L’incontournable droit au divorce

Publié le 29/12/2017

Le droit de divorcer mérite une protection conventionnelle. Sur ce point, la position adoptée par la Cour européenne des droits de l’Homme depuis maintenant plus de quarante ans devient indéfendable. En effet, sur un plan juridique, de solides arguments de fond comme de forme commandent aujourd’hui que l’individu qui souhaite le divorce puisse l’obtenir. Le divorce doit être libéralisé, ce qui affaiblira incontestablement l’union matrimoniale. Une véritable révolution idéologique se dessine. Elle obligera le législateur à repenser l’ensemble de notre droit de la famille.

1. Existe-t-il un droit au divorce ? Cette question peut paraître singulière, tant la préservation de la stabilité du mariage et, plus loin, la protection de la paix des familles ont commandé ces dernières années bon nombre de réformes en droit de la famille. Aujourd’hui encore, une partie de la doctrine réfute l’existence d’un tel droit1. Mais ne pourrait-il pas en être autrement à une époque au cours de laquelle la subjectivisation des droits a pris une ampleur inhabituelle, y compris dans la sphère familiale ? Voilà quelques années, plusieurs sociologues2 et juristes3 avaient déjà annoncé que nous passerions prochainement d’une conception holiste de la famille dans laquelle le groupe est supérieur à la somme de ses composantes à une conception individualiste de l’entité familiale au sein de laquelle les individus se contentent de coexister4. L’individualisme et le libéralisme de l’époque récente leur ont donné raison ! La valeur fondamentale de la société actuelle est la personne et non plus le groupe5.

2. À la surprise générale, le Conseil constitutionnel vient de franchir le pas. Alors que la question du divorce n’avait jamais été abordée jusque-là dans sa jurisprudence, il a reconnu à l’individu, dans sa décision rendue le 31 juillet 2016, une véritable « liberté de mettre fin aux liens du mariage »6. Certains commentateurs ont immédiatement recommandé une certaine prudence dans l’analyse de cette solution7. On peut toutefois affirmer, eu égard aux termes généraux et non équivoques employés par le Conseil, que le droit de divorcer bénéficie aujourd’hui en France d’une protection constitutionnelle dont l’étendue reste à déterminer.

3. La question se pose alors de savoir si ce nouveau droit profite également d’une protection conventionnelle. Avec force et constance, la Cour européenne des droits de l’Homme y répond par la négative : selon elle, la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne garantit aucun droit au divorce. Cette solution avait été posée pour la première fois dans l’arrêt Johnston et autres contre Irlande rendue le 18 décembre 1986 dans lequel les juges strasbourgeois affirmèrent sans ambages que « les requérants ne sauraient déduire du traité un droit de divorcer »8. Elle a été confirmée par la suite à plusieurs reprises9. On aurait pu penser que cette position extrêmement catégorique tenue par la Cour de Strasbourg vienne dissuader toute nouvelle requête fondée sur la même revendication. En réalité, on observe depuis quelques années le phénomène opposé : de telles requêtes se sont multipliées, sous l’effet d’une exaltation et parfois d’une sacralisation des droits individuels. Mais, pour l’heure, la Cour de Strasbourg résiste ! Récemment, dans un arrêt rendu le 10 janvier 2017, elle a refusé une énième fois d’accorder la moindre protection au droit de divorcer10.

4. L’obstination affichée par la Cour européenne des droits de l’Homme nous apparaît pourtant hautement discutable voire indéfendable. De nombreuses raisons nous poussent à proposer la solution inverse d’une consécration d’un droit conventionnel au divorce. Nous sommes persuadés que la Cour de Strasbourg ne pourra plus y résister bien longtemps, tant les arguments en faveur d’un tel droit sont nombreux et nous semblent solides sur un plan juridique (I). Pareille consécration emportera dans son sillage d’importantes conséquences qui obligera le législateur français, qu’il le veuille ou non, à repenser les règles qui, dans notre pays, sont aujourd’hui applicables au divorce (II).

I – La consécration d’un droit conventionnel au divorce

5. Selon nous, cette consécration se justifie pour deux raisons essentielles : tout d’abord, il est possible de rattacher sans trop de difficultés le droit au divorce à plusieurs dispositions de la convention (A) ; ensuite, les principes d’interprétation de celle-ci, tels qu’ils ont été forgés ces dernières années par la Cour elle-même, commandent que la protection conventionnelle soit étendue au droit de divorcer (B).

A – Le possible rattachement du droit au divorce à la convention européenne des droits de l’Homme

6. Un réflexe presque naturel peut consister à vouloir rattacher le droit au divorce à l’article 12 de la convention européenne des droits de l’Homme. En effet, cette disposition protège le droit de se marier. Or, en raison du lien sociologique qui les lie indéniablement, le divorce évoque nécessairement le mariage. Aussi, le texte qui protège l’un ne devrait-il pas nécessairement protéger l’autre ? De prime abord, cela ne semble pas possible. Le « droit de se marier » vise à l’évidence la formation des relations conjugales et non leur dissolution, de sorte à ne pouvoir impliquer aucun droit au divorce11. Ce premier argument est imparable. Le second l’est tout autant : si un grand nombre de libertés fondamentales comprend un volet négatif, il n’est pas possible, là encore, de faire du droit au divorce le versant négatif du droit de se marier, ce qui a été soutenu quelquefois. À l’évidence, le volet négatif du droit de se marier est celui de ne pas se marier, et non pas de se démarier12.

7. Pour autant, nous serons moins péremptoires que la Cour européenne des droits de l’Homme, et n’excluons pas tout rattachement du droit au divorce à l’article 12 de la convention. Depuis son arrêt F c/ Suisse du 18 décembre 1987, nous savons avec certitude que le droit de se marier comporte un droit de se remarier13. Or pour pouvoir se remarier, encore faut-il que le premier mariage puisse prendre fin, notamment par le divorce. Dans cette logique, il ne nous semble pas excessif de considérer que le droit au remariage suppose, par la force des choses, un droit au divorce14, sauf à rester une coquille vide, ce qui serait directement contraire au principe d’effectivité des droits et libertés garantis par la convention systématiquement mis en avant par la Cour de Strasbourg15. En effet, il ne servirait à rien pour un individu de se voir reconnaître un droit de se remarier s’il lui était impossible de se délier préalablement d’un premier lien conjugal ! Ce raisonnement nous paraît sérieux. Toutefois, nous devons bien reconnaître que l’article 12 de la convention ne serait qu’un fondement imparfait d’un prétendu droit au divorce dans la mesure où il ne pourrait justifier ce droit qu’à l’égard d’individus qui veulent divorcer pour pouvoir se remarier. Or, précisément, toutes les personnes qui demandent le divorce n’envisagent pas nécessairement le remariage, du moins pas immédiatement. Le fondement de l’article 12 présente ainsi le défaut de ne pas être universel.

8. Pour cette raison, le rattachement du droit au divorce à l’article 8, § 1, de la Convention est alors beaucoup plus pertinent. Ce texte protège le droit au respect de la vie privée et familiale, duquel peut également se déduire, selon nous, un véritable droit au divorce. Certes, pareille analyse a toujours été réfutée par la Cour de Strasbourg qui « ne croit pas que l’on puisse logiquement déduire de l’article 8, texte de but et de portée plus généraux, un droit au divorce exclu de l’article 12 »16. Cette affirmation nous laisse cependant doublement perplexe : d’une part, elle semble indiquer qu’il existe une hiérarchie entre certains droits et libertés garantis par la convention alors que le principe consacré sur le plan international est celui de leur complémentarité17 ; d’autre part, elle repose non pas sur une argumentation de fond, mais uniquement sur un critère formel qui consiste à faire varier le sens d’un article de la convention de l’interprétation préalable ou postérieure d’une autre disposition, ce qui est tout de même curieux18. Probablement consciente de la fragilité de son raisonnement, la Cour de Strasbourg s’est contentée d’affirmer, dans l’arrêt Babiarz c/ Pologne rendu le 10 janvier 2017, que ni l’article 12 ni l’article 8 de la Convention ne peuvent être interprétés comme conférant aux individus un droit de divorcer19. Il n’est cependant pas certain que cette nouvelle formule soit plus satisfaisante que celle employée précédemment.

