Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 14 (3e partie)
Phénomène majeur qui a marqué notre droit depuis l’avènement de la Ve République, la subjectivisation du droit porte en germe deux révolutions que la législation et le contentieux actuels en matière familiale rendent de plus en plus visibles, comme le montre cette chronique : la déjuridictionnalisation du droit et la juridictionnalisation de notre juge judiciaire du droit, la Cour de cassation. Si la conversion de la Cour de cassation au contrôle de proportionnalité ne peut que contribuer à renforcer l’effectivité des droits de l’enfant, en revanche, la déjuridictionnalisation du droit de la famille entretient des rapports pour le moins ambigus avec les droits de l’enfant.
Droits de l’enfant, déjuridictionnalisation du droit de la famille et juridictionnalisation de la Cour de cassation
I. La déjuridictionnalisation du droit de la famille en marche : les motivations d’ordre économique derrière le paravent des droits de l’enfant ?
II. La révolution de la juridictionnalisation de la Cour de cassation en perspective : l’espoir d’une effectivité plus grande des droits de l’enfant
A.
B.
C.
I – La déjuridictionnalisation du droit de la famille en marche : les motivations d’ordre économique derrière le paravent des droits de l’enfant ?
Divorce sans juge et droits de l’enfant. V. l’article de Blandine Mallevaey, « l’intérêt de l’enfant et la réforme du divorce par consentement mutuel », LPA 29 juin 2017, n° 127p1, p. 6
I. Scepticisme quant à la capacité à atteindre l’objectif fixé
II. Scepticisme autour de la qualification d’acte usuel
II – La révolution de la juridictionnalisation de la Cour de cassation en perspective : l’espoir d’une plus grande effectivité des droits de l’enfant
A – Les modèles : juge administratif, juge européen, juge allemand
1. Hébergement d’urgence des mineurs étrangers isolés, carences des pouvoirs publics et libertés fondamentales devant le juge administratif (TA Lille, ord., 1er sept. 2016, n° 1606080 ; TA Lille, ord., 6 mai 2016, n° 1603113, 4 ordonnances, 1res espèces ; CE, 1re/6e ch. réunies, 27 juill. 2016, nos 400055 à 400058, 2e espèce)
2. Intérêt de l’enfant à une scolarisation complète permettant une intégration sociale réussie et convictions religieuses des parents devant le juge européen (CEDH, 10 janv. 2017, n° 29086/12, Osmanoğlu et Kocabaș c/ Suisse)
3. Sort des embryons congelés et « droit à l’enfant » devant le juge allemand (BGH, 24 août 2016, n° XII ZB 351/15, 1re espèce et OLG Munich, 22 févr. 2017, n° 3 U4080/16, 2e espèce)
I. Pas de reconnaissance prénatale
II. Pas d’insémination posthume
B – Les inconstances actuelles de la Cour de cassation en matière de contrôle de conventionnalité
1. Le contrôle accepté : la question de la motivation
a) Motivation pédagogique : la prescription en matière de filiation (Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15-25068, PB)
I. Évolution possible (latente ?) du point de vue des droits de l’enfant
II. Évolution acquise du point de vue du droit de la filiation
b) Motivation lapidaire : Expertise génétique hors procès en filiation (Cass. 1re civ., 8 juin 2016, n° 15-16696, PB)
I. Le refus des expertises « de curiosité » préalables à une reconnaissance
II. Les impasses probatoires résultant de l’interdiction des référés-expertise génétique
Exercice de l’autorité parentale à l’épreuve de la détention provisoire du père (Cass. crim., 27 juill. 2016, n° 16-83271, PB)
I. L’enquête préalable, une condition nécessaire
II. L’enquête préalable, une condition suffisante
2°/ Le contrôle non demandé : prescription et obligation d’entretien (Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-14617, 1re espèce ; Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 15-17993, 2e espèce ; Cass. 1re civ., 8 juin 2016, n° 14-26273, 3e espèce et Cass. 1re civ., 22 juin 2016, n° 15-21783, 4e espèce)
I. L’autonomie de la créance d’entretien
A. Une autonomie par rapport au temps des aliments (2e et 4e espèces)
B. Une autonomie par rapport au temps de la filiation (3e espèce)
II. La périodicité de la créance d’entretien
A. Un délai de prescription adapté à la périodicité de la rente (2e et 4e espèces)
B. Un déclenchement de la prescription opéré au jour de la demande
3. Le contrôle esquivé
Prestations familiales et mineurs étrangers (Cass. 2e civ., 11 févr. 2016, n° 15-12598, PB)
I. Les conditions d’octroi des prestations familiales au parent étranger du mineur né hors du territoire français
II. La stricte application des conditions légales par les juridictions françaises
Motif légitime de refuser l’expertise biologique et intérêt supérieur de l’enfant (Cass. 1re civ., 13 juill. 2016, n° 15-22848)
I. L’expertise biologique au cœur du procès de la filiation
II. La légitimité du refus d’ordonner une expertise biologique et l’intérêt supérieur de l’enfant
C – Une invitation à prendre au sérieux la jurisprudence des juges du fond
1. La méthode proportionnelle sur prescription légale
a. L’« intérêt de l’enfant » à l’épreuve du droit à l’adoption (CA Toulouse, 8 mars 2016, nos 16/197 et 15/05526)
Un nourrisson, abandonné à la naissance par ses parents fait l’objet d’une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Il est confié à une assistante familiale, titulaire d’un agrément délivré par le président du conseil départemental1. Durant cet accueil, un désir d’adoption naît chez l’assistante familiale et son époux, ce qui est indiqué à plusieurs reprises aux services départementaux. C’est pourquoi, à la suite de l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État, sa famille d’accueil décide de déposer une demande d’adoption sur le fondement de l’article R. 224-15 du Code de l’action sociale et des familles. Cette demande est rejetée par le conseil de famille des pupilles de l’État : pour les membres de ce conseil, la demande du couple ne répondait pas aux critères qu’ils s’étaient fixés afin de sélectionner le ou les adoptant(s) de l’enfant. L’assistante familiale et son époux interjettent alors appel de cette délibération devant les juges toulousains. Les conseillers de la cour d’appel confirment la décision qui leur est déférée2.
À l’occasion de cette affaire, il semble judicieux de rappeler que si la demande d’adoption formulée par la famille d’accueil de l’enfant doit être examinée en priorité, il n’y a pas de certitude quant à l’issue donnée à cette requête (I) et de s’attarder quelque peu sur les possibilités ouvertes à la famille d’accueil pour contester cette décision (II).
I. L’absence d’accord automatique à la demande d’adoption présentée par une famille d’accueil au conseil de famille des pupilles de l’État
En principe, tout candidat à l’adoption d’un enfant pupille de l’État doit être titulaire d’un agrément en vue d’adoption délivré par le président du conseil départemental3. Toutefois, certaines catégories de personnes sont exemptées de cette condition4. Il en est ainsi des assistants familiaux, déjà en possession d’un agrément octroyé, lui aussi, par l’autorité départementale5. Par conséquent, même si leur agrément n’a pas la même vocation puisqu’il a été demandé afin d’exercer leur profession et non en vue d’une adoption, le législateur a considéré que les enquêtes préalables dont ont fait l’objet les assistants familiaux ainsi que les liens noués entre eux et l’enfant confié justifient cette dispense.
Il ne s’agit pas de la seule faveur octroyée aux assistants familiaux. En effet, si l’accueil de l’enfant a suscité chez la famille d’accueil le désir de créer un lien de filiation juridique par le biais de l’adoption, cette demande doit être examinée prioritairement par le conseil de famille des pupilles de l’État6. Dans ce cas, l’assistant familial doit informer le préfet de son projet afin que ce dernier prévienne le président du conseil départemental en vue de la constitution d’un dossier7. Il peut également demander à ce qu’une réunion exceptionnelle du conseil de famille soit organisée dans un délai d’un mois. Le conseil de famille, organe tutélaire ayant « la faculté d’élire l’adoptant »8, examinera le projet présenté en fonction des éléments fournis par les services départementaux. Pour prendre sa décision, cette instance pourra demander à ce que des investigations complémentaires à caractère social, psychologique ou médical, soient effectuées sur la situation du pupille auprès du demandeur. À cette fin, sa délibération pourra être ajournée à trois mois maximum. Durant cette période, aucun autre projet d’adoption ne pourra être étudié. Ce n’est qu’une fois la délibération du conseil de famille prise et à l’expiration des délais de recours contre celle-ci, ainsi que, le cas échéant, après que la cour d’appel ait statué, qu’un autre projet d’adoption pourra être soumis au conseil de famille.
C’est bien cette procédure qu’avait suivie la famille d’accueil du nourrisson dans l’arrêt soumis aux juges de la cour d’appel de Toulouse. Elle s’est pourtant heurtée à un refus du conseil de famille des pupilles de l’État. En effet, si l’examen du dossier de la famille d’accueil devait être étudié de manière prioritaire, il n’existe aucune automaticité concernant l’accord du conseil de famille à la demande d’adoption. Il ne s’agit pas d’« un droit à adopter » l’enfant pupille de l’État au profit de la famille d’accueil. En effet, la délibération sera ensuite soumise à un vote des membres du conseil de famille ; chaque décision devant être motivée. D’ailleurs, l’article L. 225-2 du Code de l’action sociale et des familles indique que les liens affectifs établis entre l’accueillant et l’enfant doivent justifier l’adoption. Aussi, si le projet ne semble pas en conformité avec l’intérêt de l’enfant, un refus peut être prononcé9. Or, en l’espèce, certains critères avaient été établis par l’organe tutélaire en ce qui concerne le profil de l’adoptant ou des adoptants, notamment ne pas se trouver à proximité géographique des parents biologiques de l’enfant afin d’éviter toute rencontre fortuite avec ces derniers et ne pas être trop âgé(s) en raison des besoins du nourrisson, lesquels ne correspondaient pas au profil de la famille d’accueil. De plus, le projet formulé par l’assistante familiale et son époux ne semblait pas suffisamment réfléchi.
