De la vie privée post mortem
Classiquement, la jurisprudence refuse de reconnaître l’existence d’un droit au respect de vie privée post mortem. Toutefois, le législateur s’accommode mal de cette vision pragmatique et tente de trouver un équilibre en admettant la survie de certains éléments de la vie privée. L’équilibre est toutefois fragile : bouleversé par le numérique, il est également remis en cause par la balance des intérêts en présence. La recherche d’un nouveau paradigme en la matière semble alors s’imposer.
1858 : le tribunal civil de la Seine interdit la publication du portrait d’une actrice sur son lit de mort pour atteinte à la vie privée1. 2018 : la Cour européenne des droits de l’Homme (EDH) condamne la Pologne pour atteinte au droit au respect de la vie privée à la suite de l’exhumation de victimes d’un crash aérien sans l’accord des familles2. Plus d’un siècle et demi après la première décision protégeant la vie privée en tant que telle, cette dernière demeure toujours au cœur de l’actualité jurisprudentielle. La protection de la vie privée après la mort n’a jamais cessé d’interroger les juristes. Le débat sur la notion même de vie privée est ancien, mais il a tout de même fallu attendre la Révolution de 1789 pour qu’il se développe3. La distinction vie privée/vie publique alimente ainsi régulièrement les chroniques judiciaires. L’article 9 du Code civil, issu de la loi du 17 juillet 19704, affirmant que : « Chacun a droit au respect de sa vie privée » n’a apporté aucun éclairage sur ce point. Les juges ont donc eu toute latitude pour bâtir le concept de vie privée, tout comme la doctrine qui, en parallèle de la jurisprudence, a élaboré une théorie des droits de la personnalité au sein de laquelle le droit au respect de la vie privée a trouvé parfaitement sa place5. Domicile, secret des correspondances, nom, prénom, vie sentimentale, vie conjugale, orientation sexuelle, état de santé, données personnelles et bien d’autres6, sont autant d’éléments de la vie privée. On a pu dire à ce sujet qu’« il serait vain de vouloir donner une liste analytique du contenu de la vie privée »7 tant les juges en ont une interprétation large8. Classiquement, le concept recoupe à la fois la liberté et le secret de la vie privée9, l’identité et l’intimité10. Toutefois, ce n’est pas tant le contenu du droit au respect de la vie privée que son régime, et plus spécialement sa durée qui va ici retenir notre attention. De façon classique, on affirme que la vie privée s’éteint au décès de la personne : il n’existerait pas de vie privée post mortem11. L’affirmation est a priori raisonnable : pour qu’il y ait vie privée, il faut qu’il y ait de la vie tout court…
Il est notable que le jugement, dit Melle Rachel, première décision protégeant la vie privée12, soit relatif au portrait d’une tragédienne décédée. On s’accorde à dire que la solution retenue dans l’affaire se justifie par le droit au respect de la vie privée13. Mais à quelle vie privée est-il fait référence ? Celle de la défunte ou celle de sa famille ? La décision du tribunal civil de la Seine fut ambiguë sur ce point. La jurisprudence est désormais constante depuis l’affaire Mitterrand qui concernait la publication de l’ouvrage Le Grand Secret par l’ancien médecin du président14. La Cour de cassation affirme alors de manière générale que « le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit ». Les membres de la famille ne peuvent pas agir sur le fondement de l’atteinte à la vie privée du défunt ; en revanche ils peuvent agir pour protéger leur propre vie privée. Les droits de la personnalité sont des droits extrapatrimoniaux qui en tant que tels sont intransmissibles ; le droit au respect de la privée étant un droit de la personnalité, il est également intransmissible15. Droit attaché à la personne, il s’éteint lorsque le sujet de droit disparaît, c’est-à-dire au décès. La doctrine adhère totalement à ce raisonnement jurisprudentiel et s’en félicite, l’idée d’une vie privée post mortem lui apparaissant comme un « non-sens »16. Au-delà même des principes juridiques, ce serait faire « jurer les mots que de parler d’une vie privée d’un mort »17 tant la vie et la mort sont de parfaits antonymes.
Pourtant, si l’affirmation jurisprudentielle et doctrinale de la cessation du droit au respect de la vie privée par la mort paraît indiscutable, pouvons-nous affirmer avec la même force que chacun des éléments composant la vie privée obéit à cette règle ? Si la vie privée est un concept général, soumis à un régime en tant que tel, la vie privée est aussi, et surtout, un ensemble d’éléments18, qui peuvent faire l’objet de régimes propres, incompatibles ou peu compatibles avec l’idée d’une disparition au moment de la mort du titulaire. Prenons un exemple : le nom de famille est un élément de la vie privée19. Mais il est aussi un élément de l’état civil, de l’identification de la personne20. À ce titre, il est transmissible par voie de filiation. Au demeurant, la procédure dite de relèvement du nom de famille21, lorsqu’un nom de famille risque de s’éteindre définitivement, atteste de ce que le nom de famille doit dans la mesure du possible survivre à la disparition de la personne. L’exemple atteste qu’on ne peut pas défendre l’idée selon laquelle tous les éléments de la vie privée s’éteignent au décès. Une étude des éléments de la vie privée post mortem mérite donc d’être menée22.
Il ne sera pas question ici de déceler dans le droit positif un droit subjectif au respect de la vie privée post mortem. Le sujet de droit a disparu et son droit au respect de la vie privée avec lui. Demeure toutefois une protection de la vie privée post mortem par le droit objectif. C’est bien l’existence de cette vie privée post mortem qui nous intéressera dans ces lignes. Le droit subjectif s’éteint avec le sujet, mais la vie privée qu’a été celle de la personne, en quelque sorte, perdure. Ainsi le droit préserve, dans une certaine mesure, ce que la personne protégeait elle-même de son vivant. Faut-il y déceler une survie de la volonté du défunt par-delà la mort ou le « pouvoir de la volonté humaine au-delà de la mort »23 ? Ou faut-il plutôt évoquer le respect dû aux morts ? Finalement, ne joue-t-on pas sur les mots ? Au fond, peu importe : il est bien question ici de faire survivre la protection de la vie privée. Au regard de certains éléments composant la vie privée, le droit ne semble donc pas réticent à maintenir la protection de la vie privée, bien au contraire même. C’est à travers la distinction entre identité et intimité24 qu’il est possible d’approcher au plus près les manifestations de cette vie privée post mortem. Pourquoi ? Raisonnons du vivant de la personne. Certains éléments sont strictement protégés car ils relèvent de l’intimité de la vie privée. Ainsi en est-il de la vie familiale et personnelle de la personne. Dans d’autres cas, on est à la frontière de la vie publique de la personne, et la protection reconnue du vivant de la personne sera moindre. Par exemple, le nom de famille est un élément de la vie privée ; mais c’est aussi, on le sait, une institution de police civile se justifiant par la nécessité pour l’État de distinguer les individus25. Sa protection n’est pas absolue26. De façon plus générale, du vivant de la personne, ce qui relève de son identité peut sembler mériter une protection moindre que ce qui se rattache à sa sphère intime. Le raisonnement peut être transposé après le décès. Lorsqu’est concernée l’intimité de la vie privée de la personne, on envisage plus aisément de faire perdurer la situation. La loi a pu ainsi donner à l’individu concerné un pouvoir de maintenir après sa mort le silence sur sa situation, ou de l’imposer. L’intimité de la vie privée de la personne peut, dans une certaine mesure, perdurer au-delà de la mort, contrairement à l’identité. Face au classique refus jurisprudentiel d’un droit au respect de la vie privée post mortem, c’est bien l’équilibre que semble avoir initialement recherché le législateur à travers certaines dispositions, lesquelles admettent la survie d’une partie des éléments de la vie privée. Mais cet équilibre est précaire. Il est bouleversé par la révolution numérique, laquelle brouille les frontières établies entre identité et intimité de la vie privée. Le législateur est alors amené à protéger l’identité post mortem et à écarter l’intimité post mortem. L’équilibre peut également être contesté dans la mesure où les dispositions admettant une vie privée post mortem ne respectent pas une parfaite balance des intérêts entre les défunts et les vivants. S’il est donc possible de constater une certaine consécration légale d’une vie privée post mortem à travers le régime de certains de ces éléments, suivant une distinction entre identité et intimité de la vie privée (I), il apparaît indispensable de s’interroger sur la stabilité de l’équilibre trouvé et la nécessité d’un changement de paradigme (II).
