’oppose-t-elle à la qualification du contrat en convention d’affermage ? La question n’est à la vérité pas nouvelle et les réponses données jusqu’alors successivement par le Conseil d’État ne permettaient pas de tracer une ligne claire. La jurisprudence a oscillé entre deux critères.

L’arrêt Commune d’Élancourt du 29 avril 1987 s’en était remis à un critère tiré de l’importance des investissements supportés par le délégataire. Dans cette affaire, alors même que les clauses prévoyaient un « programme important de travaux », le contrat avait été assimilé à une convention d’affermage. La circonstance que « le financement de la plus grande partie » des investissements demeure à la charge de l’autorité délégante explique à elle seule la qualification retenue. L’arrêt du Conseil d’État, Société Lyonnaise des Eaux-Dumez, du 3 novembre 1995 a confirmé cette approche dont il faut souligner cependant l’imprécision15.

Dans l’intervalle, un arrêt du Conseil d’État, 6 mai 1991, Syndicat intercommunal du Bocage, a semblé s’en remettre à une vision plus matérielle, fondée sur la nature technique des travaux16. La solution prend en effet en compte les seules caractéristiques techniques des travaux – l’extension d’un réseau d’assainissement – pour en déduire que leur exécution doit être organisée dans le cadre d’une concession. L’arrêt précité Ministre contre Société Aéroports du Grand Ouest, rendu par le Conseil d’État le 24 février 2017 à propos précisément d’une délégation de service public aéroportuaire, s’inscrit dans ce sillon. Dans cette affaire récente, le Conseil d’État ne fait en effet aucune référence à l’importance de la charge de financement effectivement supportée par le délégataire pour qualifier la convention. C’est encore une fois la nature des travaux à réaliser après la remise des installations qui constitue le seul fondement de la qualification en concession de la convention. Il faut dire que, dans cette espèce, les clauses du contrat imposaient au délégataire de construire une infrastructure supplémentaire – une nouvelle plateforme aéroportuaire – distincte des infrastructures initialement mises à disposition.

L’arrêt du 3 décembre 2018 se rattache de toute évidence à cette approche matérielle. Nulle évocation dans ses motifs du montant des investissements réellement supportés par la société délégataire pour réaliser les travaux supplémentaires en cause. La qualification en affermage est simplement déduite du fait que les investissements mis à sa charge « consistent uniquement dans des travaux de renforcement, de mise en conformité et d’entretien des installations déjà existantes et non de création, d’extension ou de renouvellement des ouvrages ».

Pourtant, dans cette affaire, le poids financier des travaux supplémentaires à réaliser par la société exploitante du service public aéroportuaire n’avait rien d’anodin. Saisie d’un autre volet fiscal du litige opposant cette société à l’Administration, la cour administrative d’appel n’avait du reste pas hésité à prendre en compte cette réalité financière pour estimer que « ces travaux ne peuvent être regardés comme se limitant aux seuls travaux à la charge d’un fermier ». Le silence conservé par les arrêts du Conseil d’État sur la question du poids économique des travaux supportés par le délégataire est troublant. Traduit-il l’idée qu’il n’y a jamais lieu de prendre en compte cette considération pour qualifier la convention ? Ou traduit-il simplement l’idée qu’il n’y a pas lieu de la prendre en compte lorsque, comme dans le cas d’espèce, les travaux n’ont au plus qu’une portée accessoire par rapport aux ouvrages principaux ? Si tel devait être le cas, cela signifierait que la faiblesse des investissements à supporter au titre des travaux emportant la création d’ouvrages supplémentaires distincts des ouvrages mis à disposition pourrait s’opposer à la qualification d’une convention en contrat de concession.

On le comprend, les arrêts de 2018 ne dissipent pas toutes les ambiguïtés sur la prise en compte des aspects financiers des délégations de service public pour distinguer les contrats d’affermage des contrats de concession. Il est également un autre point qui gagnerait à être prochainement explicité et qui a trait à l’incidence sur le régime fiscal des délégations de service public de la définition législative des contrats de concession17.

Selon l’article L. 1121-1 du Code de la commande publique récemment entré en vigueur, les concessions sont « les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes (…) confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ». Il résulte mécaniquement de cette disposition que les contrats d’affermage – tels qu’ils sont habituellement entendus par la jurisprudence administrative – sont désormais tous des contrats de concession. La notion jurisprudentielle d’affermage se trouve dès lors absorbée en quelque sorte par la catégorie beaucoup plus vaste des concessions. Cette évolution sémantique est de nature à retentir sur la mise en œuvre des dispositions du plan comptable général faisant obligation aux concessionnaires d’inscrire leurs immobilisations à l’actif de leur bilan et partant sur le régime fiscal des contrats de délégation de service public.

On notera qu’en recourant parfois à l’appellation de « contrat d’affermage concessif », les derniers usages administratifs postérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession témoignent tout à la fois de la survivance de l’affermage et de la primauté de la concession18.

Grégoire CALLEY

B – Marchés publics

Précisions sur le respect du principe d’impartialité

CE, 12 sept. 2018, nos 420454 et 420512, Syndicat mixte des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse, Sté Sepur. Principe cardinal du droit de la commande publique, l’égalité de traitement des candidats continue d’interroger, en particulier dans son articulation avec d’autres principes, tels que l’impartialité. L’arrêt commenté apporte à ce sujet quelques précisions intéressantes.