II. Les possibilités ouvertes à la famille d’accueil pour contester la décision du conseil de famille des pupilles de l’État
La décision rendue par le conseil de famille des pupilles de l’État ne les satisfaisant pas, la famille d’accueil de l’enfant a formé appel de la délibération. Si l’on s’en tient aux dispositions légales10, il semble que le recours sur le fond des délibérations du conseil de famille ne soit pas ouvert à la famille d’accueil qui s’est vue refuser la possibilité d’adopter l’enfant. Néanmoins, ce sont les conseillers de la cour d’appel de Toulouse qui, le 7 juillet 2015, avaient accueilli un tel recours par un raisonnement alambiqué mais justifié par la qualité de l’appelant11. Aussi, fort logiquement, l’appel formé par l’assistante familiale et son époux est considéré comme recevable. En revanche, contrairement à l’arrêt de 2015, les juges toulousains confirment en l’espèce la décision qui leur est soumise. Se fondant sur l’intérêt exclusif de l’enfant, ils rappellent de manière un peu abrupte que « les époux n’ont pas de droit supérieur voire exclusif par rapport aux autres candidats à l’adoption » et qu’« à défaut, on aboutirait à une situation absurde qui ferait qu’une simple demande d’adoption par une assistante familiale agréée devrait automatiquement entraîner une admission immédiate à l’adoption ». Or, pour les magistrats, l’absence de réflexion autour du projet d’adoption et ses conséquences psychologiques et sociales, leur proximité géographique avec la mère biologique de l’enfant ainsi que l’âge du couple (45 ans pour l’époux et 43 ans pour la femme) constituaient des obstacles à l’adoption de l’enfant.
Par cet arrêt, les juges toulousains rappellent que le conseil de famille des pupilles de l’État est en droit de définir des critères concernant le profil du ou des adoptant(s) de chaque enfant dont il a la tutelle ; ces critères devant simplement être déterminés en fonction de l’intérêt exclusif de l’enfant. Néanmoins, si pour les conseillers de la cour d’appel de Toulouse, l’âge des membres du couple composant la famille d’accueil risque de les faire apparaître comme les grands-parents du nourrisson et non comme ses parents, il n’est pas certain que ce seul élément aurait conduit à la même décision. Les candidats à l’adoption de l’enfant étaient tous les deux encore en âge de procréer et il n’est pas rare que des couples ayant atteint la quarantaine d’année attendent leur premier enfant. De plus, si la loi française fixe un âge minimal pour pouvoir adopter12, elle ne fixe pas d’âge maximal ni de différence d’âge maximale entre l’adoptant et l’adopté. À titre comparatif, en matière d’agrément en vue d’adoption, le Conseil d’État a déjà indiqué que l’âge ne pouvait à lui seul fonder le refus d’agrément13. En revanche, si l’âge constitue un motif d’obstacle parmi d’autres, le refus deviendra justifié14. À l’inverse, la Cour européenne des droits de l’Homme a pu considérer qu’un refus de placement en vue d’adoption fondé uniquement sur l’âge ne doit pas être considéré comme discriminatoire15. Cependant, pour ne pas risquer la censure, il paraît plus prudent de motiver le refus opposé à la famille d’accueil également sur des critères complémentaires.
Quelle(s) solution(s) s’ouvre(nt) désormais à l’assistante familiale et son époux ? D’abord, la famille d’accueil pourrait tenter d’utiliser les dispositions de l’article 348-6 du Code civil qui prévoit qu’en cas de refus abusif de consentement du conseil de famille, le tribunal peut prononcer l’adoption de l’enfant, et ce, même si l’application de ce texte reste controversée lorsqu’il s’agit de pupilles de l’État16. Dans ce cas, les juges du tribunal de grande instance vérifieront si les conditions légales sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, utilisant alors leur pouvoir souverain d’appréciation17. L’issue d’un tel recours n’est donc pas garantie pour la famille d’accueil.
Les conseillers de la cour d’appel ont également fait référence à l’absence de contestation de la famille d’accueil lors de l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État. L’article L.224-8 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que l’arrêté en question peut être contesté par toute personne ayant assuré la garde de droit ou de fait de l’enfant ce qui est le cas de l’assistante familiale et de son époux. Une telle procédure, il est vrai, leur aurait permis de faire perdurer la prise en charge de l’enfant mais en aucun cas de l’adopter. Dans une telle hypothèse, le juge confie l’enfant au demandeur à charge pour ce dernier de requérir l’organisation de la tutelle ou lui délègue les droits de l’autorité parentale. En revanche, le mineur perd son statut d’enfant adoptable18. En l’espèce, un tel recours n’était de toute façon plus possible : il s’agit d’une action à bref délai puisqu’il est de trente jours à compter de la notification de l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État. De plus, même si la famille d’accueil avait agi dans le délai imparti, le juge aurait statué en fonction de l’intérêt de l’enfant. Or, l’intérêt d’un nourrisson est sans doute d’acquérir le statut protecteur de pupille de l’État qui lui permet de bénéficier d’un projet de vie, se caractérisant potentiellement par une adoption19 et non de rester chez sa famille d’accueil.
Amélie NIEMIEC
b) Le terme raisonnable de l’obligation d’entretien (CA Nancy, 25 janv. 2016, nos 16/00212 et 15/00145)
Devenir parent fait naître une série de devoirs envers son enfant ; comme l’énonçait Loysel, « Qui fait l’enfant doit le nourrir ». Ainsi, l’article 203 du Code civil dispose que : « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ». La place malencontreuse de cet article dans le Code civil, au sein d’un chapitre relatif aux « obligations qui naissent du mariage », pouvait laisser à penser que seuls les parents mariés étaient tenus par ces obligations. Pour réparer cette maladresse, le législateur de 200220 a rappelé ces obligations parentales lors de la réécriture de l’article 371-2 du Code civil situé dans un chapitre relatif « à l’autorité parentale sur la personne de l’enfant » ; ces dernières prenant la forme d’une pension alimentaire en cas de séparation des parents entre eux ou entre les parents et l’enfant21. Le fait de ne pas s’acquitter des obligations mises à sa charge pour un parent constitue un délit pénal, celui d’abandon de famille, et est passible de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende22.
Dans l’affaire soumise aux conseillers de la cour d’appel de Nancy le 25 janvier 201623, des époux ayant deux enfants, nés de leur union, avaient divorcé. Le jugement de divorce prévoyait notamment une contribution à l’entretien et à l’éducation des deux enfants à la charge du père ; la résidence des enfants ayant été fixée au domicile maternel. Une fois devenue majeure, la fille des ex-époux saisit elle-même le juge aux affaires familiales afin d’obtenir le versement d’une pension alimentaire de la part de son père : une somme mensuelle de 207,40 € est fixée. Le père de la jeune fille interjette alors appel en faisant valoir que sa fille est désormais majeure et, qui plus est, mariée. Ces deux arguments ne sont pas retenus par les juges d’appel : ni la majorité de l’enfant (I) ni son mariage (II) ne sont considérés comme des causes suffisantes de suppression de l’obligation de contribuer à son entretien et à son éducation.
I. L’insuffisance de la majorité de l’enfant comme cause de suppression de l’obligation de contribuer à l’entretien et l’éducation de celui-ci
L’obligation parentale est évolutive : elle doit être déterminée en fonction des besoins de l’enfant selon son âge et ses habitudes de vie24. Ainsi, des études coûteuses ou la nécessité de traitements médicaux par exemple peuvent justifier l’augmentation de la pension alimentaire versée par un parent au profit de son enfant.
En outre, l’enfant concerné est l’enfant au sens de « celui de ses parents » et non uniquement le mineur. En effet, la jurisprudence considère depuis longtemps que les parents sont tenus de poursuivre leurs obligations d’entretien et d’éducation à la majorité de l’enfant dès lors que ce dernier poursuit des études25, voire même lorsqu’il débute son parcours professionnel26. Dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, l’article 371-2, alinéa 2, du Code civil a entériné cette continuité puisqu’il est désormais indiqué que : « cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant en majeur ». Ainsi, sauf disposition contraire dans le jugement de divorce27 ou dans la convention homologuée28, la fixation de la pension alimentaire d’un des parents envers son ex-époux au titre de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants mineurs ne cesse pas de plein droit : il appartiendra au débiteur d’aliments d’en faire la demande au juge aux affaires familiales. De plus, l’article 373-2-5 du Code civil prévoit que lorsqu’un enfant devenu majeur continue de dépendre financièrement d’un de ses parents, ce parent peut réclamer à l’autre parent l’exécution de ses obligations d’entretien et d’éducation. Il est également possible pour le majeur de demander directement la fixation de la pension alimentaire au juge aux affaires familiales pour que celle-ci soit versée entre ses mains. En revanche, pour que subsistent ces obligations parentales, il peut être nécessaire de démontrer l’intérêt professionnel des études envisagées29 ou d’apporter la preuve que le majeur ne se soit pas mis en situation d’impécuniosité lui-même30. De plus, si l’enfant a des ressources propres, celles-ci sont prises en compte pour déterminer l’existence ou non de son état de besoin.
Ce n’est qu’une application de ces principes qui a été faite par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Nancy lors de l’examen de la requête de la majeure, fort logiquement approuvée par les juges d’appel : la jeune fille n’ayant pas terminé ses études supérieures et n’ayant aucune autre source de revenus que ceux donnés par sa mère, la pension alimentaire versée par son père devait être maintenue, à charge néanmoins pour elle de justifier tous les semestres de ses ressources.
Si la solution n’est pas surprenante dans la mesure où il s’agit d’une simple application du texte de l’article 371-2 du Code civil, son originalité réside dans la situation matrimoniale de la jeune femme réclamant le versement de la pension alimentaire.
II. L’insuffisance du mariage de l’enfant comme cause de suppression de l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de celui-ci
La particularité de l’affaire soumise aux conseillers de la cour d’appel de Nancy tient au fait que l’enfant qui réclamait une pension alimentaire à son profit était elle-même mariée depuis 2012. Or du mariage découlent des devoirs respectifs entre les époux, quel que soit leur régime matrimonial, dont le devoir de secours énoncé à l’article 212 du Code civil. Ainsi, si l’un des époux se trouve en état de besoin, l’exécution du devoir de secours prendra la forme d’une pension alimentaire. Dans les faits, ce devoir n’est généralement actionné qu’en cas de crise entre époux, notamment lors de la fixation des mesures provisoires par le juge aux affaires familiales pendant l’instance en divorce31. Dans l’arrêt ici commenté, les époux n’étaient pas séparés. Cependant, l’article 214 du Code civil prévoit également que les époux doivent contribuer aux charges du mariage ; cette contribution pouvant prendre notamment la forme du versement d’une somme d’argent. Dans notre affaire, si le père de la jeune fille exprimait le fait que celle-ci était mariée, sous-entendant ainsi que les devoirs du mariage priment sur les obligations parentales, l’argument n’a pas été suffisant pour mettre un terme à la pension alimentaire qu’il devait lui verser. L’absence de sollicitation financière du conjoint de la jeune femme était liée tout simplement au fait qu’il était lui-même étudiant et qu’il ne disposait pas de ressources propres. Par conséquent, il ne pouvait pas lui être réclamé une quelconque contribution monétaire. C’est pourquoi, les juges d’appel ont considéré que le statut matrimonial de l’enfant n’était pas de nature à justifier une suppression des obligations parentales ; la jeune femme se trouvant toujours en état de besoin.