I – L’existence d’une vie privée post mortem : la recherche d’un équilibre par le législateur
La protection de la vie privée au-delà du décès ne se laisse pas saisir avec facilité. Alors même que la jurisprudence refuse de manière globale d’admettre une vie privée post mortem, le législateur tente de trouver un équilibre. Il n’est pas question pour lui d’introduire un droit général au respect de la vie privée post mortem, mais de permettre, à travers certaines dispositions, la survie de la protection d’une partie des éléments de la vie privée, quitte d’ailleurs à ne pas préciser comment sera alors assurée concrètement cette vie privée (nul renvoi à l’article 9 du Code civil…). Si l’identité de la vie privée après la mort n’a pas semblé mériter une protection absolue (A), certains éléments relevant d’une sphère plus intime ont, en revanche, paru justifier une protection accrue (B).
A – L’identité post mortem non protégée
La protection limitée de l’identité ante mortem. Il n’est pas nécessaire de souligner à quel point la notion d’identité est polysémique27. Elle regroupe à la fois l’« identité civile » et l’« identité sociale »28, l’« identité stable » et l’« identité vécue »29 ou bien encore l’« identité statutaire » et l’« identité subjective »30. L’identité est avant tout l’état de la personne, ce qui permet de l’identifier. À ce titre, il s’agit d’une « identité régalienne, c’est-à-dire placée au service de l’État »31, d’une institution de police civile32. Le nom, le prénom, le domicile, le sexe, l’âge sont ainsi présentés comme relevant de l’identité de la personne33. Durant la vie de la personne concernée, les éléments de la vie privée relevant de l’identité font déjà l’objet d’une protection limitée. Il est donc logique que cette protection soit encore plus restreinte après la mort.
L’identification justifiant les atteintes. L’accès à l’état civil facilite la connaissance de certains éléments de l’identité. Ainsi, de par les actes de l’état civil, de nombreuses personnes ont la possibilité de savoir que tel ou tel individu est marié, pacsé, mis sous régime de protection… L’accès aux actes de l’état civil n’est évidemment pas total. Le Code du patrimoine impose ainsi des délais pour la communication des archives publiques34 et prévoit un délai de 75 ans à compter du document ou de 25 ans à compter de la date du décès pour les registres de naissance et de mariage de l’état civil35. L’obtention de copies intégrales des actes de naissance et des actes de mariage36 est limitée à la personne concernée, à ses ascendants, ses descendants, son conjoint, son partenaire lié par un pacs, son représentant légal et aux personnes justifiant d’un mandat écrit ou du dispositif de l’habilitation familiale37. L’accès est restreint aux proches. Même si la personne ne souhaite pas révéler certains éléments de son identité à ces derniers, l’organisation de la publication des actes d’état civil empêche qu’il y ait un secret total, notamment d’ailleurs après décès. Par exemple, Madame ne veut peut-être pas révéler à ses enfants qu’elle était auparavant Monsieur ou vice versa. Or les enfants peuvent obtenir une copie intégrale et avoir accès à ces informations. Les tiers, quant à eux, ne peuvent obtenir que des extraits des actes de naissance et de mariage sans indication de la filiation38, dans lesquels les informations sont réduites39. L’état civil porte ainsi atteinte à la vie privée de la personne concernée40. Le législateur en avait eu parfaitement conscience lorsque le pacs avait été organisé41. Pourquoi cette limitation de la protection ? C’est que d’autres intérêts sont en jeu ici. Au-delà de la vie privée, se posent des problématiques d’identification qui sont indispensables à l’organisation sociale de notre pays. Le glissement de la sphère privée vers la sphère publique explique la protection limitée de ces éléments de la vie privée.
La protection limitée de l’identité post mortem. De cette manière, la protection de l’identité étant limitée durant la vie de la personne, il n’est pas étonnant que celle-ci ne fasse pas l’objet d’une protection plus importante après le décès de la personne. Les intérêts qui justifient la limitation de la protection du vivant s’imposent avec la même force au décès. Il serait même surprenant que l’identité soit davantage protégée post mortem : « le défunt n’étant plus un sujet de droit, il faudrait considérer qu’avec la disparition de son support que constitue la personnalité juridique, l’identité civile prend subitement fin »42. Aussi l’idée d’une identité post mortem est en principe absente de notre législation.
B – L’intimité post mortem protégée
L’intimité, fil conducteur de la vie privée post mortem. L’intimité de la vie privée – dont relèvent la santé, la sexualité, la vie sentimentale ou la maternité43 – fait l’objet d’une disposition spécifique dans le Code civil44, mais aussi bien la jurisprudence que la doctrine45 n’ont jamais tiré de conséquences majeures de la distinction entre vie privée et intimité de la vie privée. Cela dit, sous l’angle de la protection post mortem, la notion d’intimité de la vie privée apparaît comme un fil conducteur. De son vivant, la personne concernée peut empêcher l’accès des tiers aux informations relatives à l’intimité de sa vie privée. Elle peut aussi décider qu’après sa mort, il en sera de même.
Des manifestations légales d’intimité post mortem. Plusieurs exemples semblent particulièrement intéressants pour illustrer notre propos. Ainsi en est-il des empreintes génétiques et de l’accouchement sous X. Si la limite entre l’identité et l’intimité n’est pas toujours aisée à tracer, le critère du secret permet ici d’opérer une distinction assez fiable. En faisant perdurer le secret au-delà de la mort de la personne intéressée, les dispositions relatives à l’interdiction post mortem de l’identification par empreinte génétique46 et le secret post mortem de l’identité de la mère ayant accouché sous X47 admettent la survie de l’intimité. Somme toute, une sorte d’intimité post mortem est reconnue.
