L’aveu peut-il être une présomption-preuve ?
Les limites que la preuve par l’aveu comprend ne sont plus à démontrer aujourd’hui. Le doute qu’il instaure invite néanmoins à s’intéresser à sa nature juridique. De preuve, ne peut-il pas devenir une présomption-preuve ?
« L’interrogatoire est un acte judiciaire fait pour parvenir à la découverte de la vérité »1. De cette définition concise du XVIIIe siècle, empruntée à Muyart de Vouglans, découle la finalité d’une telle pratique : la recherche d’une preuve. La vérité est une affaire de paroles2 ; là où certaines preuves avouent leurs limites, l’aveu embrasse une vérité simple et rapide. Il procure une entière satisfaction et un soulagement du personnel judiciaire3 parce qu’il permet de libérer les cas de conscience. Pourtant, la recherche de cette preuve, présente au sein de l’ensemble des doctrines policières4, ouvre la voie à certaines dérives, menaçant alors sa pertinence probante. Lorsque la recherche effrénée de l’aveu s’égare sur des chemins d’injustice, elle suscite une vive émotion populaire et doctrinale : l’erreur judiciaire, démontrée par l’Histoire et combattue par d’illustres défenseurs de la justice auxquels s’associe volontiers le nom de Voltaire5, demeure un dysfonctionnement ponctuel du système judiciaire. Mode de preuve fragile parce qu’il doit être corroboré, l’aveu peut en effet être mensonger. Dès lors, l’institution judiciaire ne doit-elle pas le recevoir avec précaution ? Il est certain qu’un contrôle efficace de cette preuve s’impose ; « le doute est un hommage que l’on rend à la vérité »6, nous avait enseigné Renan. Les lignes qui vont suivre se proposent ainsi de relire l’adage latin « confessio est regina probatio », profondément ancré dans la culture pénale française.
Provoquer l’aveu en justice
« L’aveu est la reine des preuves »7, a-t-il ainsi souvent été affirmé en droit français ancien. Aux époques médiévale et moderne8, les accusés se laissaient souvent arracher sous la question l’aveu d’un crime reproché ou commis. Il arriva parfois que l’innocent se désigne comme coupable sous les supplices, laissant alors une vérité dictée se substituer à la réalité des faits. Sous la plume de plusieurs juristes de la fin de l’Ancien Régime9, la question est vite apparue comme l’un de ces égarements judiciaires qui n’emportent ni l’enthousiasme populaire ni l’assentiment unanime de la doctrine. Cette méthode d’investigation fondée sur l’instrumentalisation de l’aveu fut écartée de la procédure pénale au seuil de la Révolution. Pourtant, dans l’interrogatoire judiciaire actuel10, l’aveu occupe une place si prépondérante qu’il semble renouer avec « son origine médiévale »11. En effet, la complexité de l’échange dialogique interrogateur-accusé fait de l’interrogatoire contemporain un véritable « face-à-face inquisitorial »12 au cours duquel l’accusé et l’enquêteur s’affrontent13 à armes inégales. L’enquêteur interroge un individu qui ne souhaite aucunement s’y soumettre14. L’interrogatoire tend ainsi à se réduire à une « relation technico-contractuelle »15 au sein de laquelle l’enquêteur contraint le suspect à accepter sa culpabilité. La ruse et l’affaiblissement sont des outils d’extorsion de l’aveu dont bien des enquêteurs peuvent être familiers16 ; interroger quelqu’un, c’est avant tout exercer un pouvoir17. L’échange verbal est ainsi susceptible de se réduire à la dimension coercitive qui en émane. C’est en cela que l’aveu est toujours provoqué dans la sphère judiciaire pénale. Véritable « moment de pression intégré dans un processus de répression »18, l’interrogatoire connaît toutefois quelques entraves à la production de l’aveu. Les droits de l’accusé, souvent réaffirmés et parfois controversés en raison des nécessités de l’enquête, ont permis d’instaurer des mécanismes correctifs visant à protéger l’interrogé au cours des auditions19. Ce dernier bénéficie depuis peu d’un entretien confidentiel d’une trentaine de minutes avec un avocat. Cette assistance20 tend à réconforter l’accusé et à préparer efficacement sa défense : l’aveu, la négation et le silence lui offrent trois alternatives. Si son aveu le désigne comme coupable, la négation le conduira bien souvent en détention provisoire. Ce moyen de pression physique et psychologique est le prolongement direct de la mécanique de la provocation de l’aveu21. L’accusé peut, au contraire, choisir une défense passive en refusant de répondre aux questions. Bien que le silence déçoive l’interrogateur22, ce dernier ne doit pas en déduire un aveu implicite de culpabilité23.