Cet arrêt amène deux remarques. La première est que lorsqu’un individu se trouve en état de besoin, il existe une hiérarchie entre les personnes vers lesquelles tourner sa demande de pension alimentaire. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle déjà eu l’occasion d’indiquer que les obligations parentales devaient être actionnées avant l’obligation alimentaire des ascendants autres que les père et mère des articles 205 et 207 du Code civil mais qu’elles n’excluaient pas celle-ci lorsque l’état de besoin de l’enfant persistait malgré leur mise en œuvre32. Comme l’indique un auteur, la charge de l’enfant appartient d’abord à ceux qui ont voulu la présence de l’enfant33. Dans l’arrêt de 2016, même si les juges d’appel maintiennent la pension alimentaire du père envers sa fille, il semble néanmoins que les obligations naissant du mariage prévalent sur les obligations d’entretien et d’éducation. Il est ainsi mentionné que le mari de la jeune fille doit lui aussi produire des justificatifs relatifs à ses propres ressources tous les semestres, ce qui sous-entend que dans l’hypothèse où le couple bénéficierait de rentrées d’argent substantielles provenant de l’époux, cela pourrait justifier l’arrêt de la pension alimentaire que doit le père à sa fille. Une telle réflexion a déjà été observée par les tribunaux34. La seconde remarque est liée à la relation entre le père de la jeune fille et son gendre au regard des articles 205, 206 et 207 du Code civil. En effet, les dispositions légales prévoient, en plus des obligations d’éducation et d’entretien réservées à la relation entre les parents et leur enfant, un principe d’obligation alimentaire réciproque entre les ascendants et leurs descendants, ce principe étant étendu aux gendres et belles-filles. En vertu de ces règles, il serait alors possible d’imaginer que le mari de la jeune fille, étudiant sans ressources, se retourne contre son beau-père afin de se voir verser lui aussi une pension alimentaire, à condition toutefois qu’il se soit d’abord rapproché de ses propres parents pour qu’ils remplissent leurs devoirs parentaux.
Amélie NIEMIEC
2. La méthode proportionnelle contra legem
a) La déformation de la notion de possession d’état (CA Rennes, 7 mars 2016, n° 15/05178)
L’affaire soumise aux juges d’appel de Rennes est pour le moins singulière : les magistrats se sont retrouvés face à un requérant souhaitant établir sa filiation à l’égard de son ancienne assistante familiale par le biais de la possession d’état. Pour comprendre comment les magistrats ont pu accueillir sa demande, il faut reprendre l’histoire dès le début.
En 1968, une femme donne naissance à un enfant, issu de ses relations avec un homme qui n’est pas son mari. L’enfant est néanmoins déclaré à l’état civil sous le nom du mari de sa mère. Il est ensuite placé à l’aide sociale à l’enfance et plus précisément chez une assistante familiale. À la suite du décès de sa mère biologique en 1973 et du désaveu de paternité du mari de cette dernière en 1975, l’enfant est déclaré pupille de l’État. À cette occasion, un nouvel acte d’état civil est dressé sur déclaration de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. L’enfant prend alors le nom de famille de ses accueillants et le prénom choisi par eux. Pendant sa minorité, le projet d’adoption déposé par la famille d’accueil sera refusé. Au décès de l’assistante familiale en 2008, l’enfant réclame qu’il lui soit fait délivrance d’un acte de notoriété comme le prévoit l’article 317 du Code civil. En 2013, le tribunal d’instance de Rennes lui oppose un refus au motif que la mère biologique de l’intéressé est connue et que les conditions de la possession d’état entre l’assistante familiale et l’enfant ne sont pas remplies. En 2014, le tribunal de grande instance rejette également cette demande en relevant l’incompétence du juge aux affaires familiales et en soulevant la fin de non-recevoir tirée de l’expiration du délai pour solliciter la délivrance de l’acte de notoriété. En parallèle, l’enfant intente une action en constatation de sa possession d’état à l’égard de son assistante familiale devant le tribunal de grande instance de Rennes sur le fondement de l’article 330 du Code civil. Face à un nouveau rejet, il interjette appel devant la cour d’appel de Rennes. Les conseillers de la cour d’appel infirment le jugement des premiers juges. Pour eux, l’enfant majeur est recevable et bien fondé en son action tendant à constater la possession d’état à l’égard de son ancienne assistante familiale.
Les juges prennent d’abord acte du fait que le statut de pupille de l’État a eu comme effet « d’effacer » sa filiation biologique (I) et qu’à partir de ce moment, puisque les caractéristiques de la possession d’état étaient établies, une nouvelle filiation pouvait lui être reconnue (II).
I. L’effacement de la filiation de l’enfant admis en tant que pupille de l’État
Selon l’article 310-1 du Code civil, la filiation s’établit par l’effet de la loi, par la reconnaissance volontaire, par la possession d’état constatée par un acte de notoriété ou encore par jugement. Encore faut-il néanmoins qu’un tel lien n’existe pas déjà : on ne peut avoir deux filiations maternelles ou paternelles, mis à part en cas d’adoption simple35. En l’espèce, le demandeur à la possession d’état disposait à l’origine d’une filiation établie à l’égard de sa mère biologique et à l’égard du mari de cette dernière (sûrement en raison de la présomption de paternité existant en cas de mariage). Il avait ainsi été déclaré à l’état civil comme le fils des époux L. Toutefois, à la suite du décès sa mère, le mari de celle-ci avait contesté sa paternité en justice, action qui avait abouti : l’enfant n’avait donc plus de filiation paternelle établie. Le mineur, placé à l’aide sociale à l’enfance quasiment depuis sa naissance, avait alors été admis en qualité de pupille de l’État. Pour des raisons qui ne sont pas développées dans l’arrêt, ce statut a eu comme effet de conférer à l’enfant l’établissement d’un nouvel acte d’état civil. Il est probable que ses parents aient demandé le secret de leur identité au moment de la remise de l’enfant à l’aide sociale à l’enfance comme cela était permis jusqu’à la loi du 22 janvier 200236. Un peu comme une seconde naissance, un nouvel acte d’état civil a été dressé, document dont les mentions relatives à ses nom et prénoms furent choisies par son assistante familiale.
Désormais, une telle hypothèse ne peut se présenter qu’en cas d’enfants « sans filiation », c’est-à-dire des enfants trouvés – soit qu’il s’agisse d’enfants nouveau-nés abandonnés dans un lieu public ou remis à un établissement sans qu’il ne soit fait mention de leur état civil – ou des enfants dont la mère a accouché dans le secret37. Parce qu’il n’existe encore aucune filiation, l’officier d’état civil établit alors un acte de naissance sur la base des déclarations des services de l’aide sociale à l’enfance et choisit les prénoms et nom de l’enfant38. En revanche, les enfants admis en qualité de pupille de l’État pour d’autres motifs39 conservent leur filiation d’origine ; leur nouveau statut n’a comme effet que de faire perdre à leurs parents biologiques leurs droits d’autorité parentale. Cependant, si l’enfant pupille de l’État est par la suite adopté sous la forme plénière, son acte de naissance initial est revêtu de la mention « adoption » et est considéré comme nul ; son nouvel acte de naissance, qui résulte d’une transcription du jugement d’adoption sur les registres de l’état civil, révélera néanmoins que sa filiation résulte d’un jugement d’adoption40.
Dans l’affaire qui nous intéresse, l’enfant n’avait plus aucune filiation établie : ni maternelle, ni paternelle. L’arrêt mentionne que son assistante familiale avait formulé un projet d’adoption à son égard lorsqu’il avait atteint l’âge de treize ans ce qui aurait eu comme effet l’établissement d’un lien de filiation maternelle. Cependant, le conseil de famille des pupilles de l’État avait refusé de donner son accord audit projet. En raison de la crainte de voir l’enfant lui être retiré, l’assistante familiale ne contesta pas cette décision mais continua de l’accueillir chez elle durant sa minorité et également à sa majorité. Au décès de l’assistante familiale, l’enfant intente une action en constatation de possession d’état. Contrairement aux juges de premier degré, les juges d’appel prendront acte du fait que l’enfant ne dispose d’aucune filiation pour ensuite déclarer qu’il est par conséquent possible de lui créer une filiation maternelle par le biais de la possession d’état.
II. La reconnaissance de la possession d’état à l’égard de l’ancienne assistante familiale de l’enfant majeur
La possession d’état permet d’établir une filiation qui n’est pas basée sur une réalité biologique mais sur une vérité sociologique, comme le rappellent les conseillers de la cour d’appel de Rennes. Comme l’adoption, la possession d’état permet donc la reconnaissance d’un lien de filiation non biologique dans lequel primera l’affect. Les juges de première instance avaient considéré que dans cette affaire, c’est la procédure d’adoption qui aurait dû permettre la création de ce lien : pour eux, même si le projet d’adoption formulé par l’assistante familiale n’avait pu aboutir lors de la minorité de l’enfant, un nouveau projet aurait pu être présenté une fois l’enfant devenu majeur41 auquel cas c’est lui qui aurait consenti à sa propre adoption. Pour eux, cette carence ne peut être palliée par le recours à l’article 330 du Code civil permettant de faire reconnaître par jugement une possession d’état. Les magistrats de la cour d’appel de Rennes ne sont pas du même avis et rappellent qu’il s’agit d’une action différente pouvant aussi être utilisée pour établir un lien de filiation non biologique.
La possession d’état s’appuie sur un faisceau d’indices indiqués à l’article 311-1 du Code civil42. Le premier consiste à avoir été traité comme l’enfant de celui dont on prétend être issu et réciproquement que l’enfant ait considéré celui-ci comme étant son parent. Cet élément s’accompagne du fait que le parent reconnu ait pourvu à l’éducation, l’entretien et l’installation de l’enfant. En l’espèce, l’assistante familiale s’était comportée comme la mère de l’enfant pendant près de trente-cinq ans, la preuve étant apportée par diverses attestations. Du côté de l’enfant, celui-ci appelait son assistante familiale « maman ». Le deuxième indice réside dans le fait d’être reconnu comme ayant l’état prétendu dans la société et par la famille et considéré comme tel par l’autorité publique. Dans cette affaire, les services sociaux auraient encouragé la relation mère/fils unissant l’assistante familiale et l’enfant. De plus, sur l’acte de naissance de l’enfant figurait le même nom de famille que celui de sa famille d’accueil ce qui n’avait jamais été contesté par le ministère public43. Enfin, le troisième indice résulte du fait que l’enfant porte le nom de celui dont il se prétend issu ce qui était le cas en l’espèce. Par ailleurs, la possession d’état implique qu’elle soit continue, paisible, publique et non équivoque. Pour ce qui est de sa continuité et de son caractère public, ces caractéristiques étaient réunies. De même, son caractère paisible ne pouvait être contredit : en effet, la filiation originelle de l’enfant avait été effacée ; personne ne pouvait donc plus contester l’acte de naissance de l’enfant. En revanche, le caractère équivoque de la possession d’état avait freiné les juges de première instance : selon eux, les services de l’aide sociale à l’enfance étaient informés de la nature du lien entre l’assistante familiale et l’enfant, notamment en raison de l’existence du contrat de placement avec cette professionnelle de l’enfance, et connaissaient l’identité de la mère biologique de l’enfant. Là encore, les magistrats de la cour d’appel ne seront pas du même avis : la connaissance de la vérité génétique par les services de l’enfance ne peut être un obstacle à la recevabilité de la demande. Même si ces derniers connaissaient la réalité biologique de la filiation, la possession d’état permet justement de faire prévaloir la vérité affective. C’est pourquoi ; dans cette affaire, le lien affectif unissant l’assistante familiale et l’enfant ne présentait aucune équivoque.
