La fixation du prix dans les contrats de prestation de service : le désaveu du législateur ?

Publié le 29/11/2023
La fixation du prix dans les contrats de prestation de service : le désaveu du législateur ?
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S’il est un texte issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 qui a été contesté, c’est bien l’article 1165 du Code civil relatif à la détermination du prix dans les contrats de prestation de service. L’arrêt rendu par la chambre commerciale le 20 septembre dernier témoigne qu’il n’a pas convaincu la Cour de cassation non plus. Dans cette décision, tant la mise à l’écart du pouvoir du créancier de fixer unilatéralement le prix de sa prestation que l’affirmation du devoir des juges de le déterminer eux-mêmes sonnent comme un désaveu du législateur.

Cass. com., 20 sept. 2023, no 21-25386

1. Qu’il est difficile de légiférer ! Quoi que l’on propose, on sait que les critiques fuseront de toute part, le plus désagréable étant évidemment lorsqu’elles s’avèrent fondées. C’est ce qui est advenu pour l’article 1165 du Code civil, adopté par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ayant réformé notamment le droit des contrats. C’est peu dire que le texte n’a pas fait l’unanimité en doctrine1. L’arrêt ici commenté nous apprend qu’il n’a pas non plus les faveurs de la Cour de cassation.

2. Comme il arrive souvent, c’est à l’occasion d’une affaire très banale que la haute juridiction pose une solution dont tant le principe que la portée sont d’importance2. Un cabinet d’expert-comptable assigne une société cliente en paiement de factures, dressées notamment au titre de diverses prestations. Débouté par les juges du fond, le demandeur fonde son pourvoi sur le non-respect par ceux-ci de l’article 1165 du Code civil selon lequel, « dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation ». Par conséquent, selon le demandeur, les juges devaient ordonner le paiement des factures, puisqu’en l’espèce, la partie adverse, absente à l’instance, n’avait par hypothèse soulevé aucune contestation. On comprend néanmoins que les juges du fond ne s’y soient pas résolus lorsque l’on sait que le créancier ne justifiait aucunement le montant du prix qu’il réclamait et ne demandait donc rien de moins que d’être payé à l’aveugle, sur la base de ses seules affirmations.

Si la demande était illégitime, les juges du fond en avaient-ils pour autant tiré les conséquences qui s’imposaient ?

3. La cassation qui intervient permet de penser que non. À la question de savoir si le prix unilatéralement fixé par l’expert-comptable était dû sans autre forme de justification, la Cour de cassation répond certes par la négative mais elle se fonde sur un autre motif et en tire une autre conclusion.

Elle décide tout d’abord que l’article 1165 du Code civil n’est pas applicable. Texte de droit commun des contrats de prestation de service, il serait évincé, en application de l’article 1105, alinéa 3, par un texte spécifique à l’exercice de l’activité d’expert-comptable qui exige que le prix soit conventionnellement déterminé.

Par ailleurs, de la mise à l’écart de l’article 1165, elle déduit qu’il incombait aux juges de fixer eux-mêmes le prix de la prestation exécutée, même en l’absence d’éléments de justification de la part du prestataire. Ce faisant, si elle revient à la solution qu’elle avait retenue avant l’ordonnance précitée de 2016 dans l’hypothèse où les parties à un contrat de service n’en ont pas elles-mêmes déterminé le prix avant son exécution, elle en précise également la portée quant à l’office du juge en cette hypothèse.

4. Ainsi, après avoir mis à l’écart le pouvoir du créancier de fixer lui-même le prix de son travail (I), la Cour de cassation rappelle avec force le devoir des juges de le déterminer eux-mêmes (II).

I – La mise à l’écart du pouvoir du créancier de fixer le prix

5. La Cour de cassation, dans une motivation un peu rapide, s’appuie d’abord sur le principe selon lequel les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales, règle énoncée désormais à l’article 1105, alinéa 3, du Code civil ; indique ensuite que l’article 151, alinéa 1, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012, relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, exige que le prestataire passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties ; en déduit enfin qu’en tant que règle particulière, ce texte évince la règle de droit commun énoncée à l’article 1165 du Code civil. Le syllogisme est parfait ; est-il pour autant convaincant ?

6. Pour répondre à cette question, il convient de mettre en parallèle les deux textes en cause et déterminer s’ils se contredisent. L’article 1165 pose deux règles, l’une classique, l’autre novatrice : d’abord que les parties peuvent ne pas fixer conventionnellement le prix au moment de la conclusion du contrat de service sans que la validité de celui-ci n’en soit affectée ; ensuite, conséquence inédite jusqu’à l’ordonnance de 2016, qu’en cette occurrence, le créancier peut fixer unilatéralement le prix de sa prestation, sous le seul contrôle judiciaire de l’abus.

