Taire un vice caché peut coûter cher au vendeur

(L’articulation des sanctions du vice caché)
Publié le 12/08/2020

Le vendeur qui connaissait les vices de la chose, est tenu de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur, qui peut exercer l’action en indemnisation indépendamment de l’action rédhibitoire ou estimatoire. Ainsi, lorsque le bâtiment vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l’acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente, est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages et intérêts équivalant au coût de la démolition et de la reconstruction. Dans ces conditions, le remplacement d’un bâtiment ancien par un bâtiment neuf ne constitue pas un enrichissement sans cause.

Cass. 3e civ., 30 janv. 2020, no 19-10176

Pour l’acquéreur d’un bien affecté d’un vice caché connu du vendeur, il n’y a souvent que des avantages à demander indemnisation tout en gardant le bien, et sans même solliciter une restitution partielle du prix. C’est ce qu’illustre un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 30 janvier 2020.

1. Dans cette affaire, après entremise d’un agent immobilier, une maison d’habitation atteinte de fissures anciennes, a été vendue par acte notarié du 20 juillet 2007, au prix de 98 000 €, les acquéreurs étant informés de ce qu’une instance judiciaire s’était terminée le 25 septembre 1997 au sujet des fissures et que, à la suite de cela, des travaux de consolidation avaient eu lieu en 2003. Cependant, postérieurement à la vente, de nouveaux désordres sont apparus et les acquéreurs ont obtenu la désignation d’un expert judiciaire qui a déposé, le 7 janvier 2012, ses conclusions selon lesquelles les travaux de reprise de 2003 n’avaient pas conforté l’immeuble dont les désordres ne pouvaient être réparés autrement que par la démolition et la reconstruction. Les acquéreurs ont alors cités en justice, le 26 juin 2012, le vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés et le notaire sur le fondement de sa responsabilité délictuelle, à la suite de quoi ces défendeurs ont appelé en garantie l’agent immobilier, également sur le fondement de sa responsabilité délictuelle. Il était essentiellement reproché aux défendeurs de ne pas avoir fourni, préalablement à la vente, aux acquéreurs le jugement irrévocable du 25 septembre 1997, qui avait déjà conclu à la démolition et la reconstruction, ce que les acquéreurs ignoraient1.

2. Dès la première instance, les éléments suivants ont été acquis : neutralisation de la clause d’exclusion de garantie stipulée au contrat de vente, en raison de la connaissance qu’avait le vendeur du vice ; violation, par le notaire et l’agent immobilier, de leurs devoirs d’information et de conseil2. Les acquéreurs ayant choisi de ne pas solliciter la résolution de la vente, il restait à chiffrer les sanctions financières de la situation, et le partage de responsabilité entre les différents fautifs. L’arrêt d’une première cour d’appel fut cassé pour deux motifs : 1° la cour d’appel avait violé le principe de réparation intégrale du préjudice des acquéreurs, en accordant à ces derniers d’une part une somme d’argent au titre de leur action estimatoire, et d’autre part des dommages et intérêts couvrant, notamment, tous les frais de démolition et de reconstruction de la maison, ce qui constituait une double réparation ; 2° la cour d’appel avait compris dans l’assiette du partage de responsabilité du notaire et de l’agent immobilier non seulement le préjudice consistant dans le coût de la démolition/reconstruction, mais aussi la fraction du prix de l’immeuble que le vendeur devait restituer aux acquéreurs sur la base de l’action estimatoire ; or le notaire et l’agent immobilier sont tenus uniquement sur le fondement de leur responsabilité délictuelle, et non sur celui de l’action estimatoire3. Devant la cour d’appel de renvoi, les acquéreurs ont renoncé à demander restitution d’une partie du prix : ils n’exercèrent ni l’action rédhibitoire, ni l’action estimatoire prévues à l’article 1644 du Code civil ; ils se contentèrent de solliciter indemnisation de la part de tous les fautifs, sur le fondement de l’article 1645 : « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ». La cour d’appel de Lyon, statuant le 27 septembre 2018, leur a accordé, à ce titre, une réparation de 129 931 € comprenant notamment le coût de la démolition/reconstruction4, en mettant à la charge du notaire et de l’agent immobilier respectivement 10 % de cette condamnation. À la suite de quoi les défendeurs se sont à nouveau pourvus en cassation, faisant valoir des moyens différents. Selon eux, d’une part, la cour d’appel de Lyon aurait mal articulé les articles 1644, 1645 et le principe de réparation intégrale du préjudice : la réparation des vices cachés proprement dite ne saurait reposer entièrement sur l’article 1645 du Code civil qui n’aurait pas pour objet le rééquilibrage du contrat ; elle devrait se faire principalement sur la base de l’article 1644 du Code civil, à savoir la résolution de la vente ou une diminution du prix ; tout au plus, si la réparation des vices cachés ne peut se faire entièrement par une diminution du prix, les dommages et intérêts n’auraient vocation qu’à couvrir le montant résiduel du préjudice non compensé par la diminution du prix. Selon l’autre moyen des demandeurs au pourvoi, les règles précitées ne devraient pas aboutir à une réparation permettant aux acquéreurs d’obtenir un bien neuf à la place du bien ancien qu’ils avaient acquis.