Pour ce qui est du délai d’action, il convient d’ajouter que si l’acte de notoriété est soumis à une prescription quinquennale à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou du décès du parent prétendu44 – ce qui rendait prescrite la demande du requérant auprès du tribunal d’instance –, l’action en établissement de la possession d’état devant le tribunal de grande instance est soumise à un délai de 10 ans à compter de ces mêmes points de départ45. Aussi, le requérant avait respecté le délai qui lui était imparti ; par conséquent, le lien qui l’avait uni pendant des années à son assistante familiale pourra enfin être constaté juridiquement.
La portée de cet arrêt doit néanmoins être minimisée : il ne faut pas y voir une nouvelle voie pour créer un lien juridique entre les familles d’accueil et les enfants qu’elles prennent en charge sans passer par une demande d’adoption. Déjà parce qu’une telle affaire ne peut se reproduire que si l’enfant, comme en l’espèce, ne dispose pas déjà d’une filiation établie. Ensuite, parce que la place que les services de l’enfance ont laissée à l’assistante familiale est étonnante. Même si on ne peut nier la relation affective qui se noue entre un accueillant et l’enfant accueilli, aucune confusion ne doit être entretenue par les services de l’enfance sur le rôle de l’assistante familiale : elle doit agir en professionnelle de l’enfance et non être considérée comme la mère du mineur. Aussi, lorsque l’assistante familiale souhaite modifier la place qu’elle occupe auprès de l’enfant, c’est la procédure d’adoption qui lui permettra éventuellement d’y parvenir.
Amélie NIEMIEC
b) La réécriture de l’article 377, alinéa 2, du Code civil (CA Paris, 6 oct. 2016, n° 16/04118 et CA Paris, 13 oct. 2016, n° 16/00656)
Lorsque l’enfant fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire, le juge des enfants peut décider de confier le mineur au service de l’aide sociale à l’enfance, service non personnalisé du département46. Dans cette hypothèse, les parents conservent leurs droits d’autorité parentale ainsi que l’exercice de celle-ci.
Néanmoins, il peut arriver que le placement provisoire s’installe dans la durée et que les services de l’aide sociale à l’enfance se retrouvent face à une situation de délaissement des parents envers l’enfant confié. Dans ce cas, ils doivent, à l’issue d’un délai d’un an, déposer une requête en déclaration de délaissement parental, mesure ayant remplacé la déclaration judiciaire d’abandon depuis la loi du 14 mars 201647. Il s’agit d’une obligation légale leur incombant en vertu de l’article 381-2 du Code civil. Cette mesure produit deux effets concomitants : la délégation d’autorité parentale sur l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance et l’adoptabilité de l’enfant48.
Il est également possible pour les services départementaux qui souhaiteraient obtenir une délégation d’autorité parentale plus rapidement ou qui seraient frileux à déposer une requête en déclaration de délaissement parental (l’obligation légale de dépôt n’étant assortie d’aucune sanction) d’agir sur le fondement de l’article 377 du Code civil afin que soit prononcée une délégation forcée de l’autorité parentale.
Ce sont ces deux types de requête qui ont été rejetés par les juges de la cour d’appel de Paris en 2016.
Dans la première affaire49, l’enfant, né le 18 avril 2011 et dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la mère, est placé provisoirement au sein du service de l’aide sociale à l’enfance de Paris par un jugement en date du 29 avril 2011. Dans le même temps, l’ordonnance de placement prévoit un droit de visite et d’hébergement au profit de la mère sous la surveillance du service gardien. Le placement est renouvelé à plusieurs reprises et le 21 juillet 2015, la présidente du conseil départemental de Paris saisit le tribunal de grande instance de Paris pour voir déclarer l’enfant abandonné. Les juges de première instance font droit à sa demande. Un appel est alors interjeté par la mère de l’enfant qui justifie l’interruption des visites à son fils par son retour au Mali durant l’année 2012. De plus, lors de son retour en France, elle indique avoir tenté de reprendre contact avec son enfant à plusieurs reprises mais s’être heurtée à la réticence des services départementaux, tentatives interrompues ensuite du fait son hospitalisation pour des soins psychiatriques. Elle fait également valoir que la sœur de son fils est elle aussi placée et que cela ne l’empêche pas de pouvoir entretenir des relations régulières avec celle-ci. La présidente du conseil départemental soutient, au contraire, que la mère de l’enfant n’a pas cherché à entretenir une relation avec son fils malgré la mobilisation des équipes de l’aide sociale à l’enfance et qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement de première instance, le prononcé de la déclaration judiciaire de délaissement parental permettant d’envisager un projet d’adoption pour l’enfant ce qui est conforme à son intérêt. Les juges de la cour d’appel tranchent en faveur de la mère de l’enfant en prononçant le rejet de la requête fondée sur l’article 381-2 du Code civil.
Dans la seconde affaire50, la mineure, née le 28 mai 2006 et reconnue par ses deux parents, fait l’objet d’un placement provisoire par jugement du 22 juin 2006. Quelques mois après, un jugement d’assistance éducative est rendu51. Le placement est renouvelé à diverses reprises. Un droit de visite est accordé à sa mère et à plusieurs membres de sa famille. Le 9 juin 2015, le président du conseil départemental du Val-de-Marne dépose une requête auprès du juge aux affaires familiales aux fins de se voir déléguer l’autorité parentale sur l’enfant mineur à son profit, comme lui permet l’article 377, alinéa 2, du Code civil, s’appuyant sur le désintérêt manifeste dont auraient fait preuve les parents de celle-ci. Une mesure d’assistance éducative ayant été prononcée, le juge des enfants est saisi pour avis52 et rend un avis défavorable. Le juge aux affaires familiales rejette la requête qui lui est soumise. Le président du conseil départemental interjette appel de la décision en faisant valoir que l’enfant ne voit plus sa mère depuis trois ans, qu’elle est très bien intégrée dans sa famille d’accueil et que l’absence de sa mère empêche d’obtenir les autorisations nécessaires à intervenir dans la vie courante de la mineure, la mère n’étant pas là pour donner son accord. De plus, l’avocate de la mineure conclut elle aussi à l’infirmation du jugement : l’enfant serait traumatisée à chaque demande d’autorisation faite auprès de sa mère. En parallèle, un nouveau juge des enfants intervenant dans le cadre des mesures d’assistance éducative renouvelle le placement de l’enfant et autorise les services départementaux à effectuer un certain nombre d’actes en faveur de la mineure dans l’attente de l’arrêt d’appel tout en accordant un droit de visite à l’oncle et la tante maternels de la mineure. Les magistrats du second degré affirment le jugement de première instance en refusant de prononcer la délégation forcée de l’autorité parentale au profit du service accueillant l’enfant.
Le point commun de ces deux affaires, rendues à quelques jours près, est que pour infirmer ou confirmer le jugement de première instance, les conseillers de la cour d’appel ont considéré que les services de l’aide sociale à l’enfance ne démontraient pas qu’ils avaient tout mis en œuvre pour tenter de restaurer la relation entre le parent et son enfant. La charge de la preuve des mesures instituées en faveur du rétablissement du lien incombe donc au demandeur et constitue une condition au prononcé des mesures.
Si cette argumentation s’appuie sur le nouveau texte de l’article 381-2 du Code civil concernant la déclaration judiciaire de délaissement parental (I), elle n’est fondée sur aucune disposition spécifique en ce qui concerne la délégation forcée de l’autorité parentale (II).
I. La démonstration par les services de l’aide sociale à l’enfance d’une tentative de rétablissement du lien familial : condition de preuve textuelle à la déclaration judiciaire de délaissement parental
Désormais, la déclaration judiciaire de délaissement parental se retrouve au sein du titre IX du Code civil relatif à l’autorité parentale, rejoignant ainsi les mesures de délégation et de retrait de l’autorité parentale, alors que l’ancienne mesure de déclaration judiciaire d’abandon apparaissait dans le titre VIII du Code civil concernant la filiation adoptive. En effet, l’un des objectifs de la loi relative à la protection de l’enfant du 14 mars 201653 est de rendre cette mesure enfin effective, ce qui passe sans doute par une dissociation de celle-ci avec l’adoption54. La déclaration judiciaire de délaissement parental est d’abord une mesure permettant à l’enfant d’obtenir un statut protecteur lorsque celui-ci est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, à savoir celui de pupille de l’État. L’adoption de l’enfant ne doit être considérée que comme une solution envisageable une fois le délaissement parental prononcé. D’ailleurs, le nouveau texte de l’article L. 225-1 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que le conseil des familles des pupilles de l’État ne définit plus désormais un projet d’adoption dans les meilleurs délais pour l’enfant pupille mais un projet de vie, qui peut être un projet d’adoption si tel est l’intérêt de l’enfant.
Avant la réforme intervenue en 2016, il faut noter que les magistrats avaient ajouté une condition textuelle aux conditions posées par l’ancien article 350 du Code civil. En effet, pour que la requête aboutisse, il fallait que le désintérêt des parents pour leur enfant présente un caractère volontaire55. C’est ainsi que souverainement, les magistrats pouvaient décider que le fait pour les parents d’avoir été entravés dans la relation avec leur enfant par le comportement de la famille d’accueil56 ou du service de l’aide sociale à l’enfance57 pouvait justifier un rejet de la requête. Face aux problèmes de santé d’un parent, nécessitant par exemple des soins psychiatriques, les magistrats pouvaient décider également que le caractère volontaire du désintérêt n’était pas démontré58.
La transformation de l’ancienne mesure de déclaration judiciaire d’abandon en déclaration judiciaire de délaissement parental laissait penser que l’utilisation de la condition du caractère volontaire du désintérêt des parents envers leur enfant par les juges ne serait plus possible puisque désormais l’article 381-1 du Code civil n’évoque plus le désintérêt manifeste des parents envers leur enfant mais prévoit que : « l’enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement (…) ». Ce sont désormais des faits objectifs sur lesquels devront se fonder les magistrats pour prendre leur décision.