Il convient de rappeler qu’au milieu des années 2000, la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 a consacré trois principes essentiels régissant la passation des marchés publics, que sont la liberté d’accès, l’égalité de traitement et la transparence des procédures d’achat, lesquels ont depuis été entérinés en droit interne par l’ordonnance du 23 juillet 2015. Puis un nouvel objectif a émergé au milieu des années 2010 visant à garantir la transparence de la vie publique. À ce titre, l’article premier de la loi du 11 octobre 2013 dispose que tous les agents publics « exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts ». Une nouvelle notion est alors apparue dans le paysage juridique : le conflit d’intérêts19. Si elle interroge déjà lorsqu’elle concerne les agents, les questions se sont multipliées après sa consécration dans le cadre spécifique de la commande publique. Par exemple, selon l’article 24 de la directive du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, « [l]es États membres veillent à ce que les pouvoirs adjudicateurs prennent les mesures appropriées permettant de survenir, de détecter et de corriger de manière efficace des conflits d’intérêts survenant lors des procédures de passation de marché, afin d’éviter toute distorsion de concurrence et d’assurer l’égalité de traitement de tous les opérateurs économiques ». Si l’État français est resté en retrait durant plusieurs années sur cette question, l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 définit désormais le conflit d’intérêts comme « toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité, son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public ». Dès à présent, une première difficulté apparaît. Bien que ces définitions portent effectivement sur le conflit d’intérêts, elles ne renvoient pas toujours aux mêmes notions. Ainsi, le droit de l’Union fait expressément référence à l’égalité de traitement des opérateurs économiques tandis que le droit interne mentionne plutôt l’impartialité. Des incertitudes demeuraient donc sur sa substance même. Grâce à la décision commentée, le Conseil d’État a permis de clarifier les liens entre ces différentes notions.

En l’espèce, le syndicat intercommunal des ordures ménagères (SIOM) de la vallée de Chevreuse a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la collecte des déchets ménagers et assimilés. La société Otus, déjà titulaire de l’ancien marché, s’est portée candidate pour le lot n° 1, mais son offre a été rejetée. Plus précisément, il s’avère que le SIOM avait confié au début du mois d’avril 2017 une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (MAMO) à la société Naldéo. Or le chef du projet a rejoint en décembre 2017 la société Sepur, elle aussi candidate, mais surtout société attributaire du marché. Pour la société Otus, il était évident que l’individu disposait d’informations susceptibles de conférer à son nouvel employeur un avantage de nature à rompre le principe d’égalité entre les concurrents. Pour cette raison, elle a saisi le juge du référé précontractuel en demandant l’annulation de la procédure. Le SIOM et la société Sepur se sont ensuite pourvus en cassation, en contestant l’ordonnance du 25 avril 2018 par laquelle le tribunal administratif de Versailles a annulé la procédure de passation.

Après avoir rappelé que l’impartialité est un principe général du droit dont la méconnaissance par le pouvoir adjudicateur constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence20, le Conseil d’État en précise les contours et la manière dont il convient de le contrôler (I). Dans le même temps, il saisit l’occasion d’éclaircir ses liens avec le principe d’égalité de traitement, répondant ainsi à certaines interrogations (II).

I. Les contours et le contrôle du principe d’impartialité. Il est constant que le respect du principe d’impartialité s’impose au pouvoir adjudicateur dans la passation de contrats de la commande publique21. Le juge administratif est couramment amené à statuer sur la question de la partialité des élus22, mais un peu moins sur celle des membres des MAMO. Pourtant, de nombreuses collectivités publiques n’hésitant plus à se faire accompagner dans la passation de leurs marchés publics, il devenait particulièrement important de dresser un cadre juridique en la matière23. À cet effet, le juge s’était déjà prononcé sur cette question quelques années auparavant, en jugeant que le fait de confier une telle mission à un ancien directeur de la société attributaire, lequel avait participé à la rédaction de certains documents et à l’analyse des offres des autres candidats, constituait un manquement au principe d’impartialité24. La décision commentée a ici été l’occasion d’apporter quelques précisions. Les faits présentés au Conseil d’État lui ont permis de confirmer l’application de ce principe au pouvoir adjudicateur, mais également aux assistants qui l’accompagnent. En l’occurrence, M. A., chef du projet de la MAMO à compter du mois d’avril 2017, a été recruté en décembre de la même année par la société Sepur, attributaire du marché, après avoir quitté la mission en juin 2017. Pour la société Otus, concurrent évincé, nul doute que cette situation constituait un défaut d’impartialité. Le juge des référés lui avait d’ailleurs donné raison, en concluant à l’existence d’un doute sur le respect de la procédure, quand bien même M. A. n’aurait pas participé à la rédaction du dossier de consultation des entreprises, et se serait contenté de collecter des informations préalables à l’élaboration du dossier. Le Conseil d’État réfute cet argument. Pour lui, le doute ne suffit pas. Encore faut-il que les faits soient avérés. En plus de confirmer ses décisions antérieures, c’est l’occasion pour la haute juridiction de préciser certaines modalités de contrôle de la procédure.

Il est ainsi jugé qu’« en retenant l’existence d’un doute sur l’impartialité de l’acheteur public alors qu’il n’avait relevé aucun élément de nature à établir que son mandataire, la société Naldéo, avait manqué d’impartialité dans l’établissement des documents de la consultation pendant la période où M. A. était son salarié », le juge du fond n’a pas correctement qualifié les faits. En tout état de cause, le juge ne peut se contenter de présumer le défaut d’impartialité ; il doit l’établir par une appréciation in concreto des faits. Par cette décision, le Conseil d’État précise le faisceau d’indices qu’il avait commencé à dessiner dans l’une de ses décisions antérieures25. À l’époque, il s’était efforcé de contrôler les missions assignées à l’intéressé ainsi que son niveau de responsabilité dans la procédure. Dès lors, en se fondant sur la seule circonstance que le salarié ait été recruté quelques mois après le début de sa mission par la société attributaire, le juge des référés a inexactement qualifié la situation.

Il ressort de ces deux décisions tout à fait complémentaires que le juge administratif doit nécessairement se prononcer au cas par cas, sans s’en tenir à un contrôle stéréotypé. En conséquence, le défaut d’impartialité et le conflit d’intérêts qui en découle ne peuvent être retenus qu’après avoir pris en compte très concrètement la nature, l’intensité et la durée des relations litigieuses26, ce qui s’apprécie au regard des liens patrimoniaux, financiers, et surtout personnels. Par exemple, dans une situation très similaire à celle jugée le 12 septembre 2018, le juge s’était appuyé sur le caractère récent de la collaboration du salarié avec la société attributaire et son niveau de responsabilité assez élevé pour statuer en faveur d’un manquement au principe d’impartialité27. En revanche, il considère en l’espèce qu’au regard des dates à laquelle M. A. avait cessé son activité puis intégré la société attributaire, et compte tenu des missions qui lui avaient été confiées, impliquant assez peu de responsabilités – pour rappel, il avait seulement collecté des données et n’avait aucunement participé à la rédaction de pièces contractuelles –, le défaut d’impartialité ne pouvait être retenu.

