L’actualité du contentieux de la remise en cause des décisions par nature provisoires en matière familiale

Publié le 30/05/2018

Si le législateur et le juge restent toujours soucieux d’encadrer et de restreindre le contentieux de la remise en cause des décisions par nature provisoires en matière familiale afin d’éviter que celles-ci ne soient modifiées trop fréquemment et pour n’importe quel motif, la pratique démontre qu’une insécurité juridique demeure, tant en termes de définition que de régime procédural.

Dans notre article publié le 5 janvier 2015 dans l’édition n° 3 des Petites affiches : « le contentieux de la remise en cause des décisions par nature provisoires en matière familiale », nous avions pu constater que le législateur et le juge avaient été soucieux d’encadrer la remise en cause des mesures par nature provisoires afin de neutraliser une éventuelle gourmandise procédurale consistant à ressaisir le juge immédiatement après le prononcé d’une décision insatisfaisante.

Il convient de rappeler que les parties peuvent être, en matière familiale, soumises à des décisions par nature provisoires dans quatre hypothèses :

  • en cours de divorce contentieux : l’article 1118 du Code de procédure civile prévoit que les mesures déterminées dans l’ordonnance de non-conciliation peuvent être modifiées en cas de survenance d’un fait nouveau ;

  • un jugement de divorce a été prononcé dont appel est interjeté : l’article 1083 du Code de procédure civile dispose que les mesures exécutoires par provision, qui sont par nature provisoires, visées par l’article 1074-1 du Code de procédure civile, c’est-à-dire essentiellement les mesures afférentes à l’exercice de l’autorité parentale, peuvent être modifiées en cas de survenance d’un fait nouveau ;

  • une décision a statué ou une convention de divorce a organisé les mesures relatives aux enfants et leur modification est alors régie par l’article 373-2-13 du Code civil, qui prévoit qu’elle peut intervenir « à tout moment » ;

  • un jugement avant-dire-droit a été rendu interdisant sa remise en cause en application des articles 544 et 545 du Code de procédure civile.

Il nous avait été permis de constater que :

  • les juges avaient œuvré afin de rapprocher le contentieux fondé sur l’article 373-2-13 du Code civil de celui fondé sur l’article 1118 du Code de procédure civile, en exigeant également la démonstration d’un « fait nouveau » pour réformer les mesures afférentes à l’autorité parentale, hors divorce ;

  • la notion de « fait nouveau » n’avait, pas de définition légale et c’est à nouveau la jurisprudence qui était intervenue pour affirmer qu’il s’agissait d’un « élément qui s’est révélé postérieurement à une décision judiciaire à laquelle il aurait pu être utilement invoqué pour provoquer un examen des droits sur lesquels il était susceptible d’influer »1 ou encore un « élément suffisamment grave et déterminant qui serait intervenu depuis la dernière décision »2 ;

  • si la définition du « fait nouveau » était unifiée en jurisprudence tant dans les contentieux fondés sur les dispositions de l’article 1118 du Code de procédure civile que sur le fondement de l’article 373-2-13 du Code civil, le régime procédural non légiféré de ce dernier contentieux était affecté d’une véritable insécurité juridique dès lors que certains juges ont pu considérer que la démonstration d’un fait nouveau était une question de recevabilité de la demande3, conformément au régime appliqué pour les couples mariés, tandis que d’autres ont considéré qu’il s’agissait d’une question de fond4.

Il nous a par conséquent semblé utile de vérifier, trois ans plus tard, quelles évolutions législative ou jurisprudentielle étaient intervenues dans la détermination du « fait nouveau » ou de son régime procédural.

I – L’actualité du « fait nouveau »

La définition du fait nouveau – La jurisprudence a eu le loisir de confirmer dans de nombreuses décisions sa définition désormais bien établie du « fait nouveau ». Certaines cours d’appel sont toutefois venues préciser cette définition, afin de restreindre davantage la remise en cause des décisions par nature provisoires, tandis que d’autres juges ont au contraire élargi le champ de cette révision.