Toutefois, le législateur a doté les magistrats de deux outils textuels leur permettant d’user de leur pouvoir d’appréciation. En effet, pour que la mesure soit prononcée, d’une part, « les parents ne doivent pas (…) avoir été empêchés par quelque cause que ce soit [d’entretenir les relations nécessaires à l’éducation ou au développement de l’enfant] »59, d’autre part, « des mesures appropriées de soutien aux parents [doivent] leur avoir été proposées ». Si la charge de la preuve de l’empêchement incombe aux parents, les services départementaux devront, quant à eux, apporter la preuve que des moyens ont été mis en œuvre pour rétablir la relation parent(s)-enfant avant tout dépôt de requête en déclaration judiciaire de délaissement parental.
Se saisissant de l’opportunité qui lui est laissée par le nouveau texte, les juges de la cour d’appel ont ainsi décidé de rejeter la requête en déclaration judiciaire de délaissement parental présentée par la présidente du conseil départemental de Paris, par un arrêt du 6 octobre 2016, au motif que les services départementaux n’apportaient pas la preuve des diligences effectuées par eux dans l’année précédant la requête pour permettre le rétablissement du lien entre la mère et l’enfant, de sorte qu’il n’était pas établi que le désintérêt maternel soit volontaire. La motivation de l’arrêt supprime tout l’intérêt de la réécriture de l’ancienne mesure de déclaration judiciaire d’abandon : la nécessité du caractère volontaire du désintérêt réapparaissant par ce biais. Avant de déposer une requête en déclaration de délaissement parental, il conviendra, par exemple, pour les services départementaux de démontrer que des visites médiatisées ont été organisées à plusieurs reprises avec la preuve écrite des propositions de rendez-vous et que les parents s’y sont soustraits volontairement60. En dépit de l’existence de cette preuve, les magistrats pourraient encore refuser de prononcer le délaissement parental en considérant que le parent n’a pas été en mesure d’entretenir une relation avec son enfant, ce qui pourrait être le cas lorsque ce parent présente des troubles psychiatriques (dans l’arrêt commenté, la mère en faisait état). Il semble que le législateur ait préféré figer la situation de l’enfant en se fondant sur un potentiel rétablissement de la relation parentale plutôt que de lui permettre de bénéficier d’un projet de vie, qui ne serait pourtant pas forcément une adoption, et qui pourrait même consister à être restitué à ses parents si son intérêt le commande61.
II. La démonstration par les services de l’aide sociale à l’enfance d’une tentative de rétablissement du lien familial : condition de preuve prétorienne à la délégation forcée de l’autorité parentale
La délégation de l’autorité parentale peut intervenir soit sur demande des parents, ensemble ou séparément – la délégation est alors dite « volontaire », soit sur demande de la personne physique ou morale qui a recueilli l’enfant – la délégation est alors dite « forcée ».
L’intérêt d’une telle mesure réside dans le fait qu’elle permet un transfert de l’exercice de l’autorité parentale. Cela évite ainsi au service gardien de l’enfant de devoir demander aux parents l’autorisation d’effectuer tel ou tel type d’acte dans la vie quotidienne du mineur, que ce soit dans le domaine de la scolarité, de la santé ou encore des loisirs.
Pour que la mesure soit prononcée lorsque la demande émane du service de l’aide sociale à l’enfance, il est nécessaire de démontrer le désintérêt manifeste des parents envers leur enfant. Si le législateur a fait disparaître la notion de désintérêt manifeste en se plaçant non plus du point de vue des parents mais de l’enfant délaissé pour ce qui concerne la déclaration judiciaire de délaissement parental dans la réforme de la protection de l’enfant du 14 mars 201662, cette notion existe toujours au sein de l’article 377, alinéa 2 du Code civil concernant la délégation forcée de l’autorité parentale. Cette notion subjective est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.
En revanche, contrairement à la déclaration judiciaire de délaissement parental, rien n’est indiqué dans les textes relatifs à cette mesure de protection de l’enfant concernant la preuve que devrait apporter l’auteur de la requête quant aux diligences effectuées pour restaurer le lien entre les parents et l’enfant. Pourtant, dans l’arrêt rendu par les magistrats de la cour d’appel de Paris du 13 octobre 2016, c’est sur le défaut de preuve des moyens mis en œuvre par les services départementaux de l’aide sociale pour permettre la reprise du contact entre la mère et son enfant que se fonderont les juges pour confirmer le jugement de première instance rejetant la requête en délégation forcée de l’autorité parentale.
La solution est surprenante sur plusieurs points. D’abord, parce que le législateur n’a pas exigé une telle preuve en matière de délégation forcée de l’autorité parentale alors qu’elle est expressément exigée pour le prononcé de la déclaration judiciaire de délaissement parental. Ensuite, parce que la mesure de délégation forcée est moins invasive pour les parents de l’enfant que la déclaration judiciaire de délaissement parental : l’enfant ne devient pas pupille de l’État, et n’a donc pas le statut d’enfant adoptable. D’ailleurs, comme l’indique l’article 377-3 du Code civil, « le droit de consentir à l’adoption du mineur n’est jamais délégué ». De plus, s’ils justifient de circonstances nouvelles, les parents de l’enfant peuvent demander qu’il soit mis fin à la délégation63. Également, parce que les mesures prises par le second juge des enfants, à l’occasion du renouvellement de la mesure d’assistance éducative dont faisait l’objet la mineure, semblaient aller dans le sens d’une délégation forcée de l’autorité parentale : le juge ayant autorisé les services départementaux à effectuer toute une série d’actes relatifs à la mineure. Enfin, parce que l’avocate représentant la mineure avait indiqué les traumatismes subis par l’enfant à chaque demande d’autorisation auprès de sa mère.
L’ensemble de ces points n’a pas suffi à convaincre les juges d’appel qui ont préféré que l’exercice de l’autorité parentale soit conservé par les parents de l’enfant tout en rappelant aux services de l’aide sociale à l’enfance qu’en cas de difficultés pour prendre une décision concernant l’enfant en raison de l’impossibilité de joindre sa mère (comme l’inscription scolaire de l’enfant dans une classe supérieure), ils avaient la possibilité de saisir le juge des enfants pour être autorisés exceptionnellement à y procéder comme le permet l’article 375-7 du Code civil. Un tel conseil fait fi de l’urgence que requièrent parfois certaines mesures et fait peser sur les services départementaux les démarches judiciaires à prendre chaque fois qu’une autorisation exceptionnelle devra être réclamée. On peut alors se demander où est l’intérêt de l’enfant ? Pour rappel, l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant précise que : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale »64.
Pour qu’une mesure de délégation forcée de l’autorité parentale aboutisse, il ne peut qu’être conseillé aux professionnels de l’enfance d’élaborer un projet pour l’enfant, obligation qui incombe à l’aide sociale à l’enfance depuis la loi du 5 mars 200765 et rappelée par la loi du 14 mars 201666 et d’être très précis quant à son contenu. Cela permettra peut-être d’apporter la preuve des diligences effectuées par les services de l’aide sociale envers les parents de l’enfant au soutien de leur requête en délégation forcée de l’autorité parentale, si tant est que le juge de la délégation, juge aux affaires familiales, soit sensible à ce document, manié habituellement par le juge des enfants.
Amélie NIEMIEC
c. Les affres du raisonnement syllogistique en droit international privé
Adoption internationale : erreur sur la majeure (CA Fort-de-France, ch. civile, 12 janvier 2016, n° 13/00273)
En dépit du succès rencontré par la convention de La Haye du 29 mai 1993 « sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale »67 et des éclaircissements apportés par la loi du 6 février 2001 68, l’adoption internationale continue à poser aux juridictions françaises de délicats problèmes. En témoigne, de façon particulière il est vrai, cet arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France dont la lecture fait naître un désagréable sentiment d’incompréhension. Les faits à l’origine de la décision semblaient pourtant simples.
Un enfant de nationalité haïtienne, Luxon S., avait été confié à Mme W, sans doute de nationalité française, même si la décision ne le précise pas. Le père de l’enfant, suite au décès de la mère, avait consenti à son adoption devant un juge de paix haïtien. Mme W avait formé ultérieurement une requête en adoption plénière devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France, mais celui-ci avait rejeté la demande le 28 février 2013 au motif que l’identité de l’enfant était incertaine. Mme W avait interjeté appel de ce jugement et la cour avait, avant-dire-droit, ordonné une expertise qui avait permis de lever les doutes sur cette identité. Mme W demandait en conséquence à la cour de prononcer l’adoption plénière de l’enfant, à défaut son adoption simple, en soutenant que le consentement du père était incontestable, que l’expertise avait levé les doutes sur l’identité de l’enfant et que le prononcé de l’adoption était dans son intérêt supérieur. De son côté, le ministère public concluait à la confirmation du jugement, qui avait refusé l’adoption plénière, en soulignant l’existence d’un régime différent entre Haïti et la France sur la question de l’adoption. Plus précisément, le père de l’enfant n’avait pu consentir qu’à une adoption simple, dans la mesure où l’adoption plénière n’existait pas en Haïti au moment où le consentement avait été donné (22 sept. 2007).
La cour d’appel de Fort-de-France prononce en définitive l’adoption plénière de l’enfant, mais son arrêt est si curieusement rédigé qu’il peut donner lieu à des interprétations différentes et même contradictoires.
L’arrêt laisse en premier lieu perplexe en ce qu’il vise, comme aurait pu le faire une juridiction haïtienne, « la ratification de la convention internationale de La Haye par Haïti le 16 décembre 2013 et la loi réformant l’adoption votée en Haïti le 29 août 2013 ».
La convention du 29 mai 1993 n’est certes applicable que dans les relations entre États contractants, mais, comme chacun sait, il ne s’agit que d’une convention de coopération interétatique qui régit la phase antérieure au prononcé de l’adoption, afin notamment de lutter contre les trafics internationaux d’enfants, et la phase postérieure au prononcé de l’adoption, afin de faciliter la reconnaissance des décisions et d’éviter ainsi les adoptions boiteuses69. La convention ne régit donc pas le prononcé de l’adoption qui demeure soumis à la loi désignée par la règle de conflit de chaque État contractant. On s’étonne par conséquent que l’arrêt ne vise pas l’article 370-3 du Code civil, relatif à la détermination de la loi applicable au prononcé de l’adoption, alors qu’il s’agissait bien, a priori, de prononcer en France l’adoption d’un enfant étranger. De fait, la cour indique que : « Le jugement haïtien (…) n’a pas prononcé l’adoption » de celui-ci. En vertu de l’article 370-3 du Code civil, la loi française, loi nationale de l’adoptant, était de ce fait compétente. Mais la cour, dans le même paragraphe, poursuit en considérant qu’« il convient, au vu des textes susvisés, conférant à l’adoption prononcée aujourd’hui en Haïti les effets de l’adoption plénière et de l’intérêt supérieur de l’enfant, de faire droit à la demande de Mme W ». Peut-être faut-il comprendre que la cour se fonde implicitement sur le dernier alinéa de l’article 370-3 du Code civil selon lequel : « Quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ». On peut conjecturer que la cour a pris acte de la modification du droit haïtien instituant l’adoption plénière, mais sans s’interroger sur l’application de cette loi nouvelle à un consentement donné bien avant son entrée en vigueur.