En définitive, le juge des référés a retenu le défaut d’impartialité alors que les faits paraissaient davantage relever de l’inégalité de traitement des candidats au marché public. Là encore, l’arrêt du 12 septembre 2018 apporte cependant quelques précisions.

II. L’articulation des principes d’impartialité et d’égalité de traitement. Bien que le conflit d’intérêts ne soit pas expressément évoqué en l’espèce, le Conseil d’État indique toutefois que « si les informations confidentielles que M. A. aurait éventuellement pu obtenir à l’occasion de sa mission d’assistant à maîtrise d’ouvrage pouvaient, le cas échéant, conférer à son nouvel employeur, la société Sepur, un avantage de nature à rompre l’égalité entre les concurrents et obliger l’acheteur public à prendre les mesures propres à la rétablir, cette circonstance était en elle-même insusceptible d’affecter l’impartialité de l’acheteur public ». L’on comprend que s’ils sont indubitablement liés, les principes d’impartialité et d’égalité de traitement ont néanmoins un régime juridique distinct. Il est du reste précisé que le juge des référés a commis une erreur de droit « en retenant un manquement à l’obligation d’impartialité de l’acheteur public du seul fait qu’il existait un risque que la société Sepur, attributaire du marché, ait pu obtenir des informations confidentielles à l’occasion de la participation de l’un de ses salariés à la mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage lorsque celui-ci travaillait antérieurement pour la société Naldéo, mandataire du syndicat ». Un apport capital résulte de ces deux extraits, et l’utilisation de l’expression « en elle-même » a ici toute son importance. Pour qu’il y ait conflit d’intérêts, il apparaît qu’il ne faut pas se contenter d’un risque. Le comportement litigieux doit avoir réellement influencé l’issue de la procédure, différents exemples le prouvant. Dans sa décision du 14 octobre 2015, le Conseil d’État a constaté, après un contrôle approfondi des faits, un défaut d’impartialité, le salarié ayant rédigé lui-même le cahier des charges et participé à l’analyse des offres. Il est donc susceptible d’avoir influencé la procédure. Il en va tout autrement dans la décision commentée, le salarié s’étant contenté de récolter des données, et n’ayant pu en conséquence influencer l’issue de la procédure. La mesure du degré d’implication et de l’influence de la personne repose donc sur le stade de la procédure à laquelle elle intervient.

Le juge poursuit en considérant que le pouvoir adjudicateur doit exclure un candidat uniquement dans l’hypothèse où il aurait eu accès à des informations que les autres sociétés ignoraient et qui sont de ce fait susceptibles de porter atteinte à l’égalité de traitement, au titre des articles 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et 5 du décret du 25 mars 2016. La société Otus, alors titulaire du marché, ayant refusé de transmettre « les “données détaillées” au motif qu’elles relevaient du secret industriel et commercial », il juge que la société Sepur n’était pas en mesure de disposer par le biais de M. A. d’informations de nature à l’avantager par rapport aux autres concurrents. Qu’ainsi, « le moyen tiré de ce que le SIOM de la vallée de Chevreuse aurait porté atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats en attribuant le marché à la société Sepur doit être écarté », et « qu’en tout état de cause, il va de même pour le moyen tiré du manquement au principe d’impartialité ». Après le contrôle des faits qui lui sont présentés, le Conseil d’État conclut qu’il n’y a pas d’atteinte au principe d’égalité de traitement ni même au principe d’impartialité. Sa position est donc claire ; il faut distinguer ces deux principes, et ce pour une raison assez simple. Si le peu d’informations détenues par M. A. n’était pas susceptible d’avantager la société Sepur ni d’influencer la procédure, à l’inverse, le juge aurait sans doute statué en faveur d’un défaut d’impartialité dès lors que le salarié aurait effectivement possédé des informations, lesquelles auraient pu influencer la procédure. Deux régimes juridiques se superposent donc ; celui issu de l’article 48, I, 3°, de l’ordonnance du 23 juillet 2015, selon lequel les acheteurs peuvent exclure de la procédure les personnes qui « ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats » – il s’agit de l’égalité de traitement – et celui de l’article 48, I, 5°, de la même ordonnance concernant les personnes qui « créent une situation de conflit d’intérêts », soit celles qui influencent l’issue de la procédure – il s’agit de l’impartialité –. Ainsi, le juge administratif doit sans cesse vérifier le lien de causalité entre l’irrégularité et l’éviction d’un candidat de la procédure28. Cela signifie que si les faits avaient légèrement différé, la solution aurait été toute autre. Dans l’hypothèse où M. A. aurait été en possession d’informations confidentielles, le juge aurait tranché en faveur de l’inégalité de traitement. Mais les faits auraient constitué un défaut d’impartialité qu’à partir du moment où ces informations auraient effectivement avantagé le concurrent retenu. À partir de ce constat, la société Otus ne pouvait pas reprocher au SIOM de ne pas avoir pris de mesures supplémentaires, car en vertu de l’article 5 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, « [l]’acheteur prend des mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché public d’un opérateur économique qui aurait eu accès, du fait de sa participation préalable directe ou indirecte à la préparation de cette procédure, à des informations ignorées des autres candidats ou soumissionnaires ». Les faits n’étant pas avérés, le SIOM n’était en aucun cas tenu d’adopter de telles mesures.