Ainsi, certaines juridictions ont pu indiquer que « l’élément nouveau invoqué (…) doit avoir une incidence significative »5, qu’il doit être « suffisamment grave »6, être « suffisamment grave et déterminant »7, doit « modifier de manière sensible et durable la situation »8 ou encore qu’il doit s’agir d’un « changement notable, ne procédant pas d’un acte délibéré ou d’un comportement fautif »9, dont il n’a « nullement [été] fait mention dans l’ordonnance de non-conciliation que cet événement aurait été annoncé voire connu au moment où celle-ci a été rendue »10 et qui doit naturellement être « postérieur aux débats ayant donné lieu à la décision attaquée »11.

D’autres magistrats sont allés encore plus loin allant jusqu’à juger que « seules des raisons impérieuses pourraient conduire à modifier substantiellement des modalités d’exercice de l’autorité parentale mises en place depuis plusieurs années »12, et exiger « la preuve de l’existence d’éléments nouveaux tirés de l’intérêt des enfants constitutifs de motifs graves » pour modifier les modalités d’exercice de l’autorité parentale13.

Au contraire, la cour d’appel de Nancy a élargi les modalités de remise en cause des décisions par nature provisoires, en jugeant, sur le fondement de l’article 373-2-13 du Code civil, que l’« instance modificative se conçoit non seulement lorsqu’intervient un fait nouveau postérieur au jugement de divorce qui se trouve être déterminant pour l’intérêt des enfants mais également, lorsqu’il s’agit de la recherche d’une meilleure solution ou de circonstances particulières »14.

La nomenclature du fait nouveau – Le fait nouveau permet toujours aujourd’hui une modification des mesures afférentes à l’exercice de l’autorité parentale ou d’ordre financier.

Les faits nouveaux entraînant une modification des mesures afférentes à l’exercice de l’autorité parentale :

Sont toujours considérés comme des faits nouveaux tant au visa des articles 1118 et 1083 du Code de procédure civile que de l’article 373-2-13 du Code civil : un déménagement d’un parent : « Madame X (…) a déménagé (…) pour s’installer avec ses enfants dans les Côtes d’Armor »15, le « déménagement, intervenu postérieurement au prononcé du jugement de divorce, constitue un fait nouveau »16, « l’emménagement à Garches (…) constitue un fait nouveau »17 ; un changement d’emploi du temps : « nécessité de réviser les modalités fixées par l’ordonnance déférée (…) au regard des difficultés qu’elles ont générées en raison de l’organisation du temps partiel de Madame Y et du planning habituel de l’assistante maternelle qu’elle emploie »18, un changement dans la vie professionnelle d’un des parents : « la mutation de Madame Y »19 ; les difficultés rencontrées dans l’exercice du droit de visite et d’hébergement ou des modifications dans l’organisation de la vie des enfants : « depuis le 25 juillet 2015 l’adolescente n’a pas réintégré le domicile paternel s’y refusant »20, « l’enfant réside habituellement au domicile de son père sans opposition de la mère depuis plusieurs mois »21, la « pratique instaurée sur une durée de plus d’un an par les parents à l’inverse des dispositions du jugement de divorce »22, « l’absence de Monsieur au moins entre le 16 avril 2016 et le 25 août 2016 »23 ; la parole de l’enfant qui « a clairement exprimé son souhait de demeurer chez sa mère tant à des professionnels – médecin généraliste qu’à son environnement familial maternel – oncle, grand-mère et à son propre père »24, « Y a manifesté, encore récemment auprès de l’éducateur (..) chargé de la mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (…) son souhait de résider à titre principal chez son père »25, « l’enfant souhaiterait vivre plus largement avec elle, et aurait exprimé à plusieurs reprises le souhait d’une résidence alternée chez chacun de ses parents »26, les « propos jugés inquiétants tenus par l’aîné de la fratrie sur sa situation familiale lors de la consultation » d’un pédopsychiatre faisant état de chantages ainsi que de violences verbales et physiques commises par le père sur l’enfant27, « L. a par des propos construits, posés et crédibles évoqué son incompréhension du comportement de son père, dont le changement interprété par elle comme un abandon, sinon un rejet, a généré chez elle une crainte et un sentiment de dépression »28 ; l’évolution de l’âge de l’enfant « aujourd’hui plus mature pour s’être forgé un avis sur la question » de la résidence alternée29 ; des circonstances extérieures telles qu’une plainte déposée contre l’un des parents pour agression sexuelle sur mineur30.