Un second motif de perplexité réside dans la rédaction du paragraphe précédent dans lequel la cour indique que : « Aux termes du jugement70, il est bien spécifié que le lien biologique se trouve complètement rompu et qu’il se crée un lien de filiation adoptive ». Mais dans ce cas comment affirmer ensuite que : « Le jugement haïtien n’a cependant pas prononcé l’adoption de Luxon S. par Mme W » ? Un lien de filiation adoptive pourrait-il être créé sans que l’adoption ait été prononcée ? Peut-être faut-il comprendre que l’arrêt est seulement rédigé maladroitement et qu’il faut lire que le juge haïtien n’a pas prononcé l’adoption plénière de l’enfant, parce que son droit l’ignorait à ce moment. Dans ce cas, l’arrêt ferait implicitement usage de l’article 370-5 du Code civil, relatif à l’efficacité en France des décisions étrangères71 et qui, en conformité avec l’article 27 de la convention de La Haye, prévoit que l’adoption simple « peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ». Il faudrait alors supposer, car l’arrêt ne le précise pas non plus, que le père de l’enfant avait donné un consentement éclairé à une adoption plénière bien que le droit haïtien ne connût alors que l’adoption simple. À moins que la cour ait considéré que la réforme du droit haïtien a en quelque sorte transformé le consentement du père, ce que paraît suggérer l’arrêt lorsqu’il indique que le droit haïtien et la convention de La Haye confèrent « à l’adoption prononcée aujourd’hui en Haïti les effets de l’adoption plénière ». Mais, une fois encore, on bute sur la décision de la cour « de faire droit à la demande de Mme W et de prononcer à son profit, avec toutes les conséquences de droit l’adoption plénière de Luxon S ».
Reste alors la possibilité que la décision illustre une application de la pratique, courante avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 février 2001, qui consistait à former en France une nouvelle demande d’adoption plutôt que de reconnaissance de la décision étrangère. Dans le cas d’une adoption simple prononcée à l’étranger, le jugement pouvait servir de base à une adoption plénière en établissant notamment le consentement à l’adoption. Déjà contestable sous l’empire des solutions antérieures, dans la mesure où la décision étrangère ne portait par hypothèse pas sur l’adoption plénière du droit français, cette pratique est aujourd’hui condamnée par la lettre de l’article 370-5 du Code civil, comme par celle de l’article 27 de la Convention, qui ne prévoit que la conversion de l’adoption étrangère en adoption plénière, à condition que les consentements requis aient été donnés en connaissance de cause, et non le prononcé d’une adoption plénière conformément au droit français sur le fondement d’une adoption simple étrangère 72.
Au final, il est bien difficile de déterminer la nature exacte de cet arrêt, chaque phrase contredisant d’une certaine manière la précédente, ce qui est d’ailleurs encore le cas de la dernière. Après avoir prononcé l’adoption plénière de l’enfant, la cour ajoute qu’il « portera désormais le nom de Luxon S-W » Il résulte pourtant de l’article 357, alinéa 1, du Code civil que : « L’adoption plénière confère à l’enfant le nom de l’adoptant » 73, alors que : « L’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de l’adopté » (C. civ., art. 363). Comprenne qui pourra… En somme, la seule certitude que l’on peut avoir après avoir lu et relu cet arrêt, qui aurait certainement pu faire l’objet d’un pourvoi en cassation pour défaut de base légale et de motifs, est que l’intérêt supérieur de l’enfant était d’être adopté…
Éric KERCKHOVE
Divorce international : pluralité de majeures (CA Paris, 12 avr. 2016, n° 14/06957)
Durant les procédures de divorce, des mesures provisoires sont habituellement mises en place dans l’attente du jugement définitif. Ce sont des mesures prises par le juge conciliateur destinées à organiser les relations familiales pendant le temps de la procédure74. Lors de la tentative de conciliation, le juge peut fixer, notamment, des mesures provisoires alimentaires destinées aux enfants75. Lorsque le litige est international, se pose alors la question de la loi applicable à ces mesures. Nul besoin de souligner l’importance de cette question car de la réponse dépend le domaine d’application matérielle du protocole de La Haye du 23 novembre 200776. Est-ce que ce texte à valeur supranationale s’applique vraiment à toutes les obligations alimentaires comme le laisse supposer l’alinéa 1er de son premier article ? Dans un arrêt du 12 avril, la cour d’appel de Paris apporte une réponse des plus originales qui est pourtant loin de nous éclairer.
Une Française et un Sud-Coréen se sont mariés en 2007 et ont eu une enfant en 2009. En 2012, l’épouse a déposé une requête en divorce. Par une ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales a autorisé l’épouse à assigner son conjoint, a fixé la résidence de l’enfant chez la mère en France et a déterminé la part contributive du père à l’entretien et à l’éducation de l’enfant à 250 € par mois. L’épouse a interjeté appel total de cette ordonnance. Le juge d’appel confirme la compétence du juge français pour statuer sur le divorce (Règl. Bruxelles II bis, art. 3, a), tiret 577) et de l’application de la loi française (Règl. Rome III, 20 déc. 2010, art. 8, a)78) ; il confirme aussi la compétence pour statuer sur la responsabilité parentale et l’application de la loi française (Règl. Bruxelles II bis, art. 8 et Conv. La Haye, 19 oct. 1996, art. 1679) ; enfin, il précise que « le juge compétent est celui de la résidence habituelle du créancier d’aliments (Règl. Aliments, 18 déc. 2008, article 3, c)80) et il doit appliquer la loi du for (Prot. La Haye, 23 nov. 2007, art. 16) ». Quelle est alors la loi applicable aux mesures provisoires alimentaires destinées aux enfants ? En l’espèce, c’est la loi française, mais à quel titre : en tant que loi désignée par le protocole de La Haye de 2007 ou en tant que loi du for ? La réponse est sujette à débat et le raisonnement de la cour d’appel de Paris est d’ailleurs curieux. Tout d’abord, elle utilise l’article 16 du protocole de La Haye de 2007 – qui ne détermine aucunement la loi applicable mais contient une règle s’appliquant aux systèmes juridiques non unifiés à caractère territorial – et en déduit l’application de la loi du for. Elle ne répond pas à la question de l’application de la loi française du for (I) ou de l’application de la loi désignée par le protocole de La Haye de 2007 (II) mais contribue à la confusion régnante.
I. Application de la loi française en tant que loi du for
Le juge du divorce est compétent pour statuer sur les mesures provisoires alimentaires s’il peut fonder sa compétence sur les articles 3 et suivants du règlement Aliments de 2008. Il ne peut en aucun cas fonder sa compétence pour statuer sur ces mesures sur l’article 20 du règlement Bruxelles II bis ni sur l’article 14 du règlement Aliments de 200881. Dans notre cas d’espèce, le juge français fonde sa compétence sur l’article 3, c), du règlement Aliments de 2008. Cette position est étonnante car cet article donne compétence à la juridiction statuant sur une action relative à l’état des personnes. Pourtant, une obligation alimentaire relative aux enfants est une action accessoire de la responsabilité parentale – et non une action accessoire du divorce – soumise à l’article 3, d)82. Concernant la compétence directe, chaque catégorie juridique – le divorce, la responsabilité parentale et les obligations alimentaires – est soumise aux dispositions juridiques qui la régissent au risque d’un éclatement du contentieux.
Compétent pour statuer sur le divorce, le juge français appliquera la loi française en tant que loi du for aux mesures provisoires prises pendant la durée de l’instance83. Le juge conciliateur appliquera alors l’article 371-2 du Code civil relatif à la contribution des parents à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. C’est cette solution qui a été entérinée par la Cour de cassation dans les arrêts du 25 mars 201584 et du 13 mai 201585 concernant le devoir de secours. Toutefois, rares sont les arrêts des juges du fond qui se prononcent clairement en ce sens. On peut citer l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 27 avril 201686. Statuant sur la pension alimentaire due à l’un des époux durant la procédure de divorce, le juge français applique la loi française et condamne l’époux à verser à l’épouse une pension alimentaire à titre de devoir de secours. Pourtant, étant donné que l’épouse créancière réside en Suisse, si le juge avait appliqué l’article 4 de la convention de La Haye du 2 octobre 197387 ou l’article 3 du protocole de La Haye de 200788, la loi suisse aurait été désignée en tant que loi de la résidence habituelle de la créancière. Ainsi faut-il distinguer les mesures provisoires alimentaires destinées aux enfants (ou à l’un des époux) prises pendant la procédure de divorce des aliments fixés hors ou à l’issu d’une procédure de divorce. L’application du protocole de La Haye de 2007 est limitée au second cas. Cette position est étonnante car à la lecture de l’article premier du protocole de La Haye de 2007, il semblerait qu’il s’applique à toutes les obligations alimentaires ; peu importe le stade de la procédure. Elle s’avère aussi critiquable car l’application de la loi du for conduit à l’application d’une loi autre que celle de la résidence habituelle du créancier – loi qui lui est la plus proche – hors cas envisagé par les articles 4 à 6 du protocole de La Haye de 2007. Prenons le cas d’un enfant qui réside aux États-Unis avec la mère et dont le divorce des parents se déroule en France. Le juge français sera compétent pour statuer sur les mesures provisoires alimentaires sur le fondement de l’article 6 du règlement Aliments de 2008 et appliquera la loi française du for qui correspond en fin de compte à la loi de la nationalité commune des parties – loi qui a une position très subsidiaire dans le cadre de l’article 4 du protocole de La Haye de 2007. Notre cas d’espèce ne nous éclaire guère. Le juge français affirme sa compétence sur le fondement du règlement Aliments de 2008 et applique la loi du for. À première vue, on a l’impression que la cour d’appel se rallie à la position de la Cour de cassation. L’originalité de notre arrêt réside dans le fait que le juge de Paris fonde cette compétence de la loi du for sur l’article 16 du protocole de La Haye de 2007. En fin de compte, on se retrouve entre l’application classique de la loi du for aux mesures provisoires et l’application de la loi (faussement) désignée par le protocole de La Haye de 2007.
