Déjà dix ans de réjouissance pour les couples de personnes de même sexe grâce au mariage pour tous

Publié le 22/05/2023
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Les couples de femmes et les couples d’hommes avaient demandé de longue date aux autorités le droit de fonder une famille en se mariant, ce qui leur permettrait aussi de devenir, ensemble, parents adoptifs. Bien que ces demandes aient suscité de vives polémiques, ils ont été soutenus par le président de la République qui avait promis au moment des élections qu’il s’occuperait de ce sujet. Le mariage pour tous a fini par voir le jour avec la loi n° 2013-404 du 17 mai 2023 qui a modifié l’article 143 du Code civil. Désormais, « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». La vie familiale des personnes homosexuelles a changé car beaucoup d’entre elles ont convolé en justes noces. Cependant, faire le point sur leur situation montre qu’elles rencontrent encore des difficultés.

L. n° 2013-404, 17 mai 2023, NOR : JUSC1236338L

Les relations sexuelles entre hommes ou entre femmes ont longtemps été pénalisées, même quand il n’était pas question de viols ou de violences. En outre, que ces couples souhaitent se marier était vivement contesté car cette célébration était réservée à un homme et une femme qui désiraient vivre en couple, même si, pendant longtemps, on avait affaire à de nombreux mariages forcés en France.

Se marier était historiquement la seule voie pour fonder une famille, laquelle avait pour mission de faire naître des enfants, ceux nés hors mariage étant qualifiés d’« enfants illégitimes » avant que la société évolue, notamment en raison de l’importance du nombre de couples non mariés élevant des enfants. Le mariage était autorisé uniquement entre personnes de sexe différent pour qu’elles puissent procréer : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ».

Au fil du temps, la place accordée aux couples de même sexe a changé1 mais, surtout, en 20132, le législateur leur a accordé le droit de se marier a beaucoup réjoui les intéressés car un nouveau regard bien plus bienveillant est dorénavant porté sur les homosexuels. Le bilan de ces dix ans de mariage pour tous a fait dire à de nombreuses personnes qui étaient très hostiles au changement des conditions requises pour se marier qu’elles étaient finalement contentes, voire soulagées, que le législateur ait ouvert cette voie à tous les couples. Le droit au mariage pour tous soutient les personnes homosexuelles en complément de la loi ayant créé le pacte civil de solidarité (pacs) en 1999 (I).

Cela a permis d’augmenter le nombre de mariages et également le nombre d’adoptions, à l’époque, par les couples mariés de même sexe. Cette évolution a eu de nombreuses retombées sur le vécu des personnes homosexuelles, dont certaines avaient apprécié d’avoir le droit de se pacser depuis 1999 mais qui désiraient avoir le statut d’époux (II).

I – Un grand changement de vie familiale avec les débuts du mariage pour tous

La loi de 2013 est à saluer car les revendications des personnes homosexuelles vivant en couple ont enfin été entendues (A)3. Il faut toutefois noter qu’elles ont encore été soutenues par des textes publiés postérieurement à cette réforme visant spécialement le mariage pour tous. Plusieurs autres lois ont effectivement eu des retombées très appréciables sur la vie familiale des couples de même sexe (B).

A – Les avancées de la réforme mise en place en 2013

Grâce à la loi qui fête son dixième anniversaire, tous les couples peuvent choisir de se marier, qu’ils regroupent des personnes de sexe différent ou de même sexe, et, par conséquent, fonder une famille au sens juridique du terme.

La reconnaissance du droit de vivre en couple pour les personnes qui n’étaient pas de sexe différent a mis beaucoup de temps à s’installer en France car fonder une famille devait pendant longtemps déboucher sur la conception d’enfants. On peut lire ainsi dans un ouvrage de Montaigne4 que deux femmes s’étaient mariées dans l’Est de la France et deux hommes à Rome. Ils avaient tous été sanctionnés car enfreindre la loi était punissable et, à l’époque, ce type de mariage n’était reconnu ni par le droit civil ni par les autorités religieuses. En outre, la sodomie, terme recouvrant la diversité des pratiques sexuelles, était considérée comme un crime. Au fil du temps, le fait de se marier avait toutefois été abordé différemment. Autrefois, la place des chefs de famille n’avait rien à voir avec celle de leur conjointe et, surtout, il s’agissait souvent de mariage forcé, cette union ne reposant pas alors sur le désir d’épouser la personne que l’on aimait. Les choses ayant changé et le mariage étant devenu une institution familiale instaurant l’égalité entre les époux et le bonheur de vivre ensemble une alliance à la main, les personnes homosexuelles ont souhaité pouvoir elles aussi convoler en justes noces et vivre en famille, mais surtout cohabiter avec leur compagne ou compagnon sans subir de retombées sexistes et homophobes.