Le refus d’expertises génétiques post mortem : la protection de l’intimité post mortem du parent défunt. Le prélèvement d’empreintes génétiques, c’est-à-dire d’ADN (acide désoxyribonucléique)48 est soumis à un dispositif légal curieux au regard de la vie privée post mortem. Le recours aux empreintes génétiques se justifie en matière de preuves et ce tant au plan pénal49 qu’au plan civil50. Si l’identification est au cœur du processus, le but recherché n’est pas le même. Il s’agit dans un cas de confondre l’auteur d’une infraction51 et dans l’autre d’établir une filiation. C’est cette dernière hypothèse qui doit retenir notre attention. Les empreintes génétiques sont alors à la frontière entre l’identité52 et l’intimité. Cependant la composante corporelle de l’identification par empreinte génétique, mais surtout la dimension de secret pouvant entourer les informations données par cet examen tendent à classer les empreintes génétiques dans la catégorie de l’intimité de la vie privée. Du vivant de la personne, le consentement de la personne doit être expressément recueilli. Qu’en est-il au décès de la personne concernée ? Aux termes de l’article 16-11 du Code civil, « sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort ». Dans la quasi-totalité des cas, l’identification n’a fait l’objet d’aucun accord et ne peut ainsi quasiment jamais être exercée post mortem53. On sait que cette disposition a été adoptée à la suite de l’émotion suscitée par l’affaire Montand54 : il avait été admis le recours à une expertise génétique post mortem, contrairement au souhait exprimé par le défunt. La loi a eu pour objet essentiel d’interdire l’exhumation des cadavres. Par-delà l’atteinte au corps, il est également question de l’« intimité familiale »55, liée ici à l’établissement d’une filiation. L’article 16-11 du Code civil permet avant tout à une personne qui n’a jamais voulu reconnaître un enfant de son vivant, de faire obstacle à tout établissement judicaire de la filiation à son décès. On peut y voir une sorte de survie de la volonté du défunt. Faudrait-il pour autant y voir un droit subjectif du défunt ? Nous ne le pensons guère : le sujet a bien disparu, et avec lui la possibilité de s’opposer ou de ne pas le faire. Le droit maintient seulement ici les effets d’une décision prise par la personne de son vivant. Ainsi, en interdisant l’examen post mortem des empreintes génétiques, le législateur fait perdurer la protection de la vie privée au-delà du décès56 et admet ainsi une intimité post mortem.
Le secret post mortem de l’accouchement sous X : la protection de l’intimité post mortem de la mère défunte. La deuxième disposition concerne l’accouchement sous X. Si l’identité de la mère est bien sûr en jeu, il est avant tout question du secret de l’accouchement, lequel se rattache évidemment à l’intimité de la vie privée de la mère57. La loi du 22 janvier 200258, s’inspirant de propositions doctrinales, a essayé de respecter les intérêts de l’enfant, mais sans remettre en cause l’accouchement sous X. La doctrine souligne que la « solution est très discutée, certains l’estimant plutôt justifiée par le souci de multiplier le nombre d’enfants adoptables, d’autres l’estimant indispensable à la protection de la santé de la femme (qui pourrait être tentée d’avorter dans des conditions dangereuses pour elle) et afin d’éviter les infanticides »59. Du vivant de la mère, son secret est donc protégé, elle peut choisir de le maintenir ou de le lever60. Le prétendu « droit » de l’enfant à connaître ses origines mis en place par la loi de 2002 n’en est pas un, puisqu’il dépend entièrement de la volonté de la mère. L’identité de la mère ne sera dévoilée à l’enfant que si elle y a consenti, et la mère peut même de son vivant anticiper ce qui se passera après son décès en décidant que l’enfant ne devra jamais connaître ses origines. L’article L. 147-6 du Code de l’action sociale et des familles dispose en ce sens que « le conseil [national pour l’accès aux origines personnelles] communique (…) l’identité de la mère de naissance (…) si la mère est décédée, sous réserve qu’elle n’ait pas exprimé de volonté contraire à l’occasion d’une demande d’accès à la connaissance des origines de l’enfant ». Le principe est ici la levée du secret au décès de la mère. Toutefois si le législateur prévoit une présomption de consentement, celle-ci peut être combattue par une opposition de la mère : le secret est levé à moins qu’il y ait opposition de sa part. En envisageant cette opposition, la loi permet au secret de perdurer et donc à la vie privée de persister après le décès. La référence du législateur au consentement de la mère confère à cette dernière un droit subjectif, de son vivant, le droit de s’opposer à l’immixtion d’autrui dans sa vie privée après sa mort. À son décès, le droit fait perdurer les effets de cette décision. Là encore, la protection de la vie privée survit à la personne. Il faut néanmoins nuancer : d’une part, le principe reste la levée du secret (donc l’extinction de la vie privée) et, d’autre part, le droit d’opposition est limité. Pour qu’il puisse être exercé, il faut en effet qu’une demande d’accès à la connaissance des origines ait été effectuée du vivant de la mère. C’est à cette seule occasion que la mère peut s’opposer à la levée post mortem de son anonymat. La mère a alors le dernier mot, et en ce sens, on peut parler ici de survie de la volonté du défunt.
Le secret post mortem de l’adoption : la protection de l’intimité post mortem de l’adopté. De manière moins importante mais tout aussi parlante en termes d’intimité, il faut aussi souligner l’existence de l’article 39 quater de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lequel « interdit, moins de 30 ans après la mort de l’adopté, de publier par le livre, la presse, la radiodiffusion, le cinématographe ou de quelque manière que ce soit, une information relative à la filiation d’origine d’une personne ayant fait l’objet d’une adoption plénière ». À travers ce texte, on constate que le droit pénal protège également l’intimité de la vie privée61 et plus particulièrement l’intimité post mortem. Alors même que l’adoption plénière ne fait pas l’objet d’un secret du vivant de l’adopté62, le jugement d’adoption étant transcrit sur les registres de l’état civil63, la loi l’impose à son décès. Elle préserve bien sûr la vie privée des membres de la famille, mais également l’intimité du défunt. La logique est quelque peu différente des exemples précédents puisqu’ici il n’est pas question du consentement du défunt, la protection de l’intimité de la vie privée post mortem relève alors clairement d’un droit objectif.
Le secret post mortem du passé pénal : la protection de l’intimité post mortem du défunt. Dans la même veine, on peut signaler l’article R. 70 du Code de procédure pénale selon lequel les fiches du casier judiciaire sont effacées au décès du titulaire de la fiche. Autrement dit, les héritiers du défunt n’ont pas accès post mortem à son casier judiciaire, pas plus qu’ils ne l’ont en principe de son vivant. Ils peuvent donc rester dans l’ignorance de son passé pénal. L’éventuel secret du défunt perdure par-delà son décès. Le législateur admet de la sorte un droit à l’oubli pour le défunt64 qui peut être analysé comme une protection de l’intimité post mortem.
Ces dispositions législatives protègent, avec plus ou moins de force, l’intimité de la vie privée de personnes défuntes et à ce titre reconnaissent une sorte d’intimité post mortem. Toutefois, on peut se demander si l’intimité de la vie privée, même après la mort, pourra subsister longtemps. Ainsi notamment, l’interprétation dynamique de l’article 8 de la convention EDH que retient la Cour européenne ne condamne-t-elle pas, à terme, un système aussi peu respectueux de l’intérêt qu’un enfant peut avoir de connaître son identité génétique, ou ses origines ? D’un côté, il y a l’intimité de la vie privée de la personne (le géniteur ou la génitrice) ; de l’autre, le droit d’un tiers à connaître une identité, élément de la vie privée qui s’éteint en principe avec la mort, mais aussi sa propre identité. L’équilibre que semble avoir recherché le législateur est donc fragile. Il l’est encore davantage aujourd’hui, à l’époque où le numérique bouleverse totalement les données, aboutissant à une surprotection de la vie privée, ou à l’inverse, multipliant les atteintes.
II – À la recherche d’un nouveau paradigme ?
L’équilibre recherché par le législateur à travers la survie de certains éléments de la vie privée et la distinction identité-intimité, se trouve bouleversé par la montée en puissance du numérique. Celle-ci se traduit notamment dans des dispositions législatives récentes admettant, d’une part, la protection de l’identité post mortem et écartant, d’autre part, l’intimité post mortem (A). Une question se pose alors rapidement : la remise en cause de l’équilibre ne doit-elle pas être plus profonde ? La balance des intérêts opérée par le législateur en matière de vie privée post mortem n’est en effet pas pleinement satisfaisante. Elle encourage à prescrire un changement de paradigme en la matière (B).
