La fratrie

Publié le 20/12/2021
Famille, fratrie
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Considérée comme un regroupement des frères et sœurs d’une famille, la fratrie se situe à la frontière du droit et du non-droit. Sa conception traditionnellement extensive paraît éprouvée en raison du recul des fonctions de la collatéralité et de l’effritement de la fraternité consécutive aux fréquentes crises familiales. Pour autant, son requiem ne peut être annoncé en ce sens qu’il est possible de reconstruire, à partir de la philosophie moderne de la famille, une entité fraternelle métamorphosée et réaliste. La présente étude rompt avec les analyses actuelles pour suggérer non seulement la substantialisation des liens fraternels, mais surtout la juridicisation des liens affectifs entre frères et sœurs, valeurs naturelles du droit de la famille, souvent imitées ou empruntées par d’autres disciplines du droit, notamment la fraternité contractuelle ou sociétaire, les obligations de comportement et la solidarité.

1. Les liens chromosomiques et l’animus fraternitatis qui unissent les frères et sœurs entre eux, mais aussi envers les demi-frères et demi-sœurs, cousins et cousines, oncles, tantes et grands-parents, au sein d’une famille1, monogamique ou polygamique, ont été articulées par de sérieuses études d’anthropologues, de psychologues et de sociologues sous le vocable de « fratrie »2. Cette relation enchevêtrée, jadis largement ignorée par les juristes3, est devenue une matière saisie par le droit4, qui invite à « voyager en terre fraternelle »5, « creuset de paradoxes »6, afin d’y percevoir une singularité et une philosophie propres à la famille.

2. On sait que la conception de la famille, elle-même, n’a jamais fait l’unanimité au sein des spécialistes de la matière7, alors même qu’elle a été promue, par l’article 16, alinéa 3, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, au rang d’« élément naturel et fondamental de la société »8 ou perçue comme le « lieu d’élaboration de l’identité de la personne »9. En droit togolais cependant, où la famille n’est pas nécessairement fondée sur des liens physiologiques, elle serait, avant tout, « appartenance et participation mythique à un groupe social, à tous les préceptes religieux et valeurs morales de ce groupe »10. Une telle assertion, qui ne doit pas donner le sentiment d’une confusion avec la fratrie, autorise à admettre, au contraire, que la famille recouvre la fratrie.

3. Considérée, couramment et en droit, comme l’ensemble des frères et sœurs d’une même famille11, la fratrie, dérivée du terme latin frater, est chargée de neutralité, d’autant plus qu’elle sert à qualifier l’entité ou la communauté que forment lesdites personnes au sein de la famille, sans considération de sexe. Toutefois, même en droit parfois, l’idée de fratrie, renvoyant jusqu’à une époque récente à la « fraternité »12, servait communément à désigner « tous les descendants appartenant à une même génération (frères, sœurs, cousins germains) »13. Il reste que la fraternité paraît plus équivoque14 en ce sens qu’elle s’étend à un « idéal d’affection entre ceux qui se traitent ou devraient se traiter comme frères »15.

4. Par extrapolation, « tous les êtres humains (…) doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité »16. Dans cet ordre d’idées, l’exercice d’une même profession fait naître la qualité de confrères, une alliance crée des frères d’armes, une nourrice fait penser aux frères de lait, de sorte que l’appartenance à une même obédience philosophique ou religieuse crée aussi un lien fraternel17. On a ainsi pu parler de la fraternité des tranchées ou d’une fraternité contractuelle18 ou encore d’un jus fraternitatis19. Toutefois, en deçà de ces extrapolations, la vraie et simple fratrie trouve, dans le cadre familial, une place naturelle et privilégiée en raison des nombreuses implications juridiques susceptibles de s’y attacher.

5. Apparu récemment, au XXe siècle20, le terme « fratrie » n’a pas été utilisé par le législateur togolais dans l’ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la famille (CTPF)21, compte tenu, certainement, de l’héritage du Code civil français de 1804 qui, lui-même, n’en faisait pas usage. Curieusement, malgré le changement de paradigme dans le système juridique de référence, la modification introduite par la loi organique n° 2014-019 du 17 novembre 2014 n’en fait pas état non plus.

6. Or, l’esprit de fratrie n’est pas à banaliser22 dans les cercles familiaux ruraux ou au sein des communautés en ville. Cet esprit est bien présent, tant dans la famille légitime que dans les familles naturelles et adoptives, dans le bonheur (cérémonie de sortie d’enfant, baptême ou mariage) et dans le malheur (maladie, crise conjugale, décès). Pourtant, dans le Code togolais des personnes et de la famille (CTPF)23, comme dans bien d’autres législations en Afrique subsaharienne24, la fratrie est éclipsée par l’ombre du lignage ou de la collatéralité25. Par exemple, selon l’article 171, alinéa 2 du CTPF, « sont parents en ligne collatérale les personnes qui descendent d’un auteur commun, sans descendre les unes des autres. Les collatéraux par le père sont dits consanguins, par la mère, utérins. Sont germains les collatéraux qui ont une double parenté par le père et par la mère ». C’est donc le lien de parenté unissant un individu ou plusieurs personnes descendant d’un ascendant commun (frères, sœurs, cousins, cousines, oncles, tantes, neveux, nièces)26 qui semble être privilégié, ce qui oriente facilement le débat plutôt vers la systématisation de la parenté27. Ainsi, l’article 171, alinéa 1er du CTPF s’en tient à la ligne de parenté formée par les filiations successives en précisant que « la parenté résulte de la filiation et d’elle seule ».

7. En droit comparé, contrairement au droit allemand où die Geschwister désigne les enfants d’un couple, lui-même variable, le terme « fratrie » n’a fait son entrée que sobrement dans le Code civil français, à la faveur de récentes réformes. L’article 371-5 de ce code, issu de la loi du 30 décembre 1996, énonce qu’« en vertu du principe d’unité de la fratrie, les membres d’une même fratrie portent le même nom de famille et ils ne doivent pas être séparés »28. Cette nouvelle configuration juridique a entraîné, sans doute, le changement de l’approche lexicale de la fratrie, traitée désormais comme le « nom donné, en signe de communauté, au groupe de frères et sœurs (germains ou même utérins et consanguins), surtout pour marquer qu’ils ont vocation à ne pas être séparés pendant leur minorité ou à conserver des liens étroits même s’ils ne vivent pas au même foyer »29.

8. Toutefois, en droit coutumier au sud du Togo, à l’image de la phratria grecque30, la fratrie peut s’entendre, plus largement, par l’appartenance à une même famille maternelle ou paternelle, ou cumulativement aux deux : elle désigne alors plutôt un groupe de personnes qui se rattachent à un même ancêtre, un clan organisé autour d’un culte commun, comme Togbui zikpé31, Afan32, etc. Le statut réservé, donnant compétence exclusive aux coutumes en matière du droit de la famille, issu du décret colonial du 20 mai 1857, illustre parfaitement l’originalité des liens fraternels transmis de génération en génération33. Il constitue une sorte d’anthropologie des groupes de filiation34. À cet égard, par analogie à la théorie levi-straussienne de l’échange, selon laquelle c’est l’alliance qui structure la parenté, il est également possible de considérer que c’est la fratrie qui structure la famille.

9. Du reste, l’absence de consécration expresse de la fratrie par le Code des personnes et de la famille peut laisser croire, par commodité, que cette notion serait couverte pleinement par celle de collatéralité. En réalité, l’assimilation, sans précaution, de la collatéralité et de la fratrie paraît ambiguë, trop simpliste et gênante. Celle-ci ne peut évidemment avoir, dans tous les cas, les mêmes effets de droit que celle-là, la collatéralité. Mais où, précisément, cesse la première et commence la fratrie ? Dans la mesure où le problème des effets de la parenté collatérale se pose désormais, en pratique, en raison de l’évolution qui conduit le législateur et la jurisprudence à réduire de plus en plus l’importance des collatéraux dans la famille, il apparaît crucial de déterminer dans quels cas et dans quelle mesure les différentes fratries auront les droits et les obligations incombant aux autres membres de la famille. Quelle pourrait alors être la spécificité de la fratrie en droit positif togolais ? La recherche de réponse satisfaisante à cette préoccupation peut s’avérer périlleuse en raison de la transformation contemporaine de l’idéologie normative35, confrontée aux réalités vécues de conjugalité de fait et de partenariats36, démariage, recompositions familiales, familles monoparentales, assistance médicale à la procréation, gestation pour autrui, unions de personnes de même sexe, formulation d’un nouvel interdit, le clonage reproductif, tandis que l’interdit immémorial de l’inceste, selon certains, se relativise37.

10. L’étude entreprise sur les relations fraternelles intrafamiliales est actuellement intéressante à plusieurs titres. Théoriquement, la notion de fratrie a évolué en même temps que la mutation de la structure familiale. Or, cet aspect n’est que rarement pris en compte. À cet égard, la fratrie doit préalablement être acceptée comme un objet juridique autonome, original et détachable, dans une certaine mesure, de la collatéralité, auquel doit s’appliquer un régime juridique spécifique. Clarifier ce régime, encore insuffisamment élaboré, peut constituer l’objectif principal à atteindre. Certes, la considération de la fratrie a pu être mise en lumière par la recherche de son unité à partir du nom de famille38. En revanche, une analyse globale qui ferait le pont entre la parenté élargie (incluant parenté charnelle et parenté artificielle) et celle qui se rétrécit (limitée aux frères et sœurs issus d’un même parent), pour en tirer des implications juridiques, mérite d’être explorée. Au fond, il est juste de mettre davantage l’accent sur l’esprit utilitaire de la fratrie, pour éclairer l’orientation future du droit de la famille.

11. Dans cette perspective, le droit semble considérer la fratrie comme une entité. Il assigne implicitement à la fratrie, comme à la collatéralité, des fonctions correctives positives ou négatives dans la famille, révélatrices d’un esprit traditionnel ou général. Positivement, la fratrie, comme la collatéralité, est porteuse de solidarité, d’entraide et de suppléance à la carence de la famille. Négativement, il existe au sein de ces groupements des tabous, des interdits, notamment l’inceste, et des actes constitutifs d’infraction pénale39. En pratique, les relations entre frères, fondées sur une amitié sincère ou au contraire sur des rapports tendus, sont une constante dans les familles. L’existence de rapports fraternels est également importante au regard de la structuration de la famille.

12. Paradoxalement, le système familial togolais actuel est fortement influencé non seulement par l’effet conjugué de la modernité, de la monétarisation, de l’urbanisation et des nouvelles formes de précarité sociale, mais aussi de la constitution de nouvelles classes sociales. Dans ce contexte de contraintes spatiales, économiques et environnementales, les relations fraternelles se transforment d’une façon fulgurante. La fratrie subit le choc des mutations de la société. Plus gravement, la fratrie s’étend à l’infini et paraît moins unie qu’autrefois, notamment dans les couples polygames. D’autres facteurs, à savoir l’étiolement de l’esprit solidaire, la promotion de l’épanouissement individuel et la libre disponibilité du statut personnel, mais surtout, les rivalités physiques (affrontements), morales (crainte révérencielle) et spirituelles (sorcellerie, charlatanisme), créant de la méfiance ou une crise de confiance, sont apparus comme des éléments destructeurs du tissu fraternel. Ils provoquent inexorablement le recul de l’esprit traditionnel ou général de la fratrie.

13. Quoi qu’il en soit, le droit ne peut s’empêcher de mettre en place, entre les frères et sœurs, stricto sensu, de nombreux liens juridiques, empreints de droits et de contraintes, plus resserrés, susceptibles d’être considérés comme le socle de l’entité moderne de fratrie. D’une part, l’égalité fraternelle, opposée au droit d’aînesse et au privilège de la masculinité (discrimination entre l’homme et la femme), plus particulièrement, en matière successorale, au détriment des réalités phallocratiques40, pourrait en être le premier repère. D’autre part, l’assistance fraternelle convertissant, notamment, l’obligation naturelle alimentaire en une obligation juridique effective, ainsi que la juridicisation des liens affectifs entre frères, peuvent également apparaître comme le second jalon de cette reconstruction.

14. Il apparaît alors que l’idée de fratrie, en droit togolais, ne peut être bien acceptée qu’en tirant sa raison d’être à la fois du droit et des mœurs dominantes de la société, des influences religieuses, de la morale et de l’idéologie normative. Elle ne saurait être recherchée exclusivement dans la législation. Évidemment, la loi et le fait, évoluant de manière asymétrique, exigent une analyse dynamique de cette entité, à la frontière du droit et du non-droit. Ce faisant, l’affaiblissement des fonctions traditionnelles partagées avec la collatéralité et la désunion fraternelle consécutive aux fréquentes crises familiales sont des signes révélateurs du déclin de l’esprit général de la fratrie, laquelle en sort ainsi éprouvée (I). Pour autant, son requiem ne peut être annoncé en ce sens qu’il est possible de reconstruire, à partir de la philosophie moderne de la famille, une entité fraternelle métamorphosée (II).