En somme, si tout défaut d’impartialité constitue une inégalité de traitement, toute inégalité de traitement n’est pas forcément constitutive d’un défaut d’impartialité. Le juge a ainsi une position très différente, selon qu’il s’agit du conflit d’intérêts ou de la prise illégale d’intérêts relative aux agents publics, les juridictions n’hésitant pas à se fonder, dans cette dernière situation, sur le soupçon et l’apparente partialité29. Ces précisions sont les bienvenues, dans un contexte de recours de plus en plus fréquent à la MAMO, et par conséquent, sans doute, de multiplication à venir de ce type de contentieux.

Laura Regairaz

IV – Contrats et numérique

Smart contracts : Une analyse fonctionnelle des contrats intelligents

Qu’est-ce qu’un smart contract ? Les smart contract ou les contrats intelligents sont des protocoles informatiques qui facilitent, vérifient et exécutent la négociation ou l’exécution d’un contrat30. Il est important de préciser que « les smart contract ne remplacent pas les contrats, mais les renforcent »31. Le smart contract se distingue donc « nettement du contrat qu’il contribue à former, mettre en œuvre ou éteindre »32. C’est dire ainsi que le contrat intelligent présente diverses utilités qu’une approche fonctionnelle permet de mettre en exergue. Sans prétendre à l’exhaustivité, les développements qui suivent proposent d’examiner les fonctions des smart contracts dans les opérations d’échanges et d’alliance, afin de montrer leur pertinence tantôt pour garantir l’exécution d’un contrat (A) tantôt pour l’optimiser (B).

A – La garantie de l’échange

L’exemple du smart contract-échange. La doctrine a mis en lumière les différences entre les contrats-échange, contrats-coopération et contrats-alliance33. Un contrat-échange met en jeu l’exécution de prestations réciproques entre parties aux intérêts divergents34. L’exemple typique étant le contrat de vente, mais un contrat-échange peut tout à fait s’étendre dans le temps comme, notamment, un bail. Il est tout à fait possible d’accomplir la phase d’exécution d’un contrat par le biais d’un smart contract. L’intérêt est multiple : rapidité du paiement, sécurité de l’envoi, anonymat, etc. La simplicité de l’opération masque les aspects négatifs, tels que risques de piratage, risques de volatilité de la valeur de la crypto-monnaie utilisée, coûts de la conversion en monnaie fiat, éventuelle taxation… Toutefois cette utilisation du contrat intelligent – en tant qu’outil de paiement – est simple à concevoir. Reste à voir que cela n’épuise pas toutes les utilités du smart contract dans les échanges.

En effet, un smart contract peut impliquer la mise en commun de crypto-monnaie, de deux ou plusieurs comptes, qui sont redistribués automatiquement en vertu d’une formule et d’un état des faits qui n’est pas connu au moment du déploiement du contrat35. Sous cet angle le smart contract-échange ressemble à un dépôt fiduciaire dont l’avantage est de fonctionner sans devoir recourir à un tiers36. À travers la fonction d’échange, un contrat intelligent pourrait coder un contrat préalablement conclu afin de l’exécuter sur une plateforme sécurisée et automatisée. Dans cette hypothèse, il ne s’agirait que d’un processus d’application technique de certains éléments du contrat37, une garantie de bonne exécution38.

Le smart contract-échange fermé et ouvert. À ce stade, il faut distinguer selon la nature des conditions déclenchant le déploiement des smart contracts-échanges. Nous proposons de considérer un smart contract « fermé » lorsque toutes ses conditions sont vérifiables directement sur la chaîne de bloc, qu’il s’agisse, par exemple, d’une date ou d’une heure limite ou d’un simple paiement sans condition. En revanche, pour fonctionner, le smart contract suppose l’accès aux informations non disponibles sur la chaîne de blocs et, par conséquent, inaccessible sans intervention d’un tiers pour le renseigner. Dans ce cas, l’expression smart contract « ouvert » peut être retenue. Or ne pas prévoir cette possibilité réduirait considérablement l’intérêt des smart contracts.

Le smart contract-échange ouvert. Lorsque le smart contract a besoin d’accéder aux informations disponibles, la liaison avec l’extérieur au blockchain, doit être assurée soit au moyen du matériel informatique, c’est-à-dire un logiciel ou API’s39, soit par l’intermédiaire d’êtres humains identifiés40. De tels dispositifs paraissent nécessaires pour intégrer les éléments qui ne peuvent être vérifiés directement par la chaîne de bloc. Il en est ainsi des contrats d’assurance, dans lequel le déclenchement du versement de l’indemnité prévue au contrat par l’assureur à l’assuré suppose la connaissance de l’existence du sinistre et l’ampleur des dommages causés41. Par ailleurs, cela peut aussi être utile afin de conserver certains éléments de l’échange contractuel secret, car tout ce qui est sur la chaîne de blocs est public et vérifiable42 par tout le monde43. La fonction d’oracle mérite quelques précisions, mais schématiquement l’oracle incarne les yeux de la blockchain qui est un registre aveugle au monde qui l’entoure.

La fonction d’oracle. Il existe plusieurs types d’oracles : un logiciel, un matériel informatique, voire une personne. Ici, seule cette dernière catégorie sera envisagée pour illustrer concrètement sa fonction. Qu’il soit une personne physique ou morale, l’oracle est chargé de vérifier et d’émettre des informations nécessaires au déploiement d’un smart contract. Il apparaît donc comme un tiers de confiance. Toutefois, le recours à un tiers n’est pas sans poser certaines difficultés, lesquelles doivent être surmontées.

Premièrement, si l’oracle ne peut ou n’entre pas d’information au moment requis, le smart contract doit avoir prévu une exécution alternative ou extinction dudit contrat44. Deuxièmement, que faire si l’oracle émet une fausse information, ce qui revient à s’interroger sur les problèmes de confiance entourant les oracles ?45 Afin de contrer cette éventualité, deux mécanismes coexistent. D’une part, les oracles pourraient disposer d’un système public de réputation, permettant de vérifier leur historique, par exemple, afin de s’assurer de leur compétence et crédibilité. D’autre part, au lieu de confier cette fonction à une personne, il est possible de recourir à de multiples oracles46.