Si l’égide de l’avocat et le droit au silence tendent à rééquilibrer le face-à-face, sa finalité reste le déclenchement de la parole de l’accusé. À cette provocation de l’aveu qui tend à l’instrumentaliser, la rhétorique peut se substituer à la sincérité. Le mensonge devient alors une réponse possible au cours de l’interrogatoire judiciaire.
Répondre par l’aveu rhétorique
Le faux aveu est une auto-accusation mensongère qui répond davantage au souhait de persuader qu’à celui de respecter la vérité24. C’est en cela que nous pouvons parler d’aveu rhétorique. Cette fausse déclaration, réfléchie ou instinctive, présente une certaine complexité. Diverses raisons y conduisent. Tout d’abord, le criminel fascine ; entre attirance et aversion, cet attrait est fortement ancré dans la presse. Si, dès le XVIe siècle, cette médiatisation occidentale a eu pour finalité de sensibiliser la population à la criminalité afin de l’en dissuader, il n’en reste pas moins que cette exposition traduit une véritable culture de la tragédie et du sensationnel. Le criminel imaginaire, fasciné par ce rôle, est alors enclin à s’approprier une infraction qu’il n’a pas commise25. L’alcoolique26 ou l’alcoolisé, que l’effronterie conduirait à s’accuser, s’inscrit dans une démarche ludique similaire. Par ailleurs, l’innocent sujet à la peur27 de l’interrogatoire peut avouer une infraction dont il n’est pas l’auteur. Les suspects accordent fréquemment une attention bien plus marquée aux conséquences immédiates de l’aveu qu’à ses répercussions ultérieures28. Cela est particulièrement vrai s’agissant du recours à la torture ; les mauvais traitements sont au service de l’aveu, plus qu’à celui de la vérité29. Dans un cadre plus paisible, avoueront également ceux qui tiennent à faire part de leur propre conception de la vérité. Qualifiable de semi-mensonge ou d’aveux partiels, cette pratique consiste en un arrangement personnel de l’auteur de l’infraction avec la réalité des faits. Son aveu résulte d’une stratégie prédéfinie lui permettant d’amoindrir les charges pesant contre lui. L’amour et la haine, deux passions isolées par Kant30, sont également susceptibles de dicter un faux aveu ; pour protéger un coupable, l’aveu devient sacrificiel31 et pour désigner le complice, l’être détesté32, l’aveu devient vindicatoire. Dans d’autres cas, bien plus rares, l’accusé peut se convaincre de sa culpabilité par l’intermédiaire des faux souvenirs ; les éléments suggérés par l’interrogatoire peuvent trouver écho dans l’imaginaire de l’accusé. Ce dernier, en se projetant dans une situation recréée, va alors construire sa culpabilité33. Moins rare que le mensonge sincère est certainement l’aveu négocié, profondément ancré dans la culture occidentale. Parce qu’en avouant, le coupable accepte par avance une sanction, l’incitation à avouer revient à introduire un mécanisme de récompenses – principalement sous la forme de remise ou de diminution de peine – ayant pour objet le service qu’il rend à la justice. Sans pour autant affirmer que le droit pénal français et la procédure qui l’accompagne sont devenus utilitaires en raison de considérations ici hors de propos, les mesures de déjudiciarisation du droit processuel en ouvrent le chemin34. Mais n’est-ce pas là un moyen de faciliter l’aveu35 en permettant à l’accusé de s’abandonner au calcul de ses intérêts ? La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) en est un exemple. Introduite par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, cette procédure permet au procureur de la République de proposer une peine à un individu avouant la commission d’un délit sans en ouvrir les poursuites. L’homologation de l’accord par le juge reste une garantie nécessaire du contrôle de la qualité de l’aveu. L’innocent, quelque peu craintif, pourrait être tenté d’être condamné à une peine de moindre ampleur que celle qu’il encourrait si les poursuites étaient ouvertes par le ministère public. Cette dérive potentielle pourrait également s’accentuer si la proposition de CRPC intervenait au cours de la garde à vue et bien avant que l’officier de police judiciaire n’ait reçu les aveux du coupable36Perr