A – L’identité post mortem protégée et l’intimité de la vie privée post mortem écartée
L’équilibre bouleversé. L’introduction du numérique, tant dans la vie familiale et personnelle que dans la vie professionnelle, perturbe évidemment les usages. La prise en compte de ces évolutions par le législateur le conduit toutefois à brouiller l’équilibre initialement établi. Nous en donnerons deux exemples : la protection des données personnelles et le secret médical.
La protection post mortem des données à caractère personnel : la protection de l’identité post mortem. Le législateur est intervenu récemment dans le sens d’une identité post mortem à travers la loi de 2016 pour une République numérique (LRN)65. Cette dernière est notamment relative à la protection des données à caractère personnel, laquelle figure dans le chapitre dédié à la protection de la vie privée en ligne. Il était possible d’en douter66, pourtant le législateur confirme que la divulgation de données à caractère personnel peut constituer une atteinte à la vie privée. Définies comme « toute information relative à une personne physique permettant son identification, directement ou indirectement »67, les données à caractère personnel intègrent la partie identité de la vie privée. Si le nouvel article 40-1 de la loi du 6 janvier 1978, modifié par l’article 63 de la LRN, affirme que « les droits ouverts à la présente section s’éteignent au décès de leur titulaire », ce qui laisserait penser que la protection des données, comme celle de la vie privée, s’éteint au décès, il retient également qu’« ils peuvent être provisoirement maintenus ». Autrement dit, la mort n’entraînant pas ipso facto l’effacement des données à caractère personnel laissées sur internet de son vivant – les comptes Facebook, Twitter ou Instagram de la personne ne disparaissent pas automatiquement par enchantement à son décès – la loi envisage la gestion de ces données numériques au décès de la personne concernée. Ainsi le législateur autorise toute personne à définir de son vivant des directives concernant ses données à caractère personnel lors de sa mort. Celle-ci peut anticiper les conséquences de son décès sur le plan numérique. À travers ses « directives », qui ne sont pas sans rappeler celles d’un testateur concernant ses funérailles, le défunt maîtrise « la conservation, l’effacement et la communication de ses données à caractère personnel après son décès » : il peut donc choisir de faire perdurer sa vie privée. Le législateur prévoit par ailleurs qu’« en l’absence de directives ou de mention contraire dans lesdites directives, les héritiers de la personne concernée peuvent exercer après son décès les droits mentionnés à la présente section ». Il permet ainsi l’accès des héritiers aux informations personnelles68, ce qui tend à l’extinction de la vie privée du défunt. Toutefois, il s’agit d’une présomption de consentement du défunt ; celui-ci peut parfaitement s’y opposer. De plus, le législateur précise que l’accès des héritiers est limité puisqu’il doit se faire « dans la mesure nécessaire à l’organisation et au règlement de la succession du défunt ». En permettant au défunt à la fois d’imposer la conservation de ses données, mais aussi de s’opposer à la communication de ses données à ses héritiers (laquelle est de toute manière limitée), la loi admet de faire subsister la protection de la vie privée du défunt. Ne le concède-t-elle d’ailleurs pas clairement en intégrant ces dispositions dans un chapitre sur la protection de la vie privée en ligne ? Si celles-ci sont présentées comme envisageant le problème de la « mort numérique »69, il est également possible d’y déceler une sorte d’« immortalité numérique ». Là où le législateur a souhaité éviter une « immortalité numérique subie », il a permis une sorte d’« immortalité numérique choisie ». Face à l’emprise des tiers sur les données à caractère personnel du défunt70, le législateur ne reconnaît pas un droit au respect de la vie privée post mortem mais semble bien avoir pris le parti de faire survivre des éléments de la vie privée du défunt. La loi va même plus loin : elle fait quasiment renaître la vie privée sur internet. En effet, à l’heure du tout numérique et des réseaux sociaux, il est permis de s’interroger sur l’existence d’un abandon, par les vivants, de leur vie privée sur internet. L’utilisateur des réseaux, tels que Facebook ou Instagram, choisit bien sûr son audience en ouvrant son compte ou non au public, mais également d’exposer plus ou moins sa vie privée. Il donne ainsi son autorisation et ne peut pas se prévaloir d’une atteinte à sa vie privée. Le législateur fait donc revivre la vie privée, post mortem, là où la personne avait choisi en quelque sorte de l’abandonner de son vivant.
L’accès post mortem au dossier médical : l’intimité post mortem affaiblie. À ce jour, en matière d’identité, la mort numérique fait figure d’exception dans la démarche du législateur. Mais il convient sans doute d’être plus nuancé puisque l’intimité post mortem est, de son côté, contestée. Les dispositions relatives au secret médical et à l’accès au dossier médical démontrent que même si l’on est dans le registre de l’intime, au décès de la personne, des éléments de la vie privée doivent pouvoir être communiqués à des tiers. C’est donc admettre que soit remise en cause l’intimité post mortem. Les questions de santé sont éminemment intimes, elles intègrent à ce titre la vie privée71 et méritent respect et protection. De cette manière, le secret médical se justifie non seulement par des considérations d’ordre public ou d’intérêt général72 – le secret assurant la confiance indispensable à l’exercice de la profession73 – mais aussi par la vie privée du patient. Durant la vie de la personne, celle-ci a « droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant »74. Ainsi le secret médical s’impose au corps médical et se trouve opposé aux tiers. Mais qu’en est-il lorsque la personne décède ? L’état de santé faisant partie intégrante de l’intimité de la vie privée, droit de la personnalité, le secret médical ne devrait pas survivre au décès. Selon l’article L. 1110-4, V, du Code de la santé publique, « le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants-droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ». Que faut-il comprendre ? La formulation « le secret médical ne fait pas obstacle » pourrait d’abord laisser à penser que le secret médical s’éteint. Toutefois l’hésitation est de courte durée. Indirectement, l’article prévoit bien la survie du secret médical malgré le décès de la personne concernée75. On retrouve ici la protection de l’intimité post mortem.
L’accès post mortem des héritiers. Des exceptions à ce principe ont toutefois été posées. Ainsi le législateur affirme que les ayants-droit mais aussi, depuis peu76, les partenaires au sens très large (conjoint, concubin, partenaire de pacs) peuvent avoir accès au dossier médical. Le secret médical s’incline devant eux et ainsi la vie privée du défunt ne pourrait pas leur être opposée. Mais la solution n’est pas aussi simple puisque l’accès des proches au dossier médical est conditionné. Seules trois raisons leur permettent d’y accéder : pour connaître les causes de la mort, pour défendre la mémoire du défunt et pour faire valoir leurs droits. L’accès au dossier médical du défunt est donc limité. Il l’est d’autant plus que l’article prévoit la possibilité d’une opposition de la part du défunt. Autrement dit, ce dernier peut, de son vivant, s’opposer à ce que son dossier médical soit révélé à ses proches, même pour une des trois causes prévues par le Code de la santé publique. Il n’en demeure pas moins que l’ouverture de l’accès aux proches, aussi limitée soit-elle, démontre une évolution. Elle témoigne de la prise en compte des intérêts des proches et de la nécessité pour eux de connaître les causes de la mort. Dès lors, le législateur affaiblit l’intimité post mortem.