Le dépôt d’un rapport d’expertise médico-psychologique a pu être considéré comme un fait nouveau31 ou au contraire il a été jugé que « le dépôt du rapport d’expertise psychologique ordonnée par le magistrat conciliateur ne constitue pas un fait nouveau »32.

Les faits nouveaux entraînant une modification des mesures à caractère financier :

L’existence de circonstances nouvelles peut entraîner une modification de la pension alimentaire versée au titre du devoir de secours ou de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants telles que : l’absence de jouissance effective du bien attribué par le juge conciliateur33 : l’épouse « a finalement occupé le bien commun (…) alors que l’époux est demeuré dans le domicile conjugal »34, « elle n’occupe plus le domicile conjugal dont la jouissance lui a été accordée »35 ; des modifications dans la vie professionnelle d’une des parties et ses ressources36 : le « licenciement qui intervient cinq mois et demi après la date de tentative de conciliation, qui était rigoureusement inconnu de M. »37, le fait que l’une des parties soit « en arrêt de travail (…) et la notification de la décision reconnaissant la qualité de travailleur handicapé »38, « elle n’exerce plus d’activité professionnelle et ne perçoit actuellement qu’une indemnisation (…) au titre d’une formation de menuiserie »39, « la situation de Madame Z s’est améliorée depuis la précédente décision sur le plan professionnel » tandis que les « revenus de Monsieur Y dont le statut professionnel a changé ont sensiblement diminué »40, le « CDD signé en août 2015 et plusieurs fois renouvelé a pris fin le 14 novembre 2015 »41, ou encore « la création de la société et l’immatriculation de la SARL (…) dont il est le gérant salarié depuis le début de l’activité »42, la « cessation du contrat d’expatriation de M. Z »43 ; la hausse des ressources d’un parent : « la situation financière de [Madame Y] s’est nettement améliorée (…) puisqu’elle dispose désormais d’un capital disponible d’un montant significatif dont la gestion utile a vocation à lui procurer des ressources non négligeables »44, des changements dans la vie personnelle d’une des parties : la naissance depuis le divorce de « quatre autres enfants »45, « le coût d’un loyer et la naissance d’un nouvel enfant »46 ; des modifications dans l’organisation de la vie des enfants : « le fils commun du couple vivant chez son père depuis avril 2014 et ce dernier l’assumant en totalité »47, l’enfant « a quitté le domicile de sa mère, ce qui constitue un élément nouveau »48, les besoins des enfants « n’ont pas évolué à la hausse de manière significative mais M. Z n’exerçant plus son droit de visite du milieu de semaine, cela entraîne des frais supplémentaire pour Mme Y »49 ; une variation des besoins des enfants : « A. prépare le concours d’infirmière (…) ce qui génère une augmentation des frais notamment de logement »50, « la situation des enfants a évolué depuis le jugement de divorce à savoir que l’enfant C. est étudiante à Nice et est prise en charge exclusivement par M. X »51.

En revanche, les juridictions ont refusé de qualifier de « fait nouveau » : des éléments qui ont « déjà été avancés devant le juge conciliateur puis (…) devant le premier juge »52, qui ne sont que « la conséquence de l’exécution d’une décision qui s’impose [aux parties] à titre provisoire »53, ou encore parce que « le jugement de divorce qui a homologué la convention des parties était particulièrement récent sans que la preuve ne soit rapportée que l’organisation mise en place par les parents ne soit plus conforme à l’intérêt de leurs enfants »54.