Tant il est vrai que l’aveu peut se montrer trompeur et stratégique37, le doute reste un rempart. Contrôler l’aveu, le maîtriser et l’avérer en conformité avec la réalité des faits relèverait de la gageure. Devant l’aporie de la transparence de l’aveu, les espoirs d’un contrôle efficace de ses moments de production se profilent. La transparence des moments de production de l’aveu est nécessaire pour lutter contre son extorsion. Deux outils se sont avérés pertinents dans ce domaine : le procès-verbal et la captation audiovisuelle. Unique trace, mais trace essentielle de l’interrogatoire, le procès-verbal en demeure le reflet ; « verba volent, scripta manent »38 affirme l’adage. Couchés sur papier, les dires de l’accusé y seront conservés. Comme l’expose Gildas Roussel, « dans la froide technique de la procédure, les procès-verbaux ont une âme, l’âme de ceux ayant vécu les évènements souvent tragiques qu’ils décrivent »39. La transcription de l’échange n’est pas pour autant entièrement fidèle à la réalité des dires40. À bien des égards, ces derniers sont altérés par la reformulation des paroles peu compréhensibles de l’accusé. Bien que le rédacteur s’efforce d’en conserver le sens, le langage fonctionnel se substitue au langage personnel41 et à l’attitude verbale de l’accusé42. C’est à ces lacunes que l’enregistrement audiovisuel de l’interrogatoire43 semble pouvoir remédier. Si ce procédé propose une garantie supplémentaire des droits de l’accusé, l’inhérente dramaturgie attachée au support s’oppose à une réception neutre de la parole. Cette dernière emporte l’observateur de l’image au moment même de son action. L’image est alors trahison en ce qu’elle substitue l’analyste au témoin de la scène. Cette transformation du rôle du juge peut alors influencer sa décision : la rupture temporelle causée par un retour en arrière pourrait évincer la prise en compte de l’évolution de la personnalité du coupable et son éventuelle prise de conscience44. Ces mécanismes de transparence de l’aveu ne sont pas encore optimaux, mais aspirent à mieux contrôler45 la production d’aveux judiciaires.
Seule la transparence de l’interaction est admise en droit français. Jugés déloyaux en raison de leur caractère arbitraire, le polygraphe, l’hypnose, les narcoses et les neurosciences sont rejetés46. Attester le mensonge de manière scientifique reste le dessein ambitieux auquel aspire la justice pénale. Y voir un rempart pertinent et absolu relèverait du scientisme, non de la science.
Devant ces difficultés d’encadrement de la parole de l’accusé, nous nous demandons si l’aveu peut toujours être qualifié de preuve. Ne pouvons-nous pas y voir davantage une présomption de culpabilité ?
Recevoir l’aveu comme une présomption-preuve ?
Il ne semble pas erroné d’avancer que tout juge ou tout enquêteur ait parfois pu être sceptique devant un élément de preuve et plus particulièrement en présence d’un aveu. Le doute judiciaire est « l’incertitude dans laquelle restent les juges au terme de leur réflexion »47. La conviction du juge ne saurait être une preuve, mais plus certainement son raisonnement fondé sur l’ensemble des preuves que comporte un dossier48. C’est en ce sens que la conviction se rapproche de la vérité49. Fondée sur des probabilités, la conviction appelle irréductiblement le doute dans une prise de décision judiciaire50. Certes, toute preuve implique l’existence d’un doute, mais s’agissant de l’aveu, il semble plus fort. S’il lui a été longtemps attaché une vérité certaine51, il reste désormais soumis à l’appréciation du juge52. Si l’accusé peut mentir, son interlocuteur peut ne pas le croire53. Élément de conviction parmi tant d’autres, l’aveu ne peut se suffire à lui-même. Sa corroboration est essentielle afin qu’il puisse revêtir quelque valeur probante. Cette démarche est parfois si délicate qu’il est défendu que l’aveu ne serait qu’une présomption de culpabilité, et non plus une preuve54. L’aveu est provisoire ; l’anticipation définitive sur la culpabilité étant prohibée, l’avouant ne renonce pas à la présomption d’innocence. Pourtant, il semble marquer le passage du statut de présumé innocent à celui de présumé coupable55. L’étude du professeur Anne-Blandine Caire démontre que la présomption en tant que « supposition fondée sur des signes de vraisemblance »56 pouvait se montrer sous trois formes distinctes : la présomption-preuve, la présomption-concept et la présomption-postulat. La présomption-preuve marque le passage d’un fait connu en fait inconnu57. La présomption de culpabilité en est une illustration. La présomption d’innocence n’est pas une présomption-preuve,58 mais une présomption-postulat. Cette dernière consiste à « considérer quelque chose comme existant de plein droit »59. Ainsi, la présomption-postulat est « le point de départ d’un