9. Au contraire des juges strasbourgeois, nous soutenons que le droit au respect de la vie privée et familiale d’une personne mariée suppose, dans certaines circonstances, que la possibilité de divorcer lui soit reconnue. La décision de mettre fin à son mariage par le divorce est éminemment personnelle et, à ce titre, relève de la sphère de l’intimité de la vie privée, même si elle impacte la famille tout entière. Le même raisonnement a déjà été tenu par la Cour de Strasbourg à d’autres occasions, et notamment au sujet de la décision, toute aussi personnelle, de devenir ou de ne pas devenir parent20. Par ailleurs, contraindre un individu à rester enfermer dans un mariage lorsque celui-ci connaît un échec compromet assurément son droit au développement personnel puisqu’il ne sera plus en mesure de s’épanouir pleinement au sein de cette structure familiale dont il ne veut plus et qui, baignée très souvent dans un climat conflictuel, risque de l’oppresser21. Or le droit au développement personnel est protégé depuis plusieurs années par la Cour de Strasbourg au titre de l’article 8, § 1, de la convention22. Enfin, le maintien forcé du mariage et du statut des époux qui l’accompagne aura encore pour conséquence de freiner voire d’empêcher l’époux qui veut en sortir d’établir et d’entretenir de nouvelles relations avec d’autres êtres humains et le monde extérieur, y compris sur le plan sexuel, ce que garantit également le traité23.

10. Pour l’ensemble de ces raisons, le refus de la Cour européenne des droits de l’Homme d’intégrer le droit au divorce dans la sphère de la vie privée devient incompréhensible. Il l’est d’autant plus qu’il cadre mal avec deux importantes évolutions que la Cour elle-même a données à sa jurisprudence. D’une part, la Cour interprète la notion de vie privée de plus en plus largement, en y incluant des droits dont on ne soupçonnait pas à l’origine qu’ils puissent en relever, tel le droit à l’identité24, le droit au nom25 ou encore le droit à la santé26. Elle a même accepté d’élargir la notion à des actes considérés autrefois comme contraires à la morale sociale, telles les relations homosexuelles27. On peine alors à comprendre pourquoi le droit au divorce ne profite pas de cette interprétation extensive. D’autre part, la Cour accepte depuis peu de temps de faire varier la notion de vie privée en fonction de l’époque, du milieu et de la société dans lequel vit l’individu. À cet égard, elle a opéré un véritable bouleversement du concept en consacrant, sur le fondement de l’article 8, § 1, de la convention, un droit à l’autonomie personnelle, qui autorise chacun de mener sa vie privée comme il l’entend28. Ce droit à l’autodétermination n’allait pas de soi voilà encore quelques années, dans la mesure où il donne la préférence au choix de l’individu au détriment de l’intérêt commun. En toute logique, la volonté de divorcer, qui est elle aussi un acte d’autodétermination, devrait également être incluse dans le champ protecteur de l’article 8, § 1, de la Convention. En France, le Conseil constitutionnel est allé dans ce sens puisque, dans sa décision rendue le 29 juillet 2016, il a rattaché la possibilité de mettre fin aux liens du mariage à la liberté individuelle29, laquelle correspond, au niveau européen, au droit au respect de la vie privée et familiale. Ce faisant, il n’a fait que confirmer ce qu’une partie de la doctrine constitutionnelle française avait déjà proposé depuis de nombreuses années30.

11. Dans certaines situations particulières, on peut même affirmer que le droit au divorce peut être rattaché doublement à l’article 8, § 1, de la convention. Comme nous venons de le voir, il est principalement une composante du droit à la vie privée de l’époux qui souhaite divorcer. Mais il est également possible de le rattacher à son droit de mener une vie familiale normale lorsqu’il mène par ailleurs une relation suivie avec un ou plusieurs tiers. Ne pas l’autoriser à divorcer pourrait altérer ces liens familiaux qui se sont créés de facto et qui méritent, eux aussi, une protection conventionnelle, ce que la Cour de Strasbourg martèle depuis fort longtemps31. Ajoutons que, dans cette hypothèse, ce ne serait pas uniquement le droit au respect de la vie familiale de l’époux qui serait compromis, mais aussi celui de l’autre personne impliquée dans cette vie familiale extraconjugale32.

12. Face à ces réalités, l’entêtement de la Cour européenne des droits de l’Homme s’explique difficilement. Une lecture attentive de l’ensemble des arrêts qu’elle a rendus en la matière dévoile néanmoins quelques éléments de réponse. D’une part, le refus de consacrer un droit conventionnel au divorce semble être la conséquence d’une volonté affichée par la Cour de protéger prioritairement le mariage. En somme, malgré l’évolution de notre société et du droit qui la régit, les juges strasbourgeois continuent à appréhender le divorce comme un danger pour l’institution matrimoniale dont la protection a toujours été considérée comme légitime voire méritoire33. Cette explication ne nous convainc nullement pour la raison toute simple selon laquelle le divorce ne peut plus représenter aucun danger pour un mariage dont l’échec est déjà avéré par la volonté de l’un des époux d’y mettre fin. En réalité, le mariage a beaucoup plus à craindre des législations qui restreignent la possibilité de divorcer car elles sont de nature à provoquer un désintérêt pour l’institution matrimoniale avec, pour corollaire, une fuite en avant vers les autres modes de conjugalités dont principalement les partenariats enregistrés. Mais surtout, elles ne feront pas disparaître l’envie de divorcer déjà exprimée par l’un des époux, lequel pourra alors être tenté de s’affranchir de son propre chef des devoirs et obligations issues du mariage, vidant ce dernier un peu plus encore de sa substance.

13. D’autre part, en refusant de consacrer un droit au divorce, la Cour de Strasbourg a probablement voulu ménager les sensibilités nationales. Bien souvent, les problématiques soulevées en droit de la famille touchent aux valeurs d’une société et de ses institutions, ce qui explique qu’elles suscitent généralement de fortes réactions, tant de la part des autorités internes que de l’opinion publique. Or il n’en va pas autrement lorsqu’est posée la question de l’existence d’un droit de divorcer, tant celle-ci « peut diviser une Nation »34. En somme, la Cour de Strasbourg, par crainte d’exacerber certaines tensions, a préféré se mettre en retrait. La non-reconnaissance d’un droit au divorce a ainsi été le prix à payer pour assurer une paix sociale dans certains États dont la Pologne35 ou encore l’Irlande36, pays catholiques qui ont toujours montré une certaine hostilité au divorce. Ce manque de courage lui fut parfois reproché, avec raison37 !

14. Sur le fond, la position adoptée par la Cour de Strasbourg n’est pas défendable. Elle l’est d’autant moins qu’elle semble méconnaître les principes les plus élémentaires d’interprétation de la convention européenne des droits de l’Homme.

B – Le nécessaire respect des principes d’interprétation de la convention

15. Ces dernières années, la Cour européenne des droits de l’Homme a forgé des principes d’interprétation qui doivent commander la lecture des dispositions du traité38. Il est alors frappant de constater que, s’agissant de la question du droit au divorce, la plupart de ces règles ont été méconnues, parfois sans grand scrupule.

