Mise en place de la réforme de déconjugalisation de l’allocation versée aux adultes handicapés
Les personnes qui sont en situation de handicap ont droit à une allocation adultes handicapés, mais il y a peu de temps encore le calcul du montant dû prenait en compte les ressources du conjoint ou compagnon quand le bénéficiaire était en couple. Des changements importants viennent d’être apportés en la matière depuis le 1er octobre 2023 car la déconjugalisation de l’AAH a modifié le calcul de cette allocation.
La déconjugalisation de l’allocation versée aux adultes handicapés (AAH) était annoncée pour le 1er octobre 2023 et de grands changements sont désormais mis en place, sachant que le premier versement de l’AAH tenant compte uniquement des ressources de la personne requérante est intervenu début novembre 2023.
Ce changement programmé au soutien des personnes visées par un handicap1 avait été mis en place dans l’article 10 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesure d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat2. Toutefois il fallait attendre la publication de décrets pour rendre cette modification opérationnelle, textes qui ont mis un certain temps avant d’être publiés. Surtout, le décret n° 2022-1694 du 28 décembre 20223 et le décret n° 2023-360 du 11 mai 2023 (JO du 13 mai) ne devaient entrer en vigueur que le 1er octobre car « les contraintes techniques fortes des organismes versant la prestation ne permettent pas de mettre en œuvre la mesure dans un calendrier plus resserré »4.
Il est vrai que, ces derniers temps, beaucoup de réformes ont visé les personnes handicapées, adultes ou enfants, et que la réforme attendue pour l’allocation versée aux adultes handicapés a mis longtemps avant de pouvoir bénéficier aux personnes concernées. Elle était très attendue car il était question de changer le mode de calcul de cette allocation pour les personnes handicapées en couple, l’AAH étant une aide financière qui permet aux personnes en situation de handicap d’être soutenues, l’AAH leur garantissant un revenu minimal5. Au départ, le montant de l’allocation dépendait de la situation familiale de la personne handicapée, de sa situation professionnelle et de ses ressources mais aussi de celles de son conjoint. Avec la réforme, cette allocation est déconjugalisée6, ce qui signifie que, pour son calcul, il ne convient plus de prendre en considération les ressources du conjoint de la personne qui peut prétendre à ce versement en raison de ses problèmes de santé.
Dès lors si cette allocation est déjà très pertinente car elle aide les personnes handicapées (I), l’évolution de cette prestation est adéquate car, avant que les textes changent, pour attribuer cette allocation aux adultes handicapés et fixer son montant, il fallait prendre en compte les ressources de son conjoint. En conséquence, la personne visée risquait de perdre des revenus et elle pouvait se sentir dépendante financièrement de son conjoint. Cette nouvelle piste était inscrite dans la loi du 16 août 2022 mais, pour que la déconjugalisation soit rendue opérationnelle, il a fallu attendre que des décrets soient publiés et surtout qu’ils entrent en vigueur en mettant en place un changement de mode de calcul de l’AAH (II). En effet l’objectif visé est de mettre fin à une injustice sociale touchant des personnes en situation de handicap qui vivent en couple, en changeant le mode de calcul de cette allocation.
I – Intérêt de l’allocation pour adulte handicapé
Lorsqu’une personne doit faire face à une situation de handicap, elle peut demander l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés7. Cette allocation, créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées (JO du 1er juillet), est une aide financière qui permet aux personnes en situation de handicap8 d’avoir un revenu minimum fixe selon certains critères d’attribution en vue de pouvoir faire face aux dépenses de la vie courante.
En fonction des critères liés à la situation de handicap et du taux d’incapacité – un certificat médical devant être joint à la demande – l’AAH est accordée sur décision de la commission des droits et de l’autonomie (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), dans le but de couvrir les frais du quotidien, et elle est versée soit par la caisse d’allocations familiales (CAF) soit par la mutualité sociale agricole (MSA), en fonction du régime du bénéficiaire9.
Un soutien financier est accordé aux personnes en situation de handicap qui ont de faibles ressources, grâce au versement de l’allocation aux adultes handicapés. En effet, l’AAH permet de garantir un revenu minimal aux personnes handicapées.
Afin que cette allocation soit encore plus intéressante pour les personnes en situation de handicap, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 (JO du 17 août 2022) a eu pour objectif de déconjugaliser l’allocation versée aux personnes handicapées qui sont en couple, dans le but qu’il ne soit plus tenu compte de l’ensemble des ressources des deux membres du couple. L’annonce de cette réforme, qui devait faire en sorte que le plafond pris en compte ne soit plus déterminé en fonction de la composition familiale, avait réjoui les membres des familles concernées mais aussi les associations représentatives des allocataires parce que le but était d’éviter des pertes de revenus et des formes de dépendance financière de la personne handicapée vis-à-vis de son conjoint. Effectivement, cette réforme de 2022 va désormais faire beaucoup parler d’elle.