N’ont pas non plus été considérés comme des éléments nouveaux : la suite réservée à la plainte pénale initiale dirigée contre l’un des parents, dès lors que le jugement attaqué a déjà « pris en compte, d’une part, la dénonciation par Madame X de faits de nature sexuelle commis par Monsieur Y sur l’enfant commun, N., en suite des propos tenus par la fillette près de deux années auparavant »55, « le rapport rédigé à la demande de l’appelant » dès lors qu’il ne fait qu’« illustrer l’évolution de la personnalité de Monsieur X (…) depuis la mise en place d’un suivi psychologique »56, « la nature de l’état de santé de M. X et les incidents qui émailleraient, depuis le prononcé de la décision déférée, l’exercice du droit de visite et d’hébergement de ce dernier »57, l’allégation par la mère d’une dégradation de la situation entre les enfants et leur père dès lors que « les témoignages versés par Madame Z concernent une période très courte et ne relatent pas d’incidents survenus à l’occasion du droit de visite et d’hébergement du père »58, « le fait que M. Z n’ait pas toujours ramené les enfants à 20 heures ne peut justifier une restriction de son droit »59 ; le non-exercice par le père de son droit d’accueil en raison d’un « conflit majeur qui a opposé les parents »60, « les difficultés de communication des parents » dès lors que ce climat conflictuel entre les parents existait déjà auparavant61, le « désir de l’enfant de changer d’école (…) ne constitue pas un élément nouveau, les désirs d’un enfant pouvant être fluctuants »62, les craintes d’un des parents : « le fait que [le père] ait été vu jouant à la pétanque tel qu’attesté par la propre grand-mère de l’appelante, n’est pas de nature à remettre en cause la qualité de prise en charge des enfants au domicile du père »63, ou encore « la procédure de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, dite Brexit [ainsi que] l’éventuelle évolution du taux de change entre l’euro et la livre sterling [qui] est prévisible et préexistante à la décision déférée »64.

La qualification de « fait nouveau » reste ainsi à l’appréciation souveraine des juges du fond comme l’a récemment précisé la Cour de cassation65.

Le régime procédural toujours incertain du fait nouveau – L’article 1118 du Code de procédure civile dispose qu’un fait nouveau doit être démontré pour modifier une mesure provisoire prévue par l’ordonnance de non-conciliation, à peine d’irrecevabilité de la demande.

La jurisprudence qui a calqué la remise en cause des mesures provisoires afférentes aux enfants en exigeant aussi la démonstration d’un fait nouveau sur le fondement de l’article 373-2-13 du Code civil, n’est pas aussi claire en ce qui concerne le régime procédural.

La jurisprudence est en effet toujours partagée : pour certaines juridictions, l’extension du critère du « fait nouveau » à l’article 373-2-13 du Code civil implique la reprise du régime procédural de l’article 1118 du Code de procédure civile et considèrent ainsi qu’il s’agit d’une question de recevabilité de la demande66, tandis que pour d’autres il s’agirait d’une question de fond67.

Ainsi, le régime procédural reste toujours incertain pour les couples non mariés. Cette insécurité juridique maintient l’inégalité juridique entre les couples mariés pour lesquels le critère et le régime procédural sont clairement définis et les autres couples (non mariés ou divorcés) qui restent tributaires de l’interprétation jurisprudentielle. L’absence d’exigence légale d’un fait nouveau sur le fondement de l’article 373-2-13 du Code civil incite les parties à multiplier les instances et à rechercher une voie de réformation déguisée d’une décision qui ne leur est pas favorable dont elles n’ont pourtant pas interjeté appel.

Ainsi, à ce titre et au regard des très longs délais d’audiencement devant certaines cours d’appel, certains justiciables favorisent la voie de la modification de la décision de justice plutôt que la voie de la réformation, qui serait pourtant la voie naturelle.

Le législateur ne s’est par conséquent toujours pas saisi de la question afin d’uniformiser tant le critère que le régime procédural. Il serait utile, dans le cadre de la réforme imminente de la procédure civile, que cette question soit traitée, par exemple en instaurant des délais fixes à respecter, sauf circonstances exceptionnelles, avant de ressaisir un juge, ce qui avait déjà été préconisé en 2015.

II – La remise en cause des mesures par nature provisoires et l’appel

Deux situations procédurales distinctes posent aujourd’hui des questions auxquelles il convient de s’intéresser lorsqu’une instance d’appel a été initiée.

Quelle juridiction est compétente lorsqu’un fait nouveau intervient en cours d’instance d’appel ?

Que devient l’instance d’appel des mesures provisoires lorsqu’un jugement de divorce définitif a entre-temps été rendu ?

La survenance d’un fait nouveau pendant l’exercice d’une voie de recours – La règle est différente en fonction de la situation matrimoniale des couples puisque les couples non mariés sont confrontés à une difficulté qui ne concerne pas les couples qui divorcent.