3. La question de droit essentielle qui se posait à la cour régulatrice était donc la suivante : en présence d’un vice caché connu du vendeur, l’acheteur peut-il obtenir l’entière réparation du vice caché au moyen de dommages et intérêts dont le montant excède le prix de vente ? La troisième chambre civile répond par l’affirmative. Elle décide – et ce n’est pas la première fois – que l’acheteur peut exercer, à l’égard du vendeur de mauvaise foi, l’action en indemnisation indépendamment de l’action rédhibitoire ou estimatoire, et que les dommages et intérêts de l’article 1645 du Code civil peuvent réparer aussi bien le vice du bien vendu (dommage intrinsèque), que les préjudices distincts et indirects (extrinsèques). La question de droit secondaire qui se posait concerne l’applicabilité d’un coefficient de vétusté, dans l’hypothèse où le bien vendu est irréparable et doit être remplacé. La Cour refuse, là encore, de suivre l’argument des demandeurs au pourvoi : selon elle, s’agissant d’un bâtiment, lorsque la démolition/reconstruction est le seul moyen de mettre fin au vice caché, elle n’implique aucun enrichissement sans cause de l’acquéreur. Par conséquent, le pourvoi est rejeté.

On retiendra de cet arrêt, une articulation très libérale des sanctions de la garantie des vices cachés (I), solution qui permet des choix stratégiques à l’acquéreur (II). Cette jurisprudence s’affirme, en même temps qu’elle interroge (III).

I – L’articulation libérale des sanctions de la garantie des vices cachés

La pluralité des sanctions du vendeur de mauvaise foi est bien connue ; l’autonomie de l’article 1645 du Code civil l’est moins.

A – Une pluralité de sanctions du vendeur de mauvaise foi

4. Les articles 1641 et 1642 du Code civil définissent les vices cachés : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus » ; « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même »5.

Des sanctions spécifiques à la garantie des vices cachés donnent la réplique à la définition de l’article 1641 : « l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » (C. civ., art. 1644).

L’article 1643 précise que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie ».

Voilà les sanctions du vendeur de bonne foi : action rédhibitoire ou estimatoire, sauf clause exclusive de garantie.

5. Ajoutons à présent les règles supplémentaires qui sanctionnent le vendeur de mauvaise foi6.

La jurisprudence fait un raisonnement a contrario de l’article 1643 : le vendeur qui connaissait les vices ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés7. Dans l’espèce commentée, une clause d’exclusion figurait bien au contrat de vente. Dès la première instance, il a été acquis que le vendeur ne pouvait pas s’en prévaloir en raison de sa mauvaise foi : il avait omis d’informer les acquéreurs du dispositif d’un jugement qui avait prévu, 10 ans avant la vente déjà, la démolition et la reconstruction du bâtiment pour remédier aux désordres.

Par ailleurs – et c’est cette règle qui constitue l’enjeu de l’arrêt commenté – l’article 1645 du Code civil dispose : « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ».

B – L’autonomie de l’article 1645 du Code civil

6. Les demandeurs au pourvoi soutenaient que l’article 1645 n’est que le complément des sanctions spécifiques du vice caché de l’article 1644. Selon eux, dans la mesure où les acquéreurs avaient renoncé, devant la cour d’appel de renvoi, à solliciter la résolution de la vente ou la restitution partielle du prix, ils ne pourraient rien obtenir sur le fondement de l’article 1645 ou, du moins, ils ne pourraient pas obtenir, sur ce fondement, la réparation du vice du bien vendu. Pour reprendre leurs termes, le « rééquilibrage du contrat » ne pourrait se faire que sur le fondement de l’action rédhibitoire ou estimatoire, et non sur le fondement de l’article 1645.

La Cour de cassation balaye leur argument d’un revers de main, par une pétition de principe : « Il résulte de l’article 1645 du Code civil que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur, qui peut exercer l’action en indemnisation indépendamment de l’action rédhibitoire ou estimatoire ».

La décision donne l’occasion d’apprécier le nouveau mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation. La Cour assume désormais pleinement son rôle normatif en se référant à ses propres précédents jurisprudentiels8. La présentation des arrêts sous forme de rubriques intitulées, facilite la lecture. Pour autant, la troisième chambre civile ne fait pas l’effort de convaincre le lecteur au fond : l’arrêt n’a pas eu les honneurs d’une véritable motivation ; la chambre n’explique pas les motifs de son choix d’interprétation.

En raison de l’indépendance de l’article 1645 à l’égard de l’article 1644, l’acheteur peut également agir sur son fondement si le vice caché a été réparé en nature par le vendeur de mauvaise foi9. Cette hypothèse mise à part, l’articulation libérale que fait la jurisprudence des différentes sanctions de la garantie des vices cachés, permet à l’acheteur de faire des choix stratégiques.