16. Bien évidemment, lorsque la question du droit au divorce lui a été posée pour la première fois, la Cour s’est empressée d’invoquer le texte, et plus précisément le sens ordinaire des termes employés. Ce faisant, elle n’a fait qu’appliquer un principe général d’interprétation posé à l’article 31, § 1, de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités39. Elle est alors arrivée à la conclusion selon laquelle aucun droit au divorce ne saurait être déduit du sens qu’il est possible d’attribuer communément aux mots contenus dans la convention, et notamment de l’expression « droit de se marier » figurant à l’article 1240. En soi, la référence au texte n’est pas choquante. Ce qui l’est, c’est que, à bon nombre d’autres occasions, la Cour s’en est détachée pour consacrer tel ou tel nouveau droit. Elle ne peut donc pas invoquer ici, ce qu’elle n’applique pas là ! Il suffit, pour s’en convaincre, de se remémorer l’interprétation exponentielle qu’elle fait de l’article 8, § 1. À titre d’exemple, il n’est absolument pas certain que le sens ordinaire de la formule « vie privée et familiale » commande d’y inclure un droit de vivre dans un environnement sain, ce que la Cour a pourtant accepté de faire41.

17. Pour refuser de consacrer un droit au divorce, la Cour s’est également référée à la volonté des rédacteurs de la convention. Or, selon elle, ces derniers ne semblent avoir eu aucune intention de garantir un droit à la dissolution du mariage, ce dont attestent les travaux préparatoires du traité42. La Cour s’est alors interdit de dégager de la convention un droit qui, délibérément, n’y a pas été inséré au départ43. Là encore, cet argument nous laisse dubitatifs pour les mêmes raisons que précédemment : par le passé, il est déjà arrivé que la Cour consacre un droit que les rédacteurs de la convention avaient volontairement choisi de ne pas inclure. Ainsi, dans l’arrêt Sigurdur A. Sigurjonsson c/ Islande, les juges strasbourgeois ont décidé de ne pas accorder d’importance au fait que la liberté de ne pas faire partie d’une association avait été sciemment omise dans la convention, ce que le gouvernement n’avait pas manqué d’invoquer en s’appuyant sur les travaux préparatoires44.

18. Et que penser du principe selon lequel la convention doit être interprétée à la lumière des conditions de vie actuelle, c’est-à-dire en tenant compte de la dynamique politique, sociale, juridique voire culturelle dans laquelle elle se trouve insérée ?45 Cette règle est constamment rappelée par la Cour européenne des droits de l’Homme sauf, étonnamment, dans les décisions qu’elle a rendues relativement au droit au divorce ! Or il est indéniable que, ces dernières années, le divorce a cessé pour une grande partie de la population d’être un sujet passionnel, ce qui s’explique par la laïcisation progressive des sociétés occidentales. Il est devenu une figure connue qui, par son importance, est entrée dans les mœurs. Cette évolution devrait être prise en considération par la Cour lorsqu’elle interprète les dispositions de la convention.

19. L’extension de la protection conventionnelle au droit de divorcer devient inéluctable lorsque l’on se place sur le terrain du dénominateur commun. Rappelons à cet égard que, dans ses arrêts, la Cour prend parfois en considération l’existence ou non d’un dénominateur commun aux systèmes juridiques des États contractants pour interpréter les dispositions de la convention dans tel ou tel sens46. Certes, le recours au consensus européen n’est pas systématique car il ne s’agit pas de niveler un pluralisme juridique qui constitue précisément un élément essentiel du patrimoine culturel européen. Néanmoins, dans le domaine du droit des personnes et de la famille, sa prise en compte est beaucoup plus fréquente que partout ailleurs car, s’agissant de questions très sensibles, la Cour préfère souvent entériner la position majoritairement adoptée par les hautes parties contractantes afin de ne pas heurter de front leur souveraineté. Or, précisément, un tel dénominateur a toujours existé en matière de divorce ; il s’est même renforcé puisqu’aujourd’hui, plus aucun pays européen ne l’interdit plus. À cet égard, l’arrêt Johnston c/ Irlande rendue le 18 décembre 1986 est remarquable par le refus délibéré de la Cour de Strasbourg de prendre en compte l’argument du consensus, alors même que l’Irlande était à l’époque fort isolée en la matière47.

20. Pour toutes ces raisons, nous avons la forte conviction qu’un revirement par la Cour de Strasbourg de sa jurisprudence est non seulement souhaitable mais également inévitable si celle-ci veut respecter les enseignements de fond et de forme qu’elle-même a posés ces dernières années. Le droit au divorce mérite aujourd’hui une protection sur le fondement principal de l’article 8, § 1, de la convention. En tout état de cause, un tel revirement nous obligera à repenser notre droit interne du divorce. Un simple toilettage ne suffira pas ; c’est une véritable reconstruction qui sera nécessaire !

II – La reconstruction du droit français du divorce

21. Le droit conventionnel au divorce aura ses exigences, auxquelles il faudra confronter notre législation nationale. À coup sûr, cet examen révèlera certaines incompatibilités (A) que seule une réforme globale pourra venir corriger (B).

A – L’inconventionnalité du droit français du divorce

22. Lorsqu’il sera reconnu par la Cour de Strasbourg, le droit de divorcer impliquera que l’époux qui souhaite le divorce puisse l’obtenir48 ! L’autonomie personnelle prônée par les juges européens sera à ce prix. Selon nous, ce nouveau droit mettra à la charge des autorités internes plusieurs obligations positives, lourdes de conséquences.

23. Tout d’abord, chaque législation nationale sera obligée de prévoir le principe même du divorce dans son corpus juridique. Cette exigence ne sera pas contraignante puisque le divorce est aujourd’hui autorisé dans tous les États européens, sans exception. Elle pourrait néanmoins le devenir si l’un d’eux souhaitait faire marche arrière et abroger le divorce de sa législation, ce qui lui serait alors interdit. Mais l’hypothèse d’une telle évolution est peu probable.

24. Ensuite, le droit interne sera également tenu de permettre à chaque époux de demander le divorce. En effet, le droit au divorce s’analyse en un droit subjectif qui, par essence, présente un caractère personnel. Chacun des époux, pris isolément, doit donc pouvoir y recourir49. Ce droit pour l’individu de demander le divorce devra être pleinement effectif, tant en droit que dans les faits. Il en résulte qu’un État ne pourra pas rendre les conditions du divorce tellement difficiles qu’on aboutirait à une quasi interdiction. Il devra encore veiller à ne pas dissuader un époux de demander le divorce, par exemple en complexifiant à l’excès la procédure ou encore en faisant produire à la dissolution du mariage de lourdes conséquences financières50.

