Retour sur le caractère subsidiaire de l’enrichissement injustifié

L’enrichissement injustifié ne peut être invoqué à titre subsidiaire pour suppléer aux carences de l’appauvri dans l’administration de la preuve de son action principale.
Idem est non esse et non probari1. En l’espèce2, un jugement du 3 décembre 2014 a prononcé le divorce par consentement mutuel de M. G. et de Mme B., mariés le 4 octobre 2008 sous le régime de la séparation de biens, et a homologué leur convention portant règlement des effets du divorce. Le 21 juillet 2017, Mme B. a assigné M. G. devant le juge aux affaires familiales aux fins de voir juger qu’elle est détentrice d’une créance entre époux d’un montant de 80 000 €. La cour d’appel a rejeté la demande subsidiaire de Mme B. fondée sur l’enrichissement sans cause au motif que « le recours à la notion d’enrichissement sans cause n’a qu’un caractère subsidiaire et ne peut en l’espèce permettre de contourner l’absence de preuve suffisante d’une obligation de restitution au titre du remboursement d’un prêt ». Mme B. forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel. Elle soutient devant la Cour de cassation que le rejet de la demande fondée sur l’existence d’un prêt entre époux, résultant de l’absence de caractérisation d’une obligation de restitution, rend recevable l’action subsidiaire en enrichissement sans cause. Les magistrats du Quai de l’Horloge rejettent le pourvoi formé par l’ex-épouse en considérant que, ayant constaté que Mme B. n’apportait pas la preuve du contrat de prêt qui constituait le fondement de son action principale, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle ne pouvait pallier sa carence dans l’administration de cette preuve par l’exercice subsidiaire d’une action au titre de l’enrichissement sans cause.
L’action de in rem verso : origine jurisprudentielle. L’origine prétorienne de l’enrichissement sans cause remonte à un arrêt plus que séculaire qui précise que « l’action de in rem verso dérivant du principe d’équité qui défend de s’enrichir aux dépens d’autrui et n’ayant été réglementé par aucun texte de nos lois, son exercice n’est soumis à aucune condition déterminée ; qu’il suffit pour le rendre recevable, que le demandeur allègue et offre d’établir l’existence d’un avantage qu’il aurait, par un sacrifice ou un fait personnel, procuré à celui contre lequel il agit »3. L’équité est donc une source fondamentale du quasi-contrat d’enrichissement sans cause.
Définition issue du Code civil. En effet, selon la doctrine, l’enrichissement injustifié est une « action permettant d’agir dans le cas d’enrichissement injustifié, sanctionnant la règle que nul ne doit s’enrichir injustement aux dépens d’autrui. Cette action n’est recevable qu’à défaut de toute autre action »4. L’article 1303 du Code civil issu de l’ordonnance de 2016 précise que, « en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement »5. Le domaine de prédilection de cette règle est celui des liquidations de relations pécuniaires entre concubins. Mais d’autres situations peuvent permettre d’invoquer la théorie de l’enrichissement injustifié.
L’action de in rem verso en droit des biens. L’insuccès de l’action initiale fondée sur l’article 555 du Code civil pourrait justifier subsidiairement la demande fondée sur l’enrichissement injustifié. On sait que la différence entre l’action fondée sur l’article 555 du Code civil et l’enrichissement injustifié réside dans le fait que « le calcul du prix de revient est effectué au jour du remboursement pour l’action fondée sur l’article 555 du Code civil alors qu’il est opéré le jour où la dépense a été faite dans le cadre de l’enrichissement sans cause6. On enseigne régulièrement que « s’il ne peut être question, sous les régimes de séparation de biens ou de communauté, d’appliquer les articles 555 ou 1437 du Code civil pour indemniser l’époux ayant déployé son industrie personnelle sur des biens propres du conjoint, il est possible néanmoins de faire jouer le mécanisme de l’enrichissement sans cause7.
L’action de in rem verso en droit des régimes matrimoniaux. Dorénavant, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations a renommé l’action de in rem verso enrichissement injustifié aux termes de l’article 1303 du Code civil qui dispose que, « en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ». Parfaitement fondé juridiquement et équitable lorsque les époux sont mariés sous un régime séparatiste, le recours à l’action de in rem verso paraît inutile lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts car le conjoint, lors de la liquidation du régime matrimonial, profitera du boni de communauté. La Cour de cassation ne s’y est pas trompée : le conjoint ne subit aucun appauvrissement personnel du fait du choix du régime matrimonial adopté par les époux8.