Pour certains, les blockchains et les smart contracts sonneraient le glas de tout intermédiaire, et notamment des avocats et banques. Or la nécessité de renseigner la chaîne de blocs met en évidence cette utopie. Cette fonction d’oracle peut être dévolue à l’avocat, s’il parvient à développer une compréhension des outils informatiques. Quoi qu’il en soit, en intégrant des éléments qui lui sont extrinsèques, le contrat intelligent peut parfaitement venir garantir un contrat-échange. Reste à savoir si les coûts d’une telle configuration, ainsi que les aléas qui les entourent, valent l’effort.

B – L’optimisation de l’alliance

Le smart contract-alliance47. Les contrats d’alliance sont des contrats marqués par un fort aspect relationnel et impliquant tant un processus de participation que de distribution48. Il en est ainsi du contrat de société49, d’association, de l’indivision et de la copropriété. Sur la plateforme d’Ethereum il est possible de créer des « decentralized apps »50(Dapps), et plus précisément des « Decentralized Autonomous Organisations »51 (DAO ou Organisations décentralisées autonomes). Ces derniers sont des ensembles de smart contracts52, des « decentralized organisations », etc. Une DAO est une « organisation open source »53, et étant donné qu’elle réside sur la blockchain elle est entièrement transparente. Comparable à une société en ce sens que plusieurs membres se réunissent, mettent en commun leurs apports – par le biais de crypto-monnaie – dans la poursuite d’une activité commune, la DAO renouvelle le débat sur la démocratie liquide54.

L’organisation par le smart contract. Le fonctionnement d’une DAO est démocratique et repose sur le mécanisme des portefeuilles digitaux à signatures multiples55. Dans un portefeuille classique ou simple, le propriétaire détient la clé privée lui donnant accès et contrôle sur une ou plusieurs clés publiques. Dans un portefeuille multiple, plusieurs clés privées existent et un certain niveau de consensus entre les détenteurs des clés privées est nécessaire pour débloquer les fonds56. De plus, le nombre de clés privées pourrait se multiplier selon l’ampleur de la transaction57. À côté de cela, certaines DAO prévoient des modalités de votes pour tous les détenteurs des crypto-monnaies ou selon d’autres paramètres58. Astucieux, un tel processus pourrait être reconnu juridiquement au sein des sociétés anonymes non cotées et des sociétés par actions simplifiées pour lesquelles les assemblées d’actionnaires peuvent, si les statuts les prévoient, se dérouler entièrement par des moyens de télécommunication à la condition de pouvoir identifier les participants59.

Structurellement, l’organisation d’une DAO ressemble à un conseil d’administration doté du pouvoir de décision, mais son appréhension juridique est source d’incertitudes.

La nature juridique incertaine des DAO. L’absence de reconnaissance juridique signifie que les DAO n’existent que sur la blockchain et n’ont pas de personnalité juridique. Par conséquent, une DAO ne peut effectuer certaines opérations telles que l’acquisition de biens à son compte, le recrutement de salariés. Elle doit nécessairement recourir à des tiers prestataires pour interagir avec le monde extérieur, ce qui n’est pas sans soulever des difficultés sur le plan juridique. Par exemple, si le prestataire n’exécute pas son obligation, la DAO n’a aucune possibilité d’ester en justice faute de personnalité juridique. Inversement, les tribunaux pourraient reconnaître les participants à la DAO personnellement responsable de manière solidaire et illimitée. Bien que le marché des crypto-monnaie ne soit pas régulé, il convient de noter que la Securities Exchange Commission s’intéresse de plus en plus aux tokens émis sur des chaînes de blocs ainsi qu’aux structures organisationnelles qui en sont issues60.

Des solutions au vide juridique. Deux solutions peuvent être envisagées. Premièrement, il est possible de créer une entité juridique. Cette solution a été imaginée et mise en place par la DAO financée en 2016. La DAO.LINK, une véritable société immatriculée en Suisse, jouait le rôle d’intermédiaire entre la DAO et les tiers. En d’autres termes, elle faisait le lien entre la DAO de la blockchain et le monde extérieur à la chaîne61. Ainsi, dans l’hypothèse où la DAO ne s’exécuterait pas, le prestataire se retournerait contre la DAO.LINK. Or, cette solution, qui n’en est pas une, déplace seulement le problème. En effet, de quel recours bénéficiera la DAO.LINK contre la DAO ? Quid du partage des fonds entre les deux ? S’il est possible de mettre en jeu la responsabilité de DAO.LINK, peut-elle offrir une garantie comparable au capital de la DAO ? Or doter la DAO.LINK d’une telle liquidité serait fort peu pratique et n’est pas réaliste comme hypothèse. Par conséquent, bien que la DAO et la DAO.LINK soient liées, cette fausse solution paraît peu utile pour gérer beaucoup d’hypothèses de défaillances.

Deuxièmement, une DAO pourrait, dans certains systèmes juridiques, être qualifiée de société créée de fait62 qui exige « la réunion des éléments constitutifs caractérisant tout contrat de société, à savoir l’existence d’apports, quelle qu’en soit la forme, l’intention de participer aux bénéfices et aux pertes et l’affectio societatis »63. La qualification de société créée de fait paraît possible en droit français64. Elle est utilisée généralement lors de la dissolution d’unions non sociétales, c’est-à-dire à chaque fois qu’elle paraît utile, pour le juge, de traiter de la dissolution et liquidation d’une alliance65. En revanche sa finalité n’est pas de sauver une union dépourvue de reconnaissance juridique. Une telle qualification pourrait servir de fondement juridique à chaque fois que le juge voudrait contraindre l’ensemble des participants à la DAO – « alliés ou associés » – à honorer les engagements financiers envers les tiers prestataires.

Conclusion. Bien que ne pouvant être reconnus, à ce stade, comme de véritables contrats les smart contracts permettent d’optimiser et d’améliorer certains aspects des véritables contrats, dans toutes les phases de leur vie, à savoir la formation, l’exécution et l’extinction. Si cette étude s’est concentrée sur les fonctions de garantie et d’optimisation (poursuite d’efficience essentiellement) dans le cadre de l’échange et de l’alliance, nul ne doute que cette technologie peut intéresser tant d’autres phases contractuelles (p. ex. la négociation contractuelle) que d’autres figures contractuelles (les contrats-coopération).