En effet, pour les couples mariés, la compétence judiciaire semble clairement définie :

  • Lorsqu’une ordonnance de non-conciliation est prononcée et fait l’objet d’un appel, si un fait nouveau survient :

    • le conseiller de la mise en état est seul compétent pour modifier une mesure provisoire en application des dispositions de l’article 1119 du Code de procédure civile,

    • le juge aux affaires familiales ou le juge de la mise en état, si une assignation en divorce a été signifiée, sera en revanche compétent pour ajouter une nouvelle mesure provisoire68,

  • lorsqu’un jugement de divorce est prononcé et fait l’objet d’un appel, si un fait nouveau survient :

    • si le prononcé du divorce est remis en cause : l’article 1083 du Code de procédure civile dispose que le conseiller de la mise en état est compétent pour modifier les mesures accessoires au divorce exécutoires par provision définies à l’article 1074-1 du même code, c’est-à-dire les mesures afférentes à l’exercice de l’autorité parentale. Reste à savoir si la démonstration d’un élément nouveau est une question de recevabilité de la demande, comme a pu le considérer la grande majorité des juridictions69 en calquant le régime procédural sur les dispositions des articles 1118 et 1119 du Code de procédure civile ou d’une question de fond70, compte tenu du silence du texte sur ce régime procédural,

    • si le prononcé du divorce est acquis, en cas de survenance d’un fait nouveau et nonobstant un appel sur les conséquences du divorce, seul le juge aux affaires familiales sera compétent pour statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et les mesures financières afférentes aux enfants.

En revanche, la compétence judiciaire n’est pas clairement définie par le législateur dans l’hypothèse de la survenance d’un fait nouveau au cours d’une instance d’appel d’une décision prononcée par le juge aux affaires familiales afférente aux modalités d’exercice de l’autorité parentale.

En effet, aucun texte n’organise la compétence, ni même le régime procédural afférent à cette modification des mesures provisoires : est-ce le juge aux affaires familiales, le conseiller de la mise en état ou la cour d’appel ?

Il paraît possible de militer pour les trois.

Prenons à ce titre, pour exemple, une décision frappée d’appel refusant la demande formulée par le père de résidence alternée de l’enfant.

Au cours de l’instance d’appel, le parent hébergeant l’enfant déménage ce qui implique un changement d’établissement scolaire, mais ne modifiant pas le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent. Un litige naît autour du lieu de scolarisation de l’enfant :

  • le juge aux affaires familiales pourrait être compétent pour trancher le choix de l’établissement scolaire puisque la cour d’appel n’est saisie que de la question de la résidence de l’enfant au regard de l’effet dévolutif de l’appel désormais particulier à chaque instance. Cette compétence serait alors calquée pour les couples non mariés sur celui des couples divorcés, dont le jugement de divorce fait l’objet d’un appel sans que le principe du divorce soit remis en cause, au regard des dispositions de l’article 1084 du Code de procédure civile ;

  • le conseiller de la mise en état pourrait être saisi d’un incident à ce titre, en calquant le régime des couples non mariés sur celui des couples mariés dont le jugement de divorce fait l’objet d’un appel, en application des dispositions de l’article 1083 du Code civil ;

  • la cour d’appel elle-même pourrait être compétente au fond, en considérant que la question de la scolarisation, même si elle n’a pas été discutée en première instance, serait une demande accessoire ou complémentaire à la demande principale, liée aux modalités de l’autorité parentale. C’est ce qu’a jugé la cour d’appel de Lyon dans un arrêt prononcé le 26 octobre 200971. Toutefois, cette décision soulève trois interrogations :

    • en premier lieu, une telle solution ne semble pas opportune lorsqu’une décision doit être rendue en urgence, au regard des délais d’audiencement actuels devant certaines cours d’appel,

    • en deuxième lieu et au regard de la récente réforme de la procédure d’appel, il est loisible de s’interroger si une telle décision pourrait être réitérée, dans la mesure où les chefs du jugement sont précisément listés désormais dans la déclaration d’appel. Si aucune partie ne remet en cause l’exercice conjoint de l’autorité parentale, mais uniquement une modalité précise d’exercice de celle-ci, soit la résidence des enfants, il paraît difficilement envisageable d’étendre la compétence de la cour,

    • enfin et en troisième lieu, cette décision est critiquable dès lors qu’elle ôte aux parties la possibilité de soumettre la question du lieu de scolarisation de l’enfant à un double degré de juridiction.

