Val-de-Marne (94)

Yossi Elkabas : « Le droit des majeurs protégés est un secteur qui se développe de manière intensive » !

Publié le 02/06/2023

Maître Yossi Elkabas est avocat au sein du barreau du Val-de-Marne (94), et membre du conseil de l’ordre. Il conseille dans le domaine du droit de la famille, du droit pénal, du droit des majeurs protégés et du droit immobilier. Exerçant principalement devant les tribunaux d’Île-de-France, il se dit « à l’écoute et expérimenté » et propose une approche « personnalisée » et pluridisciplinaire. « Pour chaque dossier traité, la qualité des relations humaines reste une priorité », confie-t-il. Rencontre.

Actu-Juridique : Comment êtes-vous devenu avocat ?

Yossi Elkabas : Après une formation essentiellement en droit privé, avec un Master 1 en droit des affaires internationales à l’Université Paris I Sorbonne, et un Master 2 en droit de l’arbitrage et du commerce international sous la direction du doyen Thomas Clay, j’ai été formé à la pratique du contentieux judiciaire. J’ai prêté serment en 2014 puis je me suis rapidement installé à mon compte en ouvrant mon propre cabinet dans le Val-de-Marne. C’est un barreau homogène, dynamique et à taille humaine dans lequel les différentes générations s’entraident. C’est un barreau orienté vers la protection des plus vulnérables, mais qui compte aussi une activité non négligeable en droit des affaires ou droit commercial. Nous comptons environ 600 avocats contre 25 000 à Paris. Cela fait une différence !

AJ : D’où vous est venue l’envie de faire du droit ?

Yossi Elkabas : Jeune, j’allais souvent au tribunal écouter des procès et j’avais cette attirance pour le monde judiciaire. J’ai cette volonté d’assister les personnes les plus vulnérables. Les études de droit s’inscrivaient dans cette suite logique.

AJ : Vous avez également étudié à l’Université de Sherbrooke au Canada.

Yossi Elkabas : Oui, lorsque j’étais en troisième année de licence. Cela m’a permis d’avoir une approche du droit canadien et québécois plus particulièrement. Cela m’a aidé quand j’ai travaillé dans des cabinets internationaux à Paris, durant mes stages.

AJ : Quelles sont vos activités dominantes ?

Yossi Elkabas : J’exerce principalement en droit des majeurs protégés. Ce sont des personnes placées sous mesure de protection, souvent sous curatelle ou tutelle, à la suite d’une altération physique ou mentale. C’est un secteur qui se développe de manière intensive du fait notamment du vieillissement de la population. J’exerce également en droit pénal, qui a une activité assez importante dans le Val-de-Marne. J’assiste les justiciables, parfois dans l’urgence lors des comparutions immédiates, ou dans d’autres procédures devant les juridictions correctionnelles. Il m’arrive d’assister les auteurs ou les victimes. Je pratique du droit de la famille (divorce, adoption, etc.) du droit locatif et plus généralement du droit des contrats. Le droit des majeurs protégés m’amène d’ailleurs à travailler dans ce domaine-là dans le cadre d’annulation de contrats conclus par des personnes ne disposant pas de toutes leurs facultés mentales, par exemple. Le barreau du Val-de-Marne permet d’intervenir dans beaucoup de domaines éclectiques mais souvent orientés vers la protection des plus vulnérables. Ce sont ces domaines qui m’attiraient particulièrement.

AJ : Le droit des personnes majeures n’est pas très répandu. Pourquoi cette matière ?

Yossi Elkabas : Effectivement, nous ne sommes pas nombreux dans le département, ni même à l’échelle nationale. Parfois, c’est la clientèle qui fait l’avocat. En réalité, j’ai eu à travailler sur un dossier, puis deux, puis j’ai commencé à travailler en lien avec des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. J’ai compris qu’il y avait besoin d’un avocat tout au long des procédures qui concernent les majeurs protégés. J’ai donc développé cette activité au sein de mon cabinet. Je suis également volontaire pour assister les justiciables bénéficiaires de l’aide juridictionnelle dans ce domaine.

AJ : Vous dites que ce secteur se développe pourtant de manière intensive ?

Yossi Elkabas : Oui, le nombre de mesures de protection a explosé ces dernières années. À cela s’ajoutent les affaires où le majeur protégé conteste la mesure, ou bien la famille. Toutes ces problématiques nécessitent l’intervention de l’avocat. Ce sont des procédures qui peuvent durer assez longtemps. Par exemple, au cours d’une mesure, il peut y avoir une volonté de ne plus être protégé ou souhaiter un changement d’organe de protection. On peut saisir le juge à tout moment et quand on souhaite être entendu, c’est toujours mieux d’avoir un avocat à côté de soi pour défendre vos intérêts. J’interviens aussi auprès des mandataires judiciaires à la protection des majeurs qui parfois font appel à des avocats. Souvent, lors de l’ouverture d’une mesure de protection, on s’aperçoit que le majeur a été victime d’abus de faiblesse ou d’escroquerie. Il s’agit alors de défendre ses intérêts.

AJ : Qui est désigné dans le cadre d’une mesure de protection ?