Pour que le texte spécial du décret précité de 2012 déroge à l’article du Code civil, il faut donc qu’il écarte au moins l’une de ces deux règles.

7. La mise à l’écart de la fixation unilatérale du prix par le créancier. En exigeant la conclusion entre l’expert-comptable et son client d’un contrat écrit précisant notamment les obligations des deux parties, il est indéniable que le texte écarte la seconde règle énoncée à l’article 1165 du Code civil, à savoir le pouvoir du prestataire de fixer unilatéralement le prix dû par le client : à l’inverse, celui-ci doit faire l’objet d’un accord de volontés des deux parties. Il s’agit alors de ne pas laisser le client à la merci de son cocontractant professionnel, surtout lorsque, comme en matière d’expertise comptable, le contrat porte sur une prestation exclusivement intellectuelle dont la valeur objective est difficile à apprécier. C’est pour cette raison au demeurant que l’on retrouve une exigence similaire dans d’autres textes, au premier chef à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui impose à l’avocat de conclure par écrit avec son client une convention d’honoraires, dans laquelle doivent être précisés, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Néanmoins, la différence avec cette hypothèse est que l’exigence d’une fixation conventionnelle du prix en matière d’expertise comptable est énoncée dans un simple décret qui se retrouve ainsi à écarter une loi, certes plus générale, mais une loi tout de même.

8. Par cet arrêt, la haute juridiction semble alors bien exprimer une certaine hostilité à l’égard de l’article 1165 du Code civil qu’elle écarte promptement, sans autre motif que l’invocation un peu mécanique de la règle specialia generalibus derogant dont on sait pourtant qu’elle n’est pas si simple d’application3.

Il faut dire que l’immense faveur faite au créancier par ce texte a été au cœur des critiques doctrinales qui lui ont été opposées et vont bien au-delà de l’expertise comptable et même des prestations intellectuelles : l’article permet en effet au prestataire, quel qu’il soit, d’imposer son prix à son client, corollairement d’en exiger le paiement en référé, et ce sous la sanction (très) théorique, l’expérience issue de la jurisprudence des arrêts d’assemblée plénière du 1er décembre 1995 nous l’a appris, d’un contrôle judiciaire de l’abus permettant, en tout état de cause, de laisser libre cours à la fixation unilatérale de prix injustement élevés.

Doit-on alors voir dans cette décision les prémices d’une abrogation de l’article 1165 du Code civil, appelée de ses vœux par la commission de réforme du droit des contrats spéciaux, réunie sous l’égide de la Chancellerie4 ? On se surprend à l’espérer.

9. Le maintien de la possibilité pour les parties de ne pas déterminer le prix avant l’exécution de la prestation. Qu’en est-il néanmoins de la première règle posée par ce texte, à savoir la possibilité pour les parties de ne pas déterminer le prix dès la conclusion du contrat de service ? Est-elle également écartée par le texte spécial invoqué ? En d’autres termes, exige-t-il la fixation conventionnelle du prix avant l’exécution du contrat ? Les termes du décret semblent bien être en ce sens puisqu’ils imposent que soit définie la mission de l’expert-comptable et précisé les droits et obligations des parties, ce qui ne peut avoir de sens et de portée que si ces informations sont données avant l’exécution du travail promis. Plus clairement encore, l’article 24, alinéa 3, de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 19455 précise que « leur montant et leurs modalités [des honoraires] sont convenus par écrit avec les clients librement et préalablement à l’exercice des missions ».

L’article 1105, alinéa 3, qui a permis à la Cour de cassation d’écarter l’article 1165 du Code civil en ce qu’il autorise le créancier à fixer seul le prix de sa prestation, ne commandait-il pas alors également de l’évincer en ce qu’il prévoit la possibilité pour les parties de ne pas s’accorder sur le prix avant l’exécution du contrat ? Comme dans toute phrase interro-négative, la réponse est dans la question. La Cour de cassation ne l’a pourtant pas relevé alors même qu’elle s’appuie sur le deuxième alinéa de l’article 24 précité pour préciser comment il convient de fixer le montant des honoraires dus (n° 10). D’où l’on voit que l’adage specialia generalibus derogant, pourtant si classique, est d’une simplicité trompeuse et susceptible d’appréciations diverses… Pour quelle raison alors cette application à géométrie variable ?

10. Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur la sanction qu’il conviendrait de prononcer dans l’hypothèse où les parties n’auraient pas déterminé le prix de la prestation avant son exécution. Or les textes qui posent cette obligation sont muets à ce sujet. Partant, peut-il, doit-il s’agir de la nullité de la convention pour non-détermination du prix ?

Une réponse négative s’impose d’évidence tant il est vrai que la possibilité donnée aux parties à un contrat d’entreprise de ne s’accorder sur le prix qu’après l’exécution du travail commandé s’appuie sur une justification pratique trop forte pour qu’il soit opportun de l’évincer : écarter l’exigence de détermination ou de déterminabilité du prix de la conclusion du contrat s’impose car il est très souvent difficile voire impossible, particulièrement en matière de prestations intellectuelles, d’évaluer précisément la difficulté du travail à effectuer et corollairement le temps que le prestataire va passer à l’exécuter et la qualité du travail qui sera réalisé.

Quelle autre sanction alors prononcer ? On reconnaît ne pas en distinguer, ce qui laisse à penser que l’obligation de conclure une convention sur le prix avant l’exécution de la mission ne s’imposait pas. Si le but en est louable, donner sans doute un ordre d’idée au client des sommes qu’il devra débourser à terme, cela ne peut conduire à exiger une détermination exacte a priori du montant de l’obligation monétaire.

11. C’est pourquoi la Cour de cassation a adopté la solution qui s’imposait en pratique, même si elle n’est pas d’une cohérence juridique sans faille : elle a décidé que le droit spécial de l’expertise comptable ne conduisait pas à écarter le droit commun des contrats de service permettant aux parties de s’accorder sur le prix dû après l’exécution de sa mission par le prestataire. Elle a alors renoué avec sa jurisprudence constante antérieure à l’ordonnance de 2016 selon laquelle, à défaut d’accord des parties sur le prix, il revient au juge de fixer celui-ci. Quitte à ce qu’il doive ainsi pallier la défaillance du prestataire dans la preuve du montant de sa créance, précise-t-elle dans l’arrêt ici commenté.

II – L’affirmation du devoir des juges de fixer le prix

12. Les exigences logiques du droit probatoire. L’article 9 du Code de procédure civile dispose qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». L’article 1353, alinéa 1er, du Code civil précise que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Ainsi, lorsqu’un créancier exige l’exécution d’une obligation de somme d’argent, il doit établir non seulement l’existence de celle-ci mais également son montant. Échoue-t-il à apporter cette double preuve qu’il est débouté de sa demande.

Si la répartition de la charge de la preuve entre les parties est chose souvent délicate, tel n’est donc pas le cas ici : le principe étant que les sujets de droit sont libres de toute obligation autre que celles prévues par la loi, il incombe logiquement à celui qui affirme qu’une personne lui doit plus de le prouver.

13. La Cour de cassation l’a d’ailleurs rappelé dans un arrêt de principe portant déjà sur l’évaluation d’honoraires réclamés par un cabinet d’expertise comptable. Au visa notamment de l’article 1315 du Code civil – devenu sans changement l’article 1353 à la suite de l’ordonnance de 2016 –, elle décidait ainsi qu’« il incombe au prestataire, en sa qualité de demandeur, d’établir le montant de sa créance, et, à cet effet, de fournir les éléments permettant de fixer ce montant »6. Elle ajoutait « qu’il appartient au juge dapprécier celui-ci en fonction notamment de la qualité du travail fourni »7. Ainsi, la répartition des rôles semblait claire : au créancier de justifier du montant de la créance réclamée, au juge d’estimer la justesse de celui-ci.

Or, dans l’arrêt sous commentaire, la Cour de cassation est amenée à préciser comment combiner les rôles respectifs du créancier et du juge lorsque, situation inédite devant elle à notre connaissance, le principe d’une rémunération étant acquis, le prestataire ne justifie aucunement du montant réclamé.

14. Elle décide alors que « les prestations [ayant] été réalisées et ces honoraires [étant] fondés en leur principe, le tribunal (…) devait en fixer le montant », sauf à méconnaître « l’étendue de ses pouvoirs » et commettre ainsi un déni de justice. L’article 4 du Code civil est visé, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Ainsi, dans l’hypothèse où le prestataire a certes établi l’existence de sa créance mais non son montant, le juge du fond est enjoint de pallier cette défaillance dans la charge probatoire qui incombe en principe au créancier : obligation lui est faite de fixer lui-même le prix dû par le client.