Cette question crée une insécurité juridique, source de difficulté pour le justiciable, dont le législateur pourrait à nouveau opportunément se saisir, lors de sa réforme de la procédure civile.

Le sort de l’instance d’appel des mesures provisoires lorsqu’un jugement de divorce définitif est rendu.

Lorsque le jugement de divorce devient définitif, les mesures accessoires qu’il prononce prennent le relais des mesures provisoires énoncées sur le fondement de l’article 254 du Code civil.

Toutefois, le législateur n’a pas encadré le sort de l’instance d’appel d’une décision prononçant des mesures provisoires (ordonnance de non-conciliation, jugement modifiant une mesure provisoire ou ordonnance du juge de la mise en état) lorsque le divorce est devenu définitif. En effet, il n’a pas envisagé qu’un jugement de divorce puisse être prononcé et être définitif avant que la question de la réformation de la décision prononçant des mesures provisoires soit tranchée.

Or, en pratique, cette problématique se rencontre de plus en plus fréquemment, compte tenu des très longs délais d’audiencement devant certaines cours d’appel en matière familiale.

La jurisprudence n’apporte pas non plus de réponse harmonisée.

Ainsi, la cour d’appel de Versailles a considéré que l’appel interjeté avant le prononcé définitif du divorce restait recevable72.

La cour d’appel de Paris, pôle 3, chambre 3, a ensuite eu le loisir de considérer dans un arrêt prononcé le 26 janvier 2017 qu’au regard du prononcé définitif du divorce, la demande de réformation formulée au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant était « sans objet » et qu’il n’y avait « pas lieu à statuer sur ce chef »73. Les prétentions formulées en cause d’appel seraient ainsi vidées de leur substance par l’intervention d’un jugement de divorce devenu définitif.

Cet arrêt est critiquable puisqu’au regard de l’effet dévolutif de l’appel, la décision prononcée en appel a théoriquement vocation à s’appliquer rétroactivement. Ainsi, la cour aurait pu être amenée à statuer pour le passé. En outre, cette décision prive le justiciable d’un second degré de juridiction, qui est ainsi victime des délais d’audiencement et de l’encombrement des juridictions.

Enfin, la cour d’appel de Paris, dans une autre formation (pôle 3, chambre 2), a considéré que :

  • l’appel interjeté avant le prononcé du divorce était recevable ;

  • toutes les mesures provisoires dont appel a été interjeté pouvaient être à nouveau examinées ;

  • les mesures provisoires réformées qui sont prononcées par l’arrêt de la cour prendront fin au moment du prononcé définitif du divorce.

La cour a par conséquent statué sur des modalités d’exercice de l’autorité parentale, alors même que des mesures accessoires ont été prononcées entre-temps à ce titre, par une disposition de l’arrêt inapplicable.

En revanche, sur les mesures financières, comme le devoir de secours, le caractère gratuit ou onéreux de la jouissance du domicile conjugal, la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, l’arrêt a vocation à réformer le passé en le cantonnant à la période comprise entre le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation et la date à laquelle le jugement de divorce est passé en chose de force jugée.

Reste à s’interroger sur la question du sort de la provision ad litem, de la nomination d’un professionnel qualifié ou d’un notaire, la prise en charge provisoire des dettes du couple. Ces mesures provisoires sont par essence liées à l’instance en divorce et ne peuvent s’exécuter rétroactivement.

Il semblerait insensé d’envisager après un divorce définitif la prise en charge provisoire des dettes du couple ou désigner un notaire sur le fondement des articles 255 9° et 10° du Code civil. L’appel est à notre sens devenu sans objet. La question de l’appréciation de la provision sur les frais d’instance peut le cas échéant être envisagée selon les espèces puisque la situation financière des parties peut ne pas avoir été influencée par le jugement de divorce.