25. Chaque époux devra non seulement pouvoir demander le divorce, il devra également être en mesure de l’obtenir. Là réside le véritable bouleversement que provoquera la consécration d’un droit au divorce. En substance, s’agissant d’un droit, le souhait d’un époux de mettre fin au mariage devra être exaucé ! Personne ne doit pouvoir s’y opposer : ni le conjoint, ni même le juge. En ce qui concerne le conjoint, aucun droit de veto ne pourra lui être accordé, ce qu’a déjà précisé à mots plus ou moins couverts la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt Ivanov et Petrova c/ Bulgarie rendue le 14 juin 2011. En effet, dans cette espèce, les juges strasbourgeois ont jugé condamnable un droit interne qui érigerait l’opposition du conjoint en un obstacle absolu au prononcé du divorce51. En ce qui concerne le juge, il sera tenu de prononcer le divorce, dès lors qu’il aura constaté que toutes les conditions objectives fixées par la loi sont satisfaites. Sa compétence sera en quelque sorte liée, ce qui n’aura rien d’exceptionnel puisque de telles situations existent déjà dans notre droit de la famille. Les exemples ne manquent pas. L’on peut songer à certaines nullités absolues du mariage qui doivent être obligatoirement prononcées par le tribunal de grande instance lorsqu’elles sont constatées52. De même, le juge aux affaires familiales est obligé de prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal lorsque les conditions fixées à l’article 238 du Code civil se trouvent réunies. En la matière, il ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation53. On peut encore relever l’article 306 du même code qui l’oblige à prononcer la conversion de la séparation de corps en divorce si la séparation des époux a duré au moins deux ans, sans disposer du pouvoir d’apprécier l’opportunité de la conversion. Il ne faudrait cependant pas en déduire que le juge, saisi d’une demande en divorce, n’aura plus aucun rôle à jouer. Il lui appartiendra toujours de vérifier si les conditions posées par la loi pour obtenir le divorce se trouvent réunies, ce qui supposera, inévitablement, une appréciation de sa part. Il aura également à se prononcer, le cas échéant, sur les conséquences à faire produire au divorce. Le droit pour chaque époux d’obtenir le divorce s’opposera également à ce que le prononcé de celui-ci soit retardé inconsidérément, soit par le juge, soit par la loi, car tout retardement pourrait s’analyser en une interdiction temporaire de divorcer. Or, selon la Cour de Strasbourg, une interdiction même temporaire d’exercer un droit fondamental protégé par la convention peut constituer une violation de celle-ci54. Il n’en ira pas différemment pour le droit au divorce. Sur ce point, le droit français a réalisé d’importantes avancées en supprimant, par exemple, l’interdiction faite aux époux de demander le divorce par consentement mutuel dans les six premiers mois de leur mariage55. Des améliorations sont cependant encore possibles. Nous pensons, notamment, à l’actuel article 274, 1°, du Code civil qui autorise le juge à subordonner le prononcé du divorce à la constitution de certaines garanties par l’époux débiteur d’une prestation compensatoire. Certes, cette possibilité permet de garantir le paiement effectif de la prestation compensatoire, ce qui est louable. Toutefois, tant que ces garanties ne sont pas constituées, le divorce ne sera pas prononcé ! Or certains débiteurs d’une prestation compensatoire peuvent avoir beaucoup de difficultés à trouver les sûretés exigées par le juge, eu égard notamment à la composition de leur patrimoine. La dissolution de leur mariage en sera d’autant retardée. Fort heureusement, la Cour de cassation semble exiger en la matière une certaine proportionnalité. En effet, par le passé, elle a eu l’occasion de décider que le prononcé du divorce ne pouvait être subordonné au versement effectif du capital alloué au titre de la prestation compensatoire lorsque le débiteur n’était pas en mesure de verser ce capital56. Par analogie, il ne doit pouvoir le subordonner à la constitution de garanties que compte tenu de la capacité financière de cet époux.

26. Enfin, dans tous les cas, le prononcé du divorce doit pouvoir être obtenu par chacun des époux dans un délai qui doit rester raisonnable. L’exigence est classique57 ; elle a été étendue à la dissolution du lien matrimonial par la Cour européenne des droits de l’Homme58. Une procédure de divorce trop longue pourra donc être jugée contraire à l’article 6 de la convention, lequel garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable.

27. Il n’est alors pas certain que le droit français du divorce réponde parfaitement à l’ensemble de ces nouvelles exigences. Ainsi, le divorce par consentement mutuel extrajudiciaire suppose nécessairement une requête conjointe des époux59 alors que le droit conventionnel au divorce exige, nous l’avons vu, la possibilité pour chaque époux de demander isolément la dissolution du lien conjugal. Le même grief peut être formulé à l’égard du divorce par consentement mutuel judiciaire qui, pareillement, ne peut être demandé que conjointement par les époux60. D’ailleurs, ce dernier présente encore un autre défaut : celui de permettre au juge de refuser l’homologation de la convention qui lui est présentée et, par voie de conséquence, de ne pas prononcer le divorce61 62 alors que sa compétence devrait être liée en la matière.

28. Le même défaut peut être opposé au divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. Certes, celui-ci peut être demandé par l’un ou par l’autre des époux voire même par les deux63. Mais le juge peut, là aussi, refuser de le prononcer alors même que les conditions objectives prévues par la loi, dont l’acceptation du principe de la rupture du mariage, sont satisfaites.

29. Quant au divorce pour faute, il présente des contrariétés avec le droit européen autrement plus importantes. S’il peut être demandé par chacun des époux64, celui qui le demande n’est cependant pas certain de l’obtenir. D’une part, pour se défendre, le conjoint peut invoquer tantôt la réconciliation65, tantôt les propres fautes commises par l’époux qui a pris l’initiative du divorce66. Ces moyens de défense s’apparentent à de véritables fins de non-recevoir puisque, s’ils sont reçus par le juge, la demande initiale en divorce est en principe rejetée. D’autre part, dans le divorce pour faute, les faits sont appréciés souverainement par les juges du fond. Il en résulte qu’une faute, même si elle est avérée, ne constitue jamais qu’une cause facultative de divorce67. Quelles que soient les circonstances, le juge peut toujours décider de ne pas prononcer le divorce. À cela, il faut ajouter que les conséquences financières, que la loi française continue à attacher au divorce pour faute prononcée aux torts exclusifs d’un époux, peuvent freiner la propension individuelle à divorcer, ce qui n’est pas acceptable au regard de la convention européenne des droits de l’Homme. Bien évidemment, la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 portant réforme du divorce a innové en détachant certaines conséquences produites par la dissolution du mariage tant de la cause de divorce retenue par le juge que des torts attribués par ce dernier à chacun des époux. À titre d’exemples, ces éléments ne sont plus pris en considération pour déterminer, en cas de divorce, le sort des donations entre époux68 ou encore celui des avantages matrimoniaux69. Mais la réforme n’est pas allée jusqu’au bout de la logique. En effet, comme par le passé, l’époux entièrement fautif risque toujours de devoir verser à son conjoint des dommages et intérêts fondés sur l’article 266 du Code civil70. Il peut encore craindre de perdre tout droit au versement d’une prestation compensatoire par application de l’article 270, alinéa 3, du Code civil 71 alors même que son niveau de vie serait nettement inférieur à celui de son conjoint.

30. Que faut-il alors penser du divorce pour altération définitive du lien conjugal qui est présenté par certains auteurs comme instituant un véritable droit au divorce72 ? Est-ce le cas ? Nous ne le pensons pas. Certes, ce divorce peut être demandé par chacun des époux agissant seul73. Certes, le conjoint ne peut pas s’opposer au prononcé d’un tel divorce à partir du moment où les conditions objectives posées par la loi sont réunies74. Certes encore, le juge est obligé de prononcer le divorce dès lors que l’altération définitive du lien conjugal est établie. Pourtant, ces considérations risquent de ne pas suffire. On peut tout d’abord relever que le droit français attache une nouvelle fois à ce divorce des conséquences financières assez défavorables, lesquelles peuvent dissuader les époux qui souhaitent y recourir. En effet, dans certains cas, la personne qui demande le divorce pour altération définitive du lien conjugal s’expose à devoir verser à son conjoint des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil. Mais surtout, le droit français ne répute le mariage définitivement altéré que si la communauté de vie entre les époux a cessé depuis au moins deux ans au jour de l’assignation en divorce75 76. Un délai d’attente de deux ans au minimum est donc imposé à l’époux qui estime que son mariage est irrémédiablement compromis. Selon nous, il s’agit là, ni plus ni moins, d’une interdiction temporaire de divorcer qui reste difficilement justifiable. Pendant ces deux années, l’individu qui souhaite divorcer se retrouve enfermé malgré lui dans un mariage dont il ne veut plus. Son autonomie personnelle, pourtant protégée par la convention européenne des droits de l’Homme, ne lui permettra pas d’en sortir immédiatement.