Grâce à la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité5, les personnes de même sexe ont été entendues, même si le législateur s’est contenté de créer le pacs en l’ouvrant aux homosexuels qui voulaient « organiser leur vie commune » (C. civ., art. 515-1) et d’inscrire le concubinage dans le Code civil (C. civ., art 515-8) : union de fait « entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

Cette avancée a bien fait progresser les choses mais elle ne permettait pas de créer une famille, raison pour laquelle les LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) ont continué de solliciter le gouvernement. Deux d’entre eux avaient même réussi à obtenir que leur souhait de s’épouser soit entendu, puisque le maire de Bègles, Noël Mamère, avait célébré leur mariage le 5 juin 2004, espérant défendre de la sorte la cause du mariage homosexuel. Les juges se sont toutefois opposés à cette célébration, annulant le mariage, décision confirmée par la chambre civile de la Cour de cassation le 13 mars 20076 car, pour les juges, la loi française était l’union d’un homme et d’une femme, loi qu’il revenait à tous d’appliquer. En effet, à l’époque, la différence de sexe constituait une condition de l’existence du mariage en droit français. De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait aussi jugé qu’il n’y avait pas d’obligation pour un État d’accorder à un couple homosexuel le droit de se marier7.

La préparation de la loi avait été compliquée car beaucoup de personnes s’opposaient à une telle évolution, faisant preuve pour certaines d’homophobie ou faisant allusion au sort des enfants qui seraient élevés au sein des couples de même sexe et qui, selon elles, souffriraient de vivre dans une famille homoparentale. Des recherches ont toutefois abouti et démontré que vivre avec deux personnes de même sexe n’a pas d’incidence sur le bien-être et le devenir psychologique des enfants. Ces derniers n’ont pas plus de mal à identifier leur genre, ne vivent pas davantage d’anxiété ou de difficultés d’intégration sociale, ne sont pas plus à risque de vivre des abus sexuels et n’ont pas plus de probabilités de devenir à leur tour homosexuels. Il en va de même quand, lors de leur naissance, ils ont un père et une mère mais que l’un d’entre eux obtient ensuite le droit de changer de sexe (C. civ., art. 61-5, issu de L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016). C’est assurément l’amour des parents pour leurs enfants qui les fait grandir et leur manière de bien les élever qui leur procure du bien-être.

Cette réforme a effectivement suscité de vifs débats, des critiques, des protestations mais aussi des conflits. De nombreuses manifestations ont été programmées à cette époque, dont « la manif pour tous », événements dont on se souvient bien même si dix années sont passées.

Grâce au soutien aux personnes homosexuelles annoncé par le président de la République François Hollande et aux travaux effectués par le législateur, l’article 143 du Code civil a été réécrit. Alors que traditionnellement le mariage était défini comme un acte solennel par lequel un homme et une femme établissent une union encadrée par la loi, depuis 2013, « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe »8. En effet, grâce à cette loi symbolique, les couples de deux hommes ou de deux femmes se sont vu reconnaître le droit de contracter un mariage civil, institution qui était auparavant réservée à un homme et une femme, désireux de fonder une famille (et non plus comme autrefois obligés de se marier car le mariage forcé a disparu, sauf exception).

Cet élargissement de l’accès à l’institution du mariage a été accueilli avec joie et émotion par les couples de femmes ainsi que les couples d’hommes. Ils ont félicité le législateur en remerciant le président de la République, François Hollande, d’avoir suivi les autorités étrangères car la France était le quatorzième pays à avoir ouvert le mariage à tous les couples en 2013.

La célébration du mariage pour tous est imposée aux maires comme tous les textes de lois. Certains maires ont néanmoins mal vécu cette évolution qui ne correspondait pas à leurs sentiments, mais ils ont dû répondre aux demandes des couples car il n’entre pas dans les pouvoirs du maire d’apprécier l’opportunité de cette célébration, leurs motifs personnels n’ayant pas à être pris en compte. Il suffit qu’ils confient cette mission à un membre du conseil municipal car, sinon, le refus d’un maire de célébrer un tel mariage serait sanctionné puisqu’il y aurait rupture du principe de continuité du service public, principe à valeur constitutionnelle, et cela bafouerait le caractère républicain du mariage.