L’accès facilité par le numérique. La tendance a certainement vocation à s’accentuer avec la croissance de la place du numérique dans la santé. S’il est encore aujourd’hui peu utilisé77, le dossier médical partagé (DMP)78 pourrait lui aussi remettre en cause l’intimité post mortem. Avec ce dossier informatisé, « le législateur a consacré le principe du secret partagé »79 ; il permet non seulement au patient d’accéder à ses informations médicales via internet, mais favorise aussi le partage des données entre les professionnels. En cas de décès, le législateur prévoit, en théorie, des conditions d’accès identiques à celles de l’article L. 1110-4 pour les ayants-droit, le partenaire de pacs ou le concubin, toutefois la multiplication des « détenteurs du secret » favorise en pratique sa révélation80. Face au médecin qui opposera strictement le secret médical à la famille, cette dernière se tournera vers un deuxième ou un troisième médecin qui peut-être acceptera. De fait, l’intimité post mortem s’inclinera devant les droits des proches.
Le secret post mortem du passé judiciaire et l’anonymisation des décisions de justice. Finalement, la révolution numérique démontre que le législateur, pour y faire face, est conduit à adopter des positions contradictoires en matière de vie privée post mortem qui ne tiennent pas nécessairement à la distinction intimité-identité. L’exemple de l’anonymisation des décisions de justice en ligne81, illustre une réaction du législateur face aux dangers d’internet pour la vie privée, mais qui n’a pas été pensée en termes de vivants et de morts. Les décisions de justice doivent être rendues anonymes, ce qui empêche éventuellement les héritiers et tout tiers d’avoir connaissance d’éléments relevant du passé pénal, voire familial de la personne depuis lors décédée. En ne distinguant pas, la loi fait survivre la vie privée du défunt. En définitive, le numérique n’a ici que peu d’incidence sur le secret post mortem du passé pénal. Celui-ci était protégé avant le numérique par la disparition du casier au décès, il l’est également par l’anonymisation des décisions en ligne.
Dans la mesure où le législateur admet que certains éléments de la vie privée ne s’éteignent pas au décès de la personne concernée, il n’est plus possible d’affirmer de manière péremptoire qu’il n’existe pas de vie privée post mortem. Toutefois, à travers les exemples des données à caractère personnel et du secret médical, on constate que l’équilibre recherché par le législateur avec la distinction identité post mortem non protégée et intimité post mortem protégée ne tient plus. Et bien au-delà de cette distinction, le compromis adopté par le législateur entre la vie privée du défunt et la vie privée de ses proches, n’apparaît pas satisfaisant.
B – La nécessité d’une balance des intérêts
Le contrôle de proportionnalité et la remise en cause de l’équilibre. Par-delà l’atteinte au principe selon lequel les droits personnels ne peuvent survivre à leur titulaire, la persistance de certains éléments de la vie privée pose des difficultés vis-à-vis des vivants qu’ils soient tiers, proches ou famille du défunt. Le législateur est évidemment confronté à différents intérêts en présence et il se doit de trouver un équilibre entre eux. Toutefois, il est permis aujourd’hui de s’interroger sur le compromis effectué par la loi, notamment en le confrontant avec la balance des intérêts opérée désormais par les juges. Depuis un arrêt de 201382, la Cour de cassation oblige en effet les juges du fond à procéder à un contrôle de proportionnalité. Celui-ci procède d’une démarche en deux temps consistant d’abord en un contrôle in abstracto, puis en un contrôle in concreto. Ce contrôle de proportionnalité « peut conduire à écarter cette application [de la règle] in casu lorsque celle-ci porterait une atteinte excessive aux droits et libertés reconnus à l’individu »83. Si la première décision concernait l’empêchement à mariage et le droit au respect de la vie privée84, les contrôles de proportionnalité se sont également multipliés en matière de filiation85. Ils pourraient devenir une clé de lecture dans la balance des intérêts qu’impose la vie privée post mortem.
Le secret médical post mortem : l’intérêt du défunt opposé à l’intérêt de la famille. Les exemples tenant à l’intimité post mortem peuvent en effet entrer en contradiction avec les intérêts des vivants. On peut ainsi raisonner sur le secret médical. Nous avons déjà souligné l’intérêt des proches du défunt à accéder au dossier médical : les ayants-droit, le concubin, le partenaire de pacs peuvent avoir accès au dossier mais seulement dans des conditions limitées. Lorsque le patient s’oppose à la communication de son dossier médical après sa mort, les proches peuvent alors se trouver dans une situation où ils ne connaîtront pas la cause de la mort. Le compromis adopté par le législateur pourrait apparaître alors encore insuffisant. Partant, le contrôle de proportionnalité devrait permettre au juge de passer outre l’opposition du patient dans l’intérêt d’un membre de la famille ou d’un proche. Le simple fait pour une personne de connaître les causes de la mort d’un père, d’une mère, n’est-il pas un élément de son identité personnelle ? Gageons qu’un jour on plaidera en ce sens…
Le secret post mortem de l’accouchement anonyme : l’intérêt de la défunte opposé à l’enfant. Le secret post mortem de l’identité de la mère ayant accouché sous X s’oppose évidemment aux intérêts de l’enfant né de cet accouchement. Pour ce dernier est en jeu son propre droit à la vie privée et plus précisément son droit à connaître ses origines. En 2003, dans l’affaire Odièvre, la Cour EDH a affirmé que l’accouchement anonyme ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de l’article 8 de la convention EDH86, estimant que la loi de 2002 sur l’accès aux origines87 s’efforce d’« assurer équitablement la conciliation entre la protection de cette dernière [la mère] et la demande légitime de l’intéressée (…). La législation française tente ainsi d’atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisante entre les intérêts en cause ». La Cour, à l’époque, a admis que l’intérêt de l’enfant s’oppose à celui de la mère, mais a estimé que l’équilibre législatif français était satisfaisant. Certains auteurs ont toutefois souligné que « apparemment argumentée et construite, la solution de la Cour n’est, en réalité, pas exempte de critiques »88, en signalant l’opinion dissidente de sept juges (contre la faible majorité des dix autres) critiquant le droit de veto de la mère au détriment des droits de l’enfant. La solution serait-elle la même aujourd’hui ? Il est permis d’en douter au regard de l’importance pris par le droit d’accéder à ses origines, tant en droit européen qu’en droit international.
Le secret post mortem des empreintes génétiques : l’intérêt du défunt opposé à l’intérêt de l’enfant. L’interdiction des examens génétiques post mortem fait aussi primer les intérêts du défunt sur ceux de l’enfant à la recherche de la vérité biologique. Le législateur permet d’ores et déjà de perturber la paix des familles du vivant de la personne avec l’action en recherche de paternité. L’examen génétique post mortem n’y porterait donc guère davantage atteinte89. De cette manière, la paix des familles, déjà préservée, et l’intérêt des héritiers apparaissent accessoires. Celui de l’enfant à établir sa filiation ou à connaître au moins ses origines est évidemment davantage important. En ce sens, la Cour européenne a souligné, pour les enfants, l’« intérêt vital, protégé par la convention, à obtenir les informations qui leurs sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle »90. La Cour se prononçait alors sur une disposition suisse ne permettant pas l’exhumation d’un corps pour effectuer une expertise génétique, mais le raisonnement est transposable en France. La contrariété de l’article 16-11 du Code civil à la convention EDH91 s’impose92. Si ce n’est du législateur qui persiste à faire prévaloir la vie privée du défunt sur la vie privée de l’enfant93, l’équilibre pourrait donc venir du juge à travers le contrôle de conventionalité ou de proportionnalité.
L’intérêt des vivants opposé à l’intérêt des morts : un changement de paradigme. Le « droit des vivants » ne devrait-il pas, le plus souvent, l’emporter sur le droit des morts94 ? La balance des intérêts ne devrait-elle pas pencher en faveur des vivants95 ? Une telle solution exige évidemment un changement de paradigme dans notre droit. Elle suppose de réévaluer les considérations d’ordre public et d’abandonner la sacralité allouée à la parole et aux corps du défunt. L’occasion pourrait en être donnée avec la prochaine révision des lois de bioéthique. En vue d’une harmonisation, il serait préférable de ne pas prévoir la possibilité d’une opposition ante mortem de la part du défunt96 en matière de santé et de filiation97. Autrement dit, il s’agirait, en la matière, de supprimer les droits subjectifs accordés du vivant de la personne à anticiper sa vie privée post mortem. Ainsi, on pourrait même envisager une levée de l’anonymat des donneurs de sperme98 au moment de leur décès99. L’équilibre serait alors trouvé entre la vie privée du donneur, l’ordre public et le droit à connaître ses origines. Avec une telle proposition, le droit des morts ne l’emporterait plus sur le droit des vivants.
Notes de bas de pages
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1.
T. civ. de la Seine, 16 juin 1858 : DP 1858, Jurisp., p. 62.
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2.
CEDH, 20 sept. 2018, nos 30491/17 et 31083/17, Solska et Rybicka c/ Pologne.
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3.
V. Saint-Pau J.-C., « Introduction au droit au respect de la vie privée », in Mélanges Jean Hauser, 2012, LexisNexis-Dalloz, p. 639 et s.
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4.
L. n° 70-643, 17 juill. 1970, qui introduit également dans le Code pénal des dispositions sanctionnant l’espionnage de la vie privée. Si la convention européenne des droits de l’Homme envisage le droit au respect de la vie privée (art. 8) depuis 1950, elle n’a été ratifiée par la France qu’en 1974.
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5.
V. not. Perreau H.-E., « Des droits de la personnalité », RTD civ. 1909, p. 501 ; v. aussi Kayser P., « Le secret de la vie privée et la jurisprudence civile », in Mélanges Savatier, 1965, Dalloz et « Les droits de la personnalité. Aspects théoriques et pratiques », RTD civ. 1971, p. 445.
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6.
V. Malaurie P., Droit des personnes – La protection des mineurs et des majeurs, 8e éd., 2016, LGDJ, p. 151 et s., nos 312 et s. ; Terré F. et Fenouillet D., Droit civil – Les personnes – Personnalité – Incapacité – Protection, 8e éd., 2012, Précis Dalloz, p. 119 et s., nos 109 et s.
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7.
Alleaume C., « Le droit à la vie privée (principes et limites) », in Raoul-Cormeil G. (dir.), La vie privée de la personne protégée. In memoriam Thierry Verheyde, à paraître.
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8.
V. CEDH, 8 janv. 2009, Schlumpf c/ Suisse : « La notion de “vie privée” est une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive ».
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9.
Kayser P., La protection de la vie privée par le droit – Protection du secret de la vie privée, 3e éd., 1995, Economica, n° 1.
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10.
Saint-Pau J.-C., « Introduction au droit au respect de la vie privée », in Mélanges Jean Hauser, 2012, LexisNexis-Dalloz, p. 653.
-
11.
V. Malaurie P., Droit des personnes – La protection des mineurs et des majeurs, 8e éd., 2016, LGDJ, p. 160, n° 318. Adde Saint-Pau J.-C., « Le droit au respect de la vie privée », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, 2013, LexisNexis Traités, p. 693, n° 1114.
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12.
Le droit à l’image n’est alors pas autonome du droit au respect de la vie privée.
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13.
V. Saint-Pau J.-C., « Introduction au droit au respect de la vie privée », in Mélanges Jean Hauser, 2012, LexisNexis-Dalloz, p. 641.
-
14.
Cass. 1re civ., 14 déc. 1999, n° 97-15576 : D. 2000, p. 372, note Beignier B. ; D. 2000, Somm., p. 266, obs. Caron C. ; JCP G 2000, II 10241, concl. Petit C.
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15.
V. Saint-Pau J.-C., « Le droit au respect de la vie privée », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, 2013, LexisNexis Traités, p. 694, n° 1115.
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16.
Beignier B., Le droit de la personnalité, 1992, PUF, Que sais-je ?.
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17.
Beignier B., « Vie privée posthume et paix des morts », D. 1997, p. 255.
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18.
V. Teyssié B., Droit des personnes, 19e éd., 2017, LexisNexis, p. 108, n° 134.
-
19.
V. Saint-Pau J.-C., « Droit au respect de la vie privée – Définition conceptuelle du droit subjectif », JCl. Communication 2018, fasc. 34, n° 97 – Adde CEDH, 24 juin 2004, Van Hannover c/ Allemagne : RTD civ. 2004, p. 802, obs. Marguénaud J.-P. ; D. 2004, p. 3538, obs. Renucci J.-F. ; JCP G 2004, I 161, obs. Sudre F. : « la notion de vie privée comprend des éléments se rapportant à l’identité d’une personne tels que le nom ». Contra : CA Paris, 30 oct. 1998 : D. 1998, IR, p. 259 ; D. affaires 1999, p. 165, obs. J. F. ; RTD civ. 1999, p. 61, obs. Hauser J. : « le nom patronymique échappe par sa nature à la sphère privée ».
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20.
V. Saint-Pau J.-C., « Le droit au respect de la vie privée », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, 2013, LexisNexis Traités, p. 725, n° 1174.
-
21.
Loi du 2 juillet 1923, art. 4. V. Teyssié B., Droit des personnes, 19e éd., 2017, LexisNexis, p. 265, n° 389.
-
22.
Certains éléments ne retiendront évidemment pas l’attention, disparaissant très vite au moment de la liquidation ou du partage de la succession du défunt (téléphone, résidence…).
-
23.
Carbonnier J., Droit civil. Introduction. Les personnes, la famille, l’enfant, le couple, t. 1, réed. 2017, Puf, Quadrige manuels, p. 398.
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24.
V. Saint-Pau J.-C., « Droit au respect de la vie privée – Définition conceptuelle du droit subjectif », JCl. Communication 2018, fasc. 34, nos 95 et s.
-
25.
V. Batteur A., Droit des personnes, des familles et des majeurs protégés, 9e éd., 2017, LGDJ, p. 58, n° 94 et p. 61, n° 103.
-
26.
V. l’utilisation à des fins littéraires : Malaurie P., Droit des personnes – La protection des mineurs et des majeurs, 8e éd., 2016, LGDJ, p. 84, n° 172.
-
27.
Loiseau G., « L’identité… finitude ou infinitude », in Mallet-Bricourt B. et Favario T. (dir.), L’identité, un singulier au pluriel, 2015, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 29.
-
28.
Loiseau G., « L’identité… finitude ou infinitude », in Mallet-Bricourt B. et Favario T. (dir.), L’identité, un singulier au pluriel, 2015, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 29.
-
29.
Rochfeld J., Les grandes notions du droit privé, 2e éd., 2013, Puf, p. 38 et s., nos 15 et s.
-
30.
Leroyer A.-M., « La notion d’état des personnes », in Ruptures, mouvements et continuité du droit. Autour de Michelle Gobert, 2004, Economica, p. 271.
-
31.
Rochfeld J., « La vie tracée ou le Code civil doit-il protéger la présence numérique des personnes », in Mélanges Jean Hauser, 2012, LexisNexis-Dalloz, p. 624.
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32.
