La transmission en famille au regard du droit

Publié le 13/11/2023
La transmission en famille au regard du droit
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Les membres de la famille peuvent transmettre beaucoup de choses aux membres du couple, aux enfants ou parents et sous différentes formes. Les transmissions sont parfois décidées en respectant certaines conditions mais il arrive qu’elles soient imposées ou impossibles.

Transmettre en matière juridique peut concerner les membres de la famille. L’étymologie latine du terme transmission (transmissio, transmitto) évoque sur le plan sémantique, de la compréhension, les notions de trajet, de traversée, de passage1. Dans la culture occidentale, le concept de transmission ressortit, sur le plan de l’application et de l’extension, à des champs disciplinaires spécifiques, dont les sciences humaines et sociales, historiques, politiques et juridiques.

En l’occurrence, il s’agit de savoir ce qui est transmissible entre les sujets humains mais surtout au cœur des familles. Les transmissions intergénérationnelles visent le milieu familial mais aussi l’environnement social car cela concerne des biens mais aussi des traditions et de la culture.

La transmission peut être considérée comme une forme de mission mais elle n’est pas toujours obligatoire. En effet, au regard du droit, elle peut être reconnue comme une mission parentale et familiale mais elle n’est pas forcément imposée aux membres de la famille.

Au regard du droit, il y a plusieurs façons de transmettre des biens mobiliers ou immobiliers, des souvenirs, des noms et prénoms, des propos ou des valeurs (I). Transmettre repose en principe sur l’expression de la volonté, celle-ci ayant une place essentielle en matière personnelle et familiale ; toutefois parfois les membres de la famille se voient contraints d’agir de la sorte (II). En outre, parfois la personne qui voulait transmettre quelque chose s’est heurtée à des difficultés et il est possible que la transmission programmée n’aboutisse pas (III).

I – Les différentes formes de transmissions familiales

Évoquer des transmissions au cœur de la famille renvoie essentiellement aux désirs de transmettre de l’argent et des biens (A) mais, dans la sphère familiale, il est aussi question de transmettre des liens d’alliance et de filiation, ainsi que des noms et prénoms (B). Par ailleurs en matière corporelle et médicale, la transmission concerne les gamètes, le patrimoine génétique et la contagion de troubles médicaux (C). En outre sous l’angle social et affectif, il est souvent question de transmission de l’histoire familiale et des comportements à adopter en famille (D).

Beaucoup de choses ont changé au fil des années, parallèlement à l’évolution familiale car, par exemple le père transmet son savoir en éduquant ses enfants, ce qui n’était pas autant le cas autrefois. Les transmissions intergénérationnelles prennent de nombreuses formes car il y a beaucoup de choses que l’on peut transmettre au sein d’une famille, à savoir de l’argent, des immeubles, des objets culturels qui ont été acquis mais aussi des souvenirs familiaux et des règles à respecter, sans oublier les problèmes de santé.

A – La transmission patrimoniale

La transmission du patrimoine est considérée comme la base même de la survie transgénérationnelle.

La transmission du patrimoine intervient la plupart du temps à la suite d’un décès, mais il est également possible d’anticiper la transmission de son patrimoine et d’en donner une partie de son vivant, ce qui permet aux proches d’en profiter plus jeunes, mais également de réduire les incidences fiscales. La différence entre les deux, c’est qu’il n’y a nul besoin d’une manifestation de volonté du de cujus pour désigner ses successeurs ab intestat alors que la volonté fait partie des conditions de mise en place des libéralités en vue de transmettre des biens.

La transmission vise des biens mobiliers ou immobiliers. Il n’y a donc pas de distinction à faire entre les meubles et les immeubles, pas plus qu’entre des biens dévolus aux garçons plutôt qu’aux filles ou des biens nécessairement dévolus à l’aîné de la famille, comme autrefois où il était question de principe de masculinité et de droit d’aînesse.

En droit des successions, la transmission se fait automatiquement pour les héritiers ab intestat, c’est-à-dire quand il n’y a pas de testament. Si, au contraire, la personne rédige un testament c’est qu’elle veut régler les questions de transmission et il faudra voir comment sa volonté peut être prise en compte. Néanmoins, même si l’on n’a pas choisi de faire de testament, le décès débouche sur une transmission héréditaire (1). Se marier ou se pacser peut aussi avoir des conséquences patrimoniales (2).

1 – La transmission aux membres de la famille dans le cadre de la succession ab intestat

Tout successible universel ou à titre universel qui accepte la succession prend la place du défunt à la tête de son patrimoine. En conséquence, il devient propriétaire des biens qui appartenaient au défunt. Depuis que les conjoints font partie des héritiers ab intestat (loi, 3 déc. 2021), pour savoir qui hérite lors du décès d’un membre de la famille, le législateur liste les héritiers quand le défunt n’est pas ou plus marié ; d’autres règles sont prévues quand il y a un conjoint survivant.

Pour recueillir la succession du défunt, il ne suffit pas d’avoir une vocation successorale. Il faut encore être né ou seulement conçu (il faut toutefois que l’enfant naisse ensuite vivant et viable), survivre au de cujus, ne pas être indigne et ne pas renoncer à la succession. Il est également essentiel de pouvoir prouver sa qualité d’héritier afin d’entrer en possession des biens.

Par principe, il faut se placer à l’instant du décès. La transmission se fait de façon automatique et instantanée pour les successibles. Par la force des choses, on peut donc devenir héritier sans le savoir. Dès la mort du de cujus les héritiers se retrouvent donc propriétaires, sauf s’ils décident de renoncer à la succession (C. civ., art. 804).