31. Notre droit est donc bien mal préparé à une prochaine consécration d’un droit conventionnel au divorce. Sans plus tarder, il nous faut le remodeler.

B – Vers une nouvelle réforme du droit français du divorce

32. Si divorcer était un droit intangible, la seule solution viable au regard des exigences européennes consisterait à transposer dans notre droit le système applicable dans bon nombre de pays scandinaves dont le Danemark, la Finlande, la Norvège ou encore la Suède. En effet, depuis bien longtemps, le divorce est considéré dans ces États comme un droit fondamental pour les époux. Aussi, il doit être prononcé sur réitération de la demande formée par l’un d’eux ou de la requête conjointe, sans indication de ses motifs, à l’expiration d’un délai de réflexion imposé par la loi. Ce délai est conçu comme une période d’essai de vie séparée. Selon les circonstances, sa durée est de six mois ou d’un an. Dans certains cas, le divorce peut même être prononcé immédiatement, sans délai de réflexion.

33. Mais il ne l’est pas ! Dans la mesure où le socle principal du droit au divorce est l’article 8, § 1, du traité, la puissance publique est autorisée à s’ingérer dans son exercice dans les conditions fixées au deuxième paragraphe de cette disposition. En particulier, une ingérence est possible lorsqu’elle vise à préserver les droits et libertés d’autrui. Or, dans certaines circonstances, un accès inconditionnel au divorce peut compromettre les intérêts du conjoint ou encore des enfants issus du couple. Pour cette raison, l’accès au divorce doit pouvoir être subordonné à des conditions qui doivent toutefois rester objectives car, sans cela, la liberté de divorcer serait assurément atteinte dans sa substance. En effet, la possibilité de divorcer ne doit pas dépendre d’appréciations subjectives relatives, notamment, à l’imputabilité ou aux torts de chacun des époux.

34. Ces considérations nous amènent alors à penser que la meilleure manière de préparer notre droit à une protection européenne d’un droit au divorce est d’y renforcer le rôle de cette cause objective qu’est la faillite du mariage car elle est celle qui accorde le maximum à la liberté individuelle tout en sauvegardant les intérêts des autres membres de la famille77. Grâce à elle, l’époux qui souhaite le divorce peut l’obtenir sur sa seule volonté. Grâce à elle, les intérêts du conjoint et des enfants sont préservés dans la mesure où elle leur permet de s’affranchir de cette coquille vide qu’est devenu le mariage et qui, en tant que telle, n’est plus en mesure de leur offrir un espace d’épanouissement et de protection.

35. Concrètement, cela reviendrait à réformer l’actuel divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il appartiendrait au Code civil de faire de toutes les altérations définitives du lien conjugal une cause de divorce, et non seulement de celles qui se traduisent par une cessation de la communauté de vie depuis deux ans78. Nous sommes convaincus que, dans la réalité des choses, la faillite d’un mariage peut prendre d’autres formes, parfois même sans rupture de cohabitation. Or, en l’état de notre droit, celles-ci ne peuvent pas aboutir au prononcé d’un divorce. Vraiment, tout échec irrémédiable du mariage, quelle que soit sa configuration, doit autoriser un époux à demander le divorce dès lors qu’il est constaté dans les faits. Au stade de la recevabilité de la demande, le juge doit se cantonner à cela : vérifier objectivement la disparition de la communauté de vie ainsi que l’impossibilité de la reconstituer79. Certes, on peut craindre un certain arbitraire du juge, l’échec conjugal n’ayant pas de contours précis. Mais notre droit de la famille regorge déjà de notions dites molles80 sans que, pour autant, se soit installée une anarchie81 ! D’ailleurs, pour éviter cet écueil, nul doute que les juges du fond auront recours à la technique bien connue du faisceau d’indices. Une motivation spéciale peut également leur être imposée, laquelle permettrait à la Cour de cassation d’exercer, dans ce domaine comme dans bien d’autres, un contrôle strict.

36. L’actuel article 237 du Code civil, selon lequel le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré, pourrait donc se suffire à lui-même. Tout juste devrait-on y indiquer que la décision du juge, qui doit être spécialement motivée, ne peut se fonder que sur des éléments objectifs. Il faudrait aussi y préciser qu’en la matière, la compétence du juge est liée. Dans ce schéma, l’article 238 du Code civil n’aurait plus aucune raison d’être et mériterait alors d’être purement et simplement abrogé. Cette suppression permettrait également de répondre au grief selon lequel l’actuel divorce pour altération définitive du lien conjugal instaure une interdiction temporaire de se démarier. Pour parfaire le système, et ne pas décourager certains époux à recourir à ce divorce, il serait encore souhaitable de réécrire l’article 266 du Code civil, voire même de le supprimer, lui aussi82.

37. Bien évidemment, le nouveau divorce pour altération définitive du lien conjugal pourra parfaitement coexister avec les autres divorces inscrits aujourd’hui dans le Code civil83. Cependant, à partir du moment où la cause objective devient l’ossature du droit français du divorce, la question du maintien du divorce pour faute se posera inévitablement. Sera-t-il possible de maintenir dans notre législation, au même moment, deux cas de divorce que tout oppose ? En effet, le divorce pour altération du lien conjugal, dont nous préconisons la généralisation, est totalement déconnecté des torts et de la notion d’imputabilité alors que ces éléments, purement subjectifs, sont placés au centre des débats dans le cadre d’un divorce pour faute. Il n’est alors pas étonnant de constater que les législateurs étrangers qui se sont rangés à une conception objective du divorce ont, pour la plupart, choisi de supprimer purement et simplement le divorce pour faute, au nom d’une certaine cohérence de leur démarche84. La suppression du divorce pour faute, maintes fois remise sur le métier en France85, pourrait bien trouver son épilogue avec la consécration européenne d’un droit de divorcer.

38. Tout n’est plus qu’une question de temps. L’évolution vers la reconnaissance d’un droit fondamental de dissoudre le mariage à sa volonté, que Portalis qualifiait de funeste lors de la rédaction du Code civil86, semble inéluctable. La réforme qui sera exigée à notre législateur national sera profonde : elle ne se résumera pas à de simples considérations techniques mais bouleversera l’ensemble de notre droit du divorce.

39. C’est une véritable révolution idéologique qui se jouera ! Idéologique parce qu’elle illustrera la primauté de l’individu sur le groupe : la liberté de divorcer ne fera que traduire l’intérêt quelque peu égoïste de la personne mariée qui veut refaire sa vie. Avec elle, l’intérêt individuel de chacun des époux ne doit plus nécessairement céder devant les intérêts de son conjoint et des enfants issus du couple. C’est la famille tout entière qui sera altérée dans sa composition et dans son fonctionnement. Idéologique, également, parce qu’elle modifiera les contours même du mariage. Comment pourrait-il d’ailleurs en aller autrement, tant les imbrications entre le mariage et le divorce sont nombreuses. La libéralisation du divorce affaiblira incontestablement l’union matrimoniale. Le mariage ne sera plus l’espace de protection quasi inébranlable qu’il a toujours été. Sa puissance symbolique à tisser les liens indispensables qui lient les individus, les familles et la société sera remise en cause. En somme, il pourrait bien perdre une bonne part de sa fonction sociale87.

