Gestation pour autrui, retranscription d’actes d’état civil étrangers et adoption

Publié le 11/09/2017

Dans cinq arrêts rendus le 5 juillet dernier en sa première chambre civile, la Cour de cassation donne des indications sur la retranscription française d’actes d’état civil étrangers établis après exécution d’une convention de gestation pour autrui, et se positionne sur la demande d’adoption simple du conjoint du parent biologique qui peut en découler.

Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, no 16-16495

Par une série de cinq arrêts1, la première chambre civile de la Cour de cassation donne des indications concernant l’effet des conventions de gestation pour autrui passées à l’étranger sur l’état civil de l’enfant, sur la retranscription sur les registres français des actes étrangers mais aussi sur le droit d’un conjoint d’adopter l’enfant du parent biologique.

En ce qui concerne l’une des affaires2, un officier de l’état civil du consulat de France à Bombay (Inde) avait dressé, le 22 février 2010, sur ses registres de l’état civil, l’acte de naissance d’un enfant, comme étant né à l’hôpital, de son père et de son épouse, tous deux de nationalité française. Le 26 mars 2012, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes a assigné le père et son épouse, tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, en annulation de l’acte de naissance, en raison d’une suspicion de recours à une gestation pour autrui. La cour d’appel de Rennes, le 28 septembre 2015, décide d’annuler l’acte de naissance consulaire. En effet, relevant que l’acte de naissance indien indiquait la filiation de l’enfant envers le père et son épouse, elle considère qu’il était vicié en ce qu’il mentionnait que la mère était l’épouse, « bien qu’elle n’a pas accouché de l’enfant ». De plus « les pièces médicales s’étant révélées fausses, (…) aucune foi ne pouvait être accordée à l’acte de naissance ». Pour fonder sa décision, la Cour constate que les époux « avaient produit au consulat de France de faux documents de grossesse et un faux certificat d’accouchement, les échographies et examens médicaux de la mère porteuse ayant été modifiés afin qu’ils confirment une grossesse de l’épouse ». Ainsi, la cour d’appel conclut que l’acte de naissance dressé sur les registres consulaires était entaché de nullité.

Un pourvoi est formé par les parents sur les fondements principaux que sont les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 47, 48, 311-1 et 330 du Code civil.

Les époux estiment que les juges du fond ont violé le droit des parents et des enfants d’avoir une vie familiale normale. Ils estiment aussi que les juges du fond doivent prendre en compte la possession d’état de l’enfant et en conséquence valider l’acte de naissance.

Mais la Cour invalide le raisonnement des parents. Elle considère que la cour d’appel, tirant les conséquences légales de ses constatations, a pu considérer que l’acte en question était entaché de nullité. De plus, en aucun cas la cour d’appel n’avait à tenir compte de la possession d’état de l’enfant lors d’une demande d’annulation d’un acte basé sur des éléments falsifiés. Dès lors selon elle, il n’y a aucune atteinte ni aux droits des parents ni à ceux de l’enfant d’avoir une vie familiale normale.

La Cour de cassation énonce ainsi qu’en aucun cas un acte de naissance ne peut être validé s’il est fondé sur des éléments inexacts. En effet, un acte étranger est valable et peut être retranscrit, uniquement dans le cas où les énonciations sont véridiques (I).

La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté et ceux rendus le même jour, apporte aussi des précisions sur les possibilités données aux parents d’intention, notamment en termes de filiation, lorsqu’une convention de gestation pour autrui a été effectuée à l’étranger (II).

I – La retranscription des actes d’état civil étrangers

Les actes d’état civil étrangers peuvent être retranscrits uniquement s’ils ne sont pas falsifiés (A). Dans le cas contraire, ces actes consulaires sont nuls (B).

A – La retranscription des actes d’état civil étrangers non falsifiés

L’article 47 du Code civil, issu de la loi du 26 novembre 2003, dispose que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Le cas échéant, des vérifications utiles peuvent être effectuées.

À ce sujet, un décret3 relatif aux modalités de vérification d’un acte de l’état civil étranger précise que « lorsque, en cas de doute sur l’authenticité ou l’exactitude d’un acte de l’état civil étranger, l’autorité administrative saisie d’une demande d’établissement ou de délivrance d’un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l’article 47 du Code civil, aux vérifications utiles auprès de l’autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant 8 mois vaut décision de rejet ». De plus, « dans le délai prévu à l’article L. 231-4 du Code des relations entre le public et l’Administration, l’autorité administrative informe par tout moyen l’intéressé de l’engagement de ces vérifications ».