raisonnement »60, et la présomption-preuve est une « technique de raisonnement »61. La présomption-postulat peut être renversée par une présomption-preuve contraire62. Les présomptions de culpabilité, en matière répressive, viennent ainsi contrebalancer la rigidité de la présomption d’innocence63. La présomption-preuve peut naître du doute du juge64. En vérité, elle le dépasse, car elle s’inscrit dans une « opération intellectuelle (…) visant à établir la vérité »65. La présomption-preuve est celle qui se rapproche le plus de la notion de preuve66. Or la présomption-preuve est une conviction67. Elle est ainsi empreinte de subjectivité68. N’est-ce pas là la définition de la réception de l’aveu par le juge ? La nécessité de corroborer l’aveu par d’autres éléments fait de l’autoaccusation une preuve si fragile que sa frontière avec le statut de présomption de culpabilité manque peu d’être franchie. En nous fondant sur l’étude du professeur Anne-Blandine Caire, nous pouvons à plus forte raison émettre l’hypothèse qu’il s’agirait d’une présomption-preuve, soit d’une conviction. Fondée sur des probabilités, la conviction appelle le doute dans une prise de décision judiciaire. Si l’accusé peut mentir, son interlocuteur peut ne pas le croire69. Parce que sa valeur probante repose uniquement sur l’apparence très convaincante de l’auto-accusation70, l’aveu ne peut se suffire à lui-même et doit être corroboré. À bien y réfléchir et malgré les dispositions de l’article 428 du Code de procédure pénale71, l’aveu semble davantage être une présomption de culpabilité qui s’inscrirait bel et bien dans le rôle de la présomption-preuve de « pallier les difficultés de preuve »72.
Notes de bas de pages
-
1.
Muyart de Vouglans P.-F., Institutes au droit criminel ou principes généraux sur ces matières, suivant le droit civil, canonique, et la jurisprudence du Royaume, 1757, Paris, p. 266.
-
2.
Fabbri A. et Guery C., « La vérité dans le procès pénal ou l’air catalogue », RSC 2009, p. 343.
-
3.
Danet J., La justice pénale entre rituel et management, 2010, PUR, p. 191.
-
4.
Portelli S., Pourquoi la torture ?, 2011, Vrin, p. 140.
-
5.
Lazerges C., « Réflexions sur l’erreur judiciaire », RSC 2006, p. 709.
-
6.
Renan E., Essais de morale et de critique, 1859, Paris, Lévy, p. 202.
-
7.
Confessio est regina probatio, affirme l’adage juridique latin.
-
8.
Pratiqué dans l’Antiquité romaine, mais déclinant au haut Moyen Âge, le recours à la question (ou, a fortiori à la torture) connut un revif au XIIe siècle par l’inquisition ecclésiastique et se perpétua jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Sur ce sujet, v. évidemment Lea H.-C., Histoire de l’inquisition au Moyen Âge, 2004, Robert Laffont ; Eismen A., Histoire de la procédure criminelle en France, 1882, Paris ; Wenzel E., La torture judiciaire dans la France de l’Ancien Régime : lumières sur la question, Presses universitaires de Dijon, 2011 ; Carbasse J.-M., Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2e éd., 2006, PUF.
-
9.
V. évidemment Astaing A., Droits et garanties de l’accusé dans le procès criminel d’ancien régime (XVIe-XVIIIe siècle), audace et pusillanimité de la doctrine française, 1991, PUAM.
-
10.
Le droit positif français permet désormais aux juges et officiers de police judiciaire de mener l’interrogatoire à trois stades de la procédure : l’interrogatoire de police, l’interrogatoire de première comparution et l’interrogatoire devant la juridiction de jugement. V. Ambroise-Casterot C., in Rép. Pén. Dalloz, V° Aveu, 2006.
-
11.
Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 29. Sur ce sujet, v. égal. Dulong R., L’aveu comme fait juridique et comme phénomène moral, 1999, EHESS, p. 65.
-
12.
Susini J., « Psychologie policière : aspects cliniques et techniques du mensonge et de l’aveu », RSC 1981, p. 909. Le terme de « combat rhétorique » est également employé. V. Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 60.
-
13.
L’intensité de l’affrontement verbal varie selon le degré de conviction de l’interrogateur. L’interrogatoire de justification permet de vérifier de très légers soupçons de culpabilité alors que l’interrogatoire d’aveu conduit à rechercher une reconnaissance de culpabilité circonstanciée. Plus redoutable est l’interrogatoire d’enfermement dont la vocation est de déceler les contradictions de l’accusé. V. Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 68.
-
14.
Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 167.
-
15.