Taire un vice caché peut coûter cher au vendeur
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II – Une articulation permettant des choix stratégiques

En présence d’un vice caché, l’acheteur a donc le choix entre l’action rédhibitoire, l’action estimatoire et l’action tendant à indemnisation sur le fondement de l’article 1645 du Code civil. Les critères du choix sont aisés à percevoir à travers l’affaire commentée. L’un d’eux peut conduire, selon la troisième chambre civile, à un enrichissement légitime de l’acheteur.

A – Les critères du choix

7. Le critère le plus basique du choix de l’acheteur est, a priori, le souhait de ce dernier de garder, malgré tout, le bien, quitte à obtenir du vendeur des sommes d’argent supérieures au prix du bien, comme en l’espèce ; ou de rendre le bien en échange de la restitution du prix, outre d’éventuels dommages et intérêts. Nous verrons un peu plus loin que ce choix n’existe pas forcément toujours.

Supposons pour l’instant que l’acheteur veuille garder le bien, comme en l’espèce. Concernant cette hypothèse, il convient de retenir, avant tout, que la solution de l’arrêt enlève tout intérêt à l’action estimatoire. Mais les acquéreurs, en l’espèce, n’en étaient pas conscients dans les premières instances du procès.

Les acquéreurs ont souhaité « conserver » le bien10. Les possibilités qui s’offraient à eux étaient alors les suivantes. Soit ils demandaient uniquement la restitution d’une partie du prix (action estimatoire) ; soit ils demandaient la restitution d’une partie du prix (C. civ., art. 1644) et des dommages et intérêts (C. civ., art. 1645) ; soit ils demandaient uniquement des dommages et intérêts (C. civ., art. 1645).

8. On sait que devant la première cour d’appel, les acquéreurs avaient combiné les articles 1644 et 1645, en sollicitant la restitution d’une partie du prix et des dommages et intérêts, ce qui leur avait été accordé. On sait aussi que la Cour de cassation, lors du premier passage du litige devant elle, avait cassé l’arrêt de la cour d’appel de Bourges au motif que la condamnation à la restitution d’une partie du prix ne pouvait être mise partiellement à la charge du notaire et de l’agent immobilier11.

La part de la condamnation mise à la charge des coresponsables est, le plus souvent, exprimée en fraction ou en pourcentage par les juges du fond (la cour d’appel de Bourges avait mis 10 % de la condamnation du vendeur à la charge du notaire, et encore 10 % à la charge de l’agent immobilier). On peut imaginer que les acquéreurs souhaitaient pouvoir mettre la plus grande somme possible à la charge des professionnels de l’immobilier coresponsables, parce que le vendeur n’était pas solvable et/ou qu’il n’était pas assuré, ou pour d’autres raisons. Les acquéreurs ont pu escompter que la cour d’appel de renvoi allait prononcer des condamnations dans les mêmes proportions, quoique l’assiette des condamnations des professionnels de l’immobilier ne serait pas la même. Pour pouvoir obtenir les plus grandes sommes possibles de ces derniers, les acquéreurs ont donc concentré leurs prétentions sur l’article 1645 du Code civil, qui prévoit une indemnisation dont la charge peut être partagée par les coresponsables. Autrement dit, les acquéreurs ont délaissé, devant la cour d’appel de Lyon, l’article 1644 du Code civil parce qu’une condamnation à la restitution d’une partie du prix n’aurait pas pu être mise à la charge des professionnels de l’immobilier, tiers au contrat. Et en effet, la cour d’appel de Lyon a, comme la cour d’appel de Bourges avant elle, condamné le notaire et l’agent immobilier à supporter, chacun, 10 % de la condamnation du vendeur. La condamnation du vendeur, au principal, étant de 129 931 €, la créance qui en est résulté pour les acquéreurs, contre chacun des deux professionnels, est donc de 12 993 €. S’ils avaient ventilé leurs prétentions entre l’article 1644 (restitution d’une partie du prix de l’immeuble) et l’article 1645 (dommages et intérêts), pas de doute qu’ils auraient obtenu moins de dommages et intérêts, et que leur créance vis-à-vis des professionnels aurait été moindre. Un critère du choix de l’acheteur peut donc être la présence de tiers coresponsables.

9. À supposer toujours que l’acheteur veuille garder le bien, un autre critère est, bien évidemment, l’importance du vice et du préjudice qui en est découlé. Si, comme en l’espèce, le vice et le préjudice sont tels que leur valeur est supérieure au prix de vente, l’acheteur est amené, de fait, à ne pas seulement demander la restitution d’une partie du prix : soit il adjoint à l’action estimatoire une demande de dommages et intérêts ; soit il demande uniquement des dommages et intérêts, comme dans l’espèce commentée. Les dommages et intérêts justifiés par l’article 1645 du Code civil ne sont pas limités autrement que par le principe de réparation intégrale12 ; leur montant peut dépasser de loin celui du prix du bien vendu, comme en l’espèce13.

10. Cela est-il toujours possible ? Comme en droit des assurances, s’agissant des dommages et intérêts qui ont pour objet de réparer le bien acheté, si le coût de la réparation du bien excède la valeur de celui-ci, ne faut-il pas distinguer selon la nature du bien ? S’agissant des choses fongibles, la part du préjudice de l’acheteur consistant dans le vice de la chose achetée est alors réparée par le remplacement du bien, ou par des dommages et intérêts lui permettant de remplacer le bien. En revanche, même si le coût de la réparation du bien est supérieur à la valeur du bien, cette réparation peut être exigée par l’acheteur d’un corps certain, car l’acheteur peut être attaché à l’individualité du bien. La solution est donc justifiée si le bien affecté du vice est un bâtiment : non seulement il s’agit d’un corps certain, mais le terrain auquel le bâtiment est incorporé, a fait partie du prix de vente. S’agissant d’un bâtiment implanté à tel endroit, son remplacement se fait par sa démolition et sa reconstruction, comme en l’espèce. Pour continuer le parallèle avec le droit des assurances, un coefficient de vétusté ne s’impose-t-il pas dans le cas du remplacement d’un bâtiment ancien par un bâtiment neuf ?

B – Un choix pouvant entraîner un enrichissement de l’acheteur

11. Dans l’affaire commentée, les demandeurs au pourvoi faisaient valoir le principe de réparation intégrale du préjudice : « les juges du fond sont tenus de réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte ni perte, ni profit pour la victime » ; les acquéreurs ne peuvent « solliciter l’allocation de dommages et intérêts incluant le coût intégral de travaux de démolition et de reconstruction de leur maison qui, certes étaient destinés à mettre fin aux vices cachés constatés, mais qui auraient dans le même temps pour effet de leur permettre, par une rénovation complète de l’existant, de faire l’acquisition d’un bien entièrement neuf pour le prix d’un bien ancien, dégradé et vétuste qu’ils avaient initialement décidé d’acquérir » ; « les acquéreurs ont acquis une maison d’habitation décrite dans l’acte de vente comme étant ancienne et affectée d’un nombre important de défauts » ; et les demandeurs au pourvoi de soutenir que la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, en n’appliquant pas un coefficient de vétusté.

Contrairement à sa position sur l’autonomie de l’article 1645, la réponse que donne la troisième chambre civile à la question de l’enrichissement des acquéreurs ne fait pas figure d’un attendu de principe, et n’est qu’indirecte.

La Cour énonce que « lorsque l’immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l’acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages et intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction »14.

Plus précisément, elle approuve la cour d’appel d’avoir considéré que dans la mesure où la nouvelle habitation aura la même superficie que l’ancienne, et que la démolition/reconstruction du bâtiment était le seul moyen de mettre fin aux vices constatés, le préjudice subi par les acquéreurs pouvait être réparé ainsi sans engendrer un enrichissement sans cause de ces derniers.

12. Non seulement les juridictions n’appliquent pas de coefficient de vétusté, mais le seul encadrement explicite de l’équivalence du bâtiment, abstraction faite de son vice, et du bâtiment reconstruit, est le critère de l’identité de leur superficie. Les juridictions sont muettes concernant, par exemple, les matériaux de construction utilisés.

Le professeur Jean-Sébastien Borghetti exprime cette critique en termes plus généraux : « il est difficile d’admettre sans discussion (…) que l’acheteur d’une chose viciée [puisse], sans autorisation du juge, sans même que soit formellement exigée une mise en demeure préalable du vendeur d’avoir à corriger la mauvaise exécution et sans que le caractère économiquement raisonnable de la correction entreprise soit examiné, obtenir du vendeur qu’il assume le coût de cette correction »15 ; et d’opposer cette solution à la possibilité du vendeur d’immeuble à construire, d’échapper aux sanctions typiques du vice caché, s’il s’oblige à réparer16. En effet, il faut bien réaliser que dans la plupart des affaires jugées, comme dans l’espèce commentée, l’acheteur répare/remplace le bien vicié de sa propre initiative, avant le jugement de son litige, souvent même avant la saisine du juge. Il s’agit, en fait, d’une exécution aux frais du débiteur, qui ne dit pas son nom. Cependant, on peut supposer un contrôle judiciaire implicite au sujet du caractère économiquement raisonnable de la réparation ou du caractère équivalent du bien de remplacement, ce contrôle se traduisant par le montant des dommages et intérêts reconnus17.

En l’espèce, à supposer une équivalence de qualité des constructions (abstraction faite du vice du bâtiment acquis, bien sûr), et compte tenu de l’absence d’application d’un coefficient de vétusté, il y a enrichissement des acquéreurs. Doit-on le comprendre comme une sorte de lot de consolation des acquéreurs pour avoir peiné à obtenir un bien exempt de vice ? Cela ne serait pas compatible avec le principe de la réparation intégrale de leur préjudice moral, chiffrée par ailleurs. Là encore, aucune motivation de leur choix de ne pas appliquer un coefficient de vétusté n’est avancée par les juridictions.

Mais cet aspect18 ne représente pas l’intérêt doctrinal principal de l’arrêt. Pour porter une appréciation critique sur l’arrêt, il convient de revenir à son élément essentiel, l’indépendance de l’article 1645 du Code civil.