Alexis DOWNE et Motahareh FATHISALOUT-BOLLON

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. tout particulièrement sur cette question Vila J.-B., Recherche sur la notion d’amortissement en matière de contrat administratif, 2016, L’Harmattan, Logiques Juridiques.
  • 2.
    Ces pratiques consistent tout particulièrement dans la reprise au résultat des provisions de renouvellement non utilisées ou des soldes de fonds de travaux. Leur développement révèle la nécessité de procéder à leur encadrement législatif et réglementaire ; v. Troianiello A., « Vers une remise en cause des pratiques d’optimisation financière dans les DSP », AJDA 2018, p. 2432 ; Calley G., « À propos des provisions pour travaux non dépensées par le délégataire », Contrats-Marchés publ. 2012, p. 32 ; Subra de Bieusses P., « Sort des provisions pour renouvellement à la fin d’une délégation de service public », AJDA 2012, p. 2112 ; v. également CE, 23 déc. 2009, n° 305478, Sté des pompes funèbres OGF : Contrats publ. 2011, n° 115, p. 46, note Neveu B. ; JCP A 2010, 2382, nos 51-52, note Vila J.-B. et Wels Y.
  • 3.
    CE, 3 déc. 2018, n° 402037.
  • 4.
    V. également CE, 3 déc. 2018, n° 405460, ministre de l’Économie et des Finances c/Région Bretagne, à propos d’une affaire similaire intéressant cette fois le régime fiscal de l’exploitation par voie de délégation de l’aéroport de Quimper Cornouailles.
  • 5.
    L’article 1500 CGI s’applique aux infrastructures présentant une nature industrielle qui ne fait guère de doutes s’agissant des immeubles affectés à l’exploitation du service public aéroportuaire, v. CE, 28 janv. 2015, nos 371496 et 371501, Syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Brieuc Armor.
  • 6.
    V. Douence M., « Contrat de délégation de service public : notion », in Encyclopédie des collectivités locales, 2003-2004, Dalloz, n° 120.
  • 7.
    V. CE, 24 févr. 2017, n° 394158, ministre des Finances et des comptes publics c/Sté Aéroports du Grand Ouest.
  • 8.
    CAA Nantes, 12 déc. 2017, nos 16NT03784 et 16NT03323.
  • 9.
    CE, 29 avr. 1987, n° 51022, Cne d’Élancourt : Lebon, p. 152, obs. Prétot X. ; AJDA 1987, p. 543, et les concl. Robineau Y. ; RFDA 1987, p. 525.
  • 10.
    V. CE, 24 févr. 2017, n° 394158, ministre des Finances et des comptes publics c/Sté Aéroports du Grand Ouest.
  • 11.
    V. sur ce point Subra de Bieusses P., « La spécificité de l’affermage », AJDA 1996, p. 608.
  • 12.
    CAA Nantes, 12 déc. 2017, n° 16NT03784.
  • 13.
    V. Subra de Bieusses P., « La spécificité de l’affermage », AJDA 1996, p. 609.
  • 14.
    CE, 26 nov. 2007, n° 279302, Miglior c/ Communauté urbaine de Brest : AJDA 2008, p. 210, note Dreyfus J.-D.
  • 15.
    V. CE, 3 nov. 1995, n° 125631, Sté Lyonnaise des Eaux-Dumez : RFDA 1997, p. 927, note Duroy S.
  • 16.
    CE, 6 mai 1991, n° 65846, Syndicat intercommunal du Bocage.
  • 17.
    V. Brenet F., « Les nouvelles bases du droit des concessions », AJDA 2016, p. 992.
  • 18.
    V. sur ce point la réponse du ministère de l’Intérieur, JO Sénat, 30 juin 2016, p. 2917.
  • 19.
    Il faut avoir à l’esprit que les conflits d’intérêts existaient déjà dans les faits, mais sa définition légale est plutôt récente.
  • 20.
    CE, 14 oct. 2015, n° 390968, SA Applicam et Région Nord-Pas-de-Calais.
  • 21.
    CAA Bordeaux, 12 juin 2018, n° 16BX00656, SARL Convergences Public-Privé.
  • 22.
    CE, 22 oct. 2014, n° 382495, Cne de Saint-Louis ; CAA Bordeaux, 12 juin 2018, n° 16BX00656, SARL Convergences Public-Privé.
  • 23.
    V. not. QE, n° 49422 d’Édouard Philippe, rép. min. publiée le 20 septembre 2016.
  • 24.
    CE, 14 oct. 2015, n° 390968, SA Applicam et Région Nord-Pas-de-Calais.
  • 25.
    CE, 14 oct. 2015, n° 390968, SA Applicam et Région Nord-Pas-de-Calais.
  • 26.
    CE, 19 avr. 2013, n° 360598, Centre hospitalier d’Alès-Cévennes.
  • 27.
    CE, 14 oct. 2015, n° 390968, SA Applicam et Région Nord-Pas-de-Calais.
  • 28.
    CAA Bordeaux, 12 juin 2018, n° 16BX00656, SARL Convergences Public-Privé.
  • 29.
    Cass. crim., 13 janv. 2016, n° 14-88382 ; Cass. crim., 4 avr. 2018, n° 17-81912.
  • 30.
    V. dans un sens similaire : Szabo N., « Formalizing and securing relationships on public networks », First Monday, 2 sept. 1997 ; Crosby M., Pattanayak P., Verma S. et Kalyanaraman V., « Blockchain technology : beyond bitcoin », Applied innovation 2016, n° 2, p. 13.
  • 31.
    De Filippi P. et Jean B., « Les smart-contracts, les nouveaux contrats augmentés », La revue ACE, sept. 2016, n° 137, p. 40. En effet, les contrats intelligents ne satisfont guère aux conditions de qualification d’un contrat (au sens général ou même plus techniquement au sens de contrat électronique).
  • 32.
    Guerlin G., Considérations sur les smart contracts, Dalloz IP/IT 2017, p. 512-516.
  • 33.
    Didier P., « Brèves notes sur le contrat-organisation », in L’avenir du droit – Mélanges en l’honneur de François Terré, 1999, Dalloz-PUF, p. 635 et s. ; Chénedé F., Les commutations en droit privé – Contribution à la théorie générale des obligations, préf. Ghozi A., 2008, Economica, Recherches Juridiques ; Hamelin J.-F., Le contrat-alliance, préf. Molfessis N., 2012, Economica, Recherches Juridiques ; Lequette S., Le contrat-coopération, contribution à la théorie générale du contrat, préf. Brenner C., 2012, Economica, Recherches juridiques ; Receveur B., La force obligatoire du contrat de société : contribution à l’étude des relations entre droit des contrats et droit des sociétés, Barthez A.-S. (dir.), thèse Cergy-Pontoise, 2013.