Susini J., « L’aveu, sa portée clinique », RSC 1972, p. 677.
-
16.
Les conditions matérielles de l’interrogatoire effectué au cours de la garde à vue contribuent également à influencer l’accusé. Ni repères ni chaleur. Ainsi définis, les murs des locaux de l’interrogatoire de garde à vue inspirent l’enfermement. Ce cadre contraignant et directif avoue la recherche de l’aveu. Une étroite surveillance, des bruits incessants, une alimentation restreinte, des variations de chaleur entre le poste et la cellule et les menottes de l’accusé parfois attachées à une chaise ou à un radiateur ne constituent pas un cadre propice à la réflexion du gardé à vue. Sa fatigue et son inadaptation ne favoriseront pas la qualité de l’échange dialogique. Sur ces sujets, v. Roussel G., Suspicion et procédure pénale équitable, 2010, L’Harmattan, p. 254-255.
-
17.
Clément S. et Portelli S., L’interrogatoire, 2001, Paris, Sofiac, p. 49.
-
18.
Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 187.
-
19.
Depuis 1670, le législateur accorde progressivement des droits à la défense. Jeanclos Y., La justice pénale en France, 2011, Dalloz, p. 166.
-
20.
Depuis 1897, les avocats peuvent assister aux interrogatoires conduits par un juge. Leur intervention en garde à vue a été reconnue en 1993 dès la vingtième heure puis sans restriction en 2011 (L. n° 2011-392, 14 avr. 2011, relative à la garde à vue ; CPP, art. préliminaire, III, al. 6.). La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme a élevé ce droit au rang des éléments fondamentaux du procès équitable sur le fondement de l’article 6, § 3, de la Convention (v. not. CEDH, 23 nov. 1993, n° 14032/88, Poitrimol c/ France ; CEDH, 27 nov. 2008, n° 36391/02, Salduz c/ Turquie). Sur ce sujet, v. not. Saas C., « Défendre en garde à vue : une révolution... de papier ? », AJ pénal 2010, p. 27 ; Leroy J., La garde à vue après la réforme, 2011, LexisNexis, p. 90 ; Danet J., « De la force probante de la garde à vue irrégulière et du fondement essentiel d’une décision de culpabilité », RSC 2012, p. 631 ; Danet J., Défendre, pour une défense pénale critique, 2001, Dalloz, p. 36. Il appartient au gardé à vue de la demander et à l’officier de police judiciaire de l’en informer : CPP, art. 63-4-2 ; CPP, art. 63-1. L’accusé peut néanmoins refuser cette assistance (Cass. crim., 17 janv. 2012, n° 11-86797).
-
21.
Danet J., Défendre, pour une défense pénale critique, 2001, Dalloz, p. 180.
-
22.
Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 194.
-
23.
Déclinaison du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, le droit au silence est reconnu à l’échelon international et européen. Fondé sur la présomption d’innocence et plus largement sur le droit à un procès équitable, le droit au silence ne saurait être absolu. La CEDH en a déterminé les contours et en interdit la déduction d’un aveu implicite de culpabilité : CEDH, 25 févr. 1993, n° 10588/83, Funke c/ France ; CEDH, 8 févr. 1996, n° 18731/91, Murray c/ Royaume-Uni ; CEDH, 17 déc. 1996, n° 19187/91, Saunders c/ Royaume-Uni ; CEDH, 20 oct. 1997, n° 82/1996/671/893, Serves c/ France. Sur ce sujet : v. Roets D., « Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », AJ pénal 2008, p. 119 ; Koering-Joulin R., « Droit de se taire et de ne pas s’incriminer soi-même », RSC 1997, p. 476 ; Bouloc D., Legros P. et de Deco R., Le droit au silence et la détention provisoire, 1997, Bruxelles, Bruyant, p. 34.
-
24.
Salas D., Du procès pénal, 1992, Paris, PUF, p. 310.
-
25.
de Saussure Y., Comment peut-on être criminel, 1979, L’Âge d’homme, p. 9 ; Chales-Courtine S., « La construction de figures criminelles dans les faits divers du XIXe et XXe siècle », in Garcin-Marrou I. et Dessinges C. (dir.), Médias et Culture, 2008, L’Harmattan, p. 50.
-
26.
Herzog-Evans M. et Roussel G., Procédure pénale, 2012, Vuibert, p. 177.
-
27.
Nous pouvons évoquer ici la réflexion philosophique de Schopenhauer selon laquelle le mensonge pouvait avoir pour corollaire la peur. V. Schopenhauer A., Le fondement de la morale, 1978, Aubier Montaigne, