Vives discussions autour de la cohabitation, condition à remplir pour que la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur soit mise en œuvre

Publié le 09/05/2023
Responsabilité parent enfant
Marco/AdobeStock

Un mineur ayant été auteur d’un incendie, la responsabilité parentale a été engagée car l’article 1242, alinéa 4, du Code civil met en place la responsabilité civile des parents du fait de leurs enfants mineurs. Toutefois, parmi les conditions à remplir, l’exigence de la cohabitation a entraîné des difficultés dans cette affaire car, le couple étant séparé et l’enfant vivant chez sa mère, elle est la seule à avoir été reconnue responsable par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 17 juin 2022. Les parents se sont pourvus en cassation en déposant une question prioritaire de constitutionnalité, estimant que les textes juridiques applicables portent atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l’égalité entre parents. La chambre criminelle de la Cour de cassation a entendu leurs critiques et a transmis leur question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel le 14 février 2023, néanmoins le Conseil constitutionnel n’a pas partagé ce point de vue dans sa décision rendue le 21 avril 2023.

Cass. crim., 14 févr. 2023, no 22-84760

Cons. const., QPC, 21 avr. 2023, no 2023-1045

Tant que l’enfant n’a pas atteint l’âge de la majorité ou n’a pas bénéficié d’une émancipation, les dommages qu’il cause doivent être pris en charge par ses parents. Il en va ainsi dans cette affaire qui concerne un mineur poursuivi en justice parce qu’il a été auteur d’un incendie, mais il a fallu tenir compte du fait que ses père et mère ont divorcé et que, depuis leur séparation, la résidence habituelle de l’enfant a été fixée au domicile de sa mère, le père n’ayant droit qu’à des temps de présence ponctuels liés au droit de visite et d’hébergement. De nombreuses conditions sont effectivement à remplir pour que la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur soit mise en œuvre, notamment la vérification de la cohabitation parent/enfant (I). Précisément, l’article 1242, alinéa 4, du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 20161, en remplacement de l’article 1384, alinéa 4, prévoit que « le père et la mère en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par les enfants mineurs habitant avec eux ». Dès lors, la rupture du couple parental a des retombées en matière de responsabilité civile, point critiqué par les parents car ils ne sont pas jugés solidairement responsables du dommage causé par leur enfant, raison pour laquelle ils ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (II).

I – Rappel des conditions exigées pour la mise en œuvre de la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur

Conformément à l’article 1242, alinéa 4, du Code civil, les parents sont responsables du dommage causé par leur enfant mineur s’ils sont tous les deux titulaires de l’autorité parentale (A), ce qui ne change pas s’ils se séparent (B) même si d’autres conditions évoluent en fonction des modes de vie de la famille.

A – Examen des conditions adaptées à un couple parental uni

Seuls les père et mère titulaires de l’autorité parentale sont concernés par la responsabilité du fait d’autrui2 et il faut commencer par vérifier que les liens de filiation sont établis – liens légaux qui peuvent être des liens adoptifs–, mais aussi qu’il n’y a pas eu d’action en contestation de la paternité, voire de la maternité. Il faut noter également que les doubles liens de filiation ne suffisent pas toujours à mettre en place la coparentalité. En effet, si l’un des parents a établi la filiation plus d’un an après la naissance, moment où l’autre parent a créé son lien juridique, ce dernier reste seul investi de l’autorité parentale (C. civ., art. 372, al. 2). Il en va toutefois autrement si le couple adresse une déclaration conjointe au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire pour mettre en place la coparentalité (al. 3).

En revanche, les parents d’intention ne sont pas titulaires de l’autorité parentale dans le cadre des familles recomposées, sauf s’ils adoptent l’enfant de leur conjoint voire de leur compagnon, ce qui est aussi possible depuis 20223. Les personnes autres que les parents qui prennent l’enfant en charge, tels que les grands-parents ou les professionnels de l’Aide sociale à l’enfance, ne sont pas non plus concernées4.

Il faut également que l’auteur du dommage soit encore mineur au moment des faits, mais non lors du procès5 et non émancipé (C. civ., art. 482).