Depuis plusieurs années, la question de la retranscription des actes étrangers a pris une importance particulière avec le développement d’une pratique autorisée dans certains pays mais interdite en France : la gestation pour autrui.

En effet, des parents français font le choix, comme c’est le cas en espèce, de s’établir dans un pays qui considère comme légal ce type de pratique, comme en Inde ou ailleurs, afin d’avoir un enfant par ce biais.

La législation française est claire sur le sujet depuis la loi du 29 juillet 1994 intégrée au Code civil à l’article 16-7 : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Cette interdiction d’ordre public résulte du principe d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes. La Cour de cassation a eu par ailleurs l’occasion de le rappeler dans de nombreuses décisions. De plus, le ministère public a intérêt à agir pour défendre l’ordre public et peut donc contester l’opposabilité en France de décisions étrangères validant une gestation pour le compte d’autrui et solliciter l’annulation des transcriptions irrégulières4.

Pendant longtemps, les juges de la Cour de cassation refusaient de permettre la transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère en se fondant sur la contrariété à l’ordre public international français. Selon elle, cette solution ne privait pas l’enfant de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de l’État étranger lui reconnaît, ni ne l’empêchait de vivre avec les époux en France. Ainsi un tel refus ne portait pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, pas plus qu’à son intérêt supérieur garanti par l’article 3, § 1, de la Convention internationale sur les droits de l’enfant5.

Mais la Cour européenne des droits de l’Homme a été saisie de différents litiges et a estimé que, s’il n’y a pas violation de l’article 8 de la Convention s’agissant du droit des parents d’intention au respect de leur vie familiale, il y a en revanche violation de cette même disposition concernant le droit des enfants au respect de leur vie privée6. Selon la Cour, il est contraire aux droits de la Convention que les enfants issus de mères porteuses étrangères soient privés d’état civil français.

Quelques mois après, la Cour de cassation opérait un revirement de jurisprudence. Dans sa décision du 3 juillet 2015, elle estimait « qu’ayant constaté que l’acte de naissance n’était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité », une cour d’appel pouvait en déduire à bon droit que la convention de gestation pour autrui conclue ne faisait pas obstacle à la transcription de l’acte de naissance7. L’assemblée plénière modifiait donc l’interprétation des normes d’ordre public à l’aune des textes internationaux et de la jurisprudence européenne. Ainsi, un acte étranger peut être retranscrit dès lors que les énonciations sont véridiques.

Dans l’un des arrêts rendus le même jour que l’arrêt commenté8, la Cour de cassation reprend les mêmes principes tirés de l’article 47 du Code civil en précisant que, « concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement ». Ainsi, ayant constaté que la mère indiquée sur l’acte de l’état civil « n’avait pas accouché des enfants, la cour d’appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n’étaient pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français ». Selon le même arrêt, aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, il est possible d’apporter une limitation au « droit au respect de sa vie privée et familiale », dès lors que celle-ci « est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». La Cour estime que « le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil ». Elle poursuit en indiquant que ce refus de transcription ne porte pas « une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi » puisque l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises. De plus, selon elle, « le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du Code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle ». Enfin, la Cour précise que l’adoption permet, « si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père ».

Ainsi, comme le souligne le communiqué de presse de la Cour de cassation concernant ces différentes décisions : « L’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché ». « Il est donc impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme ayant accouché ».

En l’espèce, il paraît évident que l’acte était falsifié et qu’il contenait donc des informations erronées. Notamment, il désignait l’épouse comme étant la mère, ce qui n’est pas conforme à la réalité biologique. De plus, il apparaît une intention de tromper les autorités puisque les pièces médicales se sont révélées faussées. De ce fait, « aucune foi ne pouvait être accordée à l’acte de naissance » selon la Cour. L’acte est donc intégralement annulé.

B – La nullité des actes falsifiés

Selon la Cour de cassation, et notamment les arrêts rendus le même jour que l’arrêt commenté, l’article 47 du Code civil ne permet la transcription à l’état civil français que des actes étrangers dont les énonciations sont conformes à la réalité. Il est donc impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme qui a accouché, car la mère est en France, celle qui accouche. Mais en revanche, il est possible de retranscrire la désignation du père si l’acte étranger n’est pas falsifié et à condition que la réalité biologique de la paternité ne soit pas contestée.

Ces deux conditions ne sont pas remplies en l’espèce, même si l’auteur du pourvoi estime que la cour d’appel n’a pas constaté que la preuve aurait été rapportée que le père « n’eût pas été le père biologique ». L’annulation totale de l’acte résulte du fait que les époux avaient falsifié certains documents pour parvenir à leurs fins. Toute retranscription qui ne satisferait pas aux règles est susceptibles d’être annulée comme c’est le cas en l’espèce.

Ainsi, l’acte en question n’est pas annulé pour avoir contrevenu aux dispositions impératives relatives aux conventions de gestation pour autrui. En effet, la Cour de cassation a tiré les conséquences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui avait, le 26 juin 20149, sanctionné la France pour avoir violé les droits de l’enfant à avoir une vie familiale normale sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Dans cette affaire, la juridiction strasbourgeoise avait conclu à la violation des dispositions conventionnelles des juridictions françaises. En l’espèce, des parents, après avoir obtenu une décision étrangère validant le processus et leur attribuant la filiation, avaient demandé sa reconnaissance (et celle de l’acte de l’état civil qui en découlait) en France. Cette reconnaissance leur a été refusée par la Cour de cassation en raison de la contrariété des décisions étrangères aux principes essentiels du droit français. Les parents saisissaient donc la Cour européenne qui estime que « les effets de la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants ainsi conçus et les parents d’intention ne se limitent pas à la situation de ces derniers ». Selon elle, les effets portent aussi et surtout « sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement affecté ». Pour la Cour, se pose donc « une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant ».

Dans le cas soumis à la Cour européenne, comme c’est le cas en l’espèce, objet de la décision commentée, l’un des parents d’intention est également le géniteur de l’enfant. La Cour de Strasbourg concluait que, « au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun (…), on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa pleine reconnaissance ». La Cour estimait donc qu’en faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’État français était allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation et devait donc être censuré.

Même si la question posée à la Cour européenne concernait la reconnaissance d’une décision étrangère et non la validation d’un acte étranger, le parallèle peut être établi du fait que dans les deux cas, l’un des parents est bien le père biologique.

De plus, dans l’un des arrêts rendus10, la Cour de cassation indique clairement qu’une cour d’appel ne peut refuser la transcription des actes de naissance étrangers en ce qu’ils désignent le père, pour la seule raison qu’il n’a pas produit de « certificat médical délivré dans le pays de naissance attestant de la filiation biologique paternelle, d’expertise biologique judiciaire et d’éléments médicaux sur la fécondation artificielle pratiquée ». En effet, la Cour suprême indique que d’une part, la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil français n’est « pas subordonnée à une expertise judiciaire », et d’autre part, que la cour d’appel avait en l’espèce pu constater que le jugement étranger énonçait que le patrimoine génétique du père avait été utilisé, « sans relever l’existence d’éléments de preuve contraire », de sorte que « ce jugement avait, à cet égard, un effet de fait » et que la désignation du père « dans les actes comme père des enfants était conforme à la réalité ». Ainsi, le principe est que l’acte étranger fait foi sans qu’il soit nécessaire d’apporter des preuves par expertise judiciaire de la paternité du père. L’acte ne saurait donc dans ce cas être entaché de nullité. Mais en l’espèce, l’acte est annulé par la Cour de cassation et cette annulation produira tous ses effets.

Les conséquences de l’absence de transcription valable sont importantes puisque l’enfant n’a donc aucun acte de l’état civil français. La transcription d’un acte est évidemment préférable même si elle n’est pas une obligation. En effet, aucune autorité ne peut exiger des Français dont les actes ont été dressés à l’étranger qu’ils fassent procéder à une telle formalité sur les registres consulaires11. Il n’y a pas non plus de délai pour une transcription ; elle peut donc intervenir plusieurs années après la réception de l’acte. Enfin, comme la Cour de cassation a eu l’occasion de le préciser, le défaut de transcription n’empêche pas que l’acte puisse être invoqué en France et n’affecte pas sa validité12.