  • 34.
    MacNeil I.-R., The many futures of contracts, 1973-1974, S. Cal. L. Rev., n° 47p. 744-745.
  • 35.
    Buterin V., « DAOs, DACs, DAs and More : An Incomplete Terminology Guide », Ethereum Blog, 6 mai 2014, disponible sur https://blog.ethereum.org/2014/05/06/daos-dacs-das-and-more-an-incomplete-terminology-guide.
  • 36.
    Du moins à un tiers-individu, car en soi une chaîne de bloc ressemble tant à un tiers qu’à un intermédiaire, c’est-à-dire à ce que la technologie essayait de supprimer.
  • 37.
    Comp. Lauslahti K., Mattila J., Seppälä T., « Smart Contracts – How will Blockchain Technology Affect Contractual Practices ? », ETLA Reports n° 68, janv. 2017, disponible sur https://www.etla.fi/wp-content/uploads/ETLA-Raportit-Reports-68.pdf, p. 12. Les auteurs précisent (p. 22) que les smart contracts seraient des instruments contractuels pouvant s’adjoindre à des contrats.
  • 38.
    V. Rodriguez P., La révolution blockchain, 2017, Dunod, p. 140. Même dans les hypothèses où le contrat se réduit à un pur échange, comme un pari, le smart contract ne vient qu’automatiser la phase d’exécution et ne doit pas être conçu comme un contrat en soi.
  • 39.
    Lauslahti K., Mattila J., Seppälä T., « Smart Contracts – How will Blockchain Technology Affect Contractual Practices ? », préc., p. 17. Des API’s sont des application programming interfaces. Ainsi, à reprendre l’exemple précédent d’un pari, deux parties peuvent mettre en dépôt via un smart contract le montant de leurs mises et le smart contract devra verser la totalité du montant à l’adresse de la partie ayant remporté le pari. Simplement pour vérifier cela, le smart contract pourrait avoir recours à un logiciel qui sera programmé pour aller vérifier les résultats du match sur un site consenti par les deux intéressés.
  • 40.
    V. Buterin V., « Ethereum and Oracles », Ethereum Blog, juill. 2014, disponible sur https://blog.ethereum.org/2014/07/22/ethereum-and-oracles.
  • 41.
    Ainsi en va-t-il du retard de l’avion permettant le déclenchement du versement automatique d’une indemnité. L’oracle permet à la chaîne de bloc de savoir que l’avion a eu tant de retard.
  • 42.
    Encore une fois cela dépend de la chaîne de bloc en question.
  • 43.
    Buterin V., « Ethereum and Oracles », Ethereum Blog : https://blog.ethereum.org/2014/07/22/ethereum-and-oracles. Une alternative serait évidemment d’utiliser une chaîne de bloc privée pour la totalité ou une partie seulement de l’opération.
  • 44.
    Si l’oracle n’émet pas l’information au moment T alors le contrat est, selon les cas, soit résolu soit caduc. Alors que dans la seconde hypothèse, cette intervention constitue une condition suspensive dans la première elle sera considérée comme une condition résolutoire, permettant ainsi à chaque participant de récupérer son Ether. Cela est tout à fait possible en solidity à travers les fonctions if else (si x, alors y).
  • 45.
    Lauslahti K., Mattila J., Seppälä T., « Smart Contracts – How will Blockchain Technology Affect Contractual Practices ? », préc. p. 17. Cela peut être intentionnel, peut-être parce que l’oracle a investi dans l’une des alternatives d’un pari par exemple, ou résulter d’une négligence notamment.
  • 46.
    Buterin V., « Ethereum and Oracles », Ethereum Blog : https://blog.ethereum.org/2014/07/22/ethereum-and-oracles.
  • 47.
    V. Hamelin J.-F., Le contrat-alliance, préf. Molfessis N., 2012, Economica, Recherches Juridiques.
  • 48.
    Contrairement aux contrats-coopération qui, s’ils impliquent une certaine synergie et des intérêts convergents, n’impliquent aucunement des intérêts identiques, v. Lequette S., Le contrat-coopération, contribution à la théorie générale du contrat, préf. Brenner C., 2012, Economica, Recherches juridiques.
  • 49.
    Didier P., « Brèves notes sur le contrat-organisation », in L’avenir du droit – Mélanges en l’honneur de François Terré, 1999, Dalloz-PUF, p. 635 et s.
  • 50.
    Sur les différences entre DAO et Dapps, v. Buterin V., « DAOs, DACs, DAs and More : An Incomplete Terminology Guide », Ethereum Blog, 6 mai 2014. Les DAO, DAC et DA sont des sous-catégories de Dapps.
  • 51.
    V. Buterin V., « DAOs, DACs, DAs and More : An Incomplete Terminology Guide », Ethereum Blog, 6 mai 2014.
  • 52.
    Wright A., De Filippi P., Decentralized Blockchain Technology and the Rise of Lex Cryptographia, 2015, SSRN, p. 15 ; Lauslahti K., Mattila J., Seppälä T., « Smart Contracts – How will Blockchain Technology Affect Contractual Practices ? », préc., p. 5.
  • 53.
    Wright A., De Filippi P., Decentralized Blockchain Technology and the Rise of Lex Cryptographia, 2015, SSRN, p. 16.
  • 54.