Dans la succession ab intestat, les héritiers sont classés en quatre ordres prévus à l’article 734 du Code civil : en premier lieu les descendants, puis les ascendants privilégiés c’est-à-dire les père et mère du de cujus ainsi que les collatéraux privilégiés, c’est-à-dire les frères et sœurs et leurs descendants, ensuite les ascendants ordinaires et enfin les collatéraux ordinaires (tante et oncle, grand-oncle et grand-tante, etc. et leurs descendants, à savoir les petits-cousins). Il faut aussi tenir compte des degrés car, à l’intérieur de chaque ordre, il convient de procéder ensuite à une classification par degré, sachant que la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations (C. civ., art. 741).

La dévolution en labsence de conjoint survivant

La succession parentale est organisée de façon à conserver les biens dans la famille par le sang et de les transmettre aux plus proches parents que sont les descendants. C’est seulement à défaut d’enfants, petits-enfants ou descendants du troisième degré que les autres membres de la famille auront une vocation successorale, à savoir les père et mère (ascendants privilégiés) avec les frères et sœurs (collatéraux privilégiés), puis les ascendants (ordinaires) et enfin les collatéraux ordinaires.

Ce sont d’abord les descendants qui héritent et bénéficient donc de la transmission du patrimoine.

Tous les enfants ont les mêmes droits qu’ils soient issus ou non du mariage, voire soient nés d’un adultère ou aient bénéficié d’une adoption (C. civ., art. 733). S’ils sont décédés, ce sont les petits enfants qui héritent. En ce cas, le partage se fait en fonction du nombre d’enfants, partage par souche en raison du jeu de la représentation.

À défaut de descendant, c’est le deuxième ordre qui vient en rang utile (C. civ., art. 734). Il s’agit d’un ordre mixte composé des père et mère (ascendants privilégiés) et des frères et sœurs ainsi que de leurs descendants (collatéraux privilégiés). Cette appellation « ascendant et collatéral privilégié » est traditionnelle bien qu’elle ne soit pas visée dans la loi.

Comme il s’agit d’un ordre mixte, il faut envisager le cas du concours entre les intéressés mais il se peut également que le de cujus laisse à sa succession uniquement ses frères et sœurs ou uniquement ses père et mère. Trois situations peuvent donc se présenter.

Le concours entre les ascendants privilégiés et les collatéraux privilégiés est réglé par l’article 738 du Code civil. Si le défunt met en deuil son père, sa mère et ses frères et sœurs, le père a droit au quart de la succession, la mère a droit au quart et la moitié est à partager à parts égales entre les frères et sœurs, même s’ils sont de lits différents ou entre leurs descendants si l’un ou l’autre membre de la fratrie est décédé.

Si le père est mort ou si la mère est morte, le parent survivant a droit au quart et les collatéraux privilégiés se partagent les trois quarts. À l’inverse, si le défunt n’avait pas de frère et sœur, son père et sa mère encore en vie ont chacun droit à la moitié de la succession (C. civ., art. 736). Quand les père et mère sont décédés, les frères et sœurs ou leurs descendants récupèrent l’intégralité de la succession (C. civ., art. 737).

Si le défunt n’a pas de descendant et si ses père, mère, frères et sœurs ou neveux sont décédés ou n’existent pas, ce sont les héritiers du troisième ordre qui sont concernés, à savoir les ascendants ordinaires, c’est-à-dire les grands-parents ou les arrière-grands-parents (C. civ., art. 739). La moitié de la succession revient alors à la branche paternelle et l’autre moitié à la branche maternelle, la transmission patrimoniale reposant sur le jeu de la fente successorale. Dans chaque branche, l’ascendant le plus proche en degré écarte tous les autres. Les ascendants ordinaires sont aussi concernés par la transmission quand il n’y a pas de collatéraux privilégiés mais seulement le père ou la mère. Si c’est le père qui survit, il a la moitié et les ascendants ordinaires de la branche maternelle ont l’autre moitié et si c’est la mère qui est la seule encore en vie, elle a la moitié et l’autre moitié revient aux plus proches de ascendants ordinaires de la branche paternelle (C. civ., art. 738-1).

Le quatrième ordre concerne les collatéraux ordinaires, les collatéraux autres que les frères et sœurs et leurs descendants, à savoir oncles, tantes et cousins. Ils héritent si le défunt ne laisse ni descendants, ni collatéraux privilégiés, ni ascendants (C. civ., art. 740). Toutefois ils ne succèdent que jusqu’au sixième degré inclusivement et la fente est mise en œuvre pour partager la succession entre les collatéraux ordinaires de la branche paternelle et maternelle (C. civ., art. 749), de même que la proximité des degrés (C. civ., art. 750). À défaut d’héritiers, la dévolution des biens de la succession bénéficie à l’État (C. civ., art. 768).

La dévolution en présence dun conjoint survivant

La succession conjugale a été complètement réformée par la loi du 3 décembre 2001. Le conjoint entre dans la famille, hérite à part entière et vient concourir directement avec les parents par le sang. Selon l’article 732 du Code civil, « est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé, contre lequel n’existe pas de jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée ». Cela ne concerne que l’époux et non le partenaire ou le concubin. Il est parfois le seul héritier ou entre en concours avec les descendants ou les père et mère du défunt (C. civ., art. 756). En revanche, il prime les collatéraux privilégiés, exception faite pour le cas particulier des biens de famille, ainsi que les ascendants ordinaires et les collatéraux ordinaires.

Si le conjoint survivant est en concours avec des enfants issus des deux époux, qu’ils soient anciennement légitimes, naturels, légitimés par le mariage de leurs auteurs, adoptés par les deux époux ou enfant de l’un des époux, adopté par l’autre, il se voit offrir un choix. Il peut soit recueillir la totalité de la succession en usufruit, soit recueillir le quart de la succession en pleine propriété (C. civ., art. 757). En revanche s’il est en concours avec au moins un descendant du seul défunt, l’usufruit est écarté et il récupère toujours le quart en pleine propriété, les trois quarts restants étant partagés à parts égales entre les enfants communs ou non communs.