I – La fratrie, une entité familiale éprouvée

15. Il est difficile d’écarter l’existence et la catégorisation des relations fraternelles. Elles apparaissent comme une valeur ou un sentiment de fraternité, mais aussi comme une réalité communautaire, c’est-à-dire un groupement de fait. Seulement, les discussions portent moins sur la composition ou sur l’identité de cette entité (comme si elle allait de soi) que sur les fonctions qui lui sont dévolues et sa cohésion. Sous le couvert de la « parenté collatérale », les fonctions assignées à la fratrie sont certes indéniables, mais elles sont, de plus en plus, entamées ou en recul ; plus précisément, elles sont en situation d’échec, une sorte d’effacement de la collatéralité (A). De plus, les manipulations de l’état des personnes et les crises récurrentes au sein des fratries ne contribuent guère à préserver ni son unité, ni son harmonie. La cohésion fraternelle (la fraternité) est plutôt fissurée ou effritée (B).

A – Le recul des fonctions de la collatéralité

16. Le droit range les frères et sœurs dans les collatéraux, c’est-à-dire les proches, membres d’une même famille. La fratrie correspond ainsi, en fait, à la parenté en ligne collatérale regroupant les frères, sœurs, demi-frères, demi-sœurs, oncles, tantes, nièces, neveux, cousins et cousines. Or, la parenté, au sens de l’article 171 du CTPF, résulterait exclusivement des liens de filiation. Elle reste, naturellement, soit patrilinéaire ou agnatique, soit matrilinéaire ou utérine, mais ne rend pas entièrement compte de la réalité fraternelle. À la « parenté charnelle »41 ou biologique doit être adjointe, non pas une « parenté à plaisanterie »42, mais la parenté artificielle par adoption43 ou par alliance44, pour traduire l’esprit de fratrie, lato sensu45.

17. Les schémas les plus divers sont donc possibles : l’on peut rencontrer tantôt des enfants adoptés, tantôt des enfants adultérins, placés par ce fait même dans une relation complexe avec la fratrie, tantôt des enfants d’un premier lit, selon l’expression consacrée46, ou encore des orphelins élevés par des proches ou des tuteurs. Cette structure familiale joue une fonction de classification, selon les systémiciens47. Elle semble également constituer le principe général selon lequel tous les membres d’un groupe familial déterminé sont considérés comme des frères et sœurs48. Néanmoins, force est de constater que, dans l’idéologie de la codification des personnes et de la famille, la reconnaissance d’une telle entité, dotée d’autonomie, paraît incertaine. À la limite, elle est implicite et révèle une dichotomie entre les fonctions qui lui sont associées et l’idéal fraternel.

18. Traditionnellement, le régime de la fratrie, identifié dans la parenté collatérale, repose sur deux fonctions indépendamment des rapports de filiation ou d’alliance : l’une positive, en l’occurrence la solidarité ; l’autre négative, à savoir les interdictions.

19. Positivement, le fonctionnement de la fratrie, tel qu’il résulte du principe de la solidarité et de la vie en communauté, proscrit, de toute évidence, l’individualisme. On considère alors qu’au sein d’une fratrie, tout le monde devrait vivre pour tous et non pour soi. La parenté collatérale est ainsi prédestinée à jouer un rôle considérable de fraternité. Elle tend généralement à suppléer la carence des parents, en ce sens que la famille ne peut suffire « organiquement à elle-même ; il lui faut, pour avoir toute sa vitalité et toute sa stabilité, un cadre de sympathie constitué par les collatéraux »49.

20. Caractérisée par le sens du bien commun ou le partage équitable des richesses économiques, la solidarité apparaît comme le reflet du relationnisme communautaire. Selon une doctrine de « l’africanologie »50, elle inspirerait non seulement le projet historique de société, mais aussi la définition de l’Homme conçu, non pas à partir d’une vision personnaliste et autonomiste, mais surtout « d’une conception altruiste et généalogique qui le considère d’abord comme un membre bénéficiaire de l’hospitalité d’une filiation et d’une tonicité solidaire de la continuité clanique »51.

21. En droit traditionnel, d’une manière générale, la solidarité fait office de garantie52. Dans cette conception, « la famille est partie au contrat dès le moment où un de ses membres y est partie, même si cela n’est pas expressément dit. C’est dès lors un devoir d’honneur que d’assister le membre engagé si celui-ci se trouve défaillant »53. La fonction correctrice de la solidarité justifie, par conséquent, en droit positif, l’organisation de mesures de protection ou la mise en œuvre des mesures d’assistance sociale ou éducative. La solidarité entre les collatéraux connaît d’ailleurs différents degrés dans la spontanéité. Elle est parfois subie parce qu’il y va de l’honneur de la famille et c’est ce qui explique utilement la solidarité entre les membres d’une même famille, dans l’exécution d’un contrat54.

22. Néanmoins, aujourd’hui, les valeurs et les attributs incarnés par la parenté collatérale sont fortement menacés et relâchés ; mieux, ils sont remis en cause. Il s’ensuit que la question de la solidarité, certes inépuisable, parce que perçue encore comme un mythe55, est, en revanche, en crise d’ordre fonctionnel56. Au fond, les mutations de la société ont entraîné considérablement le recul de la solidarité fraternelle. On explique alors qu’avec l’apparition de la notion d’effort individuel, la fratrie devient moins unie qu’autrefois et, de surcroît, son extension infinie affecte le réflexe de solidarité entre ses membres. Il va sans dire que, de la fratrie comme lieu d’obligation, on est passé à l’individu comme sujet de droit. Finalement, la recherche de l’épanouissement personnel a remplacé la bienveillance mutuelle57.

23. Au surplus, le droit n’admet pas l’élargissement des avantages familiaux aux collatéraux. C’est ainsi que le droit fiscal assimile la plupart des frères à des tiers, à l’exception des donations et des successions destinées à des collatéraux très proches. Le droit de mutation n’est d’ailleurs pas nettement organisé à leur profit. De même, l’attribution préférentielle d’une exploitation familiale ou la répartition du préjudice moral58 causé par le décès d’un collatéral ne semble pas encore séduire le législateur togolais.

24. L’observation de la régression de la solidarité pourrait être étendue à tous les rapports familiaux des collatéraux vivants, notamment le droit au secours alimentaire, le droit de visite, le droit de participer au conseil de famille, le droit de préemption, ainsi que l’accès à d’autres avantages qui appartiennent aux parents en ligne directe. Cette tendance régressive de l’entité fraternelle a atteint, dans un autre sens, la fonction prohibitive de la parenté collatérale.

25. Négativement, la parenté collatérale aurait pu être un obstacle d’ordre physique et moral à certains comportements du fait de l’origine commune, notamment en droit des sociétés, en droit pénal et en droit civil.

26. En droit des sociétés, malgré la volonté de maintenir le caractère familial de certaines sociétés, la cession des droits sociaux entre vifs au sein de la fratrie n’obéit à aucune procédure particulière. La liberté de cession entre vifs des parts sociales d’une société à responsabilité limitée, d’une société civile ou encore d’actions de certaines sociétés anonymes n’existe qu’entre époux, ascendants et descendants59, à l’exclusion de tout autre membre de la famille, y compris les collatéraux privilégiés.

27. En droit pénal, les implications de la parenté en ligne directe sont bien connues. Le lien parental constitue une circonstance aggravant les peines de certaines infractions commises à l’intérieur du cercle familial, telles que le parricide60, le viol ou l’attentat à la pudeur. Cependant, le lien de la fratrie retient rarement l’attention, sauf pour accorder des excuses aux frères les plus proches, auteurs de certaines infractions61.

28. En matière civile, plus particulièrement, l’inceste constitue, dans nombre de législations de la famille, un empêchement au mariage. Il a pour but de structurer l’entité fraternelle et l’individu, ce qui explique son maintien en droit positif. L’article 53 du CTPF dispose en ce sens que « le mariage est prohibé entre parents, en ligne directe, à tous les degrés ; en ligne collatérale, entre frère et sœur, oncle et nièce, tante et neveu ». Il est également prohibé entre alliés « en ligne directe, entre époux et ascendants ou descendants de son conjoint ; en ligne collatérale entre un époux et les frères et sœurs de son conjoint, que le mariage ait été dissous par divorce ou par décès ». L’empêchement s’étend enfin au mariage « entre cousins jusqu’au quatrième degré »62. L’inceste constitue même une infraction définie par l’article 223 issu de la loi n° 2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau Code pénal au Togo, modifiée par la loi n° 2016-027 du 11 octobre 2016. Selon ce texte, l’inceste est constitué par « tous les rapports et attouchements sexuels, de quelque nature que ce soit, commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la victime ou les ascendants directs de ceux-ci, sans limitation de degré » et ceux commis par « un frère ou une sœur, un demi-frère ou une demi-sœur ».

29. Si en matière pénale le législateur a pris soin de préciser le champ de l’interdiction de l’inceste applicable tant à la filiation légitime, naturelle, qu’adoptive, les pratiques coutumières et l’évolution des mœurs ont cependant été mises en avant pour tenter de rendre désuète l’interdiction du mariage interfamilial.

30. L’établissement des fondements philosophiques et sociologiques de cette interdiction ne fait pas l’unanimité. Sigmund Freud, pionnier de la psychanalyse, en abordant les relations fraternelles, principalement sous l’angle groupal, dans Totem et Tabou63, avait accordé peu d’attention aux relations fraternelles. Émile Durkheim fait observer, pour sa part, que la question de savoir pourquoi la plupart des sociétés ont prohibé l’inceste, et l’ont même classé parmi les plus immorales de toutes les pratiques, a été souvent agitée, sans que jamais aucune solution ait paru s’imposer64. Certains évoquent des raisons non seulement d’ordre eugénique, mais aussi d’ordre moral65. D’autres se réfèrent à la thèse de l’exogamie, c’est-à-dire la règle en vertu de laquelle il est interdit aux membres d’un même clan de s’unir sexuellement. La faiblesse théorique de la notion d’inceste peut expliquer, sans le justifier, l’absence de définition légale, en matière civile, mais surtout son caractère relatif à l’égard de certains liens familiaux.

31. L’effectivité de la prohibition peut s’avérer douteuse d’autant plus que les pratiques coutumières vont dans le sens contraire, nonobstant l’existence de règles répressives66. Ces agissements, à l’origine de « sclérose interne et vide générationnel »67 sont, très souvent, couverts par le secret ou l’omerta. Le législateur lui-même favoriserait l’échec de cette règle importante de l’interdiction en prévoyant des dispenses, même si celles-ci sont cantonnées textuellement à l’« inceste relatif ». Dans cette dernière hypothèse, effectivement, le président du tribunal ou le juge des affaires matrimoniales peut lever, pour des causes sérieuses, les prohibitions de mariage entre cousins et cousines, lorsque les règles coutumières locales le permettent68.

32. En droit comparé, le recul contemporain des empêchements à mariage a également préoccupé sérieusement la Cour européenne des droits de l’Homme qui considère, dans une décision du 13 septembre 2013, que l’empêchement à mariage entre beau-père et belle-fille, tous deux divorcés, consacré par le droit anglais, constitue une « atteinte excessive au droit au mariage »69. Un exemple particulièrement remarquable a été tiré, en droit français, d’un arrêt du 17 avril 2017 : un enfant né d’un inceste absolu (entre frère et sœur) a vu ses deux liens de filiation établis70. Il s’en déduit que l’empêchement, à raison des liens de sang, peut être levé lorsqu’il porte atteinte, de manière disproportionnée, au droit du mariage ou lorsqu’il est établi légalement l’absence de parenté.

33. En droit togolais, la preuve du lien peut paraître néanmoins difficile, dans la mesure où l’officier de l’état civil n’a pas toujours les moyens de vérification, en raison du système de tenue de l’état civil très défaillant71. L’empêchement à mariage étant universel, la tendance semble aller dans le sens de la dispense ouverte aux personnes majeures consentantes, au nom du respect de la vie privée et familiale.

34. L’effacement des fonctions classiques d’ordre matériel et pécuniaire de la collatéralité fragilise grandement l’entité fraternelle. Cet échec se révèle également au stade du maintien de l’harmonie et de l’unité voulue de la fratrie.

B – L’effritement de l’esprit de fraternité

35. L’animus fraternitatis est une réalité qui anime les membres de la fratrie, dans sa conception classique. Son statut peine en revanche à obtenir l’onction ou l’investiture du droit ou à accéder au rang de « vérité du droit »72. Sauf que, en l’absence d’une telle reconnaissance, l’analyse des implications de la fratrie, en tant qu’entité cohérente et harmonieuse, achoppe non seulement sur les limites de la règle de droit, mais aussi sur les menaces de fait, notamment les crises et conflits intrafamiliaux.

36. En premier lieu, les limites normatives trahissent la sauvegarde de la cohésion de la communauté fraternelle, qui devrait impliquer l’unité et la stabilité. On s’accorde pour admettre que l’individu trouve dans son appartenance au groupe fraternel la source de son identité, de son statut et de sa survie73. On pourrait alors estimer que l’article 31 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992, selon lequel « les parents ont le devoir de pourvoir à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants », était destiné à fondamentaliser le principe de non-séparation des frères et sœurs, c’est-à-dire le droit pour les enfants à être élevés ensemble et, par ricochet, à admettre une communauté fraternelle.

37. Cependant, la fonction sociale promue par le droit n’est pas en adéquation avec les réalités sociologiques. En fait, les conditions de vie amènent les parents ou l’autorité compétente, parfois, à confier, de gré ou de force, les enfants à des tiers74. Dans cette hypothèse, le juge saisi peut facilement évoquer l’impossibilité du maintien de l’unité de la fratrie dans l’intérêt de l’enfant. Telle a été la solution de la cour d’appel de Lomé dans un arrêt du 26 février 201375. Dans pareille situation, l’intérêt supérieur de l’enfant peut être entendu, au sens de l’article 4 du Code de l’enfant issu de la loi n° 2007-017 du 6 juillet 2007, comme « tout ce qui est avantageux pour son bien-être mental, moral, physique ou matériel ».

38. Au-delà de ce premier écueil, les facteurs d’éclatement postmoderniste de la fratrie sont perceptibles, notamment dans les formes de nuptialité, de divortialité, des unions libres et des naissances, particulièrement la gestation pour autrui. Cette évolution libérale provoque, à l’évidence, un grand choc dans les mœurs, les mentalités et les comportements, au sein des fratries. On assiste à la « labilité des parcours de vie, devenus très individuels »76, qui impose, inexorablement, l’adaptation de la règle de droit à d’autres fins, au détriment du modèle que constituait l’esprit collectiviste de la fratrie.

39. La question ultime porte désormais sur l’épanouissement personnel, comme la norme à privilégier. Elle a atteint son paroxysme dans l’état des personnes qui est, néanmoins, objet de doutes et de controverses77. L’incertitude de l’avenir sur ce point critique du droit de la famille suggère la quête de la « stabilisation des attentes normatives »78.

40. D’ores et déjà, le big bang normatif a sonné le glas de la place et du rôle des personnes au sein de la structure fraternelle, selon notamment le nom de famille, la capacité, le sexe ou l’âge. Ces attributs, éléments de rattachement ou signes distinctifs de la personne au sein du groupe familial, sont fortement perturbés, dénaturés ou relativisés dans la préservation de l’ossature traditionnelle de la fratrie. L’exposé des motifs de la loi n° 2020-009 du 10 septembre 2020, relative à l’identification biométrique des personnes physiques au Togo confirme cette opinion. L’analyse des mécanismes d’identification qui en découlent a permis de constater une diversité, voire une incohérence entre les multiples moyens de preuve utilisés pour établir l’identité des personnes physiques.

41. De manière générale, on ne peut nier les bienfaits de la science qui permettent de modifier le corps humain, le sexe, le génome, voire l’espèce humaine elle-même, au point de transformer le droit civil de la famille en « une coopérative des bonheurs individuels ». Cependant, il s’agit de bonheurs délicats, en ce sens que les diverses modifications de l’état civil à des fins personnelles ont inévitablement des effets pervers sur le devenir de la cohésion de la fratrie. Elles prolongent, sans le vouloir, le long malentendu entre tradition et modernité79, entre coutume et droit imposé. Il s’en déduit que l’attribution de l’identité par le groupe, désignant l’état de la personne par rapport aux tiers ou à l’extérieur80, échappe au lignage, dans la mesure où celui-ci n’a plus le pouvoir de décider d’intégrer ou non un nouveau venu en son sein.

42. De manière spécifique, le nom était clanique, à l’origine ; il était une prérogative naturelle, un signe du rattachement d’un individu à une fratrie ou à une personne dont il prend le nom, et sert ainsi de moyen d’identification81. En fait, il y a toujours une compétition entre le modèle occidental et celui des coutumes africaines82. Ainsi qu’il a été relevé, « le rattachement s’affirme non seulement à l’égard des parents immédiats par le nom patronymique ou matronymique mais aussi à l’égard des ancêtres, ceux du lignage du père comme ceux du lignage de la mère, par le prénom »83. Mais, le nom se banalise et semble ne plus assumer la fonction d’unification de la fratrie, d’autant qu’il n’est pas rare de voir les membres issus d’une même fratrie porter des noms différents. Il est alors impossible d’établir légalement ou même en apparence les liens entre ces personnes.

43. En la matière, le droit (loi, coutume, usage, jurisprudence, pratique administrative) n’ignore pas la règle de l’indisponibilité de l’état civil ; il ferme, néanmoins, et paradoxalement, les yeux sur des pratiques contra legem84, facilitées par les actes supplétifs. Les états civils se révèlent, à cet égard, disparates, bancals, voire multiples, causés par des démarches personnelles, au mépris des valeurs et réalités du cercle familial.

44. L’indice nominal, révélateur de l’« unité d’une famille »85 ou « marqueur de la paternité »86, cher aux systèmes coutumiers de dévolution du nom, est ainsi fatalement remis en cause, en raison de la liberté reconnue par le législateur aux parents de choisir le nom de leurs enfants, sans garde-fou87. De la même façon, le droit à la renonciation au nom ou à son changement, en vertu de l’article 13 du CTPF, affecte, sans conteste, l’établissement des liens légaux avec les autres membres de la fratrie, si ceux-ci en portent d’autres88.

45. Il demeure qu’en droit togolais, rien ne permet de soutenir que la question de la fratrie peut être considérée comme un élément déterminant du débat sur l’attribution du nom. Aucune disposition ne fait de l’unité de la fratrie une exigence ou une valeur ou encore un principe à préserver. De ce fait, l’auto-détermination de l’état de la personne et le droit à la vie privée des uns et des autres sont difficilement conciliables avec la cohésion juridique de la fratrie. Il n’est donc pas certain que la promotion de la biométrie89, ou l’adaptation au numérique, ou encore la carte génétique fournissent la clé d’une alternative à cet édifice profondément fissuré90.

46. On en vient à la conclusion que le nom cesse d’être un moyen d’unification ou de cohésion de la fratrie lato sensu, mais devient plutôt « un élément de l’image de l’individu »91. L’inconvénient de ce désordre dans les fratries, allant jusqu’aux sans-papiers, reste, en dernière analyse, la complexité de l’identification des héritiers, en l’absence d’une véritable possession d’état.

47. En second lieu, la cohésion de la fratrie peut aussi être sérieusement altérée par les crises intrafamiliales.

48. Censé être, normalement, une ressource de confort ou de réconfort pour ses membres, l’espace fraternel offre toujours la physionomie d’un cercle de tensions, de violences et d’injustice. L’unité de la fratrie, bi ou polycéphale, masculine, féminine ou mixte, s’en trouve, de ce fait, gravement compromise. En vérité, le relâchement ou la dislocation de l’harmonie des relations fraternelles provient fréquemment de certaines accusations récurrentes, notamment l’empoisonnement, l’infanticide, le fratricide ou la sorcellerie.

49. Effectivement, la fratrie étant liée à l’origine lointaine et mythique du groupe, il était alors difficilement concevable de parler des crises ou des conflits sans se référer aux pouvoirs, aux forces occultes ou à la sorcellerie. Aujourd’hui comme hier, la maladie ou le décès d’un membre de la fratrie ébranlent toujours fortement la confiance qu’inspirent les pouvoirs des oncles ou tantes et confirme, dans une large mesure, les craintes et suspicions que ceux-ci suscitent. Au bout du compte s’ensuivent des tensions qui aboutissent souvent à des désordres familiaux, ou tout au moins à une restructuration profonde des principaux rôles et pouvoirs des membres de la fratrie et, plus largement, ceux des aînés sociaux92. De violents conflits peuvent alors surgir entre frères, cousins, nièces ou neveux, tournant parfois à de véritables affrontements ; une telle situation remonte aux sociétés primitives.

50. Toutefois, la preuve destructrice des pratiques de sorcellerie reste un casse-tête, en droit, alors même que la croyance en ces forces surnaturelles, la pratique des rites sorciers ainsi que les effets psychologiques du phénomène ne peuvent être totalement écartés93. Les tribunaux sont parfois très sensibles à « des actes ou des événements, expliqués en termes d’envoûtement, de possession, de sorcellerie, de maraboutage » à l’égard de la fratrie qui éprouve de grandes souffrances94. À l’opposé de certaines législations africaines95, le législateur togolais reste indifférent aux « justices de l’invisible »96. Le juge togolais qui se référait à l’esprit de l’ancien article 67 du Code pénal, désormais abrogé, pour sanctionner de telles accusations comme étant constitutives de troubles à l’ordre public, ne peut plus trouver de fondement légal dans la motivation de ses décisions.

51. Devant le vide juridique, les accusations visant à nuire, à porter atteinte aux personnes et aux biens, conduisent à la vindicte populaire, à des traitements inhumains des auteurs et ont pour conséquence l’éclatement des liens fraternels. Le « mal sorcier dans la parenté »97 est donc réel dans la société togolaise. Il est ainsi fréquent de constater que telle famille évoquera la sorcellerie, le charlatanisme ou le maraboutage de telle autre, de tels cousins à son endroit pour justifier l’acharnement contre leur père. Il s’ensuit des conflits engendrés par la transmission des héritages98.

52. Il a été, à juste titre, souligné que la mésentente entre collatéraux entraîne diverses conséquences régies par des dispositions empruntées au droit commun des sociétés. Elle peut être, par exemple, un critère permettant d’apprécier la justesse du motif invoqué par un frère associé qui entend se retirer d’une société civile, conformément à l’article 1869 du Code civil de 1804, dès lors que ces conflits mettent en péril l’entreprise. De plus, si cette mésintelligence entre frères compromet l’existence de la société, elle constitue une cause de révocation du gérant/frère par décision de justice ou par les autres associés d’une société à responsabilité limitée. Les conflits familiaux ou la mésentente paralysent généralement le fonctionnement de la société, ce qui constitue une cause de sa dissolution anticipée.

53. Il résulte de ce qui précède que la soif de se libérer des groupes-famille ou des communautés de villages ou encore des contraintes exercées par la tribu conduit parfois l’individu à se réfugier au sein des fraternités sociales, philosophiques, religieuses ou économiques.

54. L’épreuve ainsi subie par la fratrie est une réalité. Ses conséquences sont bien évidemment une redéfinition des identités, une distorsion des liens familiaux, un affaiblissement des solidarités. En la matière, le droit positif ne rend pas service. Il contribue, avec raison sans doute, au déclin du droit lignager en diminuant le nombre des empêchements au mariage, en réduisant la vocation successorale et en accroissant considérablement les droits du conjoint survivant aux dépens de la fratrie. Le modèle traditionnel de fratrie, ainsi ébranlé dans sa structuration et dans son fonctionnement, peut trouver un nouveau souffle dans la famille remodelée.

II – La fratrie, une entité familiale métamorphosée

55. La famille, considérée à la fois comme un phénomène de mœurs et un phénomène de droit connaît, en droit togolais, une mutation accélérée, dans ses structures et dans ses fonctions. Abstraction faite de toute vérité sociologique, il en est résulté une primauté accordée à la famille nucléaire, d’une part, et le développement de familles éclatées ou reconstituées, d’autre part. Cette transformation de la famille, un peu associationnelle, donne naissance à une conception plus contrastée des relations fraternelles. Le supposé effondrement structurel, mieux la nouvelle dynamique observée, ne peut, en aucun cas, éclipser la référence à la fratrie, qu’elle soit fondée sur le sang ou sur de vrais sentiments d’affection. Afin de clarifier la tendance renouvelée, mais ambiguë, d’assimilation des collatéraux aux tiers, la substantialisation normative de la fratrie (A) pourrait constituer le support nécessaire à l’effectivité de la juridicisation des relations affectives entre les frères d’une famille (B).

A – La substantialisation normative des liens fraternels

56. Le droit n’ignorait pas totalement les liens fraternels99. Mais dans l’océan tourmenté qu’est le droit contemporain de la famille, qui « peine à trouver une cohérence autour d’un fondement clair et d’un objectif compréhensible »100, la fratrie peut en être l’un des « mythes fondateurs »101 intemporels. Donnée naturelle et non construction subjective que déterminent les personnes qui la forment102, la fratrie ne peut plus être mise à l’écart par le droit, même dans un contexte de positivisme rayonnant.

57. Les liens fraternels, vincula fraterna, s’imposent désormais aux sources normatives du droit103, en ce sens que « l’objectif du droit s’est progressivement transformé pour viser la protection des membres vivant dans la famille »104, en l’occurrence la femme105, l’enfant et, plus généralement, les personnes vulnérables. La protection recherchée trouvera sans doute écho dans la substantialisation de la fratrie, boussole immuable et ciment impérissable d’une nouvelle croisade normative du droit de la famille106.

58. Certes, en adoptant un code spécialement dédié à l’enfant, membre de la fratrie, le législateur togolais avait pris la mesure des enjeux de la protection de sa personne et de ses biens. Néanmoins, les implications juridiques des relations fraternelles n’étaient pas au rendez-vous ni suffisamment mises en exergue. Manquait alors à cette œuvre de codification, non négligeable, une pièce indispensable que constitue le régime juridique des liens fraternels. Une consécration substantielle des liens qui unissent les frères et sœurs pourrait donc compléter cette œuvre normative en prenant davantage en compte l’intérêt de la fratrie.

59. L’approche substantialiste de la fratrie107, celle qui consiste à asseoir une consistance juridique, qui lui confère une validité, une autonomie, une effectivité et une efficacité opératoire, peut être avancée dans cette reconstruction, en raison de l’importance sociale des liens et de la gravité scientifique de la question, afin d’en assurer le contenu normatif. À cet égard, au-delà de la reconnaissance lapidaire à l’article 231 du CTPF des « relations personnelles de l’enfant avec les membres de la proche parenté », il importe de faire apparaître expressément le terme « fratrie », aussi bien dans le Code des personnes et de la famille que dans celui de l’enfant.

60. La fratrie, bien connue des notaires, peut y être envisagée comme une entité qui rassemble ceux ou celles qui peuvent revendiquer la même filiation dans sa double composante avec l’identité du père et de la mère. Elle peut également s’étendre au lien de filiation de droit ou de fait, avec un parent commun, du côté paternel ou du côté maternel. Cette double conception de la fratrie peut permettre d’englober la situation souvent « inconfortable » des demi-frères et demi-sœurs, voulue ou accidentelle, ou issue des unions polygames, ainsi que celle des enfants amenés par la femme ou adoptés par le couple, en les isolant des collatéraux rêvés par Proudhon108.

61. Ainsi, à l’image de la fraternité humaine, naturelle et universelle109, la fratrie familiale peut, elle aussi, se vanter d’une consistance juridique. Pour faire œuvre utile, elle ne doit pas être perçue dans l’absolu par rapport au groupe familial traditionnel difficilement identifiable110, mais par le rapport horizontal, à titre principal, entre les frères et sœurs. En ce sens, le doyen Carbonnier avertit, à juste titre, que « ce qui a remué le législateur révolutionnaire, c’est le rapport horizontal, celui qui va s’établir entre les enfants, entre les frères et sœurs »111. C’est dire que la question n’est pas aussi nouvelle qu’elle paraît, mais la réponse du droit a été trop tardive.

62. L’admission de ces liens, en droit togolais, doit reposer sur des critères bien déterminés afin d’éviter le piège des procès faits naguère aux coutumes112. Le besoin de critères s’explique également par la tendance sociétale moderne, dans laquelle chacun veut bénéficier de la réciprocité de traitement, laissant ainsi songer à une coopération fraternelle. Par voie de conséquence, outre les valeurs, notamment le respect mutuel, le pardon et la réconciliation inhérents à l’esprit de fraternité, l’édifice normatif suggéré peut être fondé sur la liberté et l’égalité.

63. D’une part, l’institution de la liberté peut affranchir la fratrie de la servitude des rituels familiaux, des invocations incantatoires ou mystificatrices du fétichisme imposé ou encore des totems souvent attribués à des ancêtres protecteurs à vénérer113. La liberté apparaît alors comme une valeur suprême et incontestée au même titre que la gloire, l’honneur, la piété filiale ou la justice114. Une telle liberté, signifiant un droit à l’autonomie personnelle, exercée au sein de la fratrie, peut être considérée, dans le prolongement des articles 7115 et 28116 du Code de l’enfant, comme le premier linéament de la substantialisation. Il s’agira, notamment de la liberté de pensée, de religion ou philosophique, de la liberté de choix du modèle de conjugalité (et non le mariage forcé) ou encore de la libération du joug de certaines puissances, notamment la crainte révérencielle, celle des aînés et celle des leaders religieux (nouvelle tendance).

64. La consécration d’un droit à l’autonomie personnelle pourrait se caractériser par l’absence d’autorité normative, des uns sur les autres, sous réserve des situations de transfert de l’autorité parentale pour les mineurs. En principe, celle-ci ne doit pas être présumée, conformément aux dispositions de l’article 242 du CTPF régissant la délégation de l’autorité parentale.

65. Plus clairement, en la matière, les survivances coutumières ou à caractère culturel ou religieux pourraient être définitivement bannies et sanctionnées117. En réalité, les rapports fraternels ne doivent pas être appréhendés de manière verticale parce que le droit prône la liberté individuelle. On est bien loin du temps du roi Agokoli, pour imposer le « paternalisme et la protection des personnes contre elles-mêmes »118. De ce fait, le droit ne saurait instituer le lien de subordination entre les aînés enclins à la docilité, au conformisme intolérant et les cadets, animés de rébellion au sein de la fratrie.

66. La liberté souhaitée doit tout de même être une liberté encadrée, voire limitée face aux défis de l’éducation, des nouvelles formes d’esclavage ou d’exploitation d’autrui et des interdits légaux. Sous cette réserve importante, la liberté peut constituer une mission émancipatrice, un projet progressiste du législateur togolais, qui passe par le bouleversement des structures et valeurs traditionnelles régressives (traitement ou droit de correction inhumain ou dégradant, trafic d’enfant, incision, lévirat, sororat, etc.).

67. D’autre part, le malaise fâcheux du droit face à l’incertitude des coutumes fait dire que l’avenir de la fratrie peut également être dessiné à l’aune de l’égalité119. Il est facile d’affirmer que tous les membres d’une fratrie sont égaux en dignité et en droits.

68. Mais le sentiment d’inégalité apparaissant à notre époque comme « le ferment de la colère individuelle et le détonateur de la rébellion collective »120, on en déduit que la construction de la fratrie sur l’égalité peut être une entreprise délicate121. Elle peut courir fatalement le reproche d’une acrobatie technique, en raison de la possible existence de fratrie dans les ménages d’enfants sans parents, comme au Rwanda après le génocide ou dans d’autres États, à la suite de l’épidémie de Covid-19. Certes, la disparition des parents ne dissout pas les liens fraternels entre les enfants. Il faut, néanmoins, de manière neutre et générale, partir de l’idée que l’égalité est une « vision du monde »122 et non un vrai droit subjectif, qui trouve son terreau fertile dans le groupe très particulier que constitue la fratrie.

69. Le rapport d’égalité, semble-il, faisait d’ailleurs partie du minimum révolutionnaire de la famille, pilier du droit, exprimé en fraternité évangélique ou maçonnique123. Sous ce rapport, l’égalité doit être admise abstraitement et concrètement.

70. D’un point de vue abstrait, l’égalité, renvoyant à la répartition des droits, énoncée dans les textes et ayant une valeur constitutionnelle124, consiste à attribuer à chacun les mêmes droits, sans considération, sans discrimination. Sa portée semble encore théorique125, mieux limitée, car l’article 206 du CTPF en exclut l’enfant incestueux, du fait de ses auteurs. L’article 207 précise même que « toute réclamation de sa part pourra être contestée par tous ceux qui y ont intérêt »126. En dehors de cette infortune discutable127, par principe, l’égalité embrasse dans son domaine de définition, la filiation, le sexe, mais aussi les choix familiaux. Le droit a donc tracé le sillon de l’égalité fraternelle dans toutes les filiations, en instrumentalisant l’intérêt de l’enfant pour fonder l’égalité des filiations.

71. Par analogie, l’intérêt de la fratrie peut à son tour servir de fondement aux activités normatives. En consacrant l’égalité entre les frères et sœurs légitimes, naturels ou adoptifs, le droit doit pouvoir imposer la possibilité pour chaque frère et sœur qui entre en son sein, de porter le même nom et de se singulariser par un prénom. Au nom de l’intérêt de la fratrie, il importe de rendre obligatoire cette identité de nom. Le libre choix du nom ab initio ou a posteriori, applicable à toutes les familles, sans distinction, avait suscité, en droit français, la crainte légitime du risque « de faire varier le nom transmis dans la fratrie »128. C’est la raison pour laquelle l’article 311-21, alinéa 3, du Code civil issu de la loi française de 2002, a essayé de corriger cette carence en disposant que « le nom dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs ». Le législateur togolais peut s’en inspirer largement.

72. D’un point de vue concret, le principe de l’égalité se traduit par la répartition des richesses. Elle n’a pas permis de mettre à l’abri l’enfant né hors mariage dans certaines situations, notamment en matière d’obligation alimentaire ou du devoir d’entretien et d’éducation. En fait, l’égalité entre les membres d’une fratrie n’intéresse véritablement les acteurs du droit que lors de l’exercice des droits sur le capital transmis, c’est-à-dire la richesse du de cujus.

73. Il est de règle qu’aucune distinction ne peut prospérer entre « enfant de sang » et « enfant adoptif », contrairement à certaines coutumes129. C’est donc à bon droit que la cour d’appel de Lomé a pu décider, dans un arrêt du 27 juin 2013, que la partie litigieuse d’une propriété d’une collectivité doit faire l’objet de partage à parts égales130. Cette même cour d’appel, dans un arrêt du 13 juin 2013, a fait une exacte application du principe de l’égalité entre héritiers successoraux sans discrimination de sexe131. Par conséquent, contrairement au droit malien132, on ne peut, sur le fondement d’une coutume locale, faire de la discrimination entre les membres d’une fratrie lors du partage des biens d’une succession. Évidemment, l’article 11 de la Constitution togolaise, l’article 413 du CTPF et l’article 21, alinéa 2, du protocole de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique s’y opposent.

74. Il reste que le discours sur « l’égalité des partages dans les successions en ligne directe »133, importé sur le sol africain, consacré par les lois et codes, souffrirait d’un désaccord avec la coutume, d’une carence d’authenticité et d’une fragilité normative. Il ne ferait pas l’unanimité dans les États multicommunautaires et dans le « ghetto des particularismes culturels »134 où le spiritualisme animiste inhérent à l’héritage de la terre et la Sourate IV dite an Nissa risquent d’être mis en avant pour écarter les femmes135, membres de la fratrie, des successibles, surtout dans les milieux ruraux. La succession oscille encore entre le réalisme du code et les réalités masculines136.

75. Au fond, ce qui dérange, c’est le maintien à l’article 403, alinéa 2, du CTPF de la coutume du défunt en matière successorale et les interprétations qu’en fera la pratique. Il ouvre incontestablement la brèche à l’incertitude et à l’imprévisibilité, nonobstant l’exigence de conformité de l’option de la coutume successorale aux lois, aux droits humains et aux principes fondamentaux de la Constitution. Cette zone de turbulences ne garantit pas l’égalité, « âme des partages »137, à laquelle aspirent les fratries. C’est dire qu’« on doit garder chevillée au cœur la défense de l’égalité »138 car elle n’est ni totalement effective, ni pleinement acquise dans toute la société.

76. La jurisprudence, « gardienne de l’égalité successorale »139, pourrait être sollicitée dans cet interminable combat. Dans cette lutte infernale, l’intérêt de la fratrie oblige le juge à se déterminer, dorénavant, non plus sur le fondement de l’unité de la famille, mais en fonction du principe d’unité de la fratrie140.

77. En définitive, la reconfiguration de la fratrie, précisant les critères de juridicité, doit s’accompagner d’une reconnaissance en droit des liens affectifs.

B – L’effectivité de la juridicisation des liens affectifs entre frères

78. Avant d’être un être social, l’Humain est un être fraternel qui ne peut manquer d’entretenir des relations fondées sur l’amour avec ses frères et sœurs141 au sein de la famille de provenance. La sagesse locale enseigne, dans cette optique, qu’on ne brise pas la corde fraternelle, à tel point qu’un proverbe, approximativement traduit, dit exagérément qu’on ne refuse pas de consommer la sauce de la chèvre volée par un frère142.

79. Les liens fraternels sont, en tout état de cause, plus forts que les liens sociaux, fondés sur l’honneur public, la vanité, l’égoïsme, la peur et le calcul. Ces liens irremplaçables doivent donc être reconnus par le droit, symbolisés, exprimés et extériorisés par les uns envers les autres, d’autant plus que le droit saisit et doit saisir, en raison de ses fonctions sociales, toutes les réalités sociales, y compris les liens affectifs.

80. Le complexe de l’impossible fraternité de Caïn et d’Abel de la Genèse ou l’empreinte continue du mal fraternel de la mythologie romaine de Romulus et Remus doivent être perçus comme des cas isolés, des archétypes non généralisables. Ce qui ne doit évidemment pas exclure la prudence comportementale, d’autant plus que l’exemple des frères Midi Lackos au Togo est vivace dans les mémoires143.

81. La symbolisation des liens fraternels se trouve, tout de même, naturellement, dans la solidarité ou l’assistance144, irréfutée par la théorie de l’évolution145. Il s’en déduit que la juridicisation de la fratrie doit nécessairement être prolongée par la reconnaissance générale du devoir d’assistance146 entre frères et sœurs, sans chercher à renouveler le débat sur l’insaisissable lien entre le droit et les sentiments ou les émotions147. On en vient alors à l’invocation d’une forme d’éthique fraternelle. Sur ce point critique important, Ripert avait déploré l’absence de règle juridique générale qui précise et sanctionne le devoir d’assistance148. Ce refus serait motivé par le confinement « des devoirs de charité dans le domaine de la conscience qui peut seule en mesurer l’étendue et en assurer le respect »149.

82. De manière systémique, si la difficulté décisive consiste à dissocier la personne du créancier et l’objet de l’obligation150, en droit de la famille, en particulier, il est plausible de préciser que l’assistance fraternelle s’établit entre les frères et sœurs à la fois dans le bonheur (naissance, baptême, mariage, réussite à un examen) et dans le malheur (accident, maladie, vieillesse, infirmité, échec à un examen, déception amoureuse, chômage, décès).