Comment alors expliquer une telle mansuétude de la part de la Cour de cassation qui semble si évidemment contraire aux règles les plus fondamentales du droit probatoire ? À rebours des apparences, cette solution est entièrement justifiée, tant sur le plan juridique que pratique.

15. La mansuétude justifiée de la Cour de cassation. Pour admettre qu’en refusant de déterminer eux-mêmes le montant de la créance les juges du fond commettraient un déni de justice, il faut convenir que débouter le prestataire de son action en paiement au motif qu’il n’en a pas établi le montant reviendrait pour eux à refuser « de juger, sous prétexte » de « l’insuffisance des preuves », comme l’affirme la Cour de cassation (n° 9).

On note immédiatement qu’alors elle ne cite pas exactement l’article 4 du Code civil visé, celui-ci évoquant l’hypothèse de l’insuffisance de la loi. Elle interprète donc ce texte pour l’appliquer, par analogie, à celle de l’insuffisance des preuves apportées par le demandeur8. C’est tout à fait justifié puisque l’obligation qui est faite au juge de trancher le litige le conduit à devoir statuer, que la vérité factuelle ait été établie ou pas9. Néanmoins, quand tel n’est pas le cas, la loi prévoit une solution subsidiaire que l’on croyait de portée générale : le demandeur, qui a failli à apporter la preuve dont il avait la charge, est débouté. On comprend donc, à travers la solution retenue ici par la Cour de cassation, que cette conséquence, en principe inéluctable, de la réalisation du risque de la preuve, ne pouvait pas être tirée par les juges du fond dans l’hypothèse envisagée. Pour quelle raison ?

La Cour de cassation s’en explique clairement : parce que l’existence de la créance avait été constatée par les juges en son principe (n° 9). Par conséquent, débouter le prestataire de son action en paiement au motif qu’il ne justifiait pas lui-même du montant de sa créance avait conduit les juges à refuser de trancher le litige qui portait sur l’exécution d’un contrat dont l’onérosité était établie10. Dans la mesure où il leur incombait de rendre une décision conforme à l’objet du litige, ils ne pouvaient refuser de statuer sur le montant de la créance dont l’évaluation était rendue nécessaire par la preuve du caractère onéreux du contrat11.

Justifiée en droit, cette solution l’est également sur le plan pratique.

16. Refuser, en l’espèce, la fixation judiciaire du prix au motif que le prestataire ne présentait aucun élément permettant d’en justifier le montant aurait conduit à des distinguos délicats avec les hypothèses dans lesquelles il aurait présenté des preuves mais que celles-ci, après avoir été contestées par l’autre partie, auraient été jugées insuffisantes. Or tel peut être souvent le cas lorsque l’on sait qu’en matière de prestations intellectuelles la « preuve » du montant de la créance s’appuie principalement sur les feuilles de temps remplies par le créancier lui-même, dans le secret de son bureau et de sa conscience. Si la force probante de tels éléments n’est pas nulle, on conçoit facilement qu’elle n’est pas non plus très importante et que ceux-ci ne peuvent, à eux seuls, emporter la conviction du juge.

Ainsi, que les preuves du montant de la créance soient inexistantes ou jugées insuffisantes, dans les deux cas le juge doit pallier ces lacunes probatoires en s’appuyant sur des éléments soit plus objectifs – ainsi les usages et les prix habituellement pratiqués au sein de la profession –, soit également subjectifs – ainsi « la qualité du travail fourni »12. Par conséquent, il n’y a en définitive aucune différence pour le juge entre « apprécier »13 le montant demandé par le prestataire et le fixer lui-même.

17. C’est pourquoi rejeter la demande en paiement du créancier au motif qu’il ne motive pas le montant réclamé aurait conduit purement et simplement à nier le pouvoir judiciaire de fixation du prix. Ce pouvoir a en effet été reconnu afin que le créancier du prix à un contrat prouvé onéreux puisse obtenir d’être payé, malgré les contestations ou la mauvaise volonté de son client14. On comprend dès lors qu’exiger du créancier qu’il établisse avec certitude le montant de sa créance serait absurde puisqu’incompatible avec le pouvoir qui a été reconnu au juge de le fixer lui-même afin justement de dépasser l’obstacle du désaccord du client. Entre le pouvoir du juge de déterminer le prix dans les contrats de service et le devoir du créancier d’en justifier le montant, la Cour de cassation a logiquement fait prévaloir le premier sur le second.