III – Une solution établie qui interroge

13. La Cour de cassation cite, dans son arrêt, des précédents jurisprudentiels qui avaient déjà retenu l’indépendance de l’article 1645 du Code civil vis-à-vis de l’article 164419. Il en existe plusieurs autres20, et on constate l’unanimité des chambres de la Cour de cassation sur le sujet, ce qui n’empêche pas le caractère discutable de la solution. En réalité, tous les arrêts qui font état de l’autonomie de l’article 1645, ne traitent pas précisément de son indépendance à l’égard des actions rédhibitoire et estimatoire. Certains traitent plutôt de son indépendance à l’égard du droit commun de la responsabilité civile21. La doctrine s’est beaucoup interrogée à ce sujet. Nous concluons au caractère hybride de l’article 1645 du Code civil.

A – Une solution discutable

14. La solution semble éloignée de la lettre et de l’esprit de l’article 1645 qui dispose : le vendeur qui connaissait les vices « est tenu, outre la restitution du prix (…), de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ». « Outre » signifie « en plus de »22. Il y a donc tout lieu de penser que les rédacteurs du Code avaient conçu l’article 1645 uniquement comme un complément de l’article 1644 du Code civil : l’acheteur exerce l’action rédhibitoire ou estimatoire23, et peut demander, en plus, des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 164524. Un autre argument littéral, en sens contraire, pèse bien moins lourd à notre sens : le vendeur qui connaissait les vices « est tenu, outre la restitution du prix (…), de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ». Certains pourraient soutenir que puisque l’article 1645 permet d’obtenir tous les dommages et -intérêts, cette disposition se suffit à elle-même, et peut se passer de l’article 1644. Or selon nous, la sanction principale, spécifique, du vice caché, est la restitution (totale ou partielle) du prix, et ne se confond pas avec des dommages et intérêts qui ne devraient en être, à suivre le législateur, que le complément, l’accessoire.

15. La solution de l’arrêt n’est pas orthodoxe dans un système de droit où le juge n’assume aucune responsabilité, ni juridique ni politique, de ces décisions, et où le développement historique du droit ne lui confère pas la légitimité de s’écarter de la loi. La solution fait perdre tout intérêt à l’action estimatoire25, et il n’est pas certain qu’entre réduction du prix et indemnité réparatrice allouée à l’acheteur, la différence soit purement formelle26. Le pouvoir normatif que s’arroge la Cour de cassation est-il justifié, en l’occurrence, par une nécessité pratique ? Il semblerait que la politique jurisprudentielle en cause corresponde uniquement à une volonté de neutraliser facilement les clauses exclusives de garantie stipulée par les vendeurs professionnels, ce dont l’opportunité est très discutable27.

Quelle que soit l’idée qu’on se fait de la pertinence de la solution, il reste que l’arrêt délaisse les sanctions spécifiques du vice caché, pour préférer une sanction plus générale en se fondant sur l’article 1645.

B – Un fondement hybride

16. L’allocation de dommages et intérêts rapproche la situation du droit commun de la responsabilité contractuelle28, la doctrine le relève à juste titre29.

Pourtant, la Cour de cassation, et plus précisément la troisième chambre civile, a clairement indiqué, dans un arrêt de 2003, que les dommages et intérêts dus par le vendeur au titre de la garantie des vices cachés ne trouvent pas leur fondement dans les règles de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle, pour décider que l’assurance responsabilité civile du vendeur n’était pas susceptible de couvrir les dommages et intérêts dus en vertu de l’article 1645 du Code civil30.

De même, lorsque l’acheteur réclame des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1645, la Cour de cassation refuse d’appliquer les règles du droit commun de la responsabilité contractuelle, à la clause par laquelle le vendeur a eu l’intention de s’exonérer31. Ainsi, il n’est pas pertinent de rechercher si la clause prive l’obligation essentielle du vendeur de sa substance32. Comme cela a été jugé par tous les juges du fond dans l’affaire commentée, seule la connaissance – et la seule connaissance – réelle ou présumée, du vice caché, par le vendeur, neutralise la clause33. Et il devrait en être de même d’une clause qui se contenterait de limiter le montant des dommages et intérêts dus à raison d’un vice caché34.

17. Les arrêts ayant consacré et confirmé l’autonomie de l’article 1645 du Code civil, ont suscité, en doctrine, l’interrogation sur la nature de cette disposition et sur le rapport qu’elle entretient avec le droit commun de la responsabilité civile35. En effet, la Cour de cassation juge que l’article 1645 est indépendant des actions rédhibitoire et estimatoire, mais également du droit commun de la responsabilité civile36. Au surplus, elle n’a jamais indiqué son régime précis. Ainsi, on peut se demander si l’action, sur son fondement, est enfermée dans le délai biennal spécifique à la garantie des vices cachés, ou dans le délai de prescription de droit commun37. Dans l’espèce commentée, les acquéreurs ont agi moins de 6 mois après avoir pris connaissance de l’expertise révélant l’ampleur des vices. Une nouvelle fois, la Cour de cassation n’a donc pas été amenée à se prononcer sur la question. Pour notre part, nous sommes convaincus que le délai de 2 ans doit être respecté.