Lorsque le défunt n’a pas laissé de descendants mais a encore son père ou sa mère, un concours est prévu entre son conjoint survivant et ses ascendants privilégiés. Quand les père et mère sont tous deux vivants, le conjoint survivant recueille la moitié des biens ; l’autre moitié est répartie pour un quart au père et quart à la mère (C. civ., art. 757-1). Lorsque seulement le père ou la mère ont survécu au de cujus, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint : le conjoint a donc un quart et le père ou la mère un quart. Il en va de même si l’un des parents est indigne ou renonce à la succession.

Lorsque le défunt n’a plus de descendant et plus de père et mère, mais des frères et sœurs, ces derniers sont écartés de la succession sauf exception. Grâce à l’article 757-2, le conjoint évince totalement les frères et sœurs du défunt, y compris les petits neveux, toutefois une exception est prévue pour les biens du défunt provenant d’un héritage familial ou d’une donation des membres de la famille, à savoir les biens de famille (C civ., art. 757-3). Le législateur a effectivement instauré un nouveau droit dit de retour légal au profit des collatéraux privilégiés. Le conjoint a droit à la moitié des biens de famille, l’autre moitié revenant à la fratrie mais les autres biens reviennent tous au conjoint qui écarte les collatéraux privilégiés.

Enfin le conjoint survivant écarte aussi les ascendants ordinaires (C. civ., art. 757-2), lesquels pourraient toutefois réclamer une pension alimentaire (C. civ., art. 758, al. 3), ainsi que les collatéraux ordinaires.

2 – La transmission entre les membres d’un couple

Il n’y a que par la voie du mariage qu’il est possible de transmettre des liens familiaux car ni le partenaire ni le concubin ne sont concernés par la création de liens d’alliance. Toutefois il est évident que l’on peut transmettre son domicile à son époux, son partenaire et son conjoint, mais des différences sont à noter quant à la transmission patrimoniale.

Le plus souvent les époux mettent en commun les biens qu’ils acquièrent après avoir convolé en justes noces. Il en va ainsi s’ils n’ont pas rédigé de contrat de mariage car ils bénéficient du régime matrimonial légal à savoir de la communauté réduite aux acquêts ou s’ils ont opté pour ce régime de même que pour le régime de communauté des meubles et acquêts ou de communauté universelle. Ils peuvent toutefois ne pas le souhaiter et opter pour le régime de la séparation de biens.

Le pacte civil de solidarité (pacs) ne crée pas de famille mais ces couples non mariés peuvent choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent après avoir enregistré une convention (C. civ., art. 515-5-1). En revanche il n’y a aucune transmission de patrimoine s’ils n’optent pas pour cette indivision car, depuis la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, le régime de séparation des patrimoines s’applique de plein droit. Chacun des partenaires reste donc propriétaire des biens qu’il acquiert avant, pendant et après la conclusion du pacs.

Pour le concubinage, aucune règle juridique n’est mise en place (C. civ., art. 515-8), les concubins ayant une vie commune mais restant propriétaires de leurs biens, sachant qu’ils peuvent à l’occasion faire le choix d’une acquisition en indivision, la transmission patrimoniale est donc presque inexistante sauf si les concubins envisagent de se faire des donations. Les concubins de même que les partenaires peuvent aussi se voir accorder des legs, ce qui est la seule solution pour qu’ils héritent car ils ne font pas partie des héritiers ab intestat.

B – La transmission de la famille et la transmission familiale identitaire

Le mariage, contrairement au pacs et au concubinage, crée des liens d’alliance si bien que la famille de l’époux est transmise à l’épouse et inversement. Dans le pacs et le concubinage, faute de liens familiaux, il y a peu de transmission, contrairement au mariage dans le cadre duquel en outre les époux peuvent porter à titre d’usage le nom de leur conjoint (C. civ., art. 225-1). Cette transmission a toutefois des limites car il ne s’agit que d’un nom d’usage.

Par ailleurs, les liens de filiation font partie des éléments qui peuvent être transmis2. L’enfant que l’on fait naître entre dans la famille et cela permet d’agrandir la famille mais surtout de transmettre des liens juridiques au nouveau-né.

Il en va de même en cas d’adoption car l’enfant se voit transmettre une nouvelle famille. C’est très particulier en cas de transmission liée à l’adoption internationale car l’enfant change de contexte culturel et pas seulement familial.

Une fois l’enfant né, il faut pouvoir l’identifier, raison pour laquelle un nom et un prénom lui sont conférés. Il est question de nom de famille car le nom permet de désigner la famille à laquelle appartient le nouveau-né, nom qu’il reçoit à sa naissance et qu’il tient de ses parents.Le nom de famille est héréditaire, transmis en raison d’un lien de filiation. Autrefois il était question de nom patronymique parce que seul l’époux transmettait son nom à l’enfant du couple. Il a été remplacé par le nom de famille par la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 et la volonté des parents est désormais prise en compte à la fois pour le choix du nom et du prénom. Les parents peuvent effectivement faire des choix au moment de la naissance de leur enfant si le lien de filiation a bien été établi.

C – La transmission des organes et des maladies

En faisant naître un enfant, on lui transmet la vie. De plus, faire naître un enfant revient à lui transmettre une famille mais aussi les éléments du corps humain, pour l’enfant biologique. Cette transmission peut être vérifiée en droit quand une action en contestation du lien de filiation est lancée et que le juge programme des tests génétiques. En l’occurrence il ne s’agit pas seulement d’une transmission clinique, mais surtout d’une transmission généalogique.