V. Rochfeld J., Les grandes notions du droit privé, 2e éd., 2013, Puf, p. 40, n° 17.
-
33.
V. Rochfeld J., Les grandes notions du droit privé, 2e éd., 2013, Puf, p. 35, n° 15.
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34.
V. Monnier S., « Régime juridique des archives », JCl. Communication 2017, fasc. 178, n° 49.
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35.
C. patr., art. L. 213-2.
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36.
V. Montoux D., « État civil – Actes de l’état civil – Copies, extraits – Livret de famille », JCl. Notarial Formulaire 2017, fasc. 20.
-
37.
D. n° 2017-890, 6 mai 2017, relatif à l’état civil, art. 30.
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38.
D. n° 2017-890, 6 mai 2017, relatif à l’état civil, art. 33.
-
39.
V. Montoux D., « État civil – Actes de l’état civil – Copies, extraits – Livret de famille », JCl. Notarial Formulaire 2017, fasc. 20, nos 30 et s.
-
40.
V. Leroyer A.-M., « La notion d’état des personnes », in Ruptures, mouvements et continuité du droit. Autour de Michelle Gobert, 2004, Economica, p. 255.
-
41.
V. Malaurie P. et Fulchiron H., Droit de la famille, 6e éd., 2018, LGDJ, p. 227, n° 377 : « le nom du partenaire permet de déterminer l’orientation sexuelle des intéressés : où l’on retrouve le fantasme d’un fichier des homosexuels. Lors des débats de 2006, l’Assemblée nationale avait rejeté une telle mention au nom du respect de la vie privée. Le Sénat l’imposa au nom de la sécurité juridique des tiers, notamment des créanciers ».
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42.
Loiseau G., « L’identité… finitude ou infinitude », in Mallet-Bricourt B. et Favario T. (dir.), L’identité, un singulier au pluriel, 2015, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 32, qui précise toutefois que : « Les choses, à bien y regarder, ne sont cependant pas celles-là ».
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43.
V. Saint-Pau J.-C., « Le droit au respect de la vie privée », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, 2013, LexisNexis Traités, p. 733 et s., nos 1188 et s.
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44.
C. civ., art. 9.
-
45.
V. Kayser P., La protection de la vie privée par le droit – Protection du secret de la vie privée, 3e éd., 1995, Economica, qui les assimile.
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46.
C. civ., art. 16-11.
-
47.
CASF, art. L. 147-6.
-
48.
V. Terré F. et Fenouillet D., Droit civil – Les personnes – Personnalité – Incapacité – Protection, 8e éd., 2012, Précis Dalloz, p. 82, n° 74.
-
49.
Sur le recours aux empreintes génétiques en matière de preuve : Bouloc B., Procédure pénale, 25e éd., 2015, Précis Dalloz, p. 131, n° 165. Adde Pradel J., Procédure pénale, 17e éd., 2013, Cujas, p. 434 et s., nos 477 et s.
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50.
« Il existe également, bien évidemment, des applications médicales de l’analyse des gènes » (Rochfeld J., Les grandes notions du droit privé, 2013, Puf, p. 69, n° 34).
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51.
Sur l’institution d’un fichier national d’empreintes génétiques concernant certaines infractions, v. Pradel J., Procédure pénale, 17e éd., 2013, Cujas, p. 435, n° 478 et Soyer J.-C., Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., 2012, LGDJ, p. 219, n° 500.
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52.
V. Rochfeld J., Les grandes notions du droit privé, 2e éd., 2013, Puf, p. 45, n° 21.
-
53.
V. Le Goffic C., « Identification génétique post mortem : pour une modification de l’article 16-11 du Code civil », Rev. de la rech. jur. Droit prospectif 2010, n° 3, p. 1181 : « En pratique, cette loi condamne toute possibilité d’identification génétique post mortem, tant il est peu réaliste d’imaginer que quiconque autorise de son vivant une telle pratique ».
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54.
CA Paris, 6 nov. 1997 : Dr. fam. 1997, Chron. 2, obs. Catala P. ; Gaz. Pal. 1997, 2, 703, note Garé T. ;
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55.
D. 1998, Somm., p. 161, note Gaumont-Prat H. ; RTD civ. 1998, p. 87, note Hauser J. ; D. 1998, p. 122, note Malaurie P. ; Defrénois 1998, p. 314, obs. Massip J. ; D. 1998, Somm., p. 296, note Nevejans N. ; LPA 20 mai 1998, étude S. Pech-Le Gac ; JCP G 1998, I 101, obs. Rubellin-Devichi J.
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56.
Saint-Pau J.-C., « Le droit au respect de la vie privée », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, op. cit., p. 738 et s., nos 1200 et s.
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57.
V. en ce sens : Hauser J., « Pas de vie privée post mortem, encore que… », RTD civ. 2004, p. 714.
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58.
V. Malaurie P. et Fulchiron H., Droit de la famille, 6e éd., 2018, LGDJ, p. 531, n° 1115.
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59.
L. n° 2002-93, 22 janv. 2002, relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État.
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60.
Batteur A., Droit des personnes, des familles et des majeurs protégés, 9e éd., 2017, LGDJ, p. 151, n° 340.
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61.
V. Malaurie P. et Fulchiron H., Droit de la famille, 6e éd., 2018, LGDJ, p. 533 et s., nos 1120 et s. ; Terré F. et Fenouillet D., Droit civil – La famille, 8e éd., 2011, Précis Dalloz, p. 563 et s., nos 623 et s. ; Égéa V., Droit de la famille, 2016, LexisNexis, p. 337 et s, nos 680 et s.
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62.
V. Saint-Pau J.-C., « Le droit au respect de la vie privée », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, op. cit., p. 741, n° 1204.
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63.
V. Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-13147 : JCP G 2016, 992, obs. Bosse-Platière H. ; Dr. fam. 2016, alerte 39, obs. Lamarche M.
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64.
V. Courbe P. et Gouttenoire A., Droit de la famille, 7e éd., 2017, Sirey, p. 470, n° 1384.
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65.
V. Lorho G., « Casier judiciaire », JCl. Procédure pénale 2017, fasc. 20, n° 56.
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66.
L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016 pour une République numérique.
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67.
V. Bénéjat M., « Les droits sur les données personnelles », in Saint-Pau J.-C. (dir.), Droits de la personnalité, op. cit., p. 560, n° 924.
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68.
Cornu G., association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 11e éd., 2015, Puf, Quadrige.
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69.
Encore faut-il parvenir à l’unanimité des héritiers. C’est pourquoi la LRN envisage le désaccord des héritiers (art. 40-1, II in fine de la loi du 6 janvier 1978 modifiée).
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70.
V. not. sur le projet de loi : Pérès C., « Les données à caractère personnel et la mort – Observations relatives au projet de loi pour une République numérique », D. 2016, p. 90. Antérieurement au projet, v. Groffe J., « La mort numérique », D. 2015, p. 1609.
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71.
V. C. Pérès, « Les données à caractère personnel et la mort – Observations relatives au projet de loi pour une République numérique », D. 2016, p. 90.
-
72.
V. Laude A., Mathieu B. et Tabuteau D., Droit de la santé, 3e éd., 2012, PUF, p. 322, n° 305.
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73.
V. Porchy-Simon S., « Santé – Responsabilité médicale. Responsabilité pour faute d’éthique médicale. Consentement libre et éclairé du patient. Secret médical », JCl. Civil 2017, fasc. 440-30, n° 73.
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74.
V. Malaurie P., op. cit., n° 346, p. 188.
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75.
CSP, art. L. 1110-4, I.
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76.