    La démocratie liquide est une sous-branche de la démocratie déléguée. Il s’agit de combiner les avantages de la démocratie directe et de la démocratie représentative. Ainsi, en fonction de leur volonté et des sujets, les participants peuvent choisir de voter directement ou de déléguer leur voix à un représentant. Cependant, la délégation n’est jamais permanente et peut être révoquée. Par ce biais, seuls des représentants en qui le participant a confiance et, en théorie, méritant, devrait être choisi systématiquement pour représenter certains participants. De surcroît, rien n’empêche les représentants de déléguer à leur tour, en fonction du principe de transitivité. Les intérêts sont multiples. Du côté des participants, ils peuvent être aussi impliqués qu’ils le souhaitent dans le processus démocratique. Du côté des représentations, il n’y a pas de condition minimale pour recevoir une délégation. Il suffit qu’un seul participant vous délègue sa voix sur une question précise. Dès lors, il est espéré qu’une coopération s’instaure plutôt qu’une compétition pour être désigné représentant. De plus, un tel système offre une réelle voix aux participants dont les opinions peuvent paraître plus minoritaires (ou du moins à l’extérieur du choix binaire classique). La chaîne de blocs est une technologie qui permettrait de mettre en place un tel système qui, malgré ses avantages, est plus complexe à mettre en œuvre que ses concurrents. Sur l’ensemble, v. Marcil I., « Démocratique liquide », Multitudes, 2012/3, n° 50, p. 210-212.
  • 55.
    Ou « multi-sig wallet ». V. sur ce point Buterin V., « Multisig : The Future of Bitcoin », Bitcoin Magazine, 12 mars 2014.
  • 56.
    Par exemple deux clés privées sur trois, quatre sur cinq, et ainsi de suite.
  • 57.
    Une clé pour 1 % ou moins ce qui correspondrait à des dépenses quotidiennes nécessaires, mais dans la limite d’une opération par semaine par exemple, deux clés sur 5 pour des montants entre 1 et 10 %, trois clés sur 5 pour les montants entre 11 et 25 %, etc. Tout en sachant qu’il est également possible de combiner des limites en pourcentage et en numéraire.
  • 58.
    V. par ex. https://ethereum.org/dao, consulté le 1er novembre 2017. Ici le projet est plus ambitieux, car il s’agit de mettre en place une réelle démocratique liquide. Toutefois, les processus de vote, de décision et de contre-pouvoir sont intéressants.
  • 59.
    V. les articles L. 225-103-1, L. 225-107 et L. 227-9 du Code du commerce.
  • 60.
    Elle a récemment précisé que la DAO était soumise aux régulations intéressant les titres négociables en assimilant ses tokens (une variété de crypto-monnaies) à des titres négociables, v. Report of Investigation Pursuant to Section 21 (a) of the Securities Exchange Act of 1934 : The DAO.
  • 61.
    Le contractant contacte la société DAO.LINK qui lui fournit une adresse sur la chaîne de blocs Ethereum. Grâce à cette adresse – qui représente le contractant sur Ethereum – un smart contract est conclu entre la DAO et le contractant. Parallèlement, le contractant signe un contrat réel, reprenant les termes du smart contract, avec la société DAO.LINK, garantissant et représentant la DAO dans ses relations avec ce contractant. DAO.LINK garantit que cette entité remplira l’ensemble de ses obligations juridiques et fiscales dans son pays.
  • 62.
    Reconnue en 1978 à l’article 1873 du Code civil, sans que le législateur la dote d’une définition précise.
  • 63.
    Cass. com., 9 oct. 2001, n° 98-20394 : Bull. civ. IV, n° 165, p. 156 – Sur la nécessité de réunir ces éléments v. Cass. com., 16 juin 1998, n° 96-12337 : Bull. civ. IV, n° 203, p. 168 – Cass. com., 23 juin 2004, n° 01-10106 : Bull. civ. IV, n° 134, p. 148 – Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, n° 08-13200 : Bull. civ. I, n° 11. Précisons que si « l’existence d’une société créée de fait exige la réunion des éléments constitutifs de toute société, l’apparence d’une telle société s’apprécie globalement, indépendamment de la révélation de ces divers éléments » (Cass. com., 3 nov. 1988, n° 87-11795 : Bull. civ. IV, n° 289).
  • 64.
    Hamelin J.-F., Le contrat-alliance, préf. Molfessis N., 2012, Economica, Recherches Juridiques, nos 78 et s., p. 55 et s. ; Comp. Vacrate S., La société créée de fait, essai de théorisation, préf. Lécuyer H., t. 405, 2003, LGDJ, Bibliothèque de droit privé p. 353-354. L’auteur considère que la société créée de fait n’est pas un contrat faute de consentement des parties, ni soumis à l’article 1832 du Code civil faute de réunir les conditions nécessaires dont, notamment, l’affectio societatis. Or, il est indéniable que les membres de la DAO ont consenti à s’unir dans cette forme d’organisation et qu’un affectio societatis est détectable. Toutefois la vision de Mme Vacrate est contredite explicitement par le droit positif. M. Hamelin précise (n° 79, p. 59) que la « difficulté n’est donc pas de savoir s’il y a un accord de volontés, elle est de savoir ce sur quoi les individus se sont tacitement mis d’accord ».
  • 65.
    L’un des terrains les plus fertiles de la société créée de fait étant le concubinage afin de liquider les intérêts financiers des concubins postérieurement à leur séparation : v. Cass. 1re civ., 20 mars 1989, n° 87-15818 : Bull. civ. I, n° 130 – Cass. com., 23 juin 2004, n° 01-14275 : Bull. civ. IV, n° 135.
LPA 21 Août. 2019, n° 147j8, p.4

Référence : LPA 21 Août. 2019, n° 147j8, p.4

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