Les parents ont pour mission d’élever leur enfant mineur et de le prendre en charge, raison pour laquelle ils sont civilement responsables si celui-ci cause des préjudices à autrui. Le parent qui n’est pas titulaire de l’autorité parentale en raison d’une décision du juge ne peut jamais voir sa responsabilité engagée, même si l’enfant réside avec lui, sauf s’il a commis lui-même une faute.

Il faut également vérifier si le mineur a commis un acte qui est bien la cause directe du dommage mais il n’est pas indispensable de prouver que l’intéressé a commis une faute6. Il suffit donc de viser « un fait de l’enfant »7, sachant que l’article 1242 du Code civil n’évoque pas un fait fautif.

En outre, pour que les père et mère soient solidairement responsables du dommage causé par leur enfant, l’article 1242, alinéa 4, du Code civil précise que le dommage est causé par « leurs enfants mineurs habitant avec eux ». La cohabitation est en lien avec la vie commune de la famille mais le fait que l’enfant soit par exemple en vacances chez ses grands-parents8 ou en internat9 n’y change rien.

B – Examen des conditions adaptées à un couple parental désuni

Pour que les parents puissent être jugés responsables du dommage causé par leur enfant mineur, ils doivent être titulaires de l’autorité parentale, un point qui n’est pas automatiquement modifié en cas de rupture du couple parental. En effet, lorsque les époux, les partenaires ou les concubins qui sont les parents d’un même enfant ou de plusieurs se séparent ou divorcent, comme en l’espèce, la coparentalité est maintenue depuis la loi n° 2002-305 du 4 mars 200210, qui mentionne dans l’article 373-2, alinéa 1er, du Code civil que « la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ».

Néanmoins, il importe de tenir compte des motifs qui ont conduit à la séparation car, s’il s’agit de violences, le juge peut décider de retirer l’exercice de l’autorité parental au parent auteur de ces agissements, que les actes concernent directement l’enfant, victime de maltraitance, ou l’autre parent – l’enfant étant alors victime indirecte des violences conjugales. En effet, il est possible que le juge confie l’autorité parentale à un seul des parents séparés en fonction de l’intérêt de l’enfant (C. civ., art. 373-2-1). Ce point n’a pas été évoqué dans cette affaire.

La séparation du couple a toutefois des répercussions sur le droit de la responsabilité civile car, par principe, l’enfant ne cohabite plus quotidiennement avec le couple parental. En effet, exercer l’autorité parentale ne signifie pas nécessairement résider avec le mineur. Lors du divorce, le juge doit choisir quel parent se voit accorder la résidence habituelle de l’enfant, sauf si les parents se sont déjà mis d’accord.

En conséquence, quand il est mis fin à la vie en couple, il n’est pas possible de retenir la responsabilité des deux parents titulaires de l’autorité parentale et seul le parent auquel est confiée la résidence habituelle de l’enfant11 et qui vit avec lui est responsable civilement12, même si l’autre parent s’est vu accorder un droit de visite et d’hébergement. Ce n’est pas la présence physique de l’enfant au domicile d’un parent qui rend celui-ci responsable. Le fait que le parent exerce l’autorité parentale n’est pas à prendre en compte à partir du moment où le couple s’est séparé et que la résidence habituelle a été fixée chez l’autre parent. C’est toutefois plus compliqué si les parents ont cessé de vivre ensemble sans qu’une décision juridique soit prise par un juge. Quand les parents ne sont séparés que de fait, ils demeurent l’un et l’autre responsables des agissements de leur enfant et c’est une responsabilité solidaire qui est retenue13.

Le fait que l’enfant soit au domicile de son autre parent au moment du drame parce que ce dernier bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement n’y change rien14. Néanmoins, le parent qui ne réside pas quotidiennement avec l’enfant peut parfois voir lui aussi sa responsabilité engagée, à partir du moment où sa faute personnelle est démontrée sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil15.