83. Seulement, l’expression affective de joie ou de tristesse partagée, au son des tam-tams, par exemple, entre les frères et sœurs Gbaguidi, au Dahomey de l’époque de Béhanzin151, devient une réalité éloignée des préoccupations psychologiques d’une génération perdue dans une société contentieuse, belliqueuse et peureuse. Celle-ci se voit condamnée à supporter les vicissitudes socio-économiques de la vie moderne, sans compassion. Le destin de la personne humaine paraît alors orienté vers l’homo economicus, de sorte que l’assistance fraternelle s’assimile légitimement à une prestation sans contrepartie, une dépense improductive152, d’autant qu’il n’est prévu aucun mécanisme de déduction d’impôt sur le revenu ou du temps de travail.

84. Par commodité, en droit positif, les discussions méconnaissent les vertus des nombreuses relations juridiques directement ou indirectement extrapatrimoniales, en ligne fraternelle. Elles semblent se limiter à l’assistance fraternelle, à la charité, à la solidarité économique, plus exactement, à l’obligation alimentaire153.

85. En droit romain, déjà, la manifestation des liens fraternels apparaissait comme une exigence154. Ainsi, le frère dans l’opulence devait fournir des aliments à celui dans le besoin, y compris au profit du frère naturel et assumait la charge tutélaire du cognat incapable155.

86. Au Moyen Âge, la différence d’âge entre membres d’une même fratrie pouvait être considérable en raison de la forte natalité et du taux élevé de mortalité infantile. Il en résultait des relations « obliques »156 entre les collatéraux dont l’écart d’âge se rapprochait de celui existant entre générations différentes. Dès lors, en cas de décès des parents, l’histoire raconte que les aînés assuraient naturellement une fonction de protection des cadets. Il s’instaura une obligation alimentaire qui demeura à des conditions strictes et se vit, dans les lignées nobles, suppléée par un devoir de protection presque vassalique des cadets mineurs par les aînés majeurs157.

87. Les réalités sociologiques de la Rome antique ne sont pas si différentes des réalités traditionnelles africaines158. C’est ce qui explique qu’en droit togolais, le devoir fraternel d’assistance a été retenu à l’article 111 du CTPF, selon lequel « en ligne collatérale, l’obligation alimentaire existe entre frères et sœurs germains, utérins ou consanguins à l’exclusion de leurs descendants ». D’autres législations connaissent également le même phénomène juridique. On peut ainsi lire les articles 307-4 du Code congolais, 263, alinéa 1er du Code sénégalais ou 685, alinéa 1er, du Code burkinabè, qui retiennent l’obligation alimentaire en ligne collatérale, tout au moins entre frères et sœurs, parfois entre collatéraux de degré plus éloigné159.

88. D’autres législations, telles que le droit italien, le droit espagnol, le droit suisse, le droit russe, le droit roumain et les droits d’Amérique latine reconnaissent également l’obligation alimentaire entre frères et sœurs au moins160. En droit français, en revanche, le Code civil de 1804 n’imposait pas entre frères et sœurs une obligation alimentaire, susceptible d’exécution forcée. Une obligation naturelle existe cependant entre eux161.

89. Il a été alors jugé qu’un légataire, qui s’est engagé à partager avec son frère par moitié les biens qui lui avait été légués par celui qui était en fait leur grand-père, s’oblige, même en l’absence d’un lien juridique162. On a pu également évoquer, dans un arrêt du 11 octobre 2017, une obligation naturelle et un devoir de justice de deux sœurs envers leur frère, omis du testament rédigé avant la reconnaissance de celui-ci, exclu de la succession canadienne du défunt163. L’obligation naturelle, ancrée dans les mœurs, a été confirmée par l’article 1100, alinéa 2 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, aux termes duquel les obligations « peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ».

90. Il faut néanmoins convenir que la restauration de la fratrie ne peut se contenter de l’obligation alimentaire en ce sens que les liens fraternels ne s’évaluent pas seulement en argent164. L’admission juridique « des devoirs de conscience » en droit des contrats ne constitue qu’une transposition à peine voilée des comportements requis des frères et sœurs. Ce changement normatif de paradigme se révèle comme une forme de réconciliation entre droit et morale, qui invite à plaider pour le retour des principes fraternels aux sources, c’est-à-dire dans le droit de la famille. La reconnaissance des valeurs non marchandes, telles que la confiance, la sincérité, l’attention, la disponibilité, la loyauté, la coopération, peuvent compléter la solidarité et la générosité fraternelles et être la clé de la posture juridique de reconnaissance.

91. Dans la mesure où le droit tend à l’universalité et à la toute-puissance pour écarter les autres normes de comportement, les qualités précitées, attribuables aux liens fraternels, pourraient être érigées en une technique universelle de recomposition des valeurs et un frein à « l’ébranlement des certitudes humaines »165 individualistes.

92. Au terme de cette pérégrination intellectuelle en terre fraternelle, l’heure est venue de faire un point technique du voyage. Il en ressort qu’en dépit de la forte présence de l’esprit fraternel dans les communautés rurales et urbaines, force est de constater que la place que le droit accorde aux frères et sœurs est encore balbutiante, mieux subsidiaire. Or la fratrie, entité ou groupement des frères et sœurs, reste la figure vivante, mystérieusement imitée par la doctrine de la fraternité mondaine ou contractuelle universelle ou humaniste, mais négligée par le droit de la famille. Il n’est pas exagéré de souligner que la fratrie y apparaît comme une entité éprouvée, en raison de l’effacement des fonctions classiques confiées à la collatéralité, mais aussi et surtout compte tenu de l’effritement de l’esprit de fraternité dans les rapports directs ou indirects au sein des collectivités familiales, faute d’une réception solennelle par les forces imaginantes et les sources normatives du droit.

93. La fratrie, souffrant d’un besoin du droit pour exister et opérer efficacement, sa consécration juridique est, au demeurant, vivement souhaitable. À cet égard, un statut renouvelé, remodelé, autonome et fonctionnel, dans le bonheur et dans le malheur, peut être revendiqué pour elle, à l’aune du modèle de la famille contemporaine retenu par le législateur. La fratrie peut avoir vocation à couvrir la parenté collatérale réduite à celle des frères et sœurs de sang, consanguins, utérins et germains. Au total, la métamorphose de la notion elle-même, la substantialisation de ses critères distinctifs ainsi que la reconnaissance de ses fonctions matérielles et affectives pourraient permettre aux frères et sœurs de sortir dignement de l’ornière et de jouir pleinement de la vraie vie juridique.