Il conviendra ici de continuer de surveiller les décisions de cours d’appel à venir.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CA Versailles, ch. 2, sect. 1, 8 nov. 2012, n° 11/08727.
  • 2.
    CA Montpellier, ch. 1, sect. C2, 9 avr. 2014, n° 13/0789.
  • 3.
    CA Versailles, ch. 2, sect. 1, 3 mai 2012, n° 11/03756 ; CA PARIS, ch. 6, 19 juin 2014, n° 13/06804 ; CA Besançon, 1re ch. civ., sect. B, 18 nov. 2005, n° 05/00498 ; CA Caen, ch. civ. 3, 10 juill. 2015, n° 13/03421.
  • 4.
    CA Montpellier, ch. 1, sect. C2, 23 janv. 2008, n° 07/1708 ; CA Grenoble, ch. aff. fam., 16 mars 2011, n° 10/01357 ; Cass. 1re civ., 1er juill. 2009, n° 08-14022 ; CA Lyon, ch. 2B., mars 2014, n° 13/1276.
  • 5.
    CA Rennes, 4 avr. 2017, n° 15/02209.
  • 6.
    CA Pau, 30 nov. 2016, n° 16/02424.
  • 7.
    CA Rennes, 23 févr. 2017, n° 16/04217.
  • 8.
    CA Lyon, 29 nov. 2016, n° 15/04314 ; CA Lyon, 7 févr. 2017, nos 15/04843, 15/06744 et°15/00203 ; CA Lyon, 11 avr. 2017, n° 16/06467 ; CA Lyon, 6 juin 2017, n° 16/00533.
  • 9.
    CA Aix-en-Provence, 8 sept. 2016, n° 15/17754.
  • 10.
    CA Dijon, 12 janv. 2017, n° 15/01238.
  • 11.
    CA Lyon, 11 avr. 2017, n° 16/06467.
  • 12.
    CA Dijon, 11 août 2016, n° 15/01843.
  • 13.
    CA Rennes, 23 févr. 2017, n° 16/02501.
  • 14.
    CA Nancy, 29 juill. 2016, n° 16/01712.
  • 15.
    CA Rennes, 19 janv. 2016, n° 15/00433.
  • 16.
    CA Paris, 3-3, 19 nov. 2015, n° 15/16904.
  • 17.
    CA Aix-en-Provence, 10 mars 2016, n° 15/16929.
  • 18.
    CA Rennes, 24 nov. 2016, n° 16/01033.
  • 19.
    CA Aix-en-Provence, 10 mars 2016, n° 15/16929.
  • 20.
    CA Rennes, 22 oct. 2015, n° 15/04906.
  • 21.
    CA Rennes, 4 oct. 2016, n° 16/01685.
  • 22.
    CA Dijon, 3 nov. 2016, n° 15/01055.
  • 23.
    CA Aix-en-Provence, 15 déc. 2016, n° 16/01848.
  • 24.
    CA Rennes, 22 oct. 2015, n° 15/04906.
  • 25.
    CA Rennes, 4 octobre 2016, n° 16/01685.
  • 26.
    CA Chambéry, 23 janv. 2017, n° 16/01313.
  • 27.
    CA Rennes, 4 oct. 2016, n° 15/07154.
  • 28.
    CA Rennes, 13 janv. 2015, n° 13/04223.
  • 29.
    CA Chambéry, 23 janv. 2017, n° 16/01313.
  • 30.
    CA Rennes, 19 janv. 2016, n° 15/00433.
  • 31.
    CA Rennes, 4 oct. 2016, n° 16/01660.
  • 32.
    CA Rennes, 28 avr. 2016, n° 15/06065.
  • 33.
    CA Paris, 3-2, 30 juin 2016, n° 13/04825.
  • 34.
    CA Versailles, 8 déc. 2016, n° 15/06542.
  • 35.
    CA Rennes, 19 janv. 2016, n° 14/09566.
  • 36.
    CA Besançon, 26 janv. 2017, n° 16/02027 ; CA Rennes, 24 mai 2016, n° 16/01030 ; CA Nouméa, 5 mars 2015, n° 14/00344 ; CA Pau, 1er mars 2017, n° 16/02424 ; CA Versailles, 12 janv. 2017, n° 15/08972 ; CA Rennes, 15 sept. 2015, n° 14/02041 ; CA Nancy, 31 août 2015, n° 14/02345 ; CA Lyon, 7 févr. 2017, n° 15/04843.
  • 37.
    CA Dijon, 12 févr. 2017, n° 15/01238.