L’objectif visé était de changer le mode de calcul de l’AAH pour les bénéficiaires vivant en couple, afin que les personnes ne percevant pas d’allocation en raison des revenus trop élevés de leur conjoint puissent quand même être soutenues. En effet, il est prévu dans la loi que les revenus du conjoint ne soient plus comptabilisés dans le calcul de l’allocation versée aux personnes souffrant d’un handicap, en vue de permettre que l’allocation adulte handicapé soit calculée de façon individuelle, modification qui va en conséquence aboutir à soutenir davantage de personnes.
L’intérêt de cette réforme est de les aider financièrement, mais aussi de favoriser leur autonomie, ainsi que leur dignité, l’allocation qu’elles perçoivent ne dépendant pas du fait qu’elles sont ou non en couple et surtout pas des ressources de leur conjoint.
II – Changement du mode de calcul de la prestation
Ce changement a mis un certain temps à devenir opérationnel alors que c’est déjà grâce à la loi du 16 août 2022 que la déconjugalisation a été préconisée, aussi peut-on reprocher aux autorités publiques d’avoir tardé à mieux soutenir les personnes handicapées. Certes, il fallait attendre que la loi du 16 août 2022 puisse entrer en vigueur grâce aux décrets prévus, toutefois ces derniers n’ont pas été publiés très rapidement.
Précisément cette loi a été complétée par le décret n° 2022-1694 du 28 décembre 2022 relatif à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (JO du 29 décembre), puis par le décret n° 2023-360 du 11 mai 2023 relatif à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (JO du 13 mai), ces textes changeant le mode de calcul de cette allocation et déterminant les modalités de la déconjugalisation de l’AAH en ne tenant pas compte des revenus du conjoint dans le calcul de la prestation et en supprimant le plafond de ressources applicable aux couples. Le premier décret a écarté la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de la prestation, ainsi que les abattements applicables sur les revenus du conjoint en cas de réduction ou de cessation d’activité de ce dernier et le second a déterminé les modalités de la déconjugalisation de l’AAH en ne tenant pas compte des revenus du conjoint dans le calcul de la prestation et en supprimant le plafond de ressources applicable aux couples. L’objectif poursuivi par ces deux décrets était effectivement de permettre aux personnes en situation de handicap de calculer une AAH sur la base de leurs seules ressources individuelles, sans dépendre des ressources de leur conjoint.
Depuis l’entrée en vigueur des décrets du 28 décembre 2022 et du 11 mai 2023, fixée pour les deux textes au 1er octobre 2023, la déconjugalisation de l’AAH apporte un nouveau et important soutien aux personnes en couple, néanmoins cette date a été jugée trop lointaine par les bénéficiaires et les associations qui les soutiennent.
Si le bénéficiaire de l’allocation est en couple, la loi de 2022 et les décrets ont apporté des modifications au calcul de la prestation car seules les ressources personnelles du bénéficiaire seront désormais comptabilisées. Dorénavant, seule la personne handicapée a l’obligation de faire connaître ses ressources personnelles. Il était noté dans les travaux législatifs que sur les 120 000 personnes handicapées vivant en couple, 80 000 d’entre elles n’avaient pas droit à ce paiement en raison des revenus de leur conjoint. En conséquence, elles vont pouvoir à présent bénéficier de cette allocation.
Cette réforme favorise l’autonomie des personnes handicapées qui bénéficieront, à partir du 1er octobre 2023, d’une allocation individualisée sans qu’il faille, comme précédemment, tenir compte du fait qu’elles soient en couple. En effet désormais, pour les personnes vivant en couple, seul le bénéficiaire et ses ressources personnelles seront pris en compte dans le calcul de la prestation, sauf si cela lui est défavorable. Pour de nombreuses personnes cette réforme se traduira par une hausse de l’aide qui leur est versée. Effectivement les personnes handicapées sont dorénavant plus autonomes car elles bénéficient, à compter du 1er octobre 2023, d’une allocation individualisée sans qu’il soit besoin de prendre en considération les ressources de leur conjoint, partenaire ou compagnon. En effet, les revenus de ces derniers ne seront plus comptabilisés dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Dès lors, pour fixer le montant de l’AAH, désormais il suffit de rechercher si la personne en situation de handicap a elle-même des ressources insuffisantes.