Problématique. La question de droit, en l’espèce, était de savoir si l’action de in rem verso peut être invoquée à titre subsidiaire lorsque l’existence du contrat de prêt, invoquée à titre principal, n’a pu être prouvée ? Si le caractère subsidiaire de l’enrichissement injustifié semble impliquer que l’action de in rem verso ne peut pas suppléer à une autre action qu’un obstacle de droit empêche d’exercer (I), la jurisprudence ne semble pas être fixée, si bien qu’elle est conduite à interpréter strictement le caractère subsidiaire de l’action de in rem verso (II).
I – Caractère subsidiaire de l’action de in rem verso
Étendue du caractère subsidiaire de l’action de in rem verso. Le sens du caractère subsidiaire de l’action de in rem verso consiste à considérer que l’enrichissement injustifié ne peut pas suppléer à une autre action qu’un obstacle de droit empêche d’exercer (A). Mais la question se pose de savoir si le caractère de subsidiarité empêche de se placer sur le fondement de l’enrichissement injustifié lorsqu’on n’a pas réussi à prouver les éléments permettant d’agir sur un autre fondement, en l’occurrence, de l’existence d’un contrat de prêt (B).
A – L’absence d’une autre action se heurtant à un obstacle de droit
Cass. 3e civ., 29 avr. 1971, n° 70-10415. Il est de jurisprudence constante que l’action fondée sur l’enrichissement sans cause ne peut être admise qu’à défaut de toute autre action ouverte au demandeur. En d’autres termes, l’action de in rem verso présente une nature subsidiaire9. Selon M. Forti : « L’action de in rem verso ne peut être invoquée notamment, pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut plus intenter par suite d’une prescription, d’une déchéance ou forclusion ou par l’effet de l’autorité de la chose jugée, ou parce qu’il ne peut apporter les preuves qu’elle exige, ou par suite de tout autre obstacle de droit »10. C’est ainsi qu’en droit des régimes matrimoniaux, la Cour de cassation a jugé qu’il en résulte que l’époux commun en biens qui a participé sans rémunération à l’activité professionnelle de son conjoint ne subit aucun appauvrissement personnel lui permettant d’agir au titre de l’enrichissement sans cause. Parfaitement fondé juridiquement et équitable lorsque les époux sont mariés sous un régime séparatiste, le recours à l’action de in rem verso paraît inutile lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts car le conjoint, lors de la liquidation du régime matrimonial, profitera du boni de communauté.
Existence d’une autre action. C’est l’œuvre de la jurisprudence qui a établi les principes de la subsidiarité en jugeant d’une part que « l’action de in rem verso ne peut être admise que si l’appauvri “ne jouit d’aucune autre action naissant d’un contrat, d’un quasi-contrat, d’un délit ou d’un quasi-délit” pour obtenir paiement de l’enrichi »11 et d’autre part, que « l’action fondée sur l’enrichissement sans cause ne peut être admise qu’à défaut de toute autre action ouverte au demandeur »12. C’est ainsi qu’en matière de répétition de l’indu la Cour de cassation a jugé « qu’ayant relevé, par motifs non critiqués, qu’en cause d’appel les époux Y. ne fondaient plus leur demande sur l’action de in rem verso mais sur l’action en répétition de l’indu, la cour d’appel a retenu justement, rendant sans portée la critique relative à l’imputation des charges, que les preneurs ne pouvaient diriger leur action que contre le créancier ou celui qui a reçu le paiement, et non pas à l’encontre de la bailleresse, pour le compte de laquelle il était soutenu que les paiements avaient été effectués »13. À l’opposé, il a été jugé en matière de responsabilité civile : « Attendu que M. Z. fait grief à l’arrêt d’avoir accueilli la demande de Mme X. à son encontre sur le fondement de l’enrichissement sans cause, alors, selon le moyen, qu’une telle action a un caractère subsidiaire, qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que Mme X. a également exercé une action en garantie contre M. Z., laquelle a été rejetée faute pour la demanderesse d’avoir établi à la charge de celui-ci une faute à son égard, que dès lors l’existence reconnue d’une autre action, fût-elle infondée, rendait irrecevable l’action de in rem verso, et qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1371 du Code civil ; mais attendu qu’ayant écarté l’action en garantie contre M. Z., à défaut par celui-ci d’avoir commis une faute à l’égard du commissaire-priseur, c’est sans faire échec au caractère subsidiaire de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause du vendeur que la cour d’appel a fait droit à la demande de Mme X. »14.