Ce n’est pas parce que l’article 1645 du Code civil est indépendant des actions rédhibitoire et estimatoire, qu’il n’a plus rien à voir avec la garantie des vices cachés. Son indépendance des articles qui le précèdent, est toute relative38. La Cour de cassation a énoncé, dans le passé, qu’une condamnation prononcée au visa de l’article 1645 du Code civil trouve son fondement « non dans les règles de la responsabilité civile, contractuelle ou délictuelle, mais dans l’obligation légale propre au vendeur de garantir l’acquéreur des vices cachés de la chose vendue »39.

Et surtout, la Cour de cassation s’est prononcée de façon explicite sur la nature du régime de responsabilité de l’article 1645 du Code civil, dans un arrêt de la première chambre civile en date du 26 septembre 2012, auquel la troisième chambre se réfère dans la décision commentée. Le 26 septembre 2012, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’une cour d’appel qui avait considéré que l’article 1645 ne fondait pas un régime spécifique et autonome de responsabilité pour vice caché. Pour exprimer les choses de façon positive : l’article 1645 du Code civil fonde un régime spécifique et autonome de responsabilité pour vice caché. Un régime de responsabilité partageant certains traits avec les dommages et intérêts institués aux articles 1231et suivants du Code civil40, mais qui reste expressément rattaché au régime de la garantie des vices cachés.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Il leur était également reproché de ne pas avoir informé les acquéreurs de l’absence d’un document d’urbanisme (certificat de conformité) en raison d’une erreur d’implantation du bâtiment, contravention qui pouvait être sanctionnée notamment par une décision administrative de démolition. Cette faute et ce vice caché furent reconnus par la suite, par les différentes juridictions.
  • 2.
    Certains de ces éléments de fait et de procédure sont tirés des instances précédant celle qui a donné lieu à l’arrêt commenté. Ils vont s’avérer utiles notamment pour établir le délai qui s’est écoulé entre la découverte du vice par les acquéreurs, et l’action de ces derniers.
  • 3.
    Cass. 3e civ., 14 déc. 2017, n° 16-24170 (cassant CA Bourges, 21 juill. 2016, n° 15/01100), Jourdain P., « La restitution partielle du prix de vente d’un bien laisse-t-elle place à la réparation d’un préjudice matériel ? », RTD civ. 2018, p. 421 ; Cohet F., « La garantie des vices cachés, le notaire, l’agent immobilier, la restitution du prix et le préjudice réparable », AJDI 2018, p. 378 ; Piédelièvre S., « Chronique droit de l’immeuble », JCP N 2018, n° 20, 1200.
  • 4.
    L’erreur d’implantation n’a pas été déterminante dans la décision de démolition/reconstruction, mais la solution a présenté l’avantage de remédier également à ce vice.
  • 5.
    Remarquons l’attitude favorable des juges de l’espèce, aux acquéreurs : alors même que ces derniers connaissaient l’existence d’une instance judiciaire relative aux désordres, les juges du fond ont estimé qu’ils n’ont pas pu se convaincre par eux-mêmes de l’ampleur des désordres, en les dispensant de demander à voir le jugement. Selon les juges du fond, l’initiative de la transmission du jugement appartenait au vendeur et aux professionnels intervenus.
  • 6.
    Depuis la célèbre affaire dite du « Pain maudit de Pont Saint-Esprit » (Cass. 1re civ., 19 janv. 1965 : Bull. civ. I, n° 52 ; D. 1965, p. 389), le professionnel qui vend à un profane, est réputé irréfragablement connaître les vices cachés des biens qu’il vend ; il est assimilé à un vendeur de mauvaise foi.
  • 7.
    Cass. 3e civ., 12 nov. 1975, n° 74-13775 : Bull. civ. III, n° 330.
  • 8.
    Les trois arrêts qu’elle cite, et que nous analyserons plus loin, allaient dans le même sens que l’arrêt commenté. La solution n’est donc pas nouvelle.
  • 9.
    Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176.
  • 10.
    En réalité, le vice qui affectait le bâtiment était tel qu’il a fallu recréer celui-ci.
  • 11.
    Cass. 3e civ., 14 déc. 2017, n° 16-24170, cassant CA Bourges, 21 juill. 2016, n° 15/01100.
  • 12.
    L’acheteur ne peut, bien entendu, pas obtenir double réparation : la restitution d’une partie du prix et le remplacement du bien. C’est aussi sur ce fondement que l’arrêt de la cour d’appel de Bourges a été cassé.
  • 13.
    On pense notamment à une perte d’exploitation, dans l’industrie, du fait d’une machine affectée d’un vice caché ; ou à la nécessité de reprendre ou d’exécuter à nouveau une commande importante dans l’exécution de laquelle le prestataire a utilisé un matériau affecté d’un vice qui a vicié la prestation dans son ensemble (par exemple pour un matériel destiné à la fabrication de bitume employé par un entrepreneur, Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176, cité par l’arrêt commenté).
  • 14.
    V. déjà, exactement la même solution, dans le même contexte : Cass. 3e civ., 8 oct. 1997, n° 85-19808.
  • 15.