40. Véritablement, nous sommes aujourd’hui à la veille d’une mutation familiale qui pourrait bien être la plus importante de ces dernières décennies !

Notes de bas de pages

  • 1.
    Pour un exemple : Hauser J., « Cas de divorce. Généralités », JCl. Civil, LexisNexis, fasc. n° 40, n° 4 ou encore note sous Cons. const., 29 juill. 2016, n° 2016-557 QPC : RTD civ. 2016, p. 826.
  • 2.
    V. not. : Théry I., Le démariage, 1993, O. Jacob, p. 98 et s. ; Carbonnier J., Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 9e éd., 1998, LGDJ, p. 179 et s. et Droit et passion sous la Ve République, 1re éd., 2006, Champs Flammarion, p. 121 et s.
  • 3.
    Déjà en ce sens : Michaélides-Nouaros G., « L’évolution récente de la notion de droit subjectif », RTD civ. 1966, p. 216. V. également : Dekeuwer-Défossez F., « Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD civ. 1995, p. 249 et s. ; Rubellin-Devichi J., « Les perspectives d’évolution de la famille et le droit », séminaire des 6 et 7 févr. 1990, haut conseil de la population et de la famille (groupe « Avenir de la famille »), annales Vaucresson n° 29, 1990/1, p. 91 et s.
  • 4.
    Voir notamment : Théry I., Le démariage, 1993, O. Jacob, p. 98 et s. ; Carbonnier J., Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 9e éd., 1998, LGDJ, p. 179 et s. et Droit et passion sous la Ve République, 1re éd., 2006, Champs Flammarion, p. 121 et s.
  • 5.
    Cette réalité a notamment été mis en lumière lors du 106e Congrès des Notaires de France (106e Congrès des Notaires de France, Couples, patrimoine : les défis de la vie à deux, Bordeaux, du 30 mai au 2 juin 2010, Association Congrès des Notaires de France, 2010, spéc. nos 1050 et s., p. 46 et s.).
  • 6.
    Cons. const., 29 juill. 2016, n° 2016-557 QPC, spéc. § 5 et 7. Pour un commentaire : AJ fam. 2016, p. 542, obs. David S. ; Dr. famille 2016, n° 10, p. 44-45, comm. Binet J.-R. ; RJPF 2016, n° 10, p. 23 et s., comm. Garé T.
  • 7.
    Notamment : Hauser J., note sous Cons. const., 29 juill. 2016, n° 2016-557 QPC : RTD civ. 2016, p. 826 et s.
  • 8.
    CEDH, 18 déc. 1986, n° 9697/82, Johnston et a. c/ Irlande, série A, n° 112, § 54, p. 25. Ce faisant, la Cour reprit la position adoptée auparavant par l’ancienne Commission européenne des droits de l’Homme. En effet, par le passé, cette dernière avait déjà eu l’occasion de refuser au droit au divorce toute protection conventionnelle (en ce sens : Comm. EDH, 5 oct. 1981, n° 9057/80, X c/ Suisse : Décisions et rapports, n° 26, p. 207 et s.).
  • 9.
    V. not. : CEDH, 18 déc. 1987, n° 11329/85, F. c/ Suisse, série A, n° 128, § 38 ; CEDH, 5e sect., 19 oct. 2007, n° 43151/04, ArestiCharalambous c/ Chypre, § 55 ; CEDH, 4e sect., 28 nov. 2011, n° 15001/04, Ivanov et Petrova c/ Bulgarie, § 61 et s. Voir également la décision d’irrecevabilité rendue par la CEDH, 4e sect., 22 nov. 2016, n° 8923/12, Andrzej Piotrowski c/ Pologne, § 46.
  • 10.
    CEDH, 4e sect., 10 janv. 2017, n° 1955/10, Babiarz c/ Pologne.
  • 11.
    En ce sens : CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc. § 52. Mutatis mutandis : CEDH, 4e sect., 28 nov. 2011, Ivanov et Petrova c/ Bulgarie, préc. § 61.
  • 12.
    Ce serait autant contradictoire que de déduire un droit à mourir du droit à la vie, ce que la Cour a refusé de faire dans l’affaire Pretty c/ Royaume-Uni (CEDH, 4e sect., 29 juill. 2002, n° 2346/02, Pretty c/ Royaume-Uni, § 40. Voir en ce sens les observations en tierce intervention soumises par l’European Centre of Law and Justice à la quatrième section dans les affaires Babiarz c/ Pologne, Gajescki c/ Pologne et Piotrowski c/ Pologne, D.
  • 13.
    CEDH, 18 déc. 1987, F. c/ Suisse, préc., § 33.
  • 14.
    Voir en ce sens l’opinion séparée, en partie dissidente et en partie concordante, du juge De Meyer dans l’affaire Johnston et a. c/ Irlande (CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc., p. 29 et s. ; v. également l’opinion dissidente du juge Sajo dans l’affaire Babiarz c/ Pologne : CEDH, 10 janv. 2017, Babiarz c/ Pologne, préc., p. 12 et s.)
  • 15.
    En effet, la Cour européenne des droits de l’Homme a toujours été guidée par le souci d’assurer aux droits et libertés garantis par la convention leur pleine effectivité. Elle a ainsi affirmé, très tôt, que « la convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » (CEDH, 9 oct. 1979, n° 6289/73, Airey c/ Irlande, § 24).
  • 16.
    CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc. § 57.
  • 17.
    Sudre F., « Droits intangibles et/ou droits fondamentaux : y a-t-il des droits prééminents dans la convention européenne des droits de l’Homme ? », in Mélanges Eissen, 1995, Bruylant, p. 381.
  • 18.
    En ce sens : Millard E., Famille et droit public. Recherches sur la construction d’un objet juridique, 1995, LGDJ, n° 286, p. 207 et s.
  • 19.
    CEDH, 4e sect., 10 janv. 2017, Babiarz c/ Pologne, préc., § 49.
  • 20.
    CEDH, gde ch., 10 avr. 2007, n° 6339/05, Evans c/ Royaume-Uni, § 71. Pour un commentaire : Hilt P., « Si avoir un enfant n’est pas un droit, la décision de devenir parent, elle, mérite néanmoins du respect. À propos de l’arrêt Evans c/ Royaume-Uni rendu le 10 avril 2007 par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme », L’Europe des libertés, janv. 2008, p. 2 et s.
  • 21.
    Pour justifier le droit au divorce, on pourrait même invoquer l’interdiction des engagements perpétuels, ce qu’avait fait en son temps l’Assemblée constituante de 1792, lorsqu’elle a pris la décision de faire de la liberté du divorce un principe constitutionnel (pour des éléments historiques, voir le rapport français in Association Henri Capitant. Aspect de l’évolution récente du droit de la famille, T. XXXIX, 1988, Economica, p. 81 et s.). Mais cela ne nous semble pas opportun pour deux raisons : tout d’abord, cette interdiction n’a de sens qu’à l’égard des contrats. Or le mariage, s’il présente assurément une nature contractuelle, est bien plus qu’un contrat (en ce sens : Meulders-Klein M.-T., « Le démariage », RTD civ. 1995, p. 559 et s.) ; ensuite, en tant que tels, les engagements contractuels perpétuels ne semblent pas être interdits par la convention européenne des droits de l’Homme et l’interprétation qu’en donne sa Cour.
  • 22.
    Ce droit a été évoqué pour la première fois dans les arrêts Pretty (CEDH, 4e sect., 29 avr. 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, § 61) et Goodwin (CEDH, 11 juill. 2002, n° 28957/95, Christine Goodwin c/ Royaume-Uni, § 71 et s.). Il recouvre le droit à l’épanouissement personnel (en ce sens : CEDH, 6 févr. 2001, n° 44599/98, Bensaid c/ Royaume-Uni, § 47).
  • 23.