Néanmoins, sans acte d’état civil français, la vie de famille s’en trouve compliquée puisque cela implique des difficultés dans « l’accomplissement des démarches administratives, scolaires, notamment pour les allocations familiales, la sécurité sociale, etc., inquiétude quant à la possibilité pour les enfants d’acquérir la nationalité française de leurs parents et de venir à leur succession autrement qu’en tant que légataires donc dans des conditions moins favorables »13. L’annulation de l’acte consulaire n’est donc pas anodine.

L’absence de transcription de l’acte ou de l’un de ses éléments, notamment la désignation du parent d’intention, n’est pas sans effet sur l’enfant. Mais la Cour de cassation apporte le même jour des précisions sur les possibilités données au conjoint du parent biologique quant à la façon dont un lien de filiation peut être établi.

II – L’établissement de la filiation des parents d’intention en cas de gestation pour autrui mise en œuvre à l’étranger

Selon la Cour de cassation, lorsque le parent d’intention veut établir un lien de filiation avec l’enfant, il peut recourir à l’adoption (A), le recours à la gestation pour autrui à l’étranger n’y faisant pas obstacle. La jurisprudence actuelle, évolutive, telle qu’elle continue de se former avec les décisions du 5 juillet dernier tend véritablement à remettre en question les principes énoncés dans le Code civil relatifs à l’interdiction des conventions de gestation pour autrui. Cela porte à s’interroger sur l’avenir de l’article 16-7 du Code civil (B).

A – Le recours à l’adoption par le parent d’intention validé par la Cour

La Cour de cassation s’était opposée en 1991 à l’adoption plénière d’un enfant, alors que cette adoption n’était que « l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption ». La cour d’appel qui avait validé une telle adoption avait donc, selon la Cour de cassation violé les dispositions légales14.

Mais suite à une multiplication d’affaires dont les tribunaux furent saisis, la jurisprudence a évolué, aidée par les réformes législatives. Par ailleurs, par saisine pour avis, la Cour de cassation avait indiqué15, sur la base de la loi du 17 mai 2013, que « le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ». Cet avis, s’il ne tranchait pas directement les questions relatives aux conventions de gestation pour autrui étrangères, n’en demeure pas moins un assouplissement des règles relatives à l’établissement des liens de filiations des couples homosexuels notamment.

Néanmoins, quelque mois plus tard, la cour d’appel de Dijon avait considéré16 qu’il convenait de refuser l’adoption simple par le mari du père d’un enfant issu d’une gestation pour autrui. Dans cette espèce, un enfant, issu d’une gestation pour autrui, était né aux États-Unis en 2006 et avait été reconnu par ses parents biologiques. Son père s’est par la suite marié avec l’homme qui était son partenaire depuis 2004. Ce dernier avait alors sollicité l’adoption simple de l’enfant car l’adoption plénière était impossible puisque la filiation de l’enfant est légalement établie à l’égard de ses deux parents biologiques.

Le mari du père biologique invoquait en appel « l’absence de fraude à la loi française au regard de sa prohibition de la gestation pour autrui ». La cour d’appel, examinant la demande d’adoption « à l’aune du respect des principes de l’indisponibilité du corps humain et de celui de l’indisponibilité de l’état des personnes », concluait au rejet de celle-ci.

Mais cette décision des juges du fond a été censurée par la première chambre civile, dans l’une des décisions rendue le 5 juillet 201717. La haute juridiction se fonde sur les articles 353 et 361 du Code civil, ensemble les articles 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. En effet selon elle, « l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant ». Selon la Cour, il résulte des textes internationaux en question que : « L’enfant a droit au respect de sa vie privée et familiale et, dans toutes les décisions qui le concernent, son intérêt supérieur doit être une considération primordiale ». Ainsi, la cour d’appel de Dijon a violé les textes énoncés. Elle n’avait pas à rejeter la demande d’adoption simple, en retenant que la naissance de l’enfant résulte d’une violation, par le père biologique de l’article 16-7 du Code civil, aux termes duquel : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle d’une nullité d’ordre public ». Le principe énoncé par la Cour de cassation fera donc jurisprudence : « Le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».

Les conditions légales relatives à l’adoption simple concernent notamment le consentement du parent biologique, qui ne posait pas problème en l’espèce pour la Cour de cassation. Il concerne aussi la prise en compte de l’avis de l’enfant mineur discernant ou de son accord s’il a plus de treize ans.

Concernant la référence à l’intérêt de l’enfant, il est toujours pris en compte par le juge. Il est évident que, sauf exception, l’adoption est bénéfique pour l’enfant, le demandeur étant toujours le conjoint ou le partenaire du parent biologique.

La Cour valide donc et développe l’orientation donnée par la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe, puisqu’en l’espèce, l’adoption litigieuse concernait un couple homosexuel.

Le bilan de la jurisprudence actuelle permet donc de s’interroger sur l’avenir de l’article 16-7 du Code civil qui proscrit les conventions de gestation pour autrui.

B – Quel avenir pour l’article 16-7 du Code civil ?

Depuis la décision marquante de la Cour de cassation prise en assemblée plénière en 1991, la question de la gestation pour autrui n’a eu de cesse d’être posée, particulièrement en rapport avec les droits issus de la Convention européenne des droits de l’Homme des enfants « victimes » de ce processus.

Ce qui semble être constant, c’est la volonté de ne pas faire peser les violations de la loi des parents sur les enfants. La Convention de New York sur les droits de l’enfant est à ce sujet venue étayer le raisonnement des demandeurs et la base juridique des décisions prises par les juges.

La question de la parentalité des couples homosexuels est aussi au centre des débats. La jurisprudence actuelle indique que tous les parents d’intention peuvent adopter un enfant, dès lors que les conditions légales sont réunies et que l’intérêt de l’enfant est garanti.

Aussi, les actes de l’état civil peuvent par principe être retranscrits si les énonciations sont conformes à la réalité et s’il n’y a pas eu fraude, quand bien même il y aurait eu à l’origine une convention prohibée en France. C’est d’ailleurs ce qu’a précisé le 7 juillet 2015 la garde des Sceaux, qui a adressé aux parquets une dépêche indiquant qu’il convenait de procéder à la transcription des actes de naissance étrangers des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui, sous réserve de leur conformité à l’article 47 du Code civil.

La limite imposée quant à la retranscription de l’acte concerne les cas où le parent d’intention est désigné comme étant le véritable parent sur l’acte de l’état civil étranger ou s’il existe des falsifications qui tendent à remettre en question la valeur intégrale de l’acte en question.

De plus, l’adoption est possible dès lors que les parents biologiques y consentent, cela faisant naître un lien juridique entre l’enfant et le parent d’intention, homosexuel ou non. L’autre élément qui justifierait le refus d’adoption serait si l’une des conditions légales est absente, notamment l’absence de consentement du parent biologique, ou si la preuve était apportée que l’adoption serait contraire à l’intérêt de l’enfant.

Les limites sont ainsi très minces, ce qui peut pousser certains à s’interroger sur l’utilité de maintenir une telle interdiction. L’ordre public est contourné dans bien des cas par l’intervention d’un élément d’extranéité. De plus, il est évident que la législation et la jurisprudence actuelles créent une différence de traitement, entre les justiciables qui sont limités financièrement et ceux qui peuvent se permettre de contracter une convention de gestation pour autrui à l’étranger.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, nos 16-16495, 16-20052, 15-28597, 16-16901, 16-50025 et 16-16455.
  • 2.
    Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n° 16-16495.
  • 3.
    D. n° 2015-1740, 24 déc. 2015.
  • 4.
    Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 09-66486.
  • 5.
    Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 09-66486.
  • 6.
    CEDH, 5e sect., 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; CEDH, 5e sect., 26 juin 2014, n° 65941/11, Labassee c/ France : Gaz. Pal. 24 juill. 2014, n° 187m1, p. 12, note Viganotti E.
  • 7.
    Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n° 15-50002.
  • 8.
    Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n° 15-28597.
  • 9.
    CEDH, 5e sect., 26 juin 2014, préc.
  • 10.
    Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n° 15-28597.
  • 11.
    Rép. internat. Dalloz, Actes de l’état civil, janv. 2013 (actualisation : avr. 2017), Revillard M.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 9 déc. 1963.
  • 13.
    Viganotti E., note ss CEDH, 5e sect., 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; et CEDH, 5e sect., 26 juin 2014, n° 65941/11, Labassee c/ France : Gaz. Pal. 24 juill. 2014, n° 187m1, p. 12.
  • 14.
    Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20102.
  • 15.
    Demande d’avis n° G1470006.
  • 16.
    CA Dijon, 3e ch. civ., 24 mars 2016, n° 15/00057 : D. 2016, p. 783, note Gallmeister I.
  • 17.
    Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n° 16-16455.
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