Les personnes transgenres ont aussi été soutenues par cette réforme. Comme le Code civil réservait le mariage à un homme et à une femme, si, une fois mariés, un homme voulait devenir femme ou une femme homme, cela conduisait à réunir officiellement deux personnes de même sexe, ce qui était interdit avant la loi. Il était alors souvent imposé aux couples de divorcer pour que l’un de leurs membres soit autorisé à changer de sexe. Cela a changé dans la mesure où, depuis 2013, un couple de même sexe peut se marier et un couple hétérosexuel peut rester marié même si l’un des époux opte pour une conversion sexuelle9.

B – Les compléments législatifs à la loi de 2013

Après la réforme de 2013, les personnes transgenres ont encore vu leur situation s’améliorer grâce à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 201610 qui aborde désormais différemment la conversion sexuelle (C. civ., art. 61-5 et s.). Dorénavant, en cumulant les lois de 2013 et de 2016, une personne transgenre peut parfaitement rester l’époux ou l’épouse d’une personne qui a le même sexe que le sien depuis sa conversion sexuelle puisque la célébration du mariage n’exige plus une différence de sexe et parce que, en cas de réassignation sexuelle, aucun changement n’affecte la famille de l’intéressé. Il n’y a donc plus d’obstacle au maintien du mariage. Néanmoins, si le conjoint souffre de cette situation, il peut songer au divorce.

Les couples de même sexe qui n’envisagent pas de se marier peuvent aussi désormais fonder une famille en devenant parents d’un même enfant même si les deux hommes ou les deux femmes n’appartiennent toujours pas à la même famille.

En effet, puisque, par principe, deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas procréer ensemble, il est pertinent de leur ouvrir la voie de l’adoption. Le problème rencontré par les homosexuels avant la réforme de 2013 tenait au fait que, à l’époque, seuls les époux étaient admis à adopter ensemble un enfant, si bien que les couples de même sexe auxquels l’accès au mariage était interdit ne pouvaient pas devenir parents par la voie de l’adoption, point qui a ouvert des interrogations pendant de nombreuses années11.

D’autres grands changements ont encore soutenu ces personnes si longtemps privées de droit parce que la loi n° 2022-219 du 21 février 2022, relative à l’adoption (JO, 22 févr. 2022), autorise à présent les couples non mariés à devenir parents adoptifs d’un même enfant ou à adopter l’enfant de leur partenaire ou de leur concubin (C. civ., art. 343, mod. par Ord. n° 2022-1292, 5 oct. 2022). Dès lors, les couples hétérosexuels ou homosexuels ne sont plus dans l’obligation de se marier pour adopter ensemble un enfant. Dans ce contexte, la femme qui vit avec une compagne qui a mis au monde un enfant et qui participe à l’éducation de ce dernier peut donc devenir parent adoptif, ce qui sécurise la famille homoparentale.

Toujours pour accorder des droits parentaux aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules (CSP, art. L. 2141-2), la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021, relative à la bioéthique (JO, 3 août 2021), leur a également ouvert la voie de l’assistance médicale à la procréation (AMP). Les femmes vivant en couple peuvent donc fonder une famille à la fois en se mariant et en faisant naître un enfant grâce à un don de sperme12. Elles doivent donner leur consentement à une AMP effectuée avec un don de sperme (C. civ., art. 342-10) et, lors du recueil de ce consentement, le couple de femmes, qu’elles soient ou non mariées, reconnaît conjointement l’enfant à naître (C. civ., art. 342-11). En conséquence, elles sont déclarées mères l’une et l’autre et, si le couple se sépare, elles peuvent chacune conserver des liens avec l’enfant. Avant la réforme, beaucoup de femmes en couple avaient souffert de ne pas être considérées comme mères de l’enfant tant que l’adoption n’était pas prononcée. Elles avaient élevé un enfant mais sans être officiellement son parent, si bien que la rupture du couple leur compliquait la vie. Désormais, elles sont mères dès que l’AMP avec donneur est programmée. En revanche, rien n’a changé pour les couples d’hommes puisque la gestation pour autrui demeure interdite en France et seule la voie de l’adoption leur est ouverte. Que l’on parle aujourd’hui de mariage pour tous ne signifie pas famille pour tous car deux hommes peuvent se marier mais ne peuvent pas être les deux pères d’un enfant dès sa naissance. Cependant, ils peuvent utiliser la voie de l’adoption.