Notes de bas de pages

  • 1.
    A. N. Gbaguidi, « La spécificité du droit de la famille », in Dix ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin, Actes du colloque, BIDH, 2014 ; du même auteur, « De l’option de la monogamie à l’option de la polygamie », RBSJA oct. 1995, n° spéc., p. 25-36.
  • 2.
    C. Levi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, 1949, extraits, Flammarion (Les livres qui ont changé le monde), 2010 ; L. Toulemon, « Évolution des fratries : les enseignements de la démographie », Inf. soc. mai 2012, n° 173, p. 24 ; A. Poittevin, Les liens dans les fratries recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein de familles recomposées, Dossiers d’études. Allocations Familiales, n° 47, 2003 ; A. Fine, « Liens de fraternité. De quelques orientations de recherche en sciences sociales », Inf. soc. mai 2012, n° 173, p. 36.
  • 3.
    B. Camdessus (dir.), La fratrie méconnue : liens du sang, liens du cœur, ESF éditeur, 1998, p. 95 et s.
  • 4.
    M. Ngom, « La fratrie en droit sénégalais de la famille », RBSJA 2016, n° 36, p. 5 et s. ; des études ont montré le caractère autonome de la fratrie, v. en ce sens, C. Follmi, L’autonomie créatrice : système fraternel et système filial, thèse, 1991, Lyon II ; C. Carre-Ginsberg, Le frère de mon frère n’est pas mon frère (étude sur la relation de fratrie et des places généalogiques dans la famille recomposée), thèse, 1996, Paris X ; T. Gosset, La fratrie, mémoire master 2, 2013, Paris-Sud.
  • 5.
    S. Bourhaba, « Singularité et multiplicité des relations fraternelles. Voyage en terre fraternelle », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 23.
  • 6.
    M. Buisson, La fratrie, creuset des paradoxes, 2003, L’Harmattan.
  • 7.
    Sur les conceptions de la famille, H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, 2e vol., t. I, 4e éd., par M. de Juglart, 1967, RIDC, n° 686 ; M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. II, 2e éd., 1952, par A. Rouast, n° 1 ; v. également A. N. Gbaguidi, La personne, la famille et le droit en République du Bénin, contribution à l’étude du Code des Personnes et de la Famille, 2007, Juris Ouanilo ; du même auteur, « La spécificité du droit de la famille », in Dix ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin, Actes du colloque, BIDH, 2014 ; N.-C.-M. Ndiaye, « La notion de famille en droit sénégalais : réflexions sur l’approche d’un “Code de compromis” », in Le droit africain à la quête de son identité, Mélanges offerts au professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, 2021, L’Harmattan, p. 891 et s.
  • 8.
    P. Mousseron, « Les immunités familiales », RSC 1998, p. 291.
  • 9.
    A. Batteur, « L’interdit de l’inceste, principe fondateur du droit de la famille », RTD civ. 2000, p. 759. Certains (H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, 2e vol., t. I, 4e éd., par M. de Juglart, 1967, RIDC, n° 686) considèrent la famille comme regroupant l’ensemble des personnes qui, en raison de leur parenté ou de leur qualité d’époux, sont soumises à la même autorité, celle du chef de la famille. D’autres (M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. II, 2e éd., 1952, par Rouast, n° 1) l’envisagent comme l’ensemble des personnes qui sont unies par le mariage, par la filiation et par une parenté résultant d’une descendance avec un auteur commun.
  • 10.
    G. A. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique noire francophone, 1974, Paris, Pedone, p. 199.
  • 11.
    S. Guinchard et T. Debard (dir.), Lexique des termes juridiques, 28e éd., 2020, Dalloz, p. 503, v° « Fratrie ».
  • 12.
    G. Cornu, « La fraternité des frères et sœurs par le sang dans la loi civile », in Écrits en l’honneur du professeur Jean Savatier, 1992, PUF, p. 129 et s. ; V. Tardy, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », LPA 2 nov. 1999, p. 7.
  • 13.
    V° « fraternité », in Dictionnaire de l’Académie Française, 9e éd., 1986, Fayard.
  • 14.
    E. Favart, « Désigner les frères et sœurs : différences lexicales et sémantiques », Inf. soc. mai 2012, n° 173, p. 8.
  • 15.
    G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 11e éd., 2016, PUF, v° « fraternité » et « fratrie ».
  • 16.
    DUDH, art. 1er ; M.-K. Gandhi, Tous les hommes sont frères, 2003, Folio, p. 205.
  • 17.
    J.-P. Levy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, 2e éd., 2010, Dalloz, p. 1524.
  • 18.
    D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contractuelle ? », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à François Terré, 1999, Dalloz-Puf-Jurisclasseur, p. 603 et s.
  • 19.
    Digeste, 17, 2, fr 63, princ, cité par A. Couret et A. Laude, « À la recherche du jus fraternitatis », in Mélanges en l’honneur de Jacques Mestre, 2019, LGDJ, p. 282 et s.
  • 20.
    Le terme est cependant récent et absent de la 8e édition du dictionnaire de l’Académie française (1932-1935) ; v. v° « frère », in Dictionnaire de l’Académie Française, 9e éd., 1986, Bayard.
  • 21.
    B. Connen, « Un code de la famille au Togo », Penant 1981, n° 771, p. 6.
  • 22.
    G. Leduc, « Structures familiales et développement économique en Afrique intertropicale », RJPIC 1967, p. 136 et s. ; E. Le Roy, « L’esprit de la coutume et l’idéologie de la loi », Symposium La connaissance du droit en Afrique, Bruxelles, 2-3 déc. 1983, Académie royale des sciences d’Outre-mer, 1985, p. 210 et s.
  • 23.
    Articles 171 et suivants du Code togolais des personnes et de la famille, modifié par la loi n° 2014-019 du 17 novembre 2014.
  • 24.
    Articles 122 et suivants du Code béninois des personnes et de la famille ; S. Guinchard, « Réflexions critiques sur les grandes orientations du Code sénégalais de la famille », Penant, 1978, n° 760, p. 175.
  • 25.
    R. Maurice, « Les effets de la parenté et de l’alliance en ligne collatérale », RTD civ. 1971, p. 251 ; R. Savatier, Sociologie du droit de la famille, Annales de la Faculté de droit de Toulouse 1959, fasc. I, p. 89.
  • 26.
    S. Guinchard et T. Debard (dir.), Lexique des termes juridiques, 28e éd., 2020, Dalloz, v° « collatéral ».
  • 27.
    P. Jestaz, « La parenté (conférence de Wainwright 1995) », in Autour du droit civil, Écrits dispersés et idées divergentes, 2005, Dalloz, p. 265 ; C. Siffrein-Blanc, La parenté en droit français, Étude crique, 2009, PUAM.
  • 28.
    J. Massip, « La loi du 30 décembre 1996 tendant à éviter la séparation des frères et sœurs », Defrénois 15 août 1997, n° 36616, p. 897 et s. ; P. Murat, « La loi du 30 décembre 1996 relative au maintien des liens entre frères et sœurs ou comment ressurgit la question des droits de l’enfant », Dr. famille 1997, chron. 4.
  • 29.
    G. Cornu, Vocabulaire juridique, 11e éd., 2016, PUF, p. 482, v° « Fratrie ».
  • 30.
    D. Lett, « Les fratries dans l’histoire », Inf. soc. mai 2012, n° 173, p. 13.
  • 31.
    Le trône ancestral.
  • 32.
    Un vodou familial.
  • 33.
    J. Poirier, « L’originalité des droits coutumiers de l’Afrique Noire », in Mélanges Henri Levy-Bruhl, 1959, Sirey, p. 485 et s.
  • 34.
    E. Le Roy, « Réflexions sur une interprétation anthropologique du droit africain », RJPIC 1972, p. 427 et s. ; A. P. Robert, L’évolution des coutumes de l’ouest africain et la législation française, 1955, Librairie Autonome, p. 80 et s.
  • 35.
    A. S. Marcos, La codification du mariage au Bénin et au Sénégal, thèse Abomey-Calavi, 2021, p. 4 et s.
  • 36.
    J.-C. James, « Les unions para-matrimoniales en droit gabonais de la famille », Afrique juridique et politique, janv.-juin 2003, vol. 2, n° 1, p. 82-124.
  • 37.
    E. Putman, préface à la C. Siffrein-Blanc, La parenté en droit français, Étude crique, thèse, 2009, PUAM, p. 3 ; CEDH, 13 sept. 2005, n° 36536/02, B. L. c/ Royaume-Uni : RTD civ. 2005, p. 735, obs. J.-P. Marguénaud ; Dr. famille 2005, comm. 234, obs. A. Gouttenoire et M. Lamarche.
  • 38.
    V. David-Balestriero, « L’unité de la fratrie », in Mélanges en l’honneur du professeur Gilles Goubeaux, 2009, Dalloz-LGDJ, p. 71 et s.
  • 39.
    P. Couvrat, « Le droit pénal et la famille », RSC 1969, p. 807.
  • 40.
    K. Adjamagbo, Les successions au Togo, Réalisme d’un code, réalités homéennes, thèse, 1986, Paris 1, p. 2 ; K. Agbekponou, « La vocation héréditaire de la femme dans le droit positif togolais des successions », Penant, 1988, p. 438 ; v. égal. N. Silué, L’égalité entre l’homme et la femme en Afrique noire francophone. Essai sur la condition juridique de la femme en droit social ivoirien, 2008, Nanterre, Paris X.
  • 41.
    Expression utilisée par Jean Carbonnier in Droit civil, t. II, 11e éd., 1979, PUF, n° 95.
  • 42.
    Cette parenté est une sorte d’alliance entre clans ou fractions de clans et implique un devoir d’assistance naturelle et la facilité d’insulter sans que cela puisse donner lieu à disputes ; sur la question, v. G.-A. Kouassigan, L’homme et la terre, 1966, éd. ORSTOM, p. 61.
  • 43.
    S. Lallemand, Adoption et mariage. Les Kotokoli du centre du Togo, 1994, L’Harmattan ; T. Atangana-Malongue, « La réception des institutions traditionnelles dans la codification du droit de la famille au Cameroun. À propos de l’adoption coutumière », in De l’esprit du droit africain, Mélanges en l’honneur de Paul-Gérard Pougoué, 2014, CREDIJ, p. 87 et s. ; G. Jiogué, « Vérité biologique et droit camerounais de la filiation : réflexions à la lumière de l’avant-projet du Code des personnes et de la famille », Rev. gén. de droit 2007, p. 21 et s.
  • 44.
    M. Pocanam, « Quelques aspects du Code togolais de la famille (L’ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980) », Penant 1986, p. 229 et s. ; N. Dagui, La parenté en droit privé. Étude comparative de droit français et de droits post-coloniaux de l’Afrique noire, thèse Poitiers, 1985, p. 5.
  • 45.
    Selon Claude Lévi-Strauss (« Réflexions sur l’atome de la parenté », in L’homme, vol. XIII, 3, 1973, p. 5), une structure de parenté ne peut se construire à partir de la famille biologique composée de père, de la mère et des enfants, mais implique nécessairement une relation d’alliance.
  • 46.
    T. Locoh et M.-P. Thiriat, « Divorce et remariage des femmes en Afrique de l’ouest, Le cas du Togo », Population, 50e année, 1995, n° 1, p. 66 ; C.-O. Ciss, « Remariage et influences réciproques des unions successives », Afrilex (en ligne), janv. 2020, https://lext.so/mIN0gD ; D. Lekebe Omouali, « Les réformes du droit de la famille dans les états d’Afrique noire francophone : tendances maliennes », Afrilex févr. 2017.
  • 47.
    P.-G. Pougoué, La famille et la terre : Essai de contribution à la systématisation du droit privé au Cameroun, thèse, 1977, Bordeaux, p. 98 et s. ; S. Mélone, « Du bon usage du pluralisme juridique », Rev. camerounaise de droit, 1986, n° 31 ; M. Auge et J. Copans, « Les domaines de la parenté : filiations, alliance, résidence », in Dossiers africains, 1975, Maspéro.
  • 48.
    L. Nguimfack, R. Caron, D. Beaume et J.-P. Tsala Tsala, « Traditionnalité et modernité dans les familles contemporaines : un exemple africain », Psychothérapies, 2010/1, vol. 30, p. 25 et s.
  • 49.
    J. Bonnecase, La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, 2e éd., 1928, De Boccard, p. 11 ; M. Douchy-Oudot, « Les réformes du droit français de la famille au XXIe siècle », in Le droit africain à la quête de son identité, Mélanges offerts au professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, 2021, L’Harmattan, p. 457 et s.
  • 50.
    M. V. Tsangu Makumba, Pour une introduction à l’africanologie, 1994, éd. Universitaires de Fribourg ; H. Maurier, Philosophie de l’Afrique noire, 2e éd., 1985, Bonn, Anthropos, p. 51 et s.
  • 51.
    M. V. Tsangu Makumba, Pour une introduction à l’africanologie, 1994, éd. Universitaires de Fribourg, p. 6.
  • 52.
    D. N’Doninga, Réflexions sur l’efficacité des sûretés personnelles dans le droit uniforme issu du traité de l’OHADA, thèse, Orléans, 2004, n° 113.
  • 53.
    Témoignage mossi (Burkina Faso) recueilli par X. Dijon, « Éléments de droit comparé pour une théorie générale des contrats coutumiers au Burkina », Rev. burkinabè de droit, janv. 1985, n° 7, p. 30.
  • 54.
    Ainsi, par exemple, en pays Dagari, au sud du Burkina Faso, « pour récupérer sa créance, le créancier avertit le débiteur qu’il emploiera tous les moyens. Avec l’appui de sa propre famille et l’autorisation de son chef, le créancier peut enlever un parent cher au débiteur. La personne enlevée est enterrée jusqu’au cou près de la maison du créancier ; la famille du créancier monte avec arcs, flèches et lances sur la terrasse et attend que la famille du débiteur vienne acquitter la dette », X. Dijon, « Éléments de droit comparé pour une théorie générale des contrats coutumiers au Burkina », Rev. burkinabè de droit, janv. 1985, n° 7, p. 36.
  • 55.
    C. Vidal, « La “solidarité africaine” : un mythe à revisiter », Cahiers d’études africaines, 1994, n° 136, p. 687 et s.
  • 56.
    P. M. Eloundou-Enyegue, « Solidarité dans la crise ou crise des solidarités familiales au Cameroun ? », in Les dossiers du CEPED, 1992, Centre français sur la population et le développement, n° 22, p. 40.
  • 57.
    D. N’Doninga, Réflexions sur l’efficacité des sûretés personnelles dans le droit uniforme issu du traité de l’OHADA, thèse, Orléans, 2004, n° 114 ; X. Dijon, « Éléments de droit comparé pour une théorie générale des contrats coutumiers au Burkina », Rev. burkinabè de droit, janv. 1985, n° 7, p. 36.
  • 58.
    M. Bourrié-Quenillet, « Le préjudice moral des proches d’une victime blessée. Dérive litigieuse ou prix du désespoir », JCP G 1998, I 186 ; R. Savatier, « Une personne morale méconnue : la famille en tant que sujet de droit », DH 1939, chron. p. 49 ; adde R. Savatier, Le droit, l’amour et la liberté, 2e éd, 1963, LGDJ, chap. 1er.
  • 59.