II – Critiques de la place reconnue à la cohabitation lorsque le couple parental s’est séparé

Dans cette affaire, un seul parent cohabite officiellement avec l’enfant en raison de la mise en place d’une résidence habituelle, sans tenir compte du temps que l’autre parent passe avec lui quand il l’héberge, un week-end sur deux ou durant les vacances ; le divorce du couple conduit ainsi à faire reposer la responsabilité civile uniquement sur la mère car l’enfant vit à son domicile. Face à cette situation, les parents ont ouvert des discussions pour tenter de voir évoluer les choses (A). Il est vrai que cette manière d’aborder le jeu de la responsabilité parentale peut être sujette à des interrogations, voire des critiques. Le couple a fait connaître ses arguments aux juges, lesquels ont soutenu la famille car ils ont décidé de transmettre leur QPC au Conseil constitutionnel (B). Toutefois les membres du Conseil n’ont pas raisonné de la même manière (C). Pour eux, la disposition critiquée par la famille de l’enfant auteur d’un incendie est parfaitement conforme à la Constitution16.

A – Motivation des parents auteurs de la QPC

La mise en œuvre de la responsabilité civile tenant compte de la cohabitation, les parents divorcés du mineur auteur d’un incendie ont déposé une QPC car ils estiment que le fait de n’engager que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle du jeune homme a été fixée porte atteinte au droit de mener une vie familiale normale.

Leur QPC met aussi l’accent sur l’égalité des père et mère : « Les dispositions de l’article 1242, alinéa 4, du Code civil, telles qu’interprétées par la Cour de cassation comme attribuant la responsabilité de plein droit, en cas de divorce, au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée, quand bien même l’autre parent, bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement, exercerait conjointement l’autorité parentale, portent-elles atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu’au respect de la vie privée garanti à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, en ce qu’elles encouragent le parent non-cohabitant à se soustraire à son obligation de pourvoir au développement de l’enfant auteur du dommage et imputent au parent cohabitant une charge financière inéquitable ».

La place reconnue à la cohabitation dans le cadre de la mise en œuvre de la responsabilité des parents quand leur enfant a causé un dommage n’est pas validée par tous de la même manière, ce qui apparaît dans de nombreuses publications. Certains auteurs se montrent favorables à la responsabilité du seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée mais d’autres à une responsabilité solidaire, estimant que la cohabitation n’a pas à être retenue comme condition de la mise en œuvre de la responsabilité parentale, son utilité ouvrant des discussions17.

B – Prise en compte par les juges de la nécessité de renforcer l’égalité parentale

Dans le cadre de la mise en œuvre de la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur, il peut paraître inopportun qu’un parent titulaire de l’autorité parentale ne soit pas visé lorsque le couple s’est séparé ou a divorcé et que la résidence habituelle de l’enfant a été confiée à l’autre parent. En conséquence, le 14 février 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC relative à l’article 1242, alinéa 4, du Code civil. Cette QPC ouvre une discussion sur l’attribution de la responsabilité de plein droit, en cas de divorce, au seul parent chez lequel la résidence habituelle du mineur a été fixée, à l’exclusion de l’autre, lequel ne côtoie l’enfant que dans le cadre du droit de visite et d’hébergement. Ils ont pris la décision de transférer la QPC des parents au Conseil constitutionnel, estimant que la question présentait un caractère sérieux « en ce que les dispositions législatives contestées, qui ne confèrent pas la qualité de civilement responsable au parent chez lequel la résidence de l’enfant mineur n’a pas été fixée et font obstacle à sa condamnation solidaire avec l’autre parent par le juge pénal, alors que tous deux exercent conjointement l’autorité parentale, sont susceptibles de porter atteinte au principe d’égalité, en conférant à l’un d’eux un droit qui n’est pas assorti des mêmes devoirs ».

En revanche, dans cette affaire, deux autres QPC ont été écartées. Une QPC déposée par une société impliquée dans ce dossier, à savoir la SCCF réseau, a été jugée irrecevable car elle n’était ni appelante ni intimée devant la cour d’appel et n’a donc pas été partie à la décision contre laquelle elle a formé un pourvoi. Ils ont également décidé de ne pas tenir compte d’une troisième QPC déposée par une autre société, la SNCF voyageurs, parce qu’elle portait sur les mêmes motifs que celle déjà retenue En effet, conformément à l’article R. 49-33 du Code de procédure pénale, « la Cour de cassation n’est pas tenue de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d’absence de transmission pour cette raison, elle diffère sa décision jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil constitutionnel ». En outre, son auteur soutenait que l’article 1142, alinéa 4, entraînerait une inégalité entre les victimes faisant l’objet d’une indemnisation par le juge pénal et celles obtenant réparation devant le juge civil. Dès lors, les juges ont rejeté cette QPC en raison de son caractère jugé non sérieux.