La naissance peut aussi être en lien avec les dons de gamètes, sachant que le nom du donneur peut dorénavant être transmis à la personne née grâce à ce don. En effet, la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 a choisi de lever l’anonymat (C. civ., art. 16-8-1). Le décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 a quant à lui précisé les modalités de mise en œuvre du droit d’accès aux origines (identité et données non identifiantes du tiers donneur) pour les personnes nées grâce à une assistance médicale à la procréation3.

Désormais les personnes qui décident de transmettre leurs spermatozoïdes ou leurs ovocytes n’ont plus le choix de garder le secret de leur identité. Par conséquent, celles qui veulent protéger leur identité et ne souhaitent pas révéler les données non identifiantes ne sont plus admises à devenir des donneuses de gamètes, sauf éventuellement si elles décident de se rendre à l’étranger.

Les transmissions liées au corps humain peuvent aussi avoir de redoutables retombées notamment en ce qui concerne la transmission transgénérationnelle des malformations ou des maladies. Il y a aussi beaucoup de transmissions maladives par le toucher ou la proximité. Vivre en famille peut avoir ce type de retombées, dont on a beaucoup souffert ces dernières années, en raison des transmissions nosocomiales en lien avec le Covid-19, mais aussi la grippe ou d’autres formes de contamination.

D – La transmission des souvenirs, des devoirs et des obligations

Élever un enfant revient à préciser sa place dans la famille et à lui transmettre ce que les autres membres de la famille savent déjà ou font déjà. Pour bien le faire grandir, ses parents veillent à des transmissions de savoir-faire, de valeurs, de biens, de fantasmes, de culture mais aussi de la parole des enfants. Ils tiennent compte aussi des droits et des obligations des mineurs ainsi que des père et mère, notamment dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale.

Malheureusement certaines transmissions ont des effets négatifs. En effet, il possible de transmettre d’une génération à l’autre des traumatismes inducteurs de violences, ce qui risque d’entraîner des troubles de la personnalité. Vivre avec un enfant qui est témoin ou victime indirecte de violences conjugales peut ainsi induire chez lui l’idée et l’envie d’être violent à son tour quand il aura créé une nouvelle famille et il en va de même parfois pour les violences sexuelles et notamment incestueuses. Dans tous ces cas, il risque d’y avoir une transmission transgénérationnelle de l’angoisse pour l’enfant, de même que si un membre de la famille est gravement malade.

Au contraire, pour aider les enfants, leurs parents mettent parfois fin à des secrets de famille ainsi qu’à des conflits familiaux.

II – La place de la volonté dans les transmissions familiales

La place de la volonté a évolué au fil du temps et elle est importante en droit de la famille et des personnes. Les membres de la famille peuvent exprimer leur volonté dans de nombreux domaines pour organiser des transmissions au sein du couple et à l’égard des enfants (A). De nombreuses modalités de transmission montrent que des choix sont à faire (B), toutefois dans certains domaines, ils ne sont pas possibles (C) et, inversement, indépendamment de la volonté des intéressés, des transmissions sont rendues obligatoires (D).

A – Le choix de la transmission

La volonté occupe de nombreuses places en matière de transmission patrimoniale car on peut décider de se marier, d’avoir des enfants, mais aussi de rompre. Les choix peuvent concerner le mariage ainsi que le contrat de mariage, les liens filiaux et leurs conséquences, ainsi que la transmission patrimoniale qui vise les libéralités et les successions. Des changements ont été opérés au fil du temps et l’on doit se demander, aujourd’hui, que transmettons-nous et comment ? Mais aussi que faisons-nous de l’héritage reçu4 ?

1 – Les choix liés à la vie de couple

Concernant la vie en couple, lors d’un mariage on peut préparer un contrat de mariage et selon le cas on peut envisager le partage avec le conjoint des biens qui seront acquis après le mariage et qui seront des biens communs, à savoir en choisissant le régime de la communauté réduite aux acquêts ou des meubles et acquêts et même prévoir la transmission des biens propres par le jeu du régime de la communauté universelle. Lorsque les époux ne font pas de contrat de mariage, ils bénéficient tout de même du régime légal, à savoir de la communauté réduite aux acquêts et tous les biens meubles et immeubles acquis postérieurement au mariage seront partagés entre les époux lors de leur séparation. Si la séparation est due à un décès, il faut d’abord rechercher quels sont les biens entrés en communauté, le survivant récupérant sa moitié. L’autre moitié est ajoutée aux biens propres du défunt et il faut rechercher comment opérer la transmission successorale du patrimoine.

Quand la séparation est volontaire, il convient aussi de procéder au partage du patrimoine en recherchant quel était le régime matrimonial mais les époux peuvent opter pour un divorce par consentement mutuel et se mettre d’accord sur le partage de leurs biens et sur le versement éventuel d’une prestation compensatoire.

Si les couples ne sont pas mariés mais ont opté pour un pacte civil de solidarité (pacs), ils peuvent opter pour le régime de l’indivision (C. civ., art. 515-5-1). En conséquence les biens qu’ils acquièrent ensemble ou séparément sont réputés indivis par moitié et cela permet une transmission du patrimoine.

Pour les concubins, aucune règle juridique n’est mise en place mais il est possible que les concubins fassent l’achat d’un bien en choisissant la qualification de bien indivis, toutefois il faut faire la démarche pour chaque bien.

2 – Les choix en lien avec la filiation

Si les parents peuvent choisir le prénom de leur enfant, avant la publication de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 ils n’avaient pas ce droit pour nommer leur enfant car le nom était imposé par la loi. Désormais, une fois que le lien de filiation est créé, les parents choisissent les noms et prénoms en s’accordant s’ils sont deux.