    AUSCGIE, art. 318, al. 2 pour la SARL ; AUSCGIE, art. 765, al. 2 pour la SA ; AUSCoop, art. 380 pour les sociétés coopératives.
  • 60.
    Articles 169 et 170 du Code pénal togolais.
  • 61.
    Sur les immunités familiales, voir les dispositions de l’article 428 du Code pénal togolais.
  • 62.
    CTPF, art. 54, al. 1er.
  • 63.
    S. Freud, « Totem et Tabou. Quelques concordances dans la vie d’âme des sauvages et des névrosés », 1913, in Œuvres complètes (trad. française), vol. XI, 1998, PUF, p. 362.
  • 64.
    « La prohibition de l’inceste et ses origines », in Année sociologique, vol. I, 1896-1897, p. 1 à 70, rubrique « Mémoires originaux », texte reproduit dans Journal sociologique, 1969, p. 37 à 101, PUF, Bibliothèque de philosophie contemporaine.
  • 65.
    Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, 21e éd., par V. Larribau-Terneyre, 2020, Sirey, p. 679, n° 1551 ; sur l’eugénisme, v. F.-X. Ajavon, L’Eugénisme de Platon, 2002, Paris, L’Harmattan ; J.-P. Thomas, Les fondements de l’eugénisme, 1995, PUF, p. 5 et s.
  • 66.
    Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 223 du nouveau Code pénal, l’inceste est puni d’une peine de cinq à dix ans de réclusion criminelle et d’une amende de cinq millions à vingt millions de francs CFA.
  • 67.
    L. Daligand, « Les effets du secret de l’inceste : sclérose interne et vide générationnel », LPA 3 mai 1995, p. 56 ; C. Guery, « L’inceste : étude de droit pénal comparé », D. 1998, Chron., p. 47.
  • 68.
    CTPF, art. 54, al. 2.
  • 69.
    CEDH, 13 sept.2005, n° 36/536/02, B. L. c/ Royaume-Uni : RTD civ. 2005, p. 735, obs. J.-P. Marguénaud ; Dr. famille 2005, comm. 234, obs. A. Gouttenoire et M. Lamarche ; J. Hauser, « Empêchements à mariage : où le grand-père de l’enfant devient le mari de la mère, ancienne épouse du fils », RTD civ. 2005, p. 758.
  • 70.
    CA Caen, 3e ch., 7 juin 2017, n° 16/01314 : Dr. famille 2017, comm. 224, par H. Fulchiron ; en droit allemand, le conseil éthique a proposé de dépénaliser l’inceste dans un avis rendu le 24 septembre 2014, v. L’Express, 25 sept. 2014, https://lext.so/qcJBox ou France info 26 sept. 2014, https://lext.so/uAbMTZ, consultés le 14 oct. 2021.
  • 71.
    A. Aka Lamarche, « L’héritage colonial de l’État civil en Côte-d’Ivoire : chroniques d’une défaillance annoncée », Rev. ivoirienne des sciences juridiques et politiques, sept. 2014, p. 133 et s.
  • 72.
    O. Cayla, « La qualification, ou la vérité du droit », Droits 1993, n° 18, p. 3 et s.
  • 73.
    G. A. Kouassigan, L’homme et la terre, 1966, éd. ORSTOM, p. 140 ; P.-G. Pougoué, La famille et la terre : Essai de contribution à la systématisation du droit privé au Cameroun, thèse, 1977, Bordeaux, p. 98 ; S. Mélone, La parenté et la terre dans la stratégie de développement (l’expérience camerounaise : étude critique), 1972, éd. Klinsksieck, p. 49 ; C. Levi Strauss, « La famille », in Le regard éloigné, 1983, Plon, p. 63 et s. ; L. Topor, Rép. civ. Dalloz, v° « État et capacité des personnes », 1990, nos 1 et s.
  • 74.
    T. Atangana-Malongue, « La réception des institutions traditionnelles dans la codification du droit de la famille au Cameroun. À propos de l’adoption coutumière », in De l’esprit du droit africain, Mélanges en l’honneur de Paul-Gérard Pougoué, 2014, CREDIJ, p. 87 et s. ; N.-C. M. Ndiaye, Le statut juridique de l’enfant né hors mariage au Sénégal, thèse, 2013, UCAD, p. 302.
  • 75.
    CA Lomé, n° 46/2013, 26 févr. 2013 : Arrêts annotés 2012-2013, 2015, éd. Haho, p. 692 ; en droit camerounais, la Cour suprême, dans un arrêt, n° 17/L du 20 décembre 1973, avait estimé qu’un homme ayant des enfants légitimes ne pouvait pas juridiquement adopter les enfants de sa cousine : Rev. camerounaise de droit, 1975, n° 7, p. 66, obs. S. Mélone.
  • 76.
    M.-T. Meulders-Klein, « Réflexions sur l’état des personnes et l’ordre public », in Droit civil, procédure, linguistique juridique, Écrits en hommage à Gérard Cornu, 1994, PUF, p. 317 et s.
  • 77.
    S. Mélone, « L’état civil », in Droit des personnes et de la famille, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. VI, 1982, Les Nouvelles Éditions Africaines, p. 27 et s. ; M.-T. Meulders-Klein, « Réflexions sur l’état des personnes et l’ordre public », in Droit civil, procédure, linguistique, Écrits en hommage à Gérard Cornu, 1994, PUF, p. 317 et s. ; A. Cheynet de Beaupré, « États civils, Inventaire à la Prévert de la disponibilité », in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Teyssié, 2019, LexisNexis, p. 447 et s. ; A. Etienney-De Sainte Marie, « Que reste-t-il du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ? », in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Teyssié, 2019, LexisNexis, p. 467 et s.
  • 78.
    Selon Luhmann, ce concept signifie qu’il existe, dans la société, une attente de normes distincte de l’attente, par exemple, de justice ou de vérité ; sur la théorie de la stabilisation des attentes normatives, v. N. Luhmann, Soziale Systeme. Grundriß einer allgemeinen Theorie (1984), 1996, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, p. 16, (trad. française et introduction L. K. Sosoe), Systèmes sociaux. Esquisse d’une théorie générale, 2010, Québec, Presses de l’université Laval, p. 36 ; H. Rabault, Le problème de la fonction du droit, 2020, PUF, n° 71, p. 237 et s. ; adde H. Rabault, « La théorie du droit fonctionnaliste de Niklas Luhmann », Droits 2018, n° 68, p. 201-221.
  • 79.
    P. Cantrelle, « L’état civil en Afrique occidentale : un long malentendu », in I. Thioub (dir.), AOF : réalités et héritages (sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895-1960), 1997, Direction des archives du Sénégal, p. 981 et s.
  • 80.
    A. Aka Lamarche, « L’héritage colonial de l’État civil en Côte-d’Ivoire : chroniques d’une défaillance annoncée », Rev. ivoirienne des sciences juridiques et politiques, sept. 2014, p. 142 ; A. Cissé, « Regards sur le “projet de Code de statut personnel islamique”, Contribution au débat sur l’avenir de la famille sénégalaise », Rev. faculté de droit de l’Université de Toulouse sept. 2005, n° 4, p. 9.
  • 81.
    F. Meman Thiero, Le nom patrinomique en République de Côte d’Ivoire, thèse, 1999, Paris X-Nanterre ; M.-K. Zotchi, Filiation, noms et droit traditionnel au Togo (Coutume Ewe, Ouatchi et Mina), mémoire, 1965, Paris, Institut des hautes études d’Outre-Mer, p. 26 ; Y. Dossu, « Le nom chez les Bariba et les Peuls du nord-Dahomey », Notes africaines, IFAN, 1994, n° 22.
  • 82.
    A. Johnson, « Famille, clans et anthroponymes à Aného et en pays guin », in Le tricentenaire d’Aného et du pays guin, 2001, PUB, p. 473 et s.
  • 83.
    S. Ombiono, « Les noms et prénoms », in Droit des personnes et de la famille, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. VI, 1982, Les Nouvelles Éditions Africaines, p. 45 et s., spéc. p. 46 ; I. Nguéma, Le nom dans la tradition et la législation gabonaise (Essai de droit coutumier Ntumu, thèse, 1969, Paris, p. 4 et s.
  • 84.
    Ce même phénomène a été relevé en droit français par A. Cheynet de Beaupré, « États civils, Inventaire à la Prévert de la disponibilité », in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Teyssié, 2019, LexisNexis, p. 448.
  • 85.
    G. Goubeaux, « Le nom », in Droit de l’enfant et de la famille, Hommage à Marie-Josèphe Gebler, 1998, Presses universitaires de Nancy, p. 23 et s., spéc. p. 32 ; sur le droit de la fratrie, v. G. Gornu, « La fraternité des frères et sœurs par le sang dans la loi civile », in Écrits en l’honneur du professeur Jean Savatier, 1992, PUF, p. 228.
  • 86.
    G. Goubeaux, « Le nom », in Droit de l’enfant et de la famille, Hommage à Marie-Josèphe Gebler, 1998, Presses universitaires de Nancy ; M. Gobert, « L’attribution du nom ; égalité ou liberté ? (à propos de la proposition de loi Gouzes », LPA 23 mai 2001, p. 4 et s.
  • 87.
    Aux termes de l’article 1er du CTPF, « toute personne doit avoir un nom patronymique ou matronymique et ou plusieurs prénoms ».
  • 88.
    Pour les enfants naturels de même père et de même mère, on peut constater une diversité de noms, qui peuvent même évoluer durant le cursus scolaire. Plus gave est le cas de la polygamie : dans cette hypothèse, les enfants naturels portent parfois des noms de famille différents, en fonction du nombre de femmes épousées.
  • 89.
    La loi n° 2020-009 du 10 septembre 2020 ne semble pas régler le problème. D’abord, en suivant l’article 6 de la cette loi, seules les données démographiques sont exigées, à savoir les nom et prénoms, les date et lieu de naissance, le sexe, les nom et prénoms du père et de la mère et ou du tuteur ; ensuite, aux termes de l’article 12 de la même loi, les données démographiques et biométriques fournies à l’Agence nationale d’identification sont actualisées et mises à jour à l’occasion de chaque changement qui les affecte et ce, à la demande de la personne inscrite, ou d’office par l’Agence nationale d’identification sur la base des faits ou des preuves qui sont portés à sa connaissance, Les actes et les faits d’état civil ainsi que les jugements déclaratifs sont communiqués à l’Agence nationale d’identification selon les modalités définies par voie réglementaire.
  • 90.
    Dans le même sens, v. A. Cheynet de Beaupré, « États civils, Inventaire à la Prévert de la disponibilité », in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Teyssié, 2019, LexisNexis, p. 459.
  • 91.
    Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, 21e éd., par V. Larribau-Terneyre, 2020, Sirey, p. 405, n° 896.
  • 92.
    S. Lallemand, La mangeuse d’âmes. Sorcellerie et famille en Afrique, 1988, L’Harmattan ; A. Adler, Roi sorcier, mère sorcière. Parenté, politique et sorcellerie en Afrique noire, 2006, Félin ; B. Hell, Possession et chamanisme, les maîtres du désordre, 1999, Flammarion.
  • 93.
    B. Gbago, « Leçon inaugurale », in B. Gbago et O. Devaux (dir.), Les sources du droit, Droit béninois, actes du Colloque de l’Université d’Abomey-Calavi, 15-16 janv. 2015, n° 4, 2015, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole ; P. Nkou Mvongo, « La justice parallèle au Cameroun », Dr. et société 2002, n° 51-52, p. 381.
  • 94.
    CA Versailles, 2e ch., sect. 1, 24 juin 2010, n° 09/04756.
  • 95.
    Par exemple, en droit béninois, aux termes de l’article 458, issu de la loi n° 2018-16 du 4 juin 2018, portant Code pénal, « est puni de la réclusion criminelle de dix (10) à vingt (20) ans, quiconque s’est livré ou a participé à des pratiques de sorcellerie, de magie ou de charlatanisme, susceptibles de troubler l’ordre public ou de porter atteinte aux personnes et aux biens ».
  • 96.
    R. Verdier, N. Kalnoky et S. Kerneis (dir.), Les Justices de l’invisible, 2013, L’Harmattan.
  • 97.
    R. Verdier, « Le mal sorcier dans la parenté et la vérité du feu en pays Kabyè, Togo », in R. Verdier, N. Kalnoky et S. Kerneis (dir.), Les Justices de l’invisible, 2013, L’Harmattan, annexe, p. 480.
  • 98.
    Tels neveux revendiqueront leurs biens confisqués par l’oncle sorcier lors du décès de leur père, etc. Par ailleurs, des courants peuvent se constituer au sein du lignage.
  • 99.
    Le droit de la famille consacre la prohibition du mariage et la vocation successorale, même s’il ignore étrangement l’obligation alimentaire, ce qui autorise à soutenir la consolidation de l’appréhension normative.
  • 100.
    B. Moore, « Dessine-moi une famille », in Mélanges en l’honneur du professeur Michel Grimaldi, 2020, Defrénois, p. 683 et s.
  • 101.
    F. Dipéré, Le nouveau droit du mariage au Togo, thèse, Lille II, 1988 ; F. Dekeuwer-Défossez, « Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD civ. 1995, p. 249 et s. ; M. Thioye, « Part respective de la tradition et de la modernité dans les droits de la famille des pays d’Afrique noire francophone », RID comp. 2005, p. 345 et s.
  • 102.
    J. Carbonnier, « Famille, législations et quelques autres », in Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., 2001, LGDJ, p. 275 et s., spéc. p. 279.
  • 103.
    P. Jestaz, « Sources délicieuses, remarques en cascade sur les sources du droit », RTD civ. 1993, p. 73 : « La source fondatrice, les forces créatrices, les instruments créateurs, les organes créateurs, les créateurs ou acteurs, les processus créateurs, les activités créatrices, les normes créées ».
  • 104.
    B. Moore, « Dessine-moi une famille », in Mélanges en l’honneur du professeur Michel Grimaldi, 2020, Defrénois, p. 695.
  • 105.
    D. Tounkara, La famille, les normes, l’État. Essai sur l’émancipation de la femme malienne, thèse, 2011, Paris-Nanterre, p. 18, n° 17 ; M. Kane, « De la protection des droits de la femme et le maintien de la famille sénégalaise », Rev. sénégalaise de droit, n° 15, p. 13 et s. ; V. Ouaba, Code burkinabé des personnes et de la famille : une promotion des droits de la femme, thèse, 1999, Perpignan, p. 18.
  • 106.
    F.-M. Sawadogo, « Le nouveau code burkinabè de la famille : principes essentiels et perspectives d’application », RJPIC 1990, p. 373 et s. ; M. Pocanam, « Quelques aspects du Code togolais de la famille (L’ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980), Penant, p. 228 et s.
  • 107.
    Sur la théorie de la substantialisation, J. Aglo, Théorie générale de la norme. Les fondements normatifs de la substantialisation, 2019, Presses de l’université de Lomé, p. 127 et s. Par substantialisation ou conception normative de la substance, il faut entendre le fait de transformer le rien ou l’inexistant en une substance en lui donnant un sens, un contenu et une fonction.
  • 108.
    J. Carbonnier, « La théorie des conflits de famille chez Proudhon », in Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., 2001, LGDJ, p. 296 et s., qui (Proudhon) semble être favorable à l’extension de la collatéralité aux amis et aux associés.
  • 109.
    J. Aglo, Théorie générale de la norme. Les fondements normatifs de la substantialisation, Théorie générale de la norme. Les fondements normatifs de la substantialisation, 2019, Presses de l’université de Lomé, p. 135.
  • 110.
    E. Le Roy et a., « La formation des droits non étatiques », in Encyclopédie juridique de l’Afrique, 1982, Les Nouvelles Éditions Africaines, p. 353 et s. ; A.-N. Gbaguidi, Pluralisme juridique et conflits internes de lois en Afrique noire francophone, thèse, 1998, Bordeaux 4, p. 4 ; M. Pagniou, L’application judiciaire des droits traditionnels au Togo, thèse, 1996, Saint-Étienne.
  • 111.
    J. Carbonnier, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., 2001, LGDJ, p. 309.
  • 112.
    On se rappelle les procès intentés contre les coutumes mais, en réalité, ces reproches ne sont pas fondés, en ce sens que nous n’avons jamais pris le temps, en raison des préjugés, de comprendre le substrat des règles coutumières, alors même qu’elles sont d’une grande rationalité ; dans le sens contraire, L.-K. Amega, « Prière pour un Code civil », Penant, 1966, p. 281 et s., qui estime que le Code civil togolais ne doit pas être un « recueil des coutumes » ; v. également M. Alliot, « Ce que repenser les droits africains veut dire », in C. Kuyu (dir.), À la recherche du droit africain du XXIe siècle, 2005, Connaissances et savoirs, p. 23 et s. spéc., p. 26 : « Les règles coutumières n’avaient pas la précision, la simplicité, l’unité, la rationalité, la transparence et la publicité de nos lois écrites, ne situaient pas les individus en présence de l’État et n’étaient pas autonomes à l’égard de la religion et des convenances ; on leur reprochait d’être imprécises, multiples, orales, souvent secrètes, irrationnelles, coutumières, collectives et engluées dans la morale, la religion et les convenances elles-mêmes confondues ».
  • 113.
    En dehors des accompagnements un peu cosmétiques, il y a peut-être une véritable construction juridique fondée sur quelques-unes des finalités du droit, à savoir le progrès et la survie du groupe familial, voir M. D. Avégno, Afa, pratique et textes chez les Ewé, 2013, Presses académiques francophones ; M. Dourma, La protection pénale de l’enfant au prisme de l’administration coloniale depuis la rencontre des droits occidentaux et des droits traditionnels en Afrique occidentale, spécialement au Togo : de 1922 à nos jours, thèse, 2011, Strasbourg.
  • 114.
    M. Fabre-Magnan, L’institution de la liberté, 2018, PUF, p. 7 et s.
  • 115.
    Aux termes de l’article 7 du Code de l’enfant, « Le droit fondamental et primordial de l’enfant est le droit à la vie. L’enfant a le droit de jouir de sa vie en toute liberté. Ce droit ne peut lui être enlevé ».
  • 116.
    Selon l’article 28 du Code de l’enfant, tout enfant dispose d’un droit inaliénable à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
  • 117.
    Voir le cas malien, D. Tounkara, « Le nouveau Code de la famille et des personnes au Mali : la “victoire à la Pyrrhus” du Haut conseil islamique et de son président l’“ayatollah” Mohamed Dicko », Penant janv. 2013, n° 882, p. 58 et s.
  • 118.
    M. Fabre-Magnan, L’institution de la liberté, 2018, PUF, p. 184.
  • 119.
    A. N. Gbaguidi, « Égalité des époux, égalité des enfants et le projet de Code de la famille et des personnes », RBSJA oct. 1995, n° spéc. p. 3 et s. ; P. Jestaz, « L’égalité et l’avenir du droit de la famille », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à François Terré, 1999, Dalloz, p. 417 et s. ; adde G. Cornu, « Les notion d’égalité et de discrimination en droit civil français », Travaux de l’Association Henri Capitant, t. XIV, 1965, p. 87 ; P. Jestaz, « Le principe d’égalité des personnes en droit privé », in La personne humaine, sujet de droit, 4e Journées René Savatier, 1994, p. 139.
  • 120.
    B. Vareille, « L’égalité des enfants en droit des successions », in Mélanges en l’honneur du professeur Michel Grimaldi, 2020, Defrénois, p. 957.
  • 121.
    F. K. Camara, Le code de la famille du Sénégal ou l’utilisation de la religion comme alibi à la législation de l’inégalité de genre, 2007, Éditions des Archives Contemporaines, n° 2, p. 3 et s. ; S. Honvou, Le principe d’égalité en droit béninois de la famille, thèse, 2016, Paris-Est-Abomey-Calavio, p. 13, nos 1 et s.
  • 122.
    P. Jestaz, « L’égalité et l’avenir du droit de la famille », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à François Terré, 1999, Dalloz. p. 419.
  • 123.
    J. Carbonnier, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., 2001, LGDJ, p. 309 ; dans le même sens F.-X. Testu, « La devise de la République française : III/… Fraternité », RTD civ. 2021, p. 263, qui parle de fraternité-universalité et fraternité-solidarité.
  • 124.
    Sur la valeur constitutionnelle du principe de l’égalité, K. M. Agbenoto, « La constitutionnalisation du droit privé », in De l’esprit du droit africain, Mélanges en l’honneur de Paul-Gérard Pougoué, 2014, CREDIJ, p. 63.
  • 125.
    I. Y. Ndiaye, « Plaidoyer pour une réforme du Code de la famille », in Administrer la justice, Transcender les frontières du droit, Mélanges en l’honneur du juge Kéba Mbaye, 2018, Presses universitaires de Toulouse, p. 607 et s., spéc. p. 623.
  • 126.
    CTPF, art. 207.
  • 127.
    M. Ngom, « La fratrie en droit sénégalais de la famille », RBSJA 2016, n° 36, p. 30 ; A. Cissé Niang, « Les infortunes du principe constitutionnel d’égalité dans les rapports privés », RASD janv.-déc. 1996, p. 125 et s.
  • 128.
    F. Dekeuwer-Defossez (dir.), Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, 1999, La documentation française, p. 67.
  • 129.
    Notamment en matière d’accès à la chefferie traditionnelle ; certaines coutumes ne reconnaissent d’ailleurs pas l’adoption ; la conséquence en est que l’enfant adopté est juridiquement rattaché à sa famille de sang.
  • 130.
    CA Lomé, 27 juin 2013, n° 194/13, La collectivité Koumako c/ La collectivité Adetsou-Sowadan : Arrêts annotés 2012-2013, 2015, éd. Haho, p. 802 et s.
  • 131.
    CA Lomé, 13 juin 2013, n° 210/13 : Arrêts annotés 2012-2013, 2015, éd. Haho, p. 488.
  • 132.
    Sous l’influence des forces créatrices coutumières du droit, l’article 231 du Code de procédure civile, commerciale et sociale a dû s’adapter en précisant qu’« en attendant la promulgation du Code civil malien, les règles coutumières relatives aux successions, donations, aux rapports des époux, à l’exercice de leurs droits et de ceux des mineurs demeurent applicables devant les juridictions visées dans le présent code ».
  • 133.
    Discours prononcé au lendemain de la mort de Mirabeau par Talleyrand, cité par J.-M. Sagaut, « Égalité successorale et authenticité… sans réserve », in Mélanges en l’honneur du professeur Michel Grimaldi, 2020, Defrénois, p. 877 et s.
  • 134.
    P. Gannagé, « Le principe de l’égalité et le pluralisme des statuts personnels dans les États multicommunautaires », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à François Terré, 1999, Dalloz, p. 431 et s. spéc. p. 440, note 1.
  • 135.
    M. Ngom, « La fratrie en droit sénégalais de la famille », RBSJA 2016, n° 36, p. 32 ; A. Kettani, « L’inégalité successorale en Islam : la femme héritière », in Mélanges en l’honneur du professeur Michel Grimaldi, 2020, Defrénois, p. 529.
  • 136.
    K. Adjamagbo, Les successions au Togo, Réalisme d’un code, réalités homéennes, thèse, 1986, Paris 1, p. 307.
  • 137.
    C. Brenner et C. Puigelier, L’égalité et l’âme des partages successoraux, t. 51, 2008, Dalloz, Archives de philosophie du droit, p. 63.
  • 138.
    B. Vareille, « L’égalité des enfants en droit des successions », in Mélanges en l’honneur du professeur Michel Grimaldi, 2020, Defrénois, p. 958, n° 5.
  • 139.
    P. Catala, « La jurisprudence gardienne de l’égalité successorale », D. 1962, Chron., p. 99.
  • 140.
    G. Cornu, La fraternité des frères et sœurs par le sang dans la loi civile, Écrits en hommage à Jean Savatier, 1992, PUF, p. 129 ; A. Camuzat, « La prévalence de l’unité de la fratrie », Dr. famille 2021, comm. 1 ; T. Garé, « Le partage d’une fratrie après le divorce », JCP G 1997, II 22759, n° 3 ; V. David-Balestriero, « L’unité de la fratrie », in Mélanges en l’honneur du professeur Gilles Goubeaux, 2009, Dalloz-LGDJ, p. 71.
  • 141.
    A.-L. Zwilling, Frères et sœurs dans la Bible : la mise en récit des relations fraternelles dans les textes de l’Ancien et du Nouveau Testaments, thèse en théologie, 2009, Génève, p. 7 et s.
  • 142.
    K. K. Nordjoe, Le proverbe Ewé, du construit social à la création littéraire, thèse, 2015, Lomé.
  • 143.
    Midi Lackos, artiste chanteur à la voie impressionnante et à la composition sensationnelle des rites du terroir, a été décapité en pleine journée à Lomé par son frère, avec un coupe-coupe, par surprise, pour des querelles d’héritage, pendant qu’il prenait sa douche, https://lext.so/r2A3pa.
  • 144.
    M. B. Niang, « Solidarités familiales et prise en charge des vulnérabilités économiques en droit sénégalais de la famille », Nouvelles Annales africaines 2011, n° 2, p. 235 et s.
  • 145.
    Selon cette théorie, les espèces, même humaines, se transforment, s’adaptent et sont profondément conditionnées par leur milieu naturel, aujourd’hui appelé écosystème : C. Darwin, L’origine des espèces, 1859, cité par D. Guillo, Ni Dieu, ni Darwin – Les Français et la théorie de l’évolution, 2009, Ellipses.
  • 146.
    L. Campion, La notion d’assistance en droit privé, 1926 , Bruylant; L. Astruc, De la reconnaissance juridique du devoir d’assistance, thèse, 1929, Montpellier.
  • 147.
    Sur l’universalité des émotions, voir les développements de R. Sève, Philosophie et théorie du droit, 2e éd., 2017, Dalloz, p. 14 et s.
  • 148.
    G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., 1949, LGDJ, p. 269, n° 148.
  • 149.
    G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., 1949, LGDJ, p. 270.
  • 150.
    L. Mauger-Vielpeau, « Les sujets et l’objet de la dette alimentaire », LPA 24 juin 2010, p. 21.
  • 151.
    Devenu depuis la République du Bénin ; au sens strict, les Gbaguidi sont les dirigeants du royaume de Savalou, cousins de ceux du royaume d’Abomey, or, ni les uns ni les autres n’aiment l’assimilation, parce que les Gbaguidi, en quête d’indépendance ou pour d’autres raisons, sont partis d’Abomey, G. Gbenou, « La famille dahoméenne », RJPIC, t. XXI, 1967, n° 1, p. 48 et s.
  • 152.
    G. Bataille, La part maudite, 1949, Éditions de Minuit ; G. Bibeau, « Un don sans retour. Interrogations à travers les cultures », Sociologie et Sociétés, vol. 41, 1, p. 76.
  • 153.
    Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, 21e éd., par V. Larribau-Terneyre, 2020, Sirey, p. 10, nos 22 et 24 ; P. Berthet, Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, 2001, L’Harmattan ; A. Gouttenoire-Cornut, « L’obligation alimentaire, aspects civils », in L.-H. Choquet et I. Sayn (dir.), Obligation alimentaire et solidarités familiales. Entre droit civil, protection sociale et réalités familiales, 2001, LGDJ, p. 27 et s.
  • 154.
    Justinien, Nov. 89, 12, 6 ; P. Catala, « Rapport de synthèse », in Quelques aspects récents de l’évolution du droit de la famille, t. XXXIX, 1988, Travaux de l’Association Henri Capitant, Economica, p. 1 et s.
  • 155.
    J. Gaudemet et E. Chevreau, Droit privé romain, 3e éd., 2009, LGDJ, Précis Domat, p. 37 ; J.-P. Levy, Manuel élémentaire de droit romain, 7e éd., 2003, Dalloz, p. 157.
  • 156.
    A.-M. Leroyer, Droit de la famille, 2011, PUF, p. 30 ; D. Lett, « Les frères et les sœurs, “parents pauvres de la parenté” », Médiévales 2008, n° 54, p. 5.
  • 157.
    V. Zalewski, Familles, devoirs et gratuité. Au carrefour des cultures, 2004, L’Harmattan, n° 190, p. 203 ; J.-L. Halperin, Histoire du droit privé français depuis 1804, 2001, PUF, p. 322.
  • 158.
    Sur la prise en charge des proches, C. Abé, « Obligation, prestations et contre-prestations quotidiennes dans l’Afrique postcoloniale : intelligence socio-anthropologique des formes enchâssées de juridicisation dans la structuration du lien social au sein de la société contemporaine camerounaise », in L’obligation, Études offertes au Professeur Paul-Gérard Pougoué, 2015, L’Harmattan, p. 43 et s. ; C.-A. Diop, « L’unité culturelle de l’Afrique noire, Domaines du patriarcat et du matriarcat dans l’Antiquité classique », Présence africaine, 1982, p. 1 et s.
  • 159.
    Article 302-305 du Code mexicain et article 720, alinéa 1er du Code de la famille de la République démocratique du Congo, qui imposent une obligation alimentaire en ligne collatérale jusqu’au quatrième degré.
  • 160.
    P. Arminjon, B. Nolde et M. Wolff, Traité de droit comparé, 1950, LGDJ, n° 143 ; N. Ngom, « La fratrie en droit sénégalais de la famille », RBSJA 2016, n° 36, p. 28.
  • 161.
    Sur les obligations naturelles, F. Terré et P. Simler, Introduction générale au droit, 2019, Dalloz, nos 15 et s. ; J. Flour, « La notion d’obligation naturelle et son rôle en droit civil », Travaux de l’Association Henri Capitant, t. VII, 1952, Journées canadiennes, 1956, Dalloz, p. 813 ; M. Gobert, Essai sur le rôle de l’obligation naturelle, thèse, 1957, Paris ; S. Porchy-Simon, Droit des obligations, 13e éd., 2020, Dalloz, p. 9, n° 16 ; J. Flour et M. Courdais, « L’obligation naturelle : une idée moderne ? », RTD civ. 2011, p. 453.
  • 162.
    Cass. 1re civ., 4 janv. 2005, n° 02-11339 : RTD civ. 2005, p. 381-384, obs. J. Mestre et B. Fages.
  • 163.
    Cass. 1re civ., 11 oct. 2017, n° 16-24533 : D. 2018, p. 371, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2018, p. 194, obs. M. Grimaldi.
  • 164.
    V. Bouchard, « De la solidarité en ligne collatérale », LPA 30 août 2001, p. 4.
  • 165.
    M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit (IV). Vers une communauté des valeurs ?, 2011, Seuil, p. 257 et s.
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