La QPC déposée par le couple parental ayant, quant à elle, été jugée recevable et pertinente, cette affaire qui pourrait apporter des changements en la matière est dès lors à suivre. C’est le Conseil constitutionnel qui s’est prononcé sur la question en examinant les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 visant le droit de mener une vie familiale normale et mettant en place la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Comme indiqué dans la QPC, il lui a également été demandé de vérifier si le fait de ne retenir que la responsabilité du parent auquel est confié l’enfant est bien conforme au respect de la vie privée mentionné dans l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et surtout au principe d’égalité devant la loi, consacré par l’article 6 de ce même texte. On peut effectivement relever que le parent non-cohabitant est écarté et n’a plus la charge du développement du jeune auteur du dommage et, en outre, qu’il peut paraître inégalitaire que le parent s’étant vu confier l’enfant par le juge lors du divorce ait ensuite à supporter isolément une charge financière inéquitable.

Comme la mise en œuvre de l’article 1242, alinéa 4, du Code civil risque de porter atteinte au principe d’égalité des parents, l’un et l’autre titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, en ne leur reconnaissant pas les mêmes devoirs, alors qu’ils ont les mêmes droits, il était pertinent de renvoyer au Conseil constitutionnel cette QPC qui présentait un caractère sérieux. Si le droit évoluait, on pourrait mettre en place une responsabilité solidaire entre les deux parents, hormis dans les cas où l’un d’entre eux ne serait plus titulaire de l’autorité parentale depuis la séparation de leur couple, si le juge a estimé que cela n’était pas conforme à l’intérêt de l’enfant.

Ce n’est sans doute pas l’intérêt de l’enfant qui doit être pris en compte, mais celui de la victime. En outre, à partir du moment où la coparentalité est maintenue malgré la rupture du couple, le parent avec lequel l’enfant ne réside que ponctuellement dans le cadre de son droit d’hébergement se voit néanmoins reconnaître autant de droits que son ex-époux ou compagnon auquel a été accordée la résidence habituelle de l’enfant commun. Dès lors, il est quelque peu dérangeant qu’avoir les mêmes droits n’entraîne pas les mêmes devoirs puisque le parent non-gardien ne sera pas responsable lors d’un dommage causé par le mineur. De plus, conserver une responsabilité parentale solidaire malgré la séparation permettrait à la victime d’agir contre l’un ou l’autre des parents.

Parmi les pistes à suivre, il serait envisageable de revoir la notion de « cohabitation » en ne la rattachant plus à la résidence habituelle lorsque le couple parental est séparé mais en prenant en compte le maintien des rencontres parent/enfant quand le droit d’hébergement est maintenu, ce qui simplifierait aussi les choses en cas de résidence alternée18. On pourrait de plus discuter des liens entre coparentalité et responsabilité solidaire mais, dans tous les cas, il faudrait que le législateur intervienne sur ce terrain.

Des changements vont peut-être intervenir car une proposition de loi déposée en 202019 réécrit l’article 1242 qui, si le texte est voté, ne concernerait plus la responsabilité parentale, laquelle serait inscrite dans l’article 1245 du Code civil : « Sont responsables de plein droit du dommage causé par un mineur : 1° Ses parents, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale ». Ce texte reconnaîtrait une responsabilité de plein droit aux parents dès lors que l’exercice de l’autorité parentale ne leur a pas été retiré, supprimant le critère de cohabitation. Depuis que la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur ne repose plus sur une présomption de faute d’éducation et de surveillance20, il n’est plus nécessaire de tenir compte de la cohabitation, laquelle permet de vérifier que les parents ont leurs enfants sous la main. On pouvait s’attendre à ce que la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, relative à l’autorité parentale21, supprime cette condition mais il n’en a rien été et il serait plus pertinent que l’évolution découle d’une réforme relative à la responsabilité civile.

C – Réponse du Conseil constitutionnel

La démarche entreprise par la famille ne va toutefois pas aboutir car, si les parents ont été soutenus par les juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ils ne le sont pas du tout par les membres du Conseil constitutionnel.