Toutes ces réformes ont permis de mettre fin à des inégalités, voire des discriminations, visant les homosexuels, tout en entraînant des débats houleux et des polémiques.

II – Les retombées du mariage pour tous

Avoir réécrit l’article 143 du Code civil a soulagé les personnes homosexuelles parce que leur accorder le droit de se marier leur a offert de nouvelles et belles perspectives (A) mais cela ne veut pas dire qu’elles sont totalement à l’abri et qu’elles ne risquent pas de subir des retombées (B).

A – Les différentes formes de soutien accordé aux couples d’hommes ou de femmes

Avec cette réforme, le législateur a mis fin à des situations inégalitaires et à des discriminations en accordant une place nouvelle aux familles homoparentales et en créant des liens d’alliance. Il a ainsi permis à un homme qui venait de perdre son compagnon lors d’un attentat et qui a pu justifier qu’ils envisageaient de se marier de recourir à la notion de « mariage à titre posthume »13.

Il peut aujourd’hui être question de mariage ou remariage, notamment pour les personnes transgenres si leur premier conjoint ne supporte pas de se trouver uni à une personne du même genre qu’elle après une conversion sexuelle.

Il faut se féliciter de cette loi qui a accordé aux LGBT le droit de fonder une famille, ce qui n’était pas le cas avec le pacs. Il était important pour les personnes homosexuelles d’avoir le droit de rédiger un contrat pour conclure un pacs, mode de vie dont les conditions de mise en œuvre avaient été très rapprochées de celles exigées pour se marier, le législateur ayant notamment basculé dans les articles 515-1 et suivants des mesures impératives imposées aux époux et désormais imposées aux partenaires.

Toutefois, cela ne leur ouvrait pas le droit de fonder une famille car le pacs n’est pas du tout assimilé au mariage sur ce point. En effet, s’il se rapproche du mariage concernant les obligations mutuelles des partenaires, il ne produit pas d’effet en matière de filiation et d’autorité parentale. Surtout, les droits accordés aux partenaires n’ont rien à voir avec ceux dont bénéficient les personnes qui se marient. Assurément, le pacs n’offre pas les mêmes garanties juridiques que le mariage civil.

Les partenaires n’appartiennent effectivement pas à la même famille, raison pour laquelle ils ne peuvent pas porter le nom de leur compagnon et, de plus, ils n’avaient à l’époque aucun accès à la parenté. Faute de liens familiaux, le décès de l’un des partenaires n’est pas non plus traité comme celui de l’un des époux. En effet, le conjoint survivant bénéficie de la succession ab intestat, c’est-à-dire qu’il est l’héritier du défunt soit seul, soit en concours avec les enfants du défunt si ce dernier était père ou mère. Le partenaire, quant à lui, ne peut hériter que s’il est visé dans un testament, sachant que sa place est réduite en fonction du nombre d’héritiers réservataires quand le défunt laisse des descendants. Il peut toutefois être totalement écarté de la succession s’il ne bénéficie pas d’un legs ou si aucun testament n’a été rédigé. Là encore, la situation des époux n’est pas la même car, si leur conjoint a rédigé un testament pour les écarter de la succession, ils ne sont pas systématiquement privés de droit. Ils peuvent être totalement écartés par le testament si le défunt laisse des descendants. Mais, s’il n’y en a pas, c’est le conjoint survivant qui bénéficie alors du statut d’héritier réservataire et qui récupère la somme allouée au conjoint par la loi en ce cas, sauf si un divorce a été prononcé (un quart des biens, C. civ., art. 914-1). En outre, contrairement au conjoint survivant, le partenaire survivant ne peut jamais bénéficier de la pension de réversion et la protection du logement n’est que ponctuelle car, si le droit temporaire au logement vise le partenaire, le droit viager au logement n’est attribué qu’à l’époux dont le conjoint vient de décéder (C. civ., art. 763 – C. civ., art. 764).

On peut dès lors comprendre que les intéressés voulaient que le droit de se marier leur soit reconnu dans le but de se voir accorder le statut d’époux, les couples homosexuels trouvant injuste que leurs droits ne soient pas identiques à ceux des couples hétérosexuels.