L’établissement de la filiation repose aussi sur la volonté car si une femme fait en sorte que son nom soit mentionné dans l’acte de naissance de son enfant, elle transmet une mère au nouveau-né, la filiation maternelle étant établie grâce à la désignation de son nom dans l’acte de naissance (C. civ., art. 311-25). Si l’homme décide de se marier, la paternité découle de la présomption de paternité car l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari (C. civ., art. 312) et sinon il doit décider de faire un acte de reconnaissance (C. civ., art. 316). Dès lors, si les liens paternels et maternels sont créés, les parents doivent s’accorder pour choisir nom et prénom. Depuis 2002, ils peuvent décider de donner à l’enfant le nom de sa mère, outraduire la dualité du lien de filiation et transmettre à l’enfant sa double appartenance en associant le nom de son père à celui de sa mère (C. civ, art. 311-21).

La transmission du nom n’est toutefois pas définitive car il est possible de changer de nom mais surtout, depuis la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022, il suffit de faire cette demande à l’officier d’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance (C. civ., art. 61-3-1).

Au moment de la naissance de leur enfant, les parents choisissent aussi librement son prénom (C. civ., art. 575) et ils peuvent reprendre le prénom d’un membre de la famille, souvent grands-parents, parrain, marraine ou frères et sœurs décédés mais ils peuvent prendre un autre prénom, si bien que ce n’est pas une forme de transmission.

3 – Les choix reposant sur des libéralités

La volonté de chacun a une grande place en matière de libéralité car on peut décider de faire des donations ou des testaments (C. civ., art. 893). Dans une certaine mesure chacun peut aménager à sa guise la répartition de son patrimoine, en recourant à des libéralités. Une libéralité est un acte par lequel une personne procure à autrui ou s’engage à lui procurer un avantage sans contrepartie, acte juridique avec une intention libérale.

Il est possible de gratifier des membres de sa famille ou des étrangers en leur accordant des donations. Ces dernières devront toutefois être combinées avec la dévolution légale ou testamentaire de la succession, mais elles présentent la particularité de transférer immédiatement la propriété au donataire. C’est le propre des acquisitions à titre gratuit entre vifs.

En outre, chacun peut encore faire bénéficier les mêmes personnes de legs contenus dans un testament, qui permet la transmission du patrimoine à cause de mort. Généralement en rédigeant son testament, le défunt règle toute sa succession si bien que les mécanismes de la dévolution ab intestat se trouvent écartés. D’autres fois, il faudra jongler et tenir compte des dernières volontés du défunt pour certains biens et appliquer les règles légales pour le surplus.

Dans tous les cas, comme il est question de volonté en matière de transmission, il faut s’assurer du consentement de l’auteur de la libéralité. En effet, selon l’article 901 du Code civil, « pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d’esprit » et de plus le consentement ne doit pas être vicié, la nullité de la libéralité pouvant être demandée pour erreur, dol ou violence. Il faut aussi que l’on vérifie d’une part la capacité de disposer du donataire, ce qui ouvre des discussions pour un mineur non émancipé ou un majeur sous curatelle ou tutelle, et d’autre part la capacité de recevoir à titre gratuit, sachant qu’il faut au moins être conçu pour bénéficier d’une donation ou d’un legs.

Les transmissions entre vifs

La donation entre vifs est un acte par lequel une personne, le donateur, se dépouille de son vivant et irrévocablement d’un bien au profit d’une autre personne, le donataire, tenu de l’accepter.

La donation est un acte solennel. Le formalisme est prévu par l’article 931 du Code civil qui sanctionne tout manquement par la nullité. Néanmoins ce principe est assorti d’exceptions. Si les donations sont normalement enregistrées par un notaire, ce qui permet de protéger le disposant et sa famille, on admet qu’il puisse s’agir d’un don manuel, ainsi que de donations indirectes et déguisées. Le don manuel correspond à la remise d’une chose de la main à la main mais aussi à des chèques, virements ou dépôts de valeurs dans un coffre du donataire. La donation indirecte consiste à procurer à une personne un avantage pécuniaire à l’aide d’une opération juridique qui n’appartient pas à la catégorie des libéralités. Elle emprunte la forme d’un autre acte juridique utilisé comme support, par exemple une remise de dette ou le paiement par le père de la dette du fils. Enfin il peut être question de donation déguisée, les parties déguisant l’acte sous une apparence onéreuse. Pour que la donation déguisée soit valable, il faut qu’elle ait l’apparence d’un acte à titre onéreux, c’est-à-dire que les conditions de forme de l’acte simulé soient respectées, que le caractère gratuit ne transparaisse pas et que les règles de fond des donations soient respectées.

Les donations sont irrévocables (C. civ., art. 894) car « donner et retenir ne vaut » ou « donner c’est donner et reprendre c’est voler ».

Les transmissions à cause de mort

Toute personne qui ne souhaite pas voir appliquées les règles de la dévolution légale à sa mort est libre d’exprimer ses dernières volontés dans un testament pour organiser la répartition de son patrimoine. Il n’est pas alors question d’héritier ab intestat mais d’héritier testamentaire. Selon l’article 967 du Code civil « toute personne pourra disposer par testament ».

Il s’agit d’un acte unilatéral car l’acceptation du bénéficiaire (légataire) n’est pas une condition de sa validité et d’une transmission à cause de mort. Par conséquent le testament est révocable pendant toute la vie du testateur et il ne prend effet qu’à son décès. Le testament est une manifestation unilatérale de volonté produisant le transfert de la totalité ou d’une partie des biens du testateur à son décès. Il s’agit d’un acte de disposition des biens de l’intéressé « pour le temps où il n’existera plus » (C. civ., art. 895).