En effet, le Conseil constitutionnel vient de se prononcer sur la question22 et il ne partage absolument pas leur point de vue, bien qu’ils aient été soutenus par la Cour de cassation. La mission du Conseil constitutionnel est de veiller au respect de la Constitution et aux droits et libertés qu’elle garantit. Il est saisi de la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation, devant se prononcer dans le mois ou dans les huit jours s’il y a urgence, ainsi que des QPC comme dans cette affaire. Dans ce contexte, il a trois mois pour rendre sa décision et il n’a pas trop tardé en l’espèce car il avait jusqu’au 14 mai pour exprimer son point de vue.

Alors que la discussion portait sur le fait que seul le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant était fixée depuis leur séparation était reconnu responsable sans que l’on ait besoin de démontrer sa faute, le Conseil a écarté les critiques qui étaient faites à la mise en œuvre de l’alinéa 4 de l’article 1242 du Code civil. Pour lui, il n’y a pas de différence de traitement injustifiée entre les parents et pas non plus de méconnaissance de l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, du droit au respect de la vie privée ainsi que du droit de mener une vie familiale normale. La situation des père et mère est différente en l’espèce car ils sont séparés et cela explique qu’ils ne soient pas traités de la même manière.

Précisément pour le Conseil, les dispositions du Code civil ne méconnaissent pas « l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée ou le droit de mener une vie familiale normale, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ». En conséquence, tout est bien conforme à la Constitution.

Évidemment, rien n’empêcherait le législateur de revoir plus tard le dispositif et de modifier les règles qui sont applicables actuellement en considérant éventuellement que tous les parents titulaires de l’autorité parentale sont tenus de conserver la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur.