V. Carayon L., La catégorisation des corps. Étude sur l’humain avant la naissance et après la mort, thèse, 2016, Paris I, p. 76, n° 17, qui s’interroge sur l’existence d’un « droit subjectif au secret ».
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77.
L. n° 2016-41, 26 janv. 2016 de modernisation de notre système de santé.
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78.
V. Morlet-Haïdara L., « L’impact de la loi santé sur les usagers du système de santé », RDSS 2016, p. 658, qui qualifie la mesure d’« échec très coûteux ».
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79.
Dossier médical personnel créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, modifié en dossier médical partagé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, précitée.
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80.
Eon F., « Hôpital public et données personnelles des patients », RDSS 2015, p. 85.
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81.
Le décret n° 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier médical partagé a même précisé que le patient ne peut pas rendre son dossier inaccessible à son médecin traitant, lequel accède à l’ensemble des informations du dossier (CSP, art. R. 1111-43).
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82.
V. l’arrêté du 9 octobre 2002 relatif au site internet de Légifrance (JO, 11 oct. 2002, p. 16801) qui prévoit l’anonymisation de toutes les décisions de justice numérisées postérieurement au 15 septembre 2002, ainsi que la recommandation de la Cnil du 29 novembre 2011 (n° 01-057) pour les autres bases de données jurisprudentielles publiés par des éditeurs privés.
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83.
Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, n° 12-26066 : Dr. fam. 2014, comm. 1, note Binet J.-R. ; D. 2014, p. 179, note Chénedé F. ; D. 2014, p. 153, Fulchiron H. ; RTD civ 2014, p. 88, obs. Hauser J. ; D. 2014, p. 1342, obs. Lemouland J.-J. et Vigneau D. ; RTD civ 2014, p. 307, obs. Marguénaud J.-P. ; AJ fam. 2014, 124, obs. Thouret S.
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84.
Fulchiron H., « Le contrôle de proportionnalité : questions de méthode », D. 2017, p. 656.
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85.
V. égal. Cass. 1re civ., 8 déc. 2016, n° 15-27201 sur le mariage incestueux et Cass. 1re civ., 1er juin 2017, n° 16-13441 sur le mariage fictif.
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86.
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, n° 14-20790 ; Cass. 1re civ., 6 juill. 2016, n° 15-19.853 ; Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, n° 15-25507 ; Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068 ; Cass. 1re civ., 7 nov. 2018, n° 17-25938 ; Cass. 1re civ., 21 nov. 2018, n° 17-21095.
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87.
CEDH, 13 févr. 2003, Odièvre c/ France, Batteur A. et Larralde J.-M., in Batteur A. (dir.), Les grandes décisions du droit des personnes et de la famille, 2e éd., 2016, LGDJ, p. 167 et s. ; JCP G 2003, II 10049, note Gouttenoire A. et Sudre F. ; RTD civ. 2003, p. 276, obs. Hauser J. ; JCP G 2003, I 120, étude Malaurie P. ; D. 2003, chron. 1240, Mallet-Bricout B. ; RTD civ. 2003, p. 375, obs. Marguénaud J.-P. ; RDSS 2003, 219, étude, Monéger F. ; Dr. fam. 2003, n° 58, note Murat P.
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88.
L. n° 2002-93, 22 janv. 2002, précit.
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89.
Batteur A. et Larralde J.-M., in Batteur A. (dir.), Les grandes décisions du droit des personnes et de la famille, 2e éd., 2016, LGDJ, p. 179.
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90.
V. Hauser J., « Action en recherche de paternité naturelle : la vérité, la paix des familles et la paix des tombeaux », RTD civ. 1998, p. 87.
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91.
CEDH, 13 juill. 2006, Jäggi c/ Suisse : Médecine et droit 2007, p. 109, note Berthiau D. ; RTD civ. 2007, p. 99, obs. Hauser J. ; RTD civ. 2006, p. 727, obs. Marguénaud J.-P. ; Defrénois 15 mars 2008, n° 0573N1, p. 573, note Massip J. La CEDH avait déjà estimé que le défunt dont l’ADN devait être prélevé ne pouvait être atteint dans sa vie privée par une demande d’un tel prélèvement intervenant après sa mort (CEDH, 15 mai 2006, Succession de Kresten Filtenborg Mortensen c/ Danemark).
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92.
V. not. Le Goffic C., « Identification génétique post mortem : pour une modification de l’article 16-11 du Code civil », Rev. de la rech. jur. Droit prospectif 2010, n° 3, p. 1185 et s.
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93.
Et pourtant, à l’occasion d’une QPC, le Conseil constitutionnel a, pour sa part, estimé conforme à la Constitution l’impossibilité de recourir à l’expertise génétique post mortem (Cons. const., 30 sept. 2011, n° 2011-173 QPC : RJPF 2011, 28, obs. Garé T. ; D. 2012, 1432, obs. Granet-Lambrechts F.).
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94.
V. Terré F. et Fenouillet D., Droit civil – Les personnes – Personnalité – Incapacité – Protection, 8e éd., 2012, Précis Dalloz, n° 74, p. 83 : « Cette préférence donnée au mort par rapport à ce qui est fondamental pour un vivant, était excessive ».
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95.
Carbonnier J., Droit civil. Introduction. Les personnes, la famille, l’enfant, le couple, t. 1, réed. 2017, Puf, Quadrige manuels, p. 398, n° 206 : « le conflit est alors patent entre le respect de la mort et les besoins de la vie, et le droit, qui est le droit des vivants, non point celui des morts, est obligé de le trancher en faveur de la vie ».
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96.
V. Carayon L., La catégorisation des corps. Étude sur l’humain avant la naissance et après la mort, thèse, 2016, Paris I, p. 659 et s., à propos du traitement des corps morts et des funérailles qui propose de « considérer que les droits des proches devraient être prépondérants sur les volontés exprimées avant la mort », de « privilégier les intérêts des personnes juridiques certaines sur ceux des défunts ».
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97.
Soulignons toutefois que ce n’est pas l’orientation que semble avoir pris le Comité consultatif national d’éthique (« Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi bioéthique 2018-2019 », 2018, avis 129, p. 74), lequel envisage un quatrième cas permettant de soulever le secret médical, à savoir lorsque les informations « contribuent à améliorer les mesures de surveillance ou de prévention dont bénéficient les ascendants, descendants et collatéraux de la personne décédée », mais prévoit toujours l’opposition du défunt exprimée de son vivant.
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98.
De la sorte, concernant les examens génétiques, il s’agirait d’aller plus loin que la proposition du Conseil d’État (rapp. sur la révision des lois de bioéthique, 2009) visant à la fois une présomption de consentement du défunt aux examens génétiques post mortem et l’intervention du juge, en l’absence d’opposition clairement manifestée, pour effectuer une balance des intérêts. V. Le Goffic C., « Identification génétique post mortem : pour une modification de l’article 16-11 du Code civil », Rev. de la rech. jur. Droit prospectif 2010, p. 1187, qui approuve cette proposition mais relève que « le “critère négatif” peut prêter à débat, certains pouvant déplorer que le juge n’ait pas la faculté de passer outre le refus du défunt ».
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99.
Dans son avis 129, le CCNE a manifesté le souhait de sa majorité de lever l’anonymat des futurs donneurs de sperme.
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100.
CASF, art. L. 147-7, selon lequel « l’accès d’une personne à ses origines est sans effet sur l’état civil et la filiation. Il ne fait naître ni droit ni obligation au profit ou à la charge de qui que ce soit », aurait alors également vocation à s’appliquer.