    Borghetti J.-S., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 et Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 : « La correction du vice de la chose vendue aux frais du vendeur », RDC 2013, p. 101, spéc. II. M. Borghetti écrit à une époque où en droit commun des contrats, l’exécution aux frais du débiteur était encore subordonnée à l’autorisation du juge (C. civ., art. 1144 anc.). La réforme du droit des contrats a affranchi, sauf exception, le créancier de cette autorisation (C. civ., art. 1222 nouv.). Par ailleurs, la réforme a répondu à plusieurs critiques que formule M. Borghetti dans ses observations.
  • 16.
    Borghetti J.-S., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 et Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 : « La correction du vice de la chose vendue aux frais du vendeur », RDC 2013, p. 101, spéc. II.
  • 17.
    En l’espèce, la cour d’appel de Lyon a évalué le préjudice global à une somme moindre que la cour d’appel de Bourges. Cette dernière avait estimé le coût de la démolition de la maison à 13 275 € hors TVA, le coût de la reconstruction à 131 577 € hors TVA et les préjudices annexes à 33 438 € (frais de déménagement, surconsommation chauffage,  relogement durant les travaux, trouble de jouissance consistant à vivre depuis l’acquisition dans une maison aux multiples fissures dont les ouvertures ferment mal…), soit un total de 178 290 €, tandis que la cour d’appel de Lyon, quant à elle, a chiffré le préjudice total à 129 931 €. Sachant que la cour d’appel de Bourges avait estimé le coût d’acquisition de la maison hors terrain à 60 000 €, rien ne permet de penser qu’une indemnisation totale de 129 931 € ait permis la démolition/reconstruction à des frais exorbitants, ou le remplacement du bâtiment vicié par une maison plus luxueuse.
  • 18.
    Lire aussi, à ce sujet, les observations du professeur Patrice Jourdain sur le premier arrêt de cassation intervenu dans cette affaire : Jourdain P., « La restitution partielle du prix de vente d’un bien laisse-t-elle place à la réparation d’un préjudice matériel ? », RTD civ. 2018, p. 421.
  • 19.
    Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 ; Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 ; Cass. 3e civ., 24 juin 2015, n° 14-15205. Tous trois sont des arrêts de cassation.
  • 20.
    Cass. com., 25 févr. 1981, n° 79-13851 : « vu l’article 1645 du Code civil (…) l’action en paiement de dommages-intérêts n’est pas subordonnée à la résolution du contrat » ; Cass. 3e civ., 8 oct. 1997, n° 85-19808 ; Cass. 1re civ., 24 févr. 1998, n° 95-20725.
  • 21.
    Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n° 00-22309 ; Cass. com., 19 mars 2013, n° 11-26566 ; Cass. 1re civ., 6 avr. 2016, n° 15-12402.
  • 22.
    Selon le Dictionnaire Larousse.
  • 23.
    Sur la question de savoir si et pourquoi il est possible de cumuler l’action estimatoire et des dommages-intérêts, alors même que l’article 1645 du Code civil n’envisage expressément que le cumul de l’action rédhibitoire et des dommages-intérêts, v. Borghetti J.-S., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 et Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 : « La correction du vice de la chose vendue aux frais du vendeur », RDC 2013, p. 101, spéc. I.
  • 24.
    M. l’avocat général Laurent Le Mesle, qui a pourtant rendu, en 2012, un avis en faveur de l’indépendance de l’article 1645 du Code civil, convient de cette interprétation de la volonté du législateur : « Ce pourvoi vous donne l’occasion de compléter [la jurisprudence existante] de façon peut-être plus explicite en affirmant clairement le caractère autonome de l’action fondée sur l’article 1645 du Code civil, ce qui reviendra donc à dire que l’option ne se limite pas aux deux branches prévues par l’article 1644, mais qu’il s’agit d’une option à trois branches : rédhibitoire, estimatoire et indemnitaire (étant observé que la première et la deuxième peuvent se combiner avec la troisième, ainsi que l’a voulu le législateur) » (Le Mesle L., avis précédant Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 : JCP E 2012, in fine).
  • 25.
    Malinvaud P., « L’action en garantie/réparation des vices cachés de l’article 1645 du Code civil », RDI 2014, p. 112, in fine.
  • 26.
    V., à ce sujet, la critique formulée par le professeur Jean-Sébastien Borghetti, supra n° 12.
  • 27.
    V. infra, note 34.
  • 28.
    On ne reviendra pas, dans cette étude, sur la distinction entre non-conformité et vice caché, qui s’oppose à ce qu’un acheteur puisse opter entre les deux (Cass. 1re civ., 27 oct. 1993, n° 91-21416 ; Cass. 1re civ., 8 déc. 1993, n° 91-19627).
  • 29.