Yossi Elkabas : Normalement elle est assurée par la famille, sauf quand il y a conflit ou que ce n’est pas dans l’intérêt du majeur protégé. Dans ce cas-là un mandataire judiciaire à la protection des majeurs est désigné par le juge des tutelles.

AJ : Quelles sont les difficultés à exercer dans ce domaine ?

Yossi Elkabas : C’est parfois assez compliqué parce qu’il y a beaucoup d’affect. Il peut être difficile de voir des proches perdre des facultés mentales ou physiques et des conflits intrafamiliaux peuvent émerger lorsqu’il s’agit de désigner la personne qui assurera la mesure de protection. Mais le principe fondamental c’est l’intérêt du majeur protégé. Parfois, la volonté du majeur est contraire à ses intérêts. C’est pour cela finalement qu’il est placé sous protection et que pour les décisions les plus importantes, le juge des tutelles contrôle et parfois prend des décisions contraires à la volonté du majeur ou de la famille.

AJ : La personne est protégée, mais aussi ses biens ?

Yossi Elkabas : Souvent, pour les personnes qui rencontrent des difficultés d’ordre médical, il y a des frais importants de maintien à domicile ou des frais liés à un emménagement dans un EHPAD. Il faut gérer un budget de manière équilibrée. Le juge est là pour contrôler que le tuteur ou le curateur gère correctement les comptes du majeur protégé. C’est pour cela que les mandataires professionnels sont assez efficaces, parce qu’ils gèrent cette question de manière rigoureuse. Un mandataire est formé et a des compétences en matière d’ouverture de droits pour les personnes ou pour obtenir des prestations et des allocations pour intégrer un établissement médicalisé, par exemple. Alors que les familles sont parfois un peu démunies, ne connaissent pas toutes les démarches et n’arrivent pas toujours à établir les comptes de gestion à déposer au greffe des juges des tutelles. La profession de mandataire est extrêmement réglementée. Mais les familles ont parfois du mal à accepter qu’une tierce personne venue de l’extérieur gère les biens de la personne concernée.

AJ : Depuis près de dix ans de carrière, des affaires vous ont-elles marqué ?

Yossi Elkabas : Régulièrement dans les dossiers que je traite, il y a des demandes d’annulation des actes et de contrats. L’article 464 du Code civil instaure une période suspecte dans les deux années qui précèdent la mesure de curatelle. Un contrat signé par une personne vulnérable deux ans avant la curatelle peut être annulé. On peut penser que c’est aisé mais la mise en application n’est pas toujours évidente parce qu’il faut montrer que l’état était connu au moment de la signature du contrat. L’altération des capacités mentales est souvent progressive donc ce sera essentiellement une question de preuves. Je me souviens de ce dossier où une dame âgée avait vendu sa résidence principale alors qu’elle n’avait pas besoin de le faire, et qui plus est à un prix désavantageux : on peut se demander si elle avait la capacité de mesurer les enjeux et les conséquences de cette vente. Si on arrive à prouver qu’elle ne l’était pas et que c’était connu à l’époque, on peut tenter d’obtenir l’annulation du contrat. Dans ce dossier, j’ai dû me battre pour prouver l’absence de capacité de ma cliente au moment de la signature et nous avons finalement obtenu gain de cause alors que ce n’était pas gagné d’avance. Cela a renforcé ma combativité et m’a convaincu de poursuivre dans cette branche du droit.

AJ : Vous donnez des permanences dans les points d’accès au droit de votre département. Pourquoi accorder du temps à ces structures ?

Yossi Elkabas : Tout citoyen, pour exercer ses droits, doit préalablement pouvoir les connaître. L’accès au droit est l’un des principes essentiels de notre profession. L’article 6 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat, précise que l’avocat est auxiliaire de justice et participe au service public d’accès au droit. Sur délégation de mon bâtonnier Me Édouard Billaux, j’ai la charge de la coordination entre les avocats du barreau et les différents points d’accès au droit, de la tenue de ces consultations. Je tiens à préciser que beaucoup de confrères et consœurs du Val-de-Marne donnent généreusement de leur temps pour cette mission. Je partage mon bénévolat entre la Maison de justice et du droit de Champigny-sur-Marne, le point d’accès au droit et parfois la mairie. Le barreau de Créteil a conclu une charte avec le CDAD 94. Dans ce cadre-là, le barreau organise en coopération les consultations gratuites. J’en donne une par mois. C’est très bien organisé en amont et les consultations sont planifiées.

AJ : En quoi consistent ces permanences ?

Yossi Elkabas : Je reçois les justiciables dans un cadre confidentiel. On m’expose synthétiquement les difficultés et on me présente d’éventuels documents pour bien identifier les problématiques juridiques. Je peux les informer sur leurs droits, donner quelques conseils et orienter vers certaines démarches. C’est une première consultation d’orientation et d’information de quinze à vingt minutes. Je peux aussi renvoyer vers un professionnel spécialisé s’il y a besoin d’un travail plus approfondi. Face à un public vulnérable et démuni, je peux orienter vers une demande d’aide juridictionnelle.

AJ : Y a-t-il des suivis ?

Yossi Elkabas : Dans la plupart des cas non, même si cela peut arriver de suivre un dossier. Mais la mission première est l’information et l’orientation.

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