Espèce. Le demandeur, à défaut de rapporter la preuve du contrat de prêt, invoqué à titre principal, n’a pu se prévaloir de l’action de in rem verso. La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 2 avril 200915.
L’obstacle de droit16. L’article 1303-3 du Code civil prévoit que l’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.
L’obstacle de fait17. Prenant l’exemple de l’insolvabilité du débiteur direct, une autrice cite le cas où « il n’y a pas d’empêchement à agir de in rem verso quand l’autre action, dont dispose le demandeur contre son débiteur direct, est rendue inefficace par suite d’un obstacle de fait non imputable au plaideur appauvri, à savoir l’insolvabilité de ce débiteur »18.
B – Caractère subsidiaire de l’action de in rem verso : une demande principale fondée sur l’existence d’un contrat de prêt
Jurisprudence libérale. La jurisprudence n’est pas bien fixée car, aux termes d’un arrêt rendu par la Cour de cassation, cette dernière a jugé que, « vu l’article 1371 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les principes qui régissent l’enrichissement sans cause ; attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mmes G. et Gr., toutes deux agents d’assurances, ont décidé de partager des locaux pour exercer leur activité et conçu le projet de créer une société commerciale ; qu’elles ont mis fin à leurs relations professionnelles sans l’avoir constituée ; que Mme G., soutenant avoir fait l’avance de l’ensemble des frais de fonctionnement de l’agence, a assigné Mme Gr. en remboursement d’une somme correspondant aux charges lui incombant ; attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que l’existence d’une société de fait entre les parties n’est pas démontrée par Mme G. et que l’action de in rem verso, invoquée à titre subsidiaire, ne peut être admise pour suppléer une autre action écartée faute de preuve ; qu’en statuant ainsi, alors que le rejet de la demande principale fondée sur l’existence du contrat de société ne faisait pas échec à l’action subsidiaire fondée sur l’enrichissement sans cause, la cour d’appel a violé le texte et les principes susvisés »19.
Jurisprudence restrictive. En l’espèce, la Cour de cassation précise que Mme B. n’apportait pas la preuve du contrat de prêt qui constituait le fondement de son action principale. En l’occurrence, Mme B. soutenait qu’elle est détentrice d’une créance entre époux d’un montant de 80 000 €. On peut penser que c’est le versement d’une somme d’argent qui, en amont, n’était pas démontré. L’époux solvens a pu consentir un prêt à l’autre et, partant, celui-ci dispose d’une créance contre l’indivision.
Créances fondées sur le remboursement d’un prêt entre époux séparés de biens. On sait que lorsqu’une créance entre époux est fondée sur l’idée d’un prêt, son évaluation a lieu en vertu de l’article 1479 du Code civil qui dispose : « Les créances personnelles que les époux ont à exercer l’un contre l’autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation. Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l’article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation »20. C’est l’article 1469, alinéa 3, du Code civil qu’il convient d’appliquer pour calculer la créance entre époux. La créance entre époux fondée sur l’idée d’un prêt est toujours égale à la plus forte des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant21.
Illustration chiffrée. Un époux marié sous le régime de la séparation de biens pure et simple prête à son épouse la somme de 50 000 € pour lui permettre d’acquérir un immeuble dont le coût global de l’opération est estimé à 200 000 €. Lors de la liquidation du régime matrimonial à la suite du divorce, le bien immobilier est évalué à 220 000 €. La créance fondée sur le remboursement du prêt = valeur empruntée × valeur actuelle du bien au jour de la liquidation du régime matrimonial / coût global de l’opération. Soit : 50 000 € × 220 000 € / 200 000 € = 55 000 €.
Espèce. Dans notre affaire, Mme B. est créancière de 80 000 € mais elle n’en rapporte aucunement la preuve. Dès lors, la mise en œuvre de l’action de l’enrichissement injustifiée est fermée.
II – L’interprétation du caractère subsidiaire de l’action de in rem verso
Interprétation stricte du caractère subsidiaire. La jurisprudence ne semble pas être fixée, si bien qu’elle est conduite à interpréter strictement le caractère subsidiaire de l’action de in rem verso (A), d’autant plus que l’article 1303-3 du Code civil laisse planer le doute sur le système probatoire de l’appauvri (B).
A – Conflit entre une norme principale et une norme subsidiaire
Subsidiarité processuelle ? Pour le professeur Cyril Grimaldi : « En ce cas, pourvu que l’on soit dans le champ d’application de l’enrichissement injustifié et que les conditions de mise en œuvre en soient réunies, il y a lieu, pour ces seules raisons, de faire droit à une demande sur ce fondement, la subsidiarité étant là encore hors sujet. S’il est pourtant parfois fait référence à la subsidiarité, c’est à une tout autre subsidiarité, celle, processuelle, des demandes »22. En effet, la subsidiarité processuelle invite le juge à interpréter la carence dans l’administration de la preuve au sens strict du terme et donc de rejeter l’action de in rem verso.
Application du principe en cas de carence dans l’administration de la preuve. La subsidiarité de l’action de in rem verso conserve sa valeur de principe. La Cour de cassation rappelle ainsi régulièrement que l’enrichissement sans cause ne saurait être invoqué pour suppléer aux carences d’un plaideur dans l’administration de la preuve23.
L’enrichissement sans cause, un quasi-contrat d’application résiduelle. La jurisprudence, afin d’éviter de reléguer l’action de in rem verso au rang d’une action résiduelle, admet l’action au titre de l’enrichissement injustifié en censurant les juges du fond : « Vu l’article 1371 du Code civil, ensemble les principes régissant l’enrichissement sans cause ; attendu que si le conjoint du descendant d’un exploitant agricole n’est pas titulaire d’un droit propre pour prétendre à une créance de salaire différé, l’article 65 du décret modifié du 29 juillet 1939 n’a pu avoir pour objet de l’exclure du bénéfice de toute indemnisation ; qu’il s’ensuit que l’action de in rem verso lui demeure ouverte, faute pour ce conjoint de disposer d’une autre action ; attendu que, pour débouter Mme X. de sa demande, l’arrêt attaqué énonce que l’obstacle de droit au paiement d’un salaire différé à son profit, obstacle résultant de la perte par son mari de sa qualité d’aide familial, ne saurait être tourné par le biais de l’action de in rem verso ; en quoi la cour d’appel a violé le texte susvisé ; par ces motifs : casse et annule »24.
L’appauvrissement et l’enrichissement ne sont pas établis. Dans la même veine, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation en jugeant « qu’après avoir rappelé le caractère subsidiaire de l’action de in rem verso, la cour d’appel a constaté que M. Y. avait échoué dans l’administration de la preuve du contrat de prêt sur lequel était, à titre principal, fondée son action et en a exactement déduit qu’il ne pouvait invoquer les règles gouvernant l’enrichissement sans cause ; que le moyen n’est pas fondé. Par ces motifs ; rejette le pourvoi »25.
B – L’article 1303-3 du Code civil issu de l’ordonnance du 17 octobre 2016
L’article 1303 du Code civil issu de la réforme de 2016. Les codificateurs napoléoniens de 1804 n’ont pas codifié la théorie de l’enrichissement sans cause. La Cour de cassation l’a érigé en principe général du droit comme l’illustre l’arrêt suivant : « Attendu qu’en application du principe général du droit selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui, celui qui, par erreur, a payé la dette d’autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur ; que par ces motifs de pur droit substitués à ceux de l’arrêt dans les conditions de l’article 1015 du nouveau Code de procédure civile, l’arrêt attaqué, qui a constaté que les Mutuelles du Mans avaient payé dans la croyance erronée que les désordres avaient pour cause un phénomène naturel de sécheresse, se trouve légalement justifié »26. L’ordonnance de 2016 reprend pour l’essentiel la jurisprudence de la Cour de cassation27. Pour autant, la doctrine observe à juste titre que « l’évolution jurisprudentielle n’est pas nécessairement reprise dans la lettre du texte. Le législateur donne toute sa place à l’interprétation large du juge »28.
L’article 1303-3 du Code civil confirme l’arrêt rapporté. Cet article précise que l’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription. D’aucuns estiment d’après l’article 1303-3 du Code civil que « cette carence dans l’administration de la preuve de l’action principale du demandeur recouvre les deux hypothèses désormais attachées à la subsidiarité telles qu’elles résultent à la fois de la jurisprudence antérieure à la réforme et du nouvel article 1303-3 du Code civil, soit celle d’une action ouverte ou d’un obstacle de droit »29. En outre, cet article 1303-3 du Code civil « fait référence à une action qui se “heurte” à un obstacle de droit »30.
Conclusion. Gageons que les magistrats du Quai de l’Horloge auront bien vite l’occasion de préciser les contours de la notion qui fait référence à une action qui se « heurte » à un obstacle de droit afin de trouver un juste équilibre au principe général du droit selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui.