    Waltz-Teracol B., note sous Cass. 1re civ., 24 juin 2015, n° 14-15205 : D. 2015, p. 1939 ; Borghetti J.-S., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 et Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 : « La correction du vice de la chose vendue aux frais du vendeur », RDC 2013, p. 101, spéc. I. On peut d’ailleurs remarquer la même évolution historique en droit commun de la responsabilité contractuelle : si le législateur de 1804 avait prévu des dommages-intérêts pour sanctionner la mauvaise exécution du contrat, c’est seulement en complément d’une action résolutoire (C. civ., art. 1184 anc.). C’est la jurisprudence qui a affranchi l’action en indemnisation de l’action résolutoire (Serinet Y.-M., « L’autonomie de l’action en dommages-intérêts par rapport aux autres sanctions de l’inexécution », in Ghestin J. (dir.), chron. droit des contrats, JCP G 2012, 1151, spéc. n° 15) et, pour finir, la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance de 2016 et sa loi de ratification de 2018, a entériné cette jurisprudence à l’article 1217 nouveau.
  • 30.
    Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n° 00-22309 : « La condamnation prononcée contre le vendeur au titre du coût des travaux de réparation de l’immeuble trouvait son fondement non dans les règles de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle, mais dans l’obligation légale, propre au vendeur, de garantir l’acquéreur des vices cachés de la chose vendue » ; « la condamnation dont la garantie était demandée était étrangère à l’objet de l’assurance souscrite ».
  • 31.
    Cass.com., 19 mars 2013, n° 11-26566.
  • 32.
    C. civ., art. 1170 nouv.
  • 33.
    Borghetti J.-S. critique fortement cette jurisprudence. Selon lui, il n’y a aucune justification, ni technique ni politique, d’empêcher, dans les actes mixtes, le vendeur professionnel de se prévaloir d’une clause exonératrice, tandis que cela est permis au prestataire de services et plus généralement en droit commun des contrats, sauf exception (Borghetti J.-S., obs. sous Cass. com., 19 mars 2013, n° 11-26566 : RDC 2013, p. 1360).
  • 34.
    Quezel-Ambrunaz C., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 : RDC 2012, p. 1248.
  • 35.
    Borghetti J.-S., obs. obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 et Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 : « La correction du vice de la chose vendue aux frais du vendeur », RDC 2013, p. 101, spéc. I ; Brun P., obs. sous Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n° 00-22309 : revue 2004, p. 344 ; Waltz-Teracol B., note sous Cass. 1re civ., 24 juin 2015, n° 14-15205 : D. 2015, p. 1939 ; Pillet G., « Le vice caché ne donne pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle », JCP G 2013, 705 ; Malivaud P., « L’action en garantie/réparation des vices cachés de l’article 1645 du Code civil », RDI 2014, p. 112 ; Quezel-Ambrunaz C., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 : RDC 2012, p. 1248 ; Serinet Y.-M., « L’autonomie de l’action en dommages-intérêts par rapport aux autres sanctions de l’inexécution », in Ghestin J. (dir.), chron. droit des contrats, JCP G 2012, 1151, spéc. n° 15 ; Séverin J., « L’action en réparation est indépendante de l’action en garantie des vices cachés », Lexbase Hebdo éd. privée, 19 juill. 2012 ; Leduc F., « L’action en dommages et intérêts prévue par l’article 1645 du Code civil », Resp. civ. et assur. 2017, étude 10.
  • 36.
    V. les références supra, notes 20, 21 et 22.
  • 37.
    Par ex., Brun P., obs. sous Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n° 00-22309 : revue 2004, p. 344 ; Malinvaud P., note sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 : RDI 2012, p. 519 ; Waltz-Teracol B., note sous Cass. 1re civ., 24 juin 2015, n° 14-15205 : D. 2015, p. 1939 ; Pillet G., note sous Cass. 1re civ., 24 juin 2015, n° 14-15205 : JCP G 2013, 705.
  • 38.
    Jean Séverin écrit que l’indépendance de l’action en réparation du vice caché n’est qu’apparente puisque son bien-fondé dépendra, notamment, de la preuve que la chose vendue est atteinte d’un vice caché (Séverin J., « L’action en réparation est indépendante de l’action en garantie des vices cachés », Lexbase Hebdo éd. privée, 19 juill. 2012).
  • 39.
    Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n° 00-22309. V. aussi Cass. 1re civ., 5 mai 1993, n° 90-18331 : « ... les vices cachés, lesquels se définissent comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale, ne donnent pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle, mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du Code civil ».
  • 40.
    Parallèle entre la mauvaise foi du vendeur, et le dol du débiteur de la prestation caractéristique du contrat, permettant tous deux d’aggraver la sanction du débiteur (Borghetti J.-S., obs. sous Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176 et Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22399 : « La correction du vice de la chose vendue aux frais du vendeur », RDC 2013, p. 101, spéc. I), en sorte que la réparation est intégrale et dépasse son caractère prévisible. D’autres traits communs : la réparation en nature par le débiteur, ne fait pas obstacle à une indemnisation des préjudices extrinsèques (Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-13176) ; exonération du vendeur professionnel/débiteur d’une obligation de résultat, par la force majeure (Cass. com., 25 nov. 1997, n° 95-14603).
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