Comme toutes les libéralités, le testament doit respecter les conditions de fond requises pour la validité des actes juridiques relatives au consentement, à la capacité et à l’objet. Il importe aussi de s’assurer que les proches ne font pas pression sur le testateur souvent affaibli par l’âge et la maladie et que la volonté du de cujus est réelle.

Le Code civil énumère plusieurs types de testament qui ont tous en commun d’exiger un écrit. Il peut s’agir du testament olographe qui doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur (C. civ., art. 970), d’un testament authentique dicté par le testateur devant deux notaires ou devant un seul notaire accompagné de deux témoins (C. civ., art. 971). Le notaire rédige le testament « à la main ou mécaniquement » (C. civ., art. 972). Son intérêt réside dans le fait qu’il est mentionné dans le fichier central des dernières volontés institué par le Conseil supérieur du notariat. Il peut aussi s’agir d’un testament mystique, testament que le testateur écrit ou fait écrire (à la différence du testament olographe) puis remet clos, scellé et cacheté à un notaire en présence de deux témoins. Enfin la transmission patrimoniale peut découler du testament international. Tous ces testaments sont révocables, l’intéressé pouvant se raviser jusqu’à l’heure de sa mort, la révocation étant tacite quand il rédige un nouveau testament incompatible avec le précédent.

Le testament transmet les biens en faisant différentes formes de legs. La loi réserve au testateur trois sortes de legs (C. civ., art. 1002). Le legs universel est le legs qui donne au légataire vocation au tout, quel que soit le montant effectif de son émolument. Conformément à l’article 1003 du Code civil, c’est « la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès ». Le legs à titre universel « est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer » selon les termes de l’article 1010 du Code civil et le legs à titre particulier résulte de l’article 1010 alinéa 2, le testateur pouvant léguer un ou plusieurs biens déterminés individuellement, telle somme d’argent, tel appartement ou un ensemble de biens.

B – Les modalités de la transmission

Tout le droit des successions repose sur ce principe de continuation par l’héritier de la personne du de cujus. L’héritier qui accepte la succession prend la place du défunt à la tête de son patrimoine et, en conséquence, il devient propriétaire des biens qui appartenaient au défunt et ce, au jour du décès et non de l’ouverture de la succession car l’acceptation de la succession a effectivement un effet rétroactif.

Toutefois la transmission du patrimoine peut être organisée par le testateur de différentes manières.

Il a notamment la possibilité de faire des libéralités graduelles (C. civ., art. 1048) ou résiduelles (C. civ., art. 1057). On peut effectivement transmettre un bien à un proche ou un tiers en l’obligeant ensuite à transmettre à quelqu’un d’autre ou ne lui transmettre qu’une partie du bien immobilier, à savoir pas la pleine propriété mais l’usufruit ou la nue-propriété.

Une donation graduelle est une libéralité (ancienne substitution fidéicommissaire), assortie d’une charge particulière : avec une donation graduelle, le bénéficiaire doit conserver en nature les biens et droits donnés et les transmettre à un gratifié en second lieu (C. civ., art. 1048 et s).

Une donation résiduelle est une libéralité qui vise à transmettre ce qui reste du patrimoine donné. Une donation résiduelle oblige le gratifié à transmettre à un tiers ce qui subsistera, à son décès, des biens qui lui ont été donnés ou légués (C. civ., art. 1057), sans obligation de conserver le bien. Dès lors, il peut en disposer librement à titre onéreux et vendre son patrimoine.

La donation peut aussi concerner le bien en entier ou seulement l’usufruit ou la nue-propriété. Quand il est bénéficiaire de l’usufruit, cela signifie souvent qu’un autre membre de la famille est nu-propriétaire.

On peut aussi transmettre davantage à certains membres de la famille en les faisant bénéficier de libéralités plus importantes si bien que cette transmission peut causer des malaises au sein de la famille.

C – Le refus de transmission

Une personne peut s’exprimer en disant qu’elle est hostile à ces formes de transmission. Elle peut refuser de se marier ou en se mariant refuser de transmettre son patrimoine à son conjoint en optant pour le régime de séparation de biens.

Elle peut aussi refuser de faire naître un enfant, ayant le droit d’utiliser des contraceptifs et de recourir à l’avortement6 (CSP, art. L. 1110-3 et C. civ., art. 16-9). Cela dit si l’enfant est né malgré tout et qu’une action en justice confirme les liens biologiques, la filiation est établie judiciairement.

Une fois l’enfant né elle peut aussi refuser de donner son nom de famille au nouveau-né en accord avec l’autre parent qui transmettra le sien.

Les refus de transmission concernent également le droit des successions et des libéralités.

En matière successorale, un enfant qui a bénéficié d’une adoption simple n’a pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adopté (C. civ., art. 365). Il peut être écarté de la succession si le défunt a gratifié d’autres personnes de libéralités. En cas d’adoption plénière, il en va autrement, les intéressés étant assimilés aux enfants biologiques (C. civ., art. 356 et s.).

En matière successorale, l’intéressé peut aussi renoncer à la succession (C. civ., art. 768). En effet, nul n’est tenu d’accepter une succession qui lui est échue. La renonciation est l’acte par lequel l’appelé à la succession répudie son titre d’héritier. La possibilité en est offerte par les articles 804 et suivants du Code civil. L’intéressé peut de plus opter pour l’acceptation sous bénéfice d’inventaire, à savoir décider de ne recueillir que l’actif net de la succession pour que son patrimoine reste à l’abri des dettes du défunt (C. civ., art. 787 et s.).