La loi de 2013 qui a autorisé deux hommes ou deux femmes à se marier leur a aussi permis de devenir parents d’un même enfant car leur accorder le mariage pour tous leur a aussi donné celui d’utiliser la voie de l’adoption, ce qui, à l’époque, était impossible pour les couples non mariés14. La réforme a ainsi reconnu la place de l’homoparenté15. Il convient dès lors de ne plus parler de « père et mère » car l’enfant peut avoir deux pères ou deux mères et il faudrait que cette expression soit alors remplacée par « parents » dans tous les articles du Code civil.

Ils peuvent dès lors créer une famille homoparentale et surtout une parenté homoparentale car ils peuvent faire le choix d’adopter ensemble un enfant mais aussi d’adopter l’enfant de leur époux ou de leur épouse de même sexe, l’enfant ayant alors deux pères dans le premier cas et deux mères dans le second.

Grâce à cette réforme, les couples de même sexe qui décident de s’unir par le mariage bénéficient désormais des liens d’alliance et du statut conjugal liés à l’union matrimoniale, à savoir le droit de porter le même nom grâce au recours au nom d’usage (C. civ., art. 225-1)16. Le mariage les protège aussi mieux s’ils traversent le drame de voir leur conjoint mourir car ils héritent l’un de l’autre en étant héritier réservataire si le couple n’a pas d’enfant et sans droit de mutation à payer17 ; de plus, ils peuvent alors bénéficier d’une pension de réversion et de la protection du logement conjugal.

B – Les difficultés encore rencontrées par les personnes LGBT

Grâce à cette loi, « près de 70 000 mariages homosexuels ont été célébrés »18. Néanmoins, beaucoup de couples de même sexe ont aussi demandé à divorcer, comme les hommes et femmes ayant créé une famille.

Cela fait donc dix ans que de nombreux couples se sont réjouis d’avoir le droit de s’unir grâce à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, même si c’est pour se séparer ensuite, à savoir divorcer. Une séparation ou un divorce peut aussi résulter de violences conjugales, ces couples n’en étant pas préservés.

De plus, malheureusement, bien que cette loi de 2013 ait renforcé la place des personnes homosexuelles ayant décidé de vivre sous un même toit, l’homophobie n’a pas totalement disparu contrairement à ce qui aurait pu se produire par suite de la dépénalisation de l’homosexualité en France grâce à la loi n° 82-683 du 4 août 1982, à la suite de quoi la sodomie n’était plus considérée comme un crime. Pendant des siècles, avoir des relations sexuelles avec une personne de son sexe était réprimé et sanctionné par des pénalités dans le but de lutter contre un comportement sexuel longtemps jugé moralement répréhensible. Depuis, les choses ont bien changé19.

Bien que l’homosexualité soit mieux acceptée dans la société française, de nombreuses personnes continuent de débattre de la question homosexuelle. Le changement de cadre juridique ne les empêche pas de continuer à faire preuve d’homophobie, laquelle peut avoir des retombées sur le sort des homosexuels au sein de leur famille ou durant leur activité professionnelle20. L’orientation sexuelle continue de faire l’objet de critiques, ce qui ressort de tous les projets de lois qui ont été débattus dans un contexte de conflits, voire de violents affrontements. Il faut toutefois faire connaître à ces personnes que, conformément à l’article 225-4-13 du Code pénal, « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ». La lutte contre l’homophobie permettrait d’aider les personnes à ne plus devoir cacher leur orientation sexuelle, voire leur transidentité.

Grâce à la réforme de 2013 et aux lois qui ont ouvert d’autres pistes, jugées pendant longtemps intolérables21, les couples de même sexe vivant avec un enfant peuvent devenir tous les deux parents légaux de celui-ci. Toutefois, il demeure difficile de devenir parent après un changement de sexe. Dans deux affaires récentes, une femme qui avait été assignée homme à la naissance voulait être déclarée mère et une femme ayant mis au monde un enfant désirait que l’acte de naissance de l’enfant la mentionne comme étant son père en raison de son nouveau sexe, mais leurs demandes ont été bloquées et la CEDH n’a pas entendu non plus leurs revendications22.

