Le prolongement des prestations sociales relatives au handicap pour les retraités
Lorsqu’arrive l’âge de la retraite, il est parfois difficile pour la personne en situation de handicap de savoir si les prestations sociales perçues en raison de son handicap continueront d’être perçues. À la suite d’un arrêt de cassation, la cour d’appel d’Aix-en-Provence vient justement d’apporter une précision au sujet du complément de ressources de l’allocation aux adultes handicapés.
CA Aix-en-Provence, 29 janv. 2021, no 19/16388
L’affaire ayant donné lieu à renvoi devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence1 traite du sort réservé aux prestations sociales afférentes au handicap lorsque son bénéficiaire parvient à l’âge de la retraite. En l’espèce, une personne perçoit l’allocation aux adultes handicapés ainsi que son complément de ressources, prestations formant la garantie de ressources2 depuis 1991. À l’âge légal de départ en retraite, en 2013, cette personne bascule tout naturellement vers la perception de ses pensions de vieillesse. C’est alors que la Caisse d’allocations familiales du Var, constatant le nouveau régime dans lequel se trouve l’allocataire, stoppe le versement tant de l’allocation aux adultes handicapés que du complément de ressources en précisant qu’en cas de montant de pension de vieillesse insuffisant, il convient de s’orienter vers une demande d’allocation de solidarité aux personnes âgées3, nouveau nom du minimum vieillesse, destinée aussi à garantir un minimum de ressources, non pas aux personnes handicapées mais comme son nom l’indique aux personnes ayant atteint un certain âge. L’allocataire va alors contester la décision de la Caisse d’allocations familiales devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale du Var4, qui reconnaît à l’allocataire une allocation différentielle égale à la différence entre le montant de ses pensions de vieillesse et le montant maximal de l’allocation aux adultes handicapés. En revanche, rien n’est indiqué concernant le complément de ressources qui lui était jusqu’alors dévolu d’où une requête en omission de statuer adressée au tribunal. Les juges de première instance comme ceux de la cour d’appel vont débouter l’allocataire de sa demande concernant le complément de ressources considérant que cette prestation prend fin à l’âge légal de départ à la retraite. L’allocataire forme un pourvoi en cassation : la Cour régulatrice annulera alors l’arrêt d’appel. Évoquant les textes du Code de la sécurité sociale, et plus particulièrement les articles L. 821-1, alinéa 9, L. 821-1-1, alinéas 2 et 6 et l’article R. 821-7-1, la Cour rappellera qu’à partir du moment où le requérant perçoit encore l’allocation aux adultes handicapés, même si ce n’est qu’en partie, le complément de ressources perdure dès lors que l’ensemble des conditions d’octroi sont remplies. L’arrêt d’appel commenté n’est que la résultante de la position qu’avait adopté la Cour de cassation le 19 septembre 2019. Néanmoins, il permet de procéder à quelques rappels qui semblent nécessaires tant le public des personnes en situation de handicap peut se trouver dépourvu face à la complexité des textes en vigueur :
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lorsqu’une personne bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés, à l’âge minimum auquel s’ouvre la retraite pour inaptitude, soit actuellement 62 ans, ses avantages vieillesse sont liquidés à taux plein5 ;
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dès lors que la personne perçoit ses avantages vieillesse et que son incapacité permanente se situe entre 50 et 79 %, l’allocation aux adultes handicapés ne peut plus être versée et entraîne par conséquent cessation du complément de ressources6. Dans cette hypothèse, la personne pourra obtenir l’allocation de solidarité aux personnes âgées7 ;
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en revanche, lorsque la personne perçoit ses avantages vieillesse et que son incapacité permanente est d’au moins 80 %, elle peut continuer à percevoir l’allocation aux adultes handicapés dès lors que l’avantage vieillesse ou que le montant mensuel perçu au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées est d’un montant inférieur à celui de l’allocation aux adultes handicapés8. Dans ce cas, il ne sera pas nécessaire pour elle de demander à bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées pour conserver son allocation aux adultes handicapés (à moins de n’avoir jamais cotisé à l’assurance vieillesse et de ne percevoir par conséquent aucun avantage vieillesse). Le total des sommes perçues ne pourra pas excéder le montant de l’allocation aux adultes handicapés. Il s’agira donc d’une allocation différentielle ;
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dans l’hypothèse précédente, et à condition que les autres conditions pour prétendre à la prestation soient encore réunies, l’allocataire pourra conserver le bénéfice du complément de ressources de l’allocation aux adultes handicapés9 ;
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cette solution vaut également pour les bénéficiaires d’une autre prestation s’ajoutant à l’allocation aux adultes handicapés : la majoration pour la vie autonome10, à condition, là aussi, de réunir les conditions d’octroi11 ;
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le complément de ressources a disparu pour les nouveaux entrants. Les personnes en bénéficiant au 1er décembre 2019 conservent leurs droits jusqu’au 1er décembre 202912.
Ces différentes constatations appellent une remarque : lorsqu’une personne en situation de handicap, dont l’incapacité permanente a été reconnue comme au moins égale à 80 %, perçoit un avantage vieillesse d’un montant équivalent à l’allocation aux adultes handicapés, elle sera en situation moins favorable qu’une personne qui touche un avantage vieillesse inférieur au montant de cette prestation sociale. En effet, dans le premier cas, n’ayant pas d’allocation différentielle, ni le complément de ressources, ni la majoration pour la vie autonome ne pourront être perçus alors que dans le second cas, cela s’avérera possible. Il s’agit d’une centaine d’euros, somme non négligeable pour un allocataire de minimas sociaux. Pourquoi alors ne pas envisager ces prestations comme autonomes lorsque l’allocataire atteint l’âge de la retraite sans que l’avantage vieillesse augmenté de la prestation envisagée ne puisse dépasser le montant cumulé de l’allocation aux adultes handicapés et de ladite prestation ? À l’heure où la question de l’individualisation des ressources de l’allocation aux adultes handicapés fait débat au titre des mesures de justice sociale, cette éventualité aurait pu être envisagée.
Notes de bas de pages
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1.
CA Aix-en-Provence, 29 janv. 2021, n° 19/16388.
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2.
CSS, art. L. 821-1-1, anc.
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3.
CSS, art. L.815-1.
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4.
Depuis la réforme de la justice du XXIe siècle (L. n° 2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle : JO, 19 déc. 2016) et la disparition des tribunaux des affaires de la sécurité sociale, c’est le pôle social du tribunal judiciaire qui est devenu compétent en la matière.
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5.
CSS, art. L. 821-1, al. 10 et CSS, art. L.821-2, dernier alinéa.
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6.
CSS, art. L. 821-2.
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7.
CSS, art. L. 815-1.
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8.
CSS, art. L. 821-1, al. 9.
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9.
CSS, art. D. 821-7.
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10.
CSS, art. D. 821-7.
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11.
CSS, art. L. 821-1-2.
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12.
V loi n° 2018-1317 du 28 déc. 2018 de finances pour 2019, art. 266 : JO, 30 déc. 2018. Sur les difficultés de cette suppression, voir la récente réponse ministérielle (Rép. Min. n° 199776, 25 mars 2021, p. 2035).
Référence : AJU000g6