  • 38.
    CA Pau, 30 nov. 2016, n° 16/02424.
  • 39.
    CA Bastia, 28 sept. 2016, n° 15/01054.
  • 40.
    CA Nancy, 31 août 2015, n° 14/0235.
  • 41.
    CA Rennes, 5 juill. 2016, n° 15/09485.
  • 42.
    CA Paris, 14 mars 2017, n° 15/11078.
  • 43.
    CA Paris, 3-2, 30 juin 2016, n° 13/04825.
  • 44.
    CA Rennes, 17 nov. 2016, n° 16/05766.
  • 45.
    CA Paris, 3-2, 17 janv. 2017, n° 14/20955.
  • 46.
    CA Paris, 3-2, 25 avr. 2017, n° 15/03955.
  • 47.
    CA Lyon, 11 avr. 2017, n° 16/06467.
  • 48.
    CA Rennes, 28 juin 2016, n° 15/09673.
  • 49.
    CA Paris, 3-4, 7 avr. 2016, n° 15/03962.
  • 50.
    CA Rennes, 15 sept. 2015, n° 14/02041.
  • 51.
    CA Bastia, 23 mars 2016, n° 15/00040.
  • 52.
    CA Paris, 21 mars 2017, n° 15/103927 ; CA Rennes, 15 sept. 2015, n° 14/02041.
  • 53.
    CA Paris, 3-4, 21 mars 2017, n° 15/10985.
  • 54.
    CA Rennes, 8 déc. 2015, n° 14/04284.
  • 55.
    CA Rennes, 23 févr. 2017, n° 16/02501.
  • 56.
    CA Rennes, 23 févr. 2017, n° 16/04217.
  • 57.
    CA Paris, 21 mars 2017, n° 15/103927.
  • 58.
    CA Lyon, 30 mai 2017, n° 15/02267.
  • 59.
    CA Paris, 3-4, 7 avr. 2016, n° 15/03962.
  • 60.
    CA Rennes, 25 oct. 2016, n° 16/03437.
  • 61.
    TGI Créteil, 10 oct. 2017, n° 17/06511.
  • 62.
    TGI Créteil, 10 oct. 2017, n° 17/06511.
  • 63.
    CA Rennes, 17 nov. 2016, n° 16/03438.
  • 64.
    CA Paris, 3-4, 28 mars 2017, n° 15/20106.
  • 65.
    Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, n° 13-27576.
  • 66.
    TGI Créteil, 7e ch. A, 10 oct. 2017, n° 17/06511 ; CA Rennes, 6e ch. A, 25 oct. 2016, n° 16/04103 ; CA Rennes, 6e ch. A, 5 juill. 2016, n° 15/09485 ; CA Paris, 3-3, 21 janv. 2016, n° 14/11755 ; CA Paris, 3-2, 17 janv. 2017, n° 14/20955 ; CA Aix-en-Provence, 11e ch., 10 mars 2016, n° 15/16929 qui statue par erreur sur le fondement de l’article 1118 du Code de procédure civile ; CA Chambéry, 3e ch., 23 janv. 2017, n° 16/01313.
  • 67.
    CA Paris, 3-2, 25 avr. 2017, n° 15/03955 ; CA Lyon, 6 juin 2017, n° 16/00533 ; CA Lyon, 7 févr. 2017, n° 15/00203 ; CA Bastia, ch. civ., 28 sept. 2016, n° 15/01054 ; CA Nancy, 31 août 2015, n° 15/02345 ; CA Bastia, ch. civ., 18 janv. 2017, n° 16/00110 ; CA Dijon, 11 août 2016, n° 15/01843 ; CA Rennes, 6e ch. A, 17 nov. 2016, n° 16/03438.
  • 68.
    Cass. 1re civ., 4 oct. 2005, n° 03-20548.
  • 69.
    CA Paris, 3-4, 14 mars 2017, n° 15/11078 ; CA Paris, 3-4, 14 mars 2017, n° 16/16975 ; CA Paris, 3-3, 19 nov. 2015, n° 15/16904 ; CA Rennes, 6e ch. A, 5 juill. 2016, n° 16/00892.
  • 70.
    CA Aix-en-Provence, 6e ch. B, 21 nov. 2016, n° 16/00557.
  • 71.
    CA Lyon, 26 oct. 2009, n° 09/024081.
  • 72.
    CA Versailles, 8 nov. 2012, n° 11/087271.
  • 73.
    CA Paris, 3-3, 26 janv. 2017, n° 14/20523.
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