Notes de bas de pages

  • 1.
    JO, 11 févr. 2016.
  • 2.
    F. Boulanger, « Autorité parentale et responsabilité des père et mère des faits dommageables de l’enfant mineur », D. 2005, chron. 2245 ; J.-B. Thierry, « Le rôle de l’autorité parentale dans la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs », LPA 7 janv. 2008, p. 4.
  • 3.
    L. n° 2022-219 du 21 février 2022, visant à réformer l’adoption : JO, 22 févr. 2022 ; I. Corpart, « Impacts de la loi visant à réformer l’adoption sur la vie de couple », Dalloz actualité, 7 mars 2022.
  • 4.
    Sauf en cas de placement du mineur dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, Cass. 2e civ., 6 juin 2002, n° 00-18286 – Cass. 2e civ., 6 juin 2002, n° 00-15606 : Bull. civ. II, n° 120 ; D. 2002, p. 2029 et 2750, note M. Huyette ; RDSS 2003, p. 118, obs. E. Alfandari ; RDSS 2003, p. 127, obs. J.-M. Lhuillier ; JCP G 2003, I 154, n° 37, note G. Viney.
  • 5.
    Le fait que le fils ait atteint l’âge de la majorité quand les juges statuent ne change rien, Cass. 2e civ., 25 oct. 1989, n° 88-16210 : Bull. civ. II, n° 194.
  • 6.
    Cass. ass. plén., 13 déc. 2002, n° 00-13787 : Bull. civ. II, n° 4.
  • 7.
    P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, 2021, Dalloz, n° 588.
  • 8.
    Cass. 2e civ., 5 févr. 2004, n° 01-03585 : RJPF 2004/39, n° 9, note F. Chabas.
  • 9.
    Cass. 2e civ., 16 nov. 2000, n° 99-13023 : JCP G 2001, I 340, n° 18, note G. Viney.
  • 10.
    JO, 5 mars 2002.
  • 11.
    A. Gouttenoire, « La cohabitation juridique, condition de la mise en œuvre de la responsabilité des parents du fait de leurs enfants », JCP G 2000, II 10374.
  • 12.
    Décision prise de longue date, Cass. 2e civ., 19 févr. 1997, n° 94-21111 : Bull. civ. II, n° 56 ; RTD civ. 1997, p. 670, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 3 oct. 1997, n° 276, p. 18, note F. Chabas ; D. 1997, p. 265, note P. Jourdain ; LPA 20 déc. 1997, p. 12, note Y. Dagorne-Labbé.
  • 13.
    I. Corpart, « Séparation parentale et responsabilité des père et mère pour un dommage causé par un mineur », note ss CA Lyon, 12 juin 2018, n° 17/06238, JAC n° 179, sept. 2018.
  • 14.
    Cass. crim., 29 avr. 2014, n° 13-84207 : Bull. crim., n° 116 ; Procédures 2014, comm. 179, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; RJPF 2014/7-8, n° 33, obs. S. Hocquet-Berg ; GPL 5 juin 2014, n° GPL180x6, note P. Oudot ; LPA 1er nov. 2014, p. 19, note K. Jakouloff ; D. 2014, p. 1620, note L. Perdrix – Cass. crim., 2 déc. 2014, n° 13-85727 : Resp. civ. et assur. 2015, comm. 76, note H. Groutel ; Dr. famille 2015, comm. 64, note S. Rouxel.
  • 15.
    Ou C. civ., art. 1382, avant la réforme de 2016 – Cass. crim., 6 nov. 2012, n° 11-86857 : Bull. crim., n° 241 ; AJ fam. 2012, p. 613, note F. Chénedé ; Dr. famille 2013, comm. 35, note S. Rouxel ; RJPF 2013/1, n° 33, obs. S. Hocquet-Berg ; D. 2013, p. 124, note C. Roth ; RTD civ. 2013, p. 106, obs. J. Hauser ; JCP G 2013, p. 484, note C. Bloch.
  • 16.
    Cons. const., QPC, 21 avr. 2023, n° 2023-1045.
  • 17.
    Y. Dagorne-Labbé, « La condition de cohabitation du mineur est-elle compatible avec la responsabilité de plein droit de ses parents ? », comm. ss Cass. 2e civ., 19 févr. 1997, n° 93-14646, LPA 29 déc. 1997, p. 12 ; A. Gouttenoire, « La cohabitation juridique, condition de la mise en œuvre de la responsabilité des parents du fait de leurs enfants », JCP G 2000, II 10374 ; K. Jakouloff, « La responsabilité des parents liée à la résidence habituelle de l’enfant, non à l’autorité parentale », note ss Cass. crim., 29 avr. 2014, n° 13-84207, LPA 1er nov. 2014, p. 19 ; D. Mazeaud, « La condition de cohabitation dans la responsabilité des parents : chronique d’un escamotage annoncé », D. 2000, p. 469. Cass. crim., 29 avr. 2014, n° 13-84207 : Bull. crim., n° 116 ; Procédures 2014, comm. 179, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; RJPF 2014/7-8, n° 33, obs. S. Hocquet-Berg ; GPL 5 juin 2014, n° GPL180x6, note P. Oudot ; LPA 1er nov. 2014, p. 19, note K. Jakouloff ; L. Perdrix, « Coparentalité et responsabilité du mineur : l’embarrassant critère de la cohabitation », note ss Cass. crim., 29 avr. 2014, n° 13-84207, D. 2014, p. 1620 ; A. Ponseille, « Le sort de la condition de cohabitation dans la responsabilité civile des père et mère du fait dommageable de leur enfant mineur », RTD civ. 2003, p. 645 ; M.-F. Steinlé-Feuerbach, « Responsabilité des parents : le glas de la cohabitation », JCP G 2005, n° 15, p. 737.
  • 18.
    L. Bloch, « Résidence alternée de l’enfant : responsabilités solidaires des parents ? », Resp. civ. et assur. 2013, focus 35 ; I. Corpart, « Quel avenir pour l’alternance des résidences des enfants de parents séparés ? », Dr. famille 2014, étude 19 ; G. Hilger, « La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur sous l’angle de la résidence alternée », AJ fam. 2018, p. 278 ; P. Reynaud, « Responsabilité des père et mère et résidence alternée », RJF 2002, p. 132.
  • 19.
    Proposition de loi n° 678, portant réforme de la responsabilité civile, déposée au Sénat le 29 juill. 2020.
  • 20.
    G. Proutiere-Maulion, « La notion de cohabitation dans la responsabilité des père et mère », LPA 26 sept. 2002, p. 6.
  • 21.
    JO, 5 mars 2002.
  • 22.
    Cons. const., QPC, 21 avr. 2023, n° 2023-1045.
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