D’où l’on voit une fois encore que l’article 1165 du Code civil est évincé puisqu’il prévoit qu’il incombe au créancier de « motiver le montant [de sa prestation] en cas de contestation ». Est-ce à dire que s’il ne le fait pas il devrait être débouté de sa demande sans que l’on puisse reprocher un déni de justice au juge du fait ?

18. Conclusion. Face à un article mal pensé, cet arrêt du 20 septembre 2023 témoigne des réticences de la Cour de cassation à l’appliquer ainsi que de son attachement à la jurisprudence qui permet au juge et non au créancier de pallier le désaccord persistant des parties sur le prix d’un contrat de service exécuté. À l’heure où les dispositions de l’avant-projet de la Chancellerie sur le contrat d’entreprise sont discutées au sein de la direction des affaires civiles et du Sceau, cette décision pourrait sceller le sort de l’article 1165 du Code civil et conduire à son abrogation. Du moins, elle permet d’en nourrir l’espoir.

Notes de bas de pages

  • 1.
    G. Lardeux, « Le contrat de prestation de service dans les nouvelles dispositions du Code civil », D. 2016, p. 1659 ; P. Puig, « Le prix dans les contrats de prestations de service », in G. Lardeux, A. Sériaux et V. Égéa (dir.), Le droit spécial des contrats à l’épreuve du nouveau droit commun, 2017, PUAM, p. 57, spéc. n° 9-12.
  • 2.
    Cass. com., 20 sept. 2023, n° 21-25386 : JCP G 2023, 1241, obs. C. Lachièze ; T. Gérard, « Le contrat de prestation de service a-t-il un avenir dans le Code civil ? », D. 2023, p. 1783.
  • 3.
    C. Goldie-Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, 2009, LGDJ, préf. Y. Lequette ; F. Rouvière, Argumentation juridique, 2023, PUF, nos 158 et s. : l’auteur distingue trois types de rapport entre le droit commun et le droit spécial.
  • 4.
    V. les commentaires sous l’article 1760 projeté, p. 81 de l’avant-projet commenté.
  • 5.
    « Portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable ».
  • 6.
    Cass. 1re civ., 18 nov. 1997, n° 95-21161 : Bull. civ. I, n° 313 ; RTD civ. 1998, p. 372, obs. J. Mestre ; RTD civ. 1998, p. 402, obs. crit. P.-Y. Gautier ; Defrénois 30 mars 1998, n° 36765, p. 405, obs. A. Bénabent.
  • 7.
    Nous soulignons.
  • 8.
    Cass. 2e civ., 21 janv. 1993, n° 92-60610 : Bull. civ. II, n° 28.
  • 9.
    G. Lardeux, Preuve. Droit civil, 2020, Dalloz Corpus, vo Règles de preuve, n° 28.
  • 10.
    On peut juger la justification du caractère onéreux un peu faible en l’espèce, le prestataire ne produisant aucune lettre de mission le liant à la société cliente. Affirmer alors, comme le fait la Cour de cassation, que « ces honoraires étaient fondés en leur principe » paraît un peu léger. Il est néanmoins probable que, l’exécution des prestations étant établie, elle se soit alors implicitement appuyée sur la présomption d’onérosité qu’elle admet pour tous les contrats de service exécutés par un professionnel.
  • 11.
    Par ex., Cass. 3e civ., 6 févr. 2002, n° 00-10543 : Bull. civ. III, n° 34 : « En refusant d’évaluer le dommage dont elle avait constaté l’existence en son principe, la cour d’appel a violé [l’article 4 du Code civil] susvisé. »
  • 12.
    Cass. 1re civ., 18 nov. 1997, n° 95-21161 : Bull. civ. I, n° 313 ; RTD civ. 1998, p. 372, obs. J. Mestre ; RTD civ. 1998, p. 402, obs. crit. P.-Y. Gautier ; Defrénois 30 mars 1998, n° 36765, p. 405, obs. A. Bénabent.
  • 13.
    Cass. 1re civ., 18 nov. 1997, n° 95-21161 : Bull. civ. I, n° 313 ; RTD civ. 1998, p. 372, obs. J. Mestre ; RTD civ. 1998, p. 402, obs. crit. P.-Y. Gautier ; Defrénois 30 mars 1998, n° 36765, p. 405, obs. A. Bénabent.
  • 14.
    V. le commentaire sous l’article 1923 proposé, relatif à la fixation judiciaire du prix en matière de dépôt, p. 132 de l’avant-projet Chancellerie.
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