En fêtant son dixième anniversaire, on se rend compte de l’intérêt du mariage pour tous. En effet, après les vives polémiques soulevées par le vote de la loi de 1999 pour le pacs, de la loi de 2013 pour le mariage des couples de même sexe et de la loi de 2021 pour l’AMP accordée aux couples de femmes, on peut noter grâce à cette évolution combien le droit de la famille est important et qu’il importe que chacun puisse créer juridiquement une famille. Cette évolution traduit bien la célèbre formule de Jean Carbonnier : « À chacun sa famille, à chacun son droit ».

Notes de bas de pages

  • 1.
    J.-P. Branlard, Le sexe et l’état des personnes, 1993, LGDJ, EAN : 9782275005874.
  • 2.
    L. n° 2013-404, 17 mai 2013 : JO, 18 mai 2013 (loi adoptée le 23 avril 2013 par le Parlement, raison pour laquelle des nombreux articles ont été publiés dans les journaux le 23 avril 2023).
  • 3.
    A. Batteur, « La révolution du droit de la famille et la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes du même sexe », LPA 4 juill. 2013, p. 3 ; G. Raoul-Cormeil, « La consécration de la vie familiale homosexuelle par la loi du 17 mai 2013 », GPL 24 août 2013, n° GPL143y7.
  • 4.
    M. de Montaigne, Journal de voyage en Italie, 1983, Folio Classique.
  • 5.
    JO, 16 nov. 1999.
  • 6.
    Cass. 1re civ., 13 mars 2007, n° 05-16627 : Bull. civ. I, n° 113 ; LPA 17 juill. 2007, p. 19, note J. Massip ; RTD civ. 2007, p. 315, obs. J. Hauser ; D. 2007, p. 1395, note E. Agostini.
  • 7.
    CEDH, 24 juin 2010, n° 30141/04, Schalk et Kopf c/ Autriche : JCP G 2010, p. 1013, note H. Fulchiron.
  • 8.
    C. Neririnck, « Homoparentalité et désexualisation de l’état civil », Dr. famille 2012, repère 6.
  • 9.
    F. Granet et P. Hilt, « Les incidences sur l’état civil des époux de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe », AJ fam. 2013, p. 336.
  • 10.
    JO, 19 nov. 2016.
  • 11.
    P. Murat, « Vers la famille homosexuelle par adoption ? », Dr. famille 2000, n° 8.
  • 12.
    I. Corpart, « Les moyens de faire famille, accordés aux couples de personnes de même sexe », JCP N 2022, n° 6, p. 1088.
  • 13.
    I. Corpart, « Mariage à titre posthume pour tous », LPA 25 sept. 2017, n° LPA129f6.
  • 14.
    E. Mulon, « Mariage pour tous enfants pour tous ? », GPL 5 janv. 2013, n° GPL112v0 ; C. Neirinck, « Accorder le mariage aux personnes de même sexe, oui. Reconnaître un droit à l’enfant, non ! Pourquoi ? », Dr. famille 2013, n° 1, p. 9.
  • 15.
    H. Fulchiron, « La reconnaissance de la famille homosexuelle : étude d’impact », D. 2013, p. 100.
  • 16.
    I. Corpart, « Le mariage pour tous et ses incidences sur le nom », RJPF 2013/6, n° 10.
  • 17.
    Il en va de même pour les homosexuels qui ont conclu un pacs, alors que s’ils sont simplement concubins, les droits de mutation s’élèvent à 60 %.
  • 18.
    « Du pacs au mariage pour tous : l’application de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe », vie-publique.fr, 17 avr. 2023.
  • 19.
    I. Corpart, « Après 40 ans de dépénalisation de l’homosexualité, quel est le sort réservé à la communauté homosexuelle ? », LPA 30 sept. 2022, n° LPA201t3.
  • 20.
    Affaires visant des personnes de nationalité allemande mais il en irait de même en France. CEDH, 4 avr. 2023, n° 7246/20, A.H. et a. c/ Allemagne – CEDH, 4 avr. 2023, n° 53568/18, O.H. et G.H. c/ Allemagne : RJPF 2023 à paraître, note I. Corpart ; Dalloz actualité, 14 avr. 2023, obs. S. Paricard.
  • 21.
    I. Corpart, « Revendications parentales des couples homosexuels : de l’homoparentalité à l’homoparenté », RJPF 2012/4, n° 7 ; F. Millet, « L’homoparentalité : essai d’une approche juridique », Defrénois 15 mai 2005, n° 38153, p. 743.
  • 22.
    S. Paricard, « Une libéralisation du changement de sexe qui suscite des interrogations majeures », AJ fam. 2016, p. 585.
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