    En ce sens : CEDH, 16 déc. 1992, Niemetz c/ Allemagne, série A, n° 251-B, p. 33-34, § 29 ; CEDH, 1re sect., 7 févr. 2002, n° 53176/99, Mikulic c/ Croatie, § 53 ; CEDH, 4e sect., 29 avr. 2002, n° 2346/02, Pretty c/ Royaume-Uni, § 61 ; CEDH, gde ch., 10 avr. 2007, Evans c/ Royaume-Uni, préc., § 71.
  • 24.
    CEDH, 22 févr. 1994, n° 16213/90, Burghartz c/ Suisse, série A, n° 280-B, § 24. Pour un commentaire : RTDH, 1995, p. 53 et s., note Georgin P.
  • 25.
    CEDH, 22 févr. 1994, Burghartz c/ Suisse, préc.
  • 26.
    CEDH, 9 juin 1998, n° 10/1997/794/995-996, Mc Ginley et Egan c/ Royaume-Uni, § 99. Pour un commentaire : JCP G 1999, I, 105, spéc. nos 40 et 43, chron. Sudre F.
  • 27.
    CEDH, 22 oct. 1981, n° 7525/76, Dudgeon c/ Royaume-Uni, § 41.
  • 28.
    CEDH, 29 avr. 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, préc., § 61. Pour une présentation complète du droit à l’autonomie personnelle, voir : Gauthier C., Platon S. et Szymczak D., Droit européen des droits de l’Homme, 1re éd., 2017, Sirey, n° 297, p. 163 et s.
  • 29.
    Cons. const., 29 juill. 2016, préc., spéc. § 5.
  • 30.
    Not. : Frangi M., Constitution et droit privé. Les droits individuels et les droits économiques, 1992, Economica, p. 79 et s. ; Luchaire F., « Les fondements constitutionnels du droit civil », RTD civ. 1982, p. 260 et s. Déjà sous la révolution française, le législateur avait rattaché le droit au divorce à la liberté individuelle. En témoigne le préambule de la loi du 20 septembre 1792 libellé de la manière suivante : « L’Assemblée nationale, considérant combien il importe de faire jouir les Français de la faculté de divorcer qui résulte de la liberté individuelle dont un engagement indissoluble serait la perte… » (v. Ronsin F., « Indissolubilité du mariage ou divorce. Essai d’une chronologie des principaux arguments mis en avant par les partisans et les adversaires de l’institution du divorce au cours de la période révolutionnaire », in La famille, la loi, l’État, De la Révolution au Code civil, 1989, Paris, éditions Centre Pompidou, p. 322 et s.
  • 31.
    En ce sens : CEDH, 26 mai 1994, n° 28867/03, Keegan c/ Irlande, série A, n° 290, § 44, p. 17 ; CEDH, 22 avr. 1997, n° 21830/96, X., Y. et Z. c/ Royaume-Uni : Recueil 1997-II, § 37, p. 630. Pour une présentation complète de cette jurisprudence : Coussirat-Coustère V., La notion de famille dans les jurisprudences de la Commission et de la Cour européennes des droits de l’Homme in Internationalisation des droits de l’Homme et évolution du droit de la famille, 1996, LGDJ, p. 45 et s.
  • 32.
    En ce sens, voir l’opinion dissidente du juge Pinto Dealbuquerque dans l’affaire Babiarz c/ Pologne (CEDH, 10 janv. 2017, Babiarz c/ Pologne, préc., p. 21 et s.).
  • 33.
    Ces termes ont été employés par la Cour elle-même, à plusieurs reprises. V. par ex. : CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74, Marckx c/ Belgique, série A, n° 31, § 40.
  • 34.
    La formule, qui a été employée voilà près de quarante ans par le Doyen Carbonnier, reste d’actualité (Carbonnier J., « La question du divorce. Mémoire à consulter », D. 1975, p. 115 et s.).
  • 35.
    CEDH, 10 janv. 2017, Babiarz c/ Pologne, préc.
  • 36.
    CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc.
  • 37.
    Voir l’opinion dissidente du juge Pinto Dealbuquerque dans l’affaire Babiarz c/ Pologne (CEDH, 10 janv. 2017, Babiarz c/ Pologne, préc., p. 21 et s.).
  • 38.
    Pour une présentation de ces principes : Jacot-Guillarmod O., « Règles, méthodes et principes d’interprétation dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », in La convention européenne des droits de l’Homme. Commentaire article par article, Pettiti L.-E., Decaux E. et Imbert P.-H. (dir.), 1995, Economica, p. 41 et s.
  • 39.
    Selon cette disposition, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Très tôt, la Cour de Strasbourg a décidé d’appliquer ce principe à la convention européenne des droits de l’Homme (CEDH, 21 févr. 1975, n° 4451/50, Golder c/ Royaume-Uni, série A, n° 18, § 29, p. 14.
  • 40.
    CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc., § 52.
  • 41.
    CEDH, 9 déc. 1994, Lopez Ostra c/ Espagne, préc.
  • 42.
    Sur ce point : Hilt P., Le couple et la Convention européenne des droits de l’Homme. Analyse du droit français, 2004, PUAM, nos 522 et s., p. 231 et s.
  • 43.
    CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc., § 53.
  • 44.
    CEDH, 30 juin 1993, n° 16130/90, Sigurdur A. Sigurjonsson c/ Islande, § 33 et s.
  • 45.
    CEDH, 9 oct. 1979, Airey c/ Irlande, préc., § 26.
  • 46.
    CEDH, 13 juin 1975, Marckx c/ Belgique, préc. § 41.
  • 47.
    CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et a. c/ Irlande, préc., § 53.
  • 48.
    En ce sens : Malaurie P. et Fulchiron H., Droit de la famille, 5e éd., 2016, LGDJ, n° 533, p. 275.
  • 49.
    Telle est la conséquence logique du rattachement du droit au divorce à la liberté individuelle. On ne peut donc qu’approuver le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision rendue le 29 juillet 2016, a décidé expressément qu’il résultait de la liberté individuelle une liberté « pour chacun » de se marier et de mettre fin aux liens du mariage (Cons. const., 29 juill. 2016, n° 2016-557 QPC, § 5).
  • 50.
    En ce sens : Hauser J., note sous Cons. const., 29 juill. 2016, n° 2016-557 QPC : RTD civ. 2016, p. 826.
  • 51.
    CEDH, 14 juin 2011, n° 15001/04, Ivanov et Petrova c/ Bulgarie, § 61. La situation était différente dans l’affaire Babiarz c/ Pologne (CEDH, 10 janv. 2017, n° 1955/10, Babiarz c/ Pologne). Certes, dans certaines circonstances, le droit polonais reconnaît à un époux un droit de s’opposer au divorce demandé par son conjoint. Toutefois, si ce veto est exercé abusivement, le juge conserve le droit d’y passer outre (art. 56 du Code polonais de la famille).
  • 52.
    En cas d’inceste, de bigamie, de défaut d’âge légal ou encore de défaut total de consentement, le tribunal de grande instance a l’obligation de prononcer la nullité du mariage, sans pouvoir apprécier l’opportunité de la nullité.
  • 53.
    En ce sens : Massip J., Le nouveau droit au divorce, 2005, Defrénois, n° 23, p. 26 et s.
  • 54.
    À titre d’exemple, dans un arrêt F c/ Suisse rendu le 18 décembre 1987, la Cour de Strasbourg a décidé qu’une interdiction temporaire de se remarier portait atteinte à la substance même du droit au mariage (CEDH, 18 déc. 1987, n° 11329/85, F c/ Suisse, § 30 et s.).
  • 55.
    Ce délai d’attente a été supprimé par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 portant réforme du divorce.
  • 56.