II. Application de la loi désignée par la Protocole de La Haye
La majorité des décisions des juges du fond retient l’application de la loi désignée par le protocole de La Haye de 2007 aux mesures provisoires alimentaires destinées aux enfants89. Dans les cas soumis aux juges, la loi française du for correspond souvent à la loi de la résidence habituelle de l’enfant90. Dès lors, on pourra admettre le jeu de la théorie de l’équivalence91. Le cas contraire est plus délicat comme l’illustre un arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 janvier 201792. Une épouse dépose une requête en divorce en 2014. Le juge conciliateur, compétent pour statuer sur le divorce et les obligations alimentaires, applique la loi française. Il condamne l’épouse à verser à l’époux une pension alimentaire au titre du devoir de secours. L’époux interjette appel et réclame l’application de la loi californienne en vertu de la clause d’exception de l’article 5 du protocole de La Haye de 2007, loi de la dernière résidence habituelle commune des époux. La cour d’appel fait droit à sa demande. La solution est claire : la loi applicable aux mesures provisoires alimentaires est celle désignée par le protocole de La Haye de 2007 et non la loi du for. Dans notre cas d’espèce, la cour d’appel met étrangement en application l’article 16 du protocole de La Haye de 2007 qui désignerait la loi du for. Pourtant, l’application de la loi du for ne peut résulter que de l’application de son article 4, paragraphe 2, si le créancier ne peut obtenir d’aliments selon la loi de sa résidence habituelle soit de l’application de son article 4, paragraphe 3, qui prévoit un inversement des rattachements en cas de saisine du juge de la résidence habituelle du débiteur.
En résumé, si la question de la compétence du juge français concernant chaque catégorie juridique est tranchée de manière définitive dès le stade des mesures provisoires93, tel n’est pas le cas en matière de compétence législative. Il est difficile de suivre la Cour de cassation sur cette position car elle dépouille d’une partie de son utilité le protocole de La Haye de 2007. L’enjeu réside quand même dans le champ d’application de ce texte. D’ailleurs, la décision alimentaire française prise sous l’égide de la loi de for sans recours au protocole de La Haye de 2007 circulera librement sans contrôle en Europe. Pourtant, l’application d’une règle de conflit unifiée n’est-elle pas la condition sine qua non de la suppression de l’exequatur94 ? La nécessité d’une cour supérieure internationale régulatrice pour trancher définitivement cette question se fait sentir. En l’état actuel des choses, chaque catégorie juridique dispose de son propre texte. La détermination de la loi applicable aux mesures provisoires alimentaires devrait dépendre du protocole de La Haye de 2007 – non de la loi du for ou de la loi compétente au fond95 – et ce quel que soit le stade de la procédure. On cautionne le raisonnement retenu par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 30 juin 201696 qui dans un premier temps retient que « (…) les mesures provisoires prises par le juge français pendant l’instance en divorce sont soumises à la loi française du for » ; mais quelques lignes plus loin, elle affirme la compétence de la loi française sur le fondement de l’article 3 du protocole de La Haye de 2007 concernant le devoir de secours. Il faut bien distinguer les aliments dus aux enfants (ou à l’un des époux) des autres mesures provisoires.
Gaëlle WIDIEZ RASOLONOMENJANAHARY
Notes de bas de pages
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1.
CASF, art. L. 421-3 et s.
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2.
CA Toulouse, 8 mars 2016, nos 16/197 et 15/05526 : Juris-Data n° 2016-006355.
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3.
CASF, art. L. 225-2.
-
4.
Niemiec A., Le rôle du Département dans l’adoption, thèse, Dekeuwer-Défossez F. (dir), 2012, Paris, L’Harmattan, Logiques Juridiques, p. 34 et s.
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5.
CASF, art. L. 421-3.
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6.
CASF, art. R. 224-16. Le fait d’examiner prioritairement les dossiers a des familles d’accueil et des assistantes maternelles avait pu être qualifié de véritable « droit de préemption ». V. Wenner E., « La famille nourricière en France et en Allemagne, quelques aspects pratiques », in Pousson-Petit J., L’enfant et les familles nourricières en droit comparé, 1997, PU Toulouse, Collection de l’Institut de droit comparé, spéc. p. 253.
-
7.
CASF, art. R. 224-15.
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8.
Carbonnier J., Droit civil. Introduction : Les personnes, la famille, l’enfant, le couple, vol. I, 27e éd, 2002, Quadrige Manuel ; L’introduction, 21e éd., 2000 ; Les personnes, 2004, Paris, PUF, p. 366. Il s’agit d’un consentement général à l’adoption (C. civ., art. 348-4).
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9.
L’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant rappelle que : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait (…) des tribunaux, des autorités administratives (…) l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». V. D n° 90-917, 12 oct. 1990, portant publication de la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : JO, 12 oct. 1990, p. 12363.
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10.
CPC, art. 1239-3 et C. civ., art. 430.
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11.
CA Toulouse, 7 juill. 2015, nos 15/673 et 14/06754 : LPA 6 déc. 2016, n° 122r4, p. 8, note Niemiec A.
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12.
C. civ., art. 343 et 343-1.
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13.
CE, 27 janv. 1995, n° 154184, Dpt de la Corèze : JDJ avr. 1995, n° 146, p. 44.
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14.
CE, 10 déc. 1993, n° 136347, Dpt du Pas-de-Calais c/ Épx Maeren : RDSS 1994, p. 328, note Monéger F.
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15.
CEDH, 10 juin 2010, Schwizgebel c/ Suisse : AJ fam. 2010, p. 325, obs. Avena-Robardet V. ; JCP G 2010, 2007-2012, note Boulanger F.
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16.
Pour l’utilisation de cet article dans le cadre des pupilles de l’État, v. : CA Rennes, 16 mars 1993 : D. 1995, p. 113 et s., note Geffroy C. et Desgue D. Contra CA Paris, 18 nov. 1999 : D. 2000, p. 14 ; RDSS 2000, p. 159, obs. Monéger F. ; RTD civ. 2000, p. 308, obs. Hauser J.
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17.
C. civ., art. 353-1.
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18.
C. civ., art. 347.
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19.
CASF, art. L. 225-2.
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20.
L. n° 2002-305, 4 mars 2002, relative à l’autorité parentale : JO, 5 mars 2002, p. 4161.
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21.
C. civ., art. 373-2-2.
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22.
C. pén., art. 227-3.
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23.
CA Nancy, 25 janv. 2016, nos 16/00212 et 15/00145 : Juris-Data n° 2016-001415.
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24.
Cass. 2e civ., 29 mai 1996, n° 94-20916 : Bull. civ. II, n° 114 – Cass. 1re civ., 22 mars 2005, n° 03-13135 : Bull. civ. I, n° 140 ; D. 2005, p. 1112.
-
25.
Cass. 2e civ., 29 mai 1963 : Bull. civ. II, n° 405 ; JCP G 1964, II 13651, note Savatier R.
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26.
Cass. 2e civ., 29 mai 1996, n° 94-20511 ; Bull. civ. II, n° 115 ; JCP G 1996, IV n° 1615 ; D. 1997, p. 455, note Bourgault-Coudevylle D. ; RTD civ. 1996, p. 602, obs. Hauser J. – Cass. 1re civ., 25 juin 1996, n° 94-17619 ; D. 1997, p. 456.
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27.
Cass. 2e civ., 8 févr. 1989, n° 87-16940 : Bull. civ. II, n° 32.
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28.
Cass. 2e civ., 17 déc. 1997, n° 96-15384 : Bull. civ. II, n° 320 ; JCP G 1998, IV n° 1335 ; RTD civ. 1998, p. 360, obs. Hauser J.
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29.
CA Agen, 19 avr. 2012, n° 11/00855 : Dr. famille 2012, comm. 144, note Neirinck C.
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30.
Cass. 2e civ., 29 mai 1996, n° 94-20511 ; CA Versailles, 27 nov. 1992 : Gaz. Pal. Rec. 1993, 1, p. 164.
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31.
C. civ., art. 255, 6°.
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32.
Cass. 1re civ., 6 mars 1990, n° 87-14293 : Bull. civ. I, n° 58 ; JCP G 1991, II 21664, note Garé T.
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33.
Cass. 1re civ., 6 mars 1990, n° 87-14293 : JCP G 1991, II 21664, p. 145, note Garé T.
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34.
Trib. civ. Nantes, 29 mars 1938 : Gaz. Pal. Rec. 1938, 1, p. 806 – CA Douai, 28 juill. 1953 : D. 1954, p. 477 et s., note Savatier R. Selon les conseillers de la cour d’appel, « l’autonomie et l’indivisibilité du ménage interdisent à un époux de demander des aliments à une autre personne que son conjoint s’il peut les obtenir de celui-ci ».
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35.
C. civ., art. 363 et C. civ., art. 364.
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36.
L. n° 2002-93, 22 janv. 2002, relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État : JO, 23 janv. 2002, p. 1519. Sur ce point, v. Niemiec A., Le rôle du Département dans l’adoption, thèse, Dekeuwer-Défossez F. (dir), 2012, Paris, L’Harmattan, Logiques Juridiques, p. 418 et s.
-
37.
CASF, art. L.224-4, 1°.
-
38.
C. civ., art. 57.
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39.
CASF, art. L. 224-4, 2°, 3°, 4°, 5° et 6°.
-
40.
C. civ., art. 354.
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41.
C. civ., art. 360.
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42.
Il n’est pas nécessaire que tous ces éléments existent : Cass. 1re civ., 5 juill. 1988, n° 86-14489 : Bull. civ. I, n° 217 ; D. 1989, p. 398, concl. Charbonnier L. – Cass. 1re civ., 6 mars 1996, n° 94-14969 : Bull. civ. I, n° 120 ; D. 1996, somm., p. 383, obs. Granet F. ; D. 1997, somm., p. 276, obs. Morgand V. ; RTD civ. 1996, p. 374, obs. Hauser J.
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43.
C. civ., art. 58.
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44.
C. civ., art. 317.
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45.
C. civ., art. 330.
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46.
CASF, art. L.221-1.
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47.
L. n° 2016-297, 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant : JO, 15 mars 2016. Sur cette loi : Brunetti-Pons C., « La proposition de loi sur la protection de l’enfant, ses apports, les limites de ses ambitions et ses manques », Gaz. Pal. 18 juin 2015, n° 126n6, p. 4 ; Corpart I., « Le renforcement du dispositif de protection de l’enfant par la loi du 14 mars 2016 : de nouvelles perspectives dans la continuité », Dr. famille 2016, p. 30 et s. ; Dekeuwer-Défossez F., « Les dispositions de droit civil de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant », Le Lamy Droit civil 2015, n° 122, p. 61 et s. ; Eudier F. et Gouttenoire A., « La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance. Une réforme “impressionniste” », JCP G 2016, 47 ; Le Boursicot M.-C., « Beaucoup d’efforts… pour seulement une toute “petite loi” relative à la protection de l’enfant », RJPF mars 2015/3, n° 26.