En revanche, un époux ne peut pas écarter totalement de sa succession son conjoint survivant s’il n’a pas de descendant puisque ce dernier est un héritier réservataire. Il ne peut pas être privé du montant de la réserve, toutefois le défunt a pu prévoir par testament que la quotité disponible soit répartie entre d’autres personnes, membres de la famille ou tiers, y compris amant ou maîtresse.

Pour les descendants, héritiers réservataires prioritaires, la transmission n’est pas non plus forcément égalitaire car le parent peut prévoir dans un testament des legs pour des tiers à hauteur de la quotité disponible ou refuser de donner la même somme à tous ses enfants en faisant par exemple bénéficier l’un d’entre eux de la quotité disponible.

D – Les transmissions imposées

La liberté n’est pas totale dans de nombreux domaines. En matière successorale on est obligé de tenir compte des héritiers réservataires et de leur transmettre obligatoirement une partie des biens. En outre, dans de nombreux cas, on est obligé de verser des sommes d’argent à des membres de la famille, notamment après l’établissement judiciaire d’un lien de filiation.

1 – La liberté n’est pas totale en matière successorale

Certains aspects des successions échappent effectivement à l’emprise de la volonté car le législateur a prévu des règles impératives. Le législateur a entendu réserver à certains héritiers ab intestat une quotité de succession, la réserve, dont ils ne peuvent en aucun cas être privés. Conformément à l’article 912 du Code civil issu de la loi du 24 juin 2006, « la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Dès lors les héritiers dits réservataires ne peuvent être totalement exhérédés ni par donation ni par testament (rien n’interdit toutefois de disposer de son patrimoine à titre onéreux). La réserve est d’ordre public et nul ne peut y déroger. La part de réserve qui est accordée est calculée en fonction de la qualité du lien de parenté ou d’alliance (nouveauté de la loi de 2001) et du nombre d’héritiers réservataires en concours. En revanche, l’intéressé est libre de transmettre le reste de ses biens, à savoir la quotité disponible.

Les descendants sont les premiers héritiers réservataires (C. civ., art. 913), à savoir les enfants ou petits-enfants quelle que soit la nature de leur filiation, y compris pour les enfants adultérins depuis la réforme de 2001.

Autrefois à défaut de descendants, les ascendants bénéficiaient d’un droit à la réserve ; ce n’est plus le cas, leur droit à la réserve ayant été supprimé en 2006. En revanche, depuis la réforme de 2001, s’il n’y a pas de descendant c’est le conjoint survivant qui est l’héritier réservataire (C. civ., art. 914-1).

La part de réserve doit obligatoirement revenir à chacune des personnes visées par la loi.

Le taux de la réserve des descendants dépend du nombre d’enfants du défunt (et non pas du nombre de descendants). Encore faut-il noter que le calcul se fait par souches s’il s’agit de déterminer la réserve des petits-enfants ou arrière-petits-enfants. Si le défunt a un enfant, la réserve est de moitié et la quotité disponible de moitié, s’il a deux enfants, la réserve est d’un tiers par enfant et la quotité disponible est d’un tiers, s’il en a trois, la réserve est d’un quart par enfant et la quotité disponible est d’un quart et si le défunt a quatre enfants ou plus, la réserve est de trois quarts à partager entre les enfants et la quotité disponible est d’un quart. Lors de l’ouverture de la succession une part du patrimoine leur est obligatoirement transmise et le testament qui aborde les choses différemment peut être remis en question.

Quand il n’y a pas de descendant, c’est le conjoint survivant à qui une réserve héréditaire est imposée, sa réserve étant d’un quart et la quotité disponible de trois quarts.

2 – Les versements imposés de diverses sommes d’argent

Les parents ont pour mission de prendre en charge leurs enfants en contribuant à leur entretien et leur éducation (C. civ., art. 371-2) et, s’ils ne vivent pas à leur côté, l’un doit verser à l’autre parent une pension alimentaire pour les élever et les soutenir. Elle est prévue notamment lors de l’établissement judiciaire de la filiation, le père ou la mère se voyant contraints de faire entrer l’enfant dans leur famille et de lui verser une pension alimentaire. En outre, des pensions alimentaires sont imposées à un parent lorsque le couple parental se sépare et que la résidence habituelle de l’enfant est fixée chez l’autre parent, exceptionnellement aussi en cas de choix de la résidence alternée. Il est vrai que si la grossesse peut être désirée, une femme peut aussi se voir imposer une grossesse à la suite d’un viol. Si elle envisage de faire établir la filiation, elle pourra bénéficier d’une pension alimentaire mais elle peut aussi et surtout utiliser la voie du versement de dommages et intérêts.

Des pensions alimentaires peuvent aussi être imposées au conjoint survivant qui hérite du défunt qui a encore des grands-parents (C. civ., art. 758, al. 3). Si ces derniers traversent des difficultés, ils peuvent faire des démarches pour le versement de la pension alimentaire à un ascendant ordinaire.

Un versement de sommes d’argent peut encore être imposé dans le cadre d’un divorce, le juge pouvant mettre en place le versement d’une prestation compensatoire, mais aussi le versement de dommages et intérêts en fonction des circonstances qui ont conduit le couple à se séparer.

III – Les transmissions impossibles

Les modes de transmission ne sont pas entièrement libres. Il en va ainsi dans le contexte des liens filiaux et de la vie en famille avec les enfants (A) mais aussi en matière successorale (B).

A – Le blocage des transmissions liées aux enfants

La transmission de la vie n’est pas toujours autorisée, notamment dans le contexte de la fécondation in vitro (FIV) et de l’insémination artificielle post mortem. Il est certes très perturbant que ce soient les textes juridiques qui empêchent les personnes de prendre ces décisions.