    Cass. 1re civ., 3 déc. 2008, n° 07-14609, D. Cet arrêt concernait plus spécifiquement C. civ., art. 275 qui, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, permettait au juge de subordonner le jugement de divorce au versement effectif du capital de la prestation compensatoire ou à la constitution de certaines garanties. À rapprocher de : Cass. 1re civ., 13 mars 2007, n° 06-12419: RTD civ. 2007, p. 320-321, obs. Hauser J. – Cass. 1re civ., 20 mai 2009, n° 08-10576 : RTD civ. 2009, p. 513, obs. Hauser J.
  • 57.
    Sur les critères d’appréciation du délai raisonnable, v. par ex. Gauthier C., Platon S. et Szymczak D., Droit européen des droits de l’Homme, 1re éd., 2017, Sirey, nos 575 et s., p. 311 et s.
  • 58.
    V. CEDH, 19 juill. 2007, n° 43151/04, ArestiCharalambous c/ Chypre, § 56 ; CEDH, 29 janv. 2008, nos 42402/05 et 42423/05, Wildgruber c/ Allemagne ; CEDH, 14 juin 2011, n° 15001/04, Ivanov et Petrova c/ Bulgarie, § 61.
  • 59.
    C. civ., art. 229-1.
  • 60.
    C. civ., art. 230.
  • 61.
    C. civ., art. 232.
  • 62.
    En effet, selon ce texte, le juge peut refuser d’homologuer la convention s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux n’est pas réelle ou que leur consentement est vicié. Il peut également refuser de l’homologuer s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux.
  • 63.
    C. civ., art. 233, al. 1er.
  • 64.
    C. civ., art. 242.
  • 65.
    C. civ., art. 244, al. 1er.
  • 66.
    C. civ., art. 245, al. 1er.
  • 67.
    La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 a supprimé de notre droit la dernière cause péremptoire de divorce qui avait été maintenue jusque-là. Il s’agissait de la condamnation d’un époux à une peine de réclusion criminelle. En pareille hypothèse, le conjoint était en droit d’obtenir le divorce, sans que le juge ne puisse s’y opposer. Jusqu’en 1975, l’adultère était lui aussi une cause péremptoire de divorce.
  • 68.
    V. C. civ., art. 265 et C. civ., art. 1096.
  • 69.
    V. C. civ., art. 265.
  • 70.
    Ce texte prévoit que des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu’il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
  • 71.
    En effet, selon C. civ., art. 270, al. 3, le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire si l’équité le commande, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances de la rupture.
  • 72.
    V. Couples, patrimoine : les défis de la vie à deux, 106e Congrès des notaires de France, Bordeaux du 30 mai au 2 juin 2010, association Congrès des Notaires des France, p. 46 et p. 590. Dans le même sens : Hauser J., « Le divorce pour altération définitive du lien conjugal et la société de la réalité », Dr. famille 2005, p. 7 et s. ; Malaurie P. et Fulchiron H., Droit de la famille, 5e éd., 2016, LGDJ, n° 533, p. 275.
  • 73.
    C. civ., art. 237.
  • 74.
    Jusqu’au 1er janvier 2005, le défendeur à un divorce pour rupture de la vie commune pouvait faire obstacle au prononcé du divorce en invoquant la clause d’extrême dureté qui donnait au juge le pouvoir de refuser le divorce si son prononcé risquait d’avoir des conséquences d’une excessive gravité pour le conjoint innocent. Cette clause a été supprimée par la loi du 26 mai 2004.
  • 75.
    C. civ., art. 238, al. 1er.
  • 76.
    La seule hypothèse dans laquelle ce divorce peut être prononcé sans que les époux aient à patienter deux années figure à C. civ., art. 238, al. 2. La situation visée par ce texte reste cependant marginale.
  • 77.
    En ce sens : Carbonnier J., « La question du divorce. Mémoire à consulter », D. 1975, p. 115 et s.
  • 78.
    Le législateur ne peut l’ignorer. En témoigne aujourd’hui déjà C. civ., art. 238, al. 2. qui montre bien que la séparation d’une durée de deux ans n’est pas la seule cause de divorce pour altération définitive du lien conjugal : la cause profonde de ce divorce semble déjà être l’échec irrémédiable du mariage ! Dans le même sens, on peut relever CPC, art. 1126 qui interdit au juge de relever d’office le défaut d’expiration du délai de deux ans.
  • 79.
    Bien évidemment, lorsque la demande est déclarée recevable, il peut encore appartenir au juge, le cas échéant, de trancher les conflits relatifs aux conséquences à faire produire au divorce. Sur les différentes formes du divorce pour cause objective, v. Raynaud P., « Les divers visages du divorce 1976 », D. 1976, p. 141 et s.
  • 80.
    En effet, les exemples ne manquent pas : « l’intérêt de la famille » (par ex. C. civ., art. 217 ; C. civ., art. 220-1 et C. civ., art. 1397), « le logement de la famille » (par ex. C. civ., art. 215), « l’intérêt de l’enfant » (par ex. C. civ., art. 353 et C. civ., art. 373-2-1) ou encore « les motifs graves » (par ex. C. civ., art. 145 et C. civ., art. 164).
  • 81.
    À cela, on peut ajouter que la vérification de la réalité de l’échec du mariage est bien moins subjective et aléatoire que ne l’est l’appréciation, parfois requise aujourd’hui, du comportement fautif d’un époux et de sa capacité à rendre intolérable le maintien de la vie commune.
  • 82.
    En ce sens : Oudin F., « Indemnités entre époux divorcés : faut-il abroger le nouvel art. 266 du Code civil ? », RJPF 02/2006, p. 6 ; Hauser J., RTD civ. 04/2007, p. 321 ; Serra G., « De quelques paradoxes du divorce et de la responsabilité civile », RLDC 10/2007, p. 42 et s. ; Piwnica D., « Les dommages et intérêts de l’article 266 du Code civil dans la loi du 26 mai 2004 », JCP G 2009, 407.
  • 83.
    Et notamment avec les divorces par consentement mutuel ou encore le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage dans lesquels le double consentement des époux fait en quelque sorte présumer l’échec du mariage.
  • 84.
    À titre d’exemple, la loi belge du 27 avril 2007, entrée en vigueur le 1er septembre 2007, a supprimé le divorce pour faute, après avoir consacré le divorce pour échec irréversible du mariage. L’Angleterre, l’Allemagne, la Grèce, le Portugal, l’Italie, les Pays-Bas, l’Irlande ou encore la Pologne ont connu des évolutions similaires.
  • 85.
    Dernièrement, lors des discussions qui ont entouré la loi n° 2004-439 du 26 mars 2004 portant réforme du divorce. Sur ce point : Fenouillet D., « La suppression du divorce pour faute ou le feu du pluralisme en droit de la famille », AJ fam. 2001, p. 82 et s.
  • 86.
    Discours devant le conseil des anciens du 27 thermidor an V, Archives nationales, AD.XVIII A 56.
  • 87.
    Sur les fonctions du mariage, v. par ex. : Carbonnier J., « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Etudes Ripert, 1950, Paris, LGDJ, p. 325 et s. ; Meulders-Klein M.-T., « Le démariage consensuel », RTD civ. 1995, p. 559 et s.
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