La mise en œuvre de la réforme sera réalisée directement par l’organisme chargé de verser ce montant, à savoir la caisse d’allocation familiale (CAF) ou la mutualité sociale agricole (MSA). Elles rechercheront quel est le montant le plus favorable en faisant un calcul conjugalisé et déconjugalisé et c’est la somme la plus favorable financièrement qui sera finalement versée à la personne handicapée.
En revanche, cette réforme n’a pas d’impact sur les personnes handicapées célibataires. Toutefois si elles changent ensuite leur mode de vie en vivant en couple, cela n’aura pas de retombée sur le montant de leur allocation.
Depuis octobre 2023, on ne tient donc plus compte du fait que la personne handicapée vit en couple ou est célibataire, voire est devenue célibataire après un divorce ou le décès de son époux et cette déconjugalisation est définitive. Cela permet de favoriser l’indépendance financière du bénéficiaire de l’allocation vis-à-vis de son conjoint.
Cette réforme, qui ne concerne que les personnes en couple – qu’elles aient un conjoint, un concubin ou un partenaire –, permet de calculer le montant de l’AAH sans rechercher les salaires et les revenus de la personne avec laquelle elles vivent. Pour le calcul, l’assiette couple et l’assiette isolée sont dorénavant identiques car on va appliquer un plafond de ressources « personne seule », quand bien même l’allocataire vit en couple.
Si d’aventure ce nouveau mode de calcul conduit à réduire le montant, il est prévu également que le calcul de l’allocation continuera d’être effectué sur la base des ressources du couple et qu’il faudra maintenir le montant initial de l’allocation.
Certes cette réforme, qui n’est effective que depuis le 1er octobre 2023, a mis longtemps à devenir opérationnelle, toutefois il fallait laisser du temps aux systèmes informatiques de la caisse nationale d’allocations familiales et de la mutualité sociale agricole versant ces allocations pour qu’ils puissent apprécier comment traiter les nouvelles prestations. Il est vrai que cette mise en œuvre opérationnelle est simple, néanmoins toutes les caisses vont devoir retravailler de nombreux dossiers pour changer les montants, tout en prenant en compte les nouvelles demandes de personnes en situation de handicap.
De plus, les services de la CAF et de la MSA vont devoir informer l’ensemble des personnes concernées en vue de leur permettre d’accéder pleinement à leurs droits.
Il convient assurément de remercier l’État d’avoir d’une part, permis aux personnes en situation de handicap qui ont de faibles revenus d’obtenir le versement de cette allocation qui leur garantit un revenu minimal pour faire face aux dépenses du quotidien et d’autre part, mis fin à l’injustice sociale des personnes en situation de handicap qui vivent en couple.
Il faut se féliciter du changement de mode de calcul de l’AAH car le bénéficiaire de l’allocation en couple est mieux soutenu depuis novembre 2023 puisque le premier versement de l’AAH déconjugalisé est effectif depuis novembre 2023, mesure réclamée de longue date par les associations de personnes handicapées. Le demandeur d’une allocation aux adultes handicapés n’aura pas besoin dorénavant de parler de sa vie familiale, peu important qu’il soit ou non en couple, et les bénéficiaires d’AAH qui perçoivent une somme trop modeste parce que leur conjoint ou concubin bénéficie de revenus considérables pourront faire de nouvelles demandes en ne communiquant que leurs ressources personnelles. Dès lors cette déconjugalisation va peut-être encourager des hommes ou des femmes en situation de handicap à se marier, se pacser ou vivre en couple.
Notes de bas de pages
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1.
M. C. de Montecler, « Le Sénat vote la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés », AJDA 2021, p. 539 ; S. Milano, « L’individualisation de l’AAH : et après ? », RDSS 2022, p. 123.
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2.
JO, 17 août 2022.
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3.
JO, 29 déc. 2022.
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4.
Délai de mise en œuvre de la déconjugalisation de l’AAH ; RM à QE n° 5149 : JOAN, 11 avr. 2023 – et RM à QE n° 6146 : JOAN, 27 juin 2023.
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5.
A. Niemiec, « Vers une individualisation des ressources en matière d’allocation aux adultes handicapés ? », LPA 27 mai 2021, n° LPA200g1.
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6.
J.-P. Laborde, « La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés effective au 1er octobre 2023 », Dr. soc. 2023, p. 715.
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7.
CASF, art. L. 244-1 et s. – CSS, art. L. 821-1 et s.
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8.
T. Lambert, Encyclopédie des collectivités locales, chap. 2, A., juill. 2022, Répertoire Dalloz.
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9.
Cass. 2e civ., 21 nov. 2019, n° 19-40031 : RD rur. 2020, comm. 480, note T. Tauran.
Référence : AJU011c6