Ainsi l’insémination artificielle post mortem est interdite en France si bien que, par exemple, lorsqu’un mari est décédé après avoir conservé des spermatozoïdes ou des embryons congelés dans l’attente d’une démarche de procréation médicalement assistée, il est impossible de faire naître un enfant et donc de transmettre les gamètes à un autre membre de la famille.

En outre, s’il est vrai que d’autres pays organisent l’insémination ou la fécondation in vitro artificielles, le fait que la France interdise l’exportation des gamètes ou des embryons dans un pays qui autorise l’insémination post mortem ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention EDH7.

Il convient de noter aussi l’impossibilité de reconnaître certains enfants car ils peuvent déjà avoir un père et une mère et de plus si le géniteur est le père ou le frère de la mère, la loi interdit l’établissement d’une filiation incestueuse (C. civ., art. 310-2). Il n’est donc pas permis à l’intéressé de leur transmettre sa famille et son nom.

De plus, en matière de filiation, il est certes impossible de créer un lien de filiation avec un enfant mort-né puisqu’il n’a pas la personnalité juridique et ne fait pas partie des personnes, néanmoins les géniteurs peuvent quand même décider de lui transmettre leur nom. L’acte d’enfant sans vie qui peut être établi par l’officier d’état civil peut, à leur demande, mentionner le ou les prénoms de l’enfant, ainsi que le nom paternel, maternel ou les deux (C. civ., art. 79-18).

Si les deux parents portent chacun deux noms, l’un et l’autre peuvent certes décider de transmettre leur nom à leur nouveau-né, mais le législateur limite nécessairement le nom de l’enfant à deux composantes. En conséquence, si les parents ont eux-mêmes un nom double, ils doivent faire des choix, le législateur ayant eu la volonté d’interdire les noms « à rallonge » (C. civ., art. 311-21, al. 4).

De plus s’ils ont déjà un enfant, ils n’ont plus la liberté de choisir le nom du nouveau-né, lequel se voit automatiquement transmettre le même nom car le législateur a choisi d’uniformiser le nom de la fratrie (C. civ., art. 311-21, al. 3).

Par ailleurs, la proposition de loi n° 1229 visant à garantir le droit à l’image des enfants, déposée le 11 mai 2023, envisage d’interdire aux parents des transmissions concernant la publication de photographies de leurs enfants sur les réseaux sociaux.

B – Le blocage des transmissions liées au décès

Il est impossible de léguer tous ses biens à un tiers ou un membre de la famille quand on a des héritiers réservataires. Si des libéralités faites par le défunt portent atteinte à cette réserve, elles doivent alors être réduites quand elles ont dépassé la quotité disponible (C. civ., art. 920). Il est dès lors impossible de faire ce que l’on veut de ses biens quand on a des héritiers qui sont qualifiés par la loi d’héritiers réservataires.

Tout n’est pas non plus libre en matière de sépulture, lorsque les membres de la famille ne se mettent pas d’accord. Le cas échéant le juge donne à l’un des membres de la famille la qualité de personne qualifiée pour régler les funérailles et c’est elle qui prendra des décisions. En outre, aucune inhumation ou incinération ne peut avoir lieu sans une autorisation délivrée par l’officier d’état civil au vu d’un certificat médical. Le certificat de décès doit être remis à l’officier d’état civil afin que celui-ci puisse rédiger l’acte de décès qui va être le dernier acte de l’état civil de la personne (C. civ., art. 78 et C. civ., art. 79). On ne peut pas non plus faire ce que l’on veut du cadavre car il est protégé par la loi. En matière civile, la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire a étendu la protection du corps humain au cadavre avec l’article 16-1-1 : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles-ci dont le corps a donné lieu à crémation doivent être traitées avec respect, dignité et décence ». Et, en matière pénale, la protection juridique de la dépouille mortelle relève pour l’essentiel de textes qui punissent les auteurs d’atteintes à l’intégrité du cadavre ou toute profanation de sépultures et de tombeaux (C. pén., art. 225-17).

En revanche, un prélèvement d’organes peut être programmé. Il suppose que soient réunies différentes conditions (CSP, art. L. 1232-1), à savoir que la mort soit constatée officiellement, que l’intéressé n’ait pas fait connaître de son vivant son refus de tout prélèvement (indication de sa volonté dans le fichier national automatisé, appel au témoignage des proches, testament, personne de confiance, directives anticipées…), que le prélèvement soit ordonné à des fins thérapeutiques ou scientifiques, que le représentant légal du défunt consente le cas échéant et que le donneur reste anonyme.

La transmission est importante car elle permet d’assurer la survie de la famille ou d’un groupe familial. Il est en conséquence regrettable qu’il faille parler parfois de blocage de la transmission car on relève souvent que la transmission enrichit la vie et permet de faire passer beaucoup de choses d’une génération à l’autre.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. Rodet (dir.), Transmission dans la famille. Secrets, fictions et idéaux, 2003, L’Harmattan.
  • 2.
    B. Tison (dir.), Filiation, adoption, transmission en contexte multiculturel, 2018, L’Harmattan.
  • 3.
    I. Corpart, « Levée de l’anonymat du don de gamètes en AMP : les modalités précisées », Dalloz actualité, 12 sept. 2022.
  • 4.
    V. Berty (dir.), Les nouvelles voies de la transmission, 2014, L’Harmattan.
  • 5.
    Changements opérés par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993.
  • 6.
    L. n° 2022-295, 2 mars 2022, relative au renforcement du droit à l’avortement.
  • 7.
    CEDH, 14 sept. 2023, nos 22296/20 et 37138/20, Baret et Caballero c/ France.
  • 8.
    L. n° 2021-1576, 6 déc. 2021 et circulaire du 12 juillet 2022.
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