-
48.
C. civ., art. 347, 3° ; CASF, art. L.224-4, 6° (lorsque l’enfant était pris en charge ou confié au service départemental de l’aide sociale à l’enfance).
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49.
CA Paris, 6 oct. 2016, n° 16/04118 : Juris-Data n° 2016-020607.
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50.
CA Paris, 13 oct. 2016, n° 16/00656 : Juris-Data n° 2016-021248.
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51.
C. civ., art. 375 et s.
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52.
C. civ., art. 377, al. 4.
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53.
L. n° 2016-297, 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant.
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54.
Niemiec A., « Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle n° 12 (2e partie) », LPA 10 août 2016, n° 120a7, p. 6.
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55.
CA Paris, 6 janv. 1977 : JCP G 1977, II 18762, obs. Fournié A.-M.
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56.
Cass. 1re civ., 3 oct. 1978, nos 77-13953 et 77-11469 : Bull. civ. I, nos 285 et 286 ; Defrénois 1979, art. 32023, p. 868, obs. Souleau H. ; RDSS 1979, p. 279, note Raynaud P. ; RTD civ. 1980, p. 104, obs. Nerson R. et Rubellin-Devichi J.
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57.
Cass. 1re civ., 23 oct. 1973, n° 72-80006, Bull. civ. I, n° 277 ; D. 1974, p. 135, note Gaury C. ; JCP G 1974, II 17689, obs. De La Marnièrre E.-S. – CA Montpellier, 14 mai 2014, n° 13/07204 : Dr. famille 2014, comm. 158, note Neirinck C. ; LPA 3 août 2015, p. 4, spéc. p. 15, note Niemiec A.
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58.
Cass. 1re civ., 23 nov. 2011, n° 10-30714 : JCP G 2012, 31, obs. Favier Y. ; RTD civ. 2012, p. 109, obs. Hauser J. – CA Douai, 2 avr. 2015, n° 14/00208 : Juris-Data n° 2015-008965 (dans cette affaire, les magistrats ont mis en avant, pour la mère de l’enfant placée sous curatelle, les dispositions de l’article 425 du Code civil qui évoquent l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté).
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59.
V. dans ce sens : Corpart I., « Le renforcement du dispositif de protection de l’enfant par la loi du 14 mars 2016 : de nouvelles perspectives dans la continuité », Dr. famille 2016, p. 30 et s. ; Eudier F. et Gouttenoire A., « La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance. Une réforme “impressionniste” », JCP G 2016, 47 ; Gebler L., « Réforme de la protection de l’enfant – Sélection d’articles », AJ fam. 2016, p. 202 et s. ; Le Boursicot M.-C., « Beaucoup d’efforts… pour seulement une toute “petite loi” relative à la protection de l’enfant », RJPF mars 2015/3, n° 26.
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60.
Les juges étaient déjà sensibles aux mesures mises en place par les services de l’aide sociale à l’enfance. V. dans ce sens : CA Versailles, 23 juin 2016, n° 15/05424 : Juris-Data n° 2016-012602.
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61.
La qualité de pupille de l’État n’empêche pas une restitution de l’enfant à ses parents d’origine (CASF, art. L.224-6), seul le placement en vue d’adoption y fait obstacle (C. civ., art. 352).
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62.
L. n° 2016-297, 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant.
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63.
C. civ., art. 377-2.
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64.
D. n° 90-917, 12 oct. 1990, portant publication de la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : JO, 12 oct. 1990, p. 12363
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65.
L. n° 2007-293, 5 mars 2007, réformant la protection de l’enfance : JO, 6 mars 2007, p. 4215.
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66.
L. n° 2016-297, 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant.
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67.
La convention est actuellement en vigueur dans 98 États.
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68.
Il n’est pas utile de revenir ici sur les solutions jurisprudentielles antérieures à cette loi, dont certaines conservent au demeurant un intérêt. On pourra notamment consulter sur la question : Audit B. et d’Avout L., Droit international privé, 7e éd., 2013, Economica, n° 821 ; Mayer P. et Heuzé V., Droit international privé, 11e éd., 2014, Montchrestien, nos 655 et s. ; Loussouarn Y., Bourel P. et de Vareilles-Sommières P., Droit international privé, 10e éd., 2012, Dalloz, nos 545 et s.
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69.
Sur le dispositif général de la convention, v. not. : JCP G 1993, I 3710, note Sturlèse B. ; Rev. crit. DIP 1994, p. 259, note Meyer-Fabre N. ; Travaux comité fr. DIP 1993, p .49, note Muir-Watt H. ; JDI 1999, p. 707, note Poisson-Drocourt E.
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70.
Il s’agit du jugement haïtien qui a recueilli le consentement du père.
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71.
Le jugement haïtien ayant été rendu le 22 septembre 2007, avant la ratification de la convention de La Haye par Haïti, n’a par hypothèse pas pu être certifié conforme à la convention en vertu de son article 23 ; c’est donc bien le droit commun qui lui est applicable.
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72.
Audit B. et d’Avout L., Droit international privé, 7e éd., 2013, Economica, n° 829.
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73.
La solution est identique, en vertu de l’article 357-1, lorsque l’enfant « a fait l’objet d’une adoption régulièrement prononcée à l’étranger ayant en France les effets d’une adoption plénière ».
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74.
C. civ., art. 254.
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75.
C. civ., art. 256.
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76.
Prot. La Haye, 23 nov. 2007, sur la loi applicable aux obligations alimentaires : JOUE L. 331, 16 déc. 2009, p. 19.
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77.
Règl. (CE) n° 2201/2003 du Cons., 27 nov. 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : JOUE L. 338, 23 déc. 2003, p. 1.
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78.
Règl. (UE) n° 1259/2010 du Cons., 20 déc. 2010, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps : JOUE L. 343, 29 déc. 2010, p. 10.
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79.
Conv. La Haye, 19 oct. 1996, concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants : https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=70. Précisons qu’il s’agit plus correctement de l’article 15.
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80.
Règl. (CE) n° 4/2009, 18 déc. 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires : JOUE L. 7, 10 janv. 2009, p. 1.
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81.
Contra CA Paris, 26 sept. 2013, n° 12/05638 : les enfants résident en Grande-Bretagne avec l’épouse, tandis que l’époux réside en Chine. Le juge français reconnaît sa compétence pour statuer sur le divorce en tant que juge de la nationalité commune des parties mais se dit incompétent pour statuer sur la responsabilité parentale. Pourtant, en se fondant sur l’article 14 du règlement Aliments de 2008, il retient que : « Considérant en l’espèce que le juge français est déjà compétent pour statut sur la procédure de divorce et sur la demande de pension alimentaire entre époux ; Que l’article 14 commande ainsi qu’il se prononce également sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, dans l’attente de la décision qui sera rendue par les juridictions anglaises en matière de responsabilité parentale ».
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82.
CJUE, 16 juill. 2015, n° C-184/14 : JDI 2016, p. 1500, note Wilderspin M. ; Gaz. Pal. 5 janv. 2016, n° 253s7, p. 74, note Sarajoan H. ; Rev. crit. DIP 2016, p. 180, obs. Marchadier F. ; Procédures 2015, p. 16, note Nourissat C. ; LPA 2 déc. 2016, n° 122r2, p. 4, note Widiez G.
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83.
V. not. : Niboyet M.-L. et Geouffre de La Pradelle G., Droit international privé, 5e éd., 2015, Paris, LGDJ, Manuel, p. 476, spéc. n° 716 ; Loussouarn Y., Bourel P. et De Vareilles-Sommières P., Droit international privé, 10e éd., 2013, Précis Dalloz, p. 496, spéc. n° 516.
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84.
Cass. 1re civ., 25 mars 2015, n° 13-23377 : LPA 12 juin 2015, p. 13, note Mahinga J.-G. ; Rev. crit. DIP 2015, p. 638, note Chalas C. ; JDI 2015, p. 882, note Fohrer-Dedeurwaerder E. ; Dr. famille 2015, p. 32, note Abadier L. ; AJ fam. 2015, p. 289, obs. Boiché A. La Cour précise que l’arrêt avait appliqué la loi française « en matière d’obligations alimentaires entre époux, durant la procédure de divorce, au titre du devoir de secours ».
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85.
Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n° 13-21827 : RJPF 2015/7, p. 22, analyse Devers A. ; Gaz. Pal. 6 oct. 2015, n° 242a2, p. 25, obs. Hamou S. ; Rev. crit. DIP 2015, p. 940, note Gaudemet-Tallon H. ; JCP G 2015, 982, obs. Farge M. ; JDI 2015, p. 1155, note Monéger F. La Cour affirme que « les mesures provisoires prises par le juge français pendant l’instance en divorce sont soumises à la loi française du for ».
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86.
CA Poitiers, 27 avr. 2016, n° 15/02428.
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87.
Conv. La Haye, 2 oct. 1973, sur la loi applicable aux obligations alimentaires : JO, 5 oct. 1977, p. 4832.
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88.
La Suisse ayant ratifié la convention de 1973 et non le protocole de La Haye de 2007, il y a un conflit de conventions qui n’est pas encore définitivement résolu.
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89.
CA Lyon, 7 févr. 2017, n° 15/04909 ; CA Caen, 12 janv. 2017, n° 16/01801 ; CA Lyon, 13 déc. 2016, n° 15/05854 ; CA Grenoble, 29 nov. 2016, n° 14/05741 ; CA Paris, 24 nov. 2016, n° 15/12658.
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90.
Prot. La Haye de 2007, art. 3.
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91.
V. not. : Perroud J., « La notion d’équivalence en droit international privé », JDI 1937, p. 736 ; Malaurie P., « L’équivalence en droit international privé », D. 1962, p. 215.
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92.
CA Paris, 17 janv. 2017, n° 15/03930.
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93.
CPC, art. 607-1.
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94.
Règl. Aliments de 2008, art. 17.
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95.
V. not. : Batiffol H. et Lagarde P., Droit international privé, t. 2, 7e éd., 1983, Paris, LGDJ, spéc. p. 93, n° 451 ; Mayer P. et Heuzé V., Droit international privé, 11e éd., 2014, Montchrestien, Domat droit privé, spéc. p. 151, n° 203 ; Niboyet M.-L. et Geouffre de La Pradelle G., Droit international privé, 5e éd., 2015, Paris, LGDJ, Manuel, p. 476, spéc. n° 716.
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96.
CA Paris, 30 juin 2016, n° 14/10978.