Notes de bas de pages
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1.
« Si les conditions ouvrant l’action ne sont pas prouvées, c’est comme si celle-ci n’existait pas », cité par V. Forti, in JCl. Notarial Répertoire, v° Enrichissement injustifié. Conditions juridiques, fasc. 20, 2023, n° 37.
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2.
H. Planckaert, « Une carence dans l’administration de la preuve d’un prêt ne peut être palliée par l’exercice subsidiaire d’une action en enrichissement sans cause », Lamyline.fr, 23 janv. 2024 ; C. Hélaine, « Caractère subsidiaire de l’enrichissement sans cause et administration de la preuve », Dalloz actualité, 17 janv. 2024.
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3.
Cass., req., 15 juin 1892 : DP 1892, 1, p. 596 ; S. 1893, 1, p. 281, note X. Labbe ; « Observations de Georges Virassamy », LPA 4 sept. 2015, p. 96.
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4.
S. Guichard et T. Dehard, Lexique des termes juridiques 2023-2024, 23e éd., Dalloz, p. 31.
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5.
Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, art. 2.
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6.
C. Fressenon et I. Corpart, in JCl. Notarial Formulaire, v° Concubinage. Cessation du concubinage, fasc. 14.
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7.
M. Storck, in JCl. Notarial Formulaire, v° Séparation de biens. Gestion des patrimoines des époux. Dissolution. Liquidation du régime, fasc. 20, 2023, n° 62.
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8.
P.-L. Niel, « L’enrichissement sans cause à l’épreuve du régime de la communauté légale réduite aux acquêts », LPA 11 sept. 2019, n° LPA146u2.
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9.
S. Ben Hadj Yahia, in Rép. civ. Dalloz, v° Concubinage, 2023, n° 343.
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10.
V. Forti, in JCl. Notarial Répertoire, v° Enrichissement injustifié. Conditions juridiques, fasc. 20, 2023, n° 35.
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11.
Civ., 12 mai 1914 : S. 1918-1919, 1, p. 41, note E. Naquet ; cité par A.-M. Romani, in Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, 2021, n° 179.
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12.
Cass. 3e civ., 29 avr. 1971 : Bull. civ. III, n° 277 ; cité par A.-M. Romani, in Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, 2021, n° 179.
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13.
Cass. 3e civ., 2 avr. 2008, n° 07-10101.
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14.
Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n° 95-13568.
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15.
Cass. 1re civ., 2 avr. 2009, n° 08-10742.
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16.
A.-M. Romani, in Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, 2021, n° 179.
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17.
A.-M. Romani, in Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, 2021, n° 179.
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18.
A.-M. Romani, in Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, 2021, n° 207.
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19.
Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-15563 : V. Forti, in JCl. Notarial Répertoire, v° Enrichissement injustifié. Conditions juridiques, fasc. 20, 2023, n° 28.
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20.
S. David et A. Jault, Liquidation des régimes matrimoniaux 2023-2024, Dalloz, p. 237.
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21.
S. David et A. Jault, Liquidation des régimes matrimoniaux 2023-2024, Dalloz, p. 237.
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22.
C. Grimaldi, « La distinction entre champ d’application et conditions de mise en œuvre d’une norme », D. 2021, p. 2099.
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23.
Cass. 1re civ., 2 avr. 2009, n° 08-10742.
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24.
Cass. 1re civ., 14 mars 1995, n° 93-13410.
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25.
Cass. 1re civ., 31 mars 2011, n° 09-13966, M. Y c/ Mme X : G. Pillet, « L’impossibilité de démontrer l’existence du contrat allégué est un obstacle à l’action de in rem verso », LEDC mai 2011, n° 75, p. 3.
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26.
Cass. 1re civ., 4 avr. 2001, n° 98-13285.
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27.
C. François, « Présentation des articles 1303 à 1303-4 du nouveau chapitre III “L’enrichissement injustifié” », https://lext.so/5JEANZ.
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28.
A.-M. Romani, in Rép. civ. Dalloz, v° Enrichissement injustifié, 2021, n° 40.
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29.
« Administration de la preuve : confirmation de la subsidiarité de l’action de in rem verso », Dalloz étudiant, 24 janv. 2024.
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30.
V. Forti, in JCl. Notarial Répertoire, v° Enrichissement injustifié. Conditions juridiques, fasc. 20, 2023, n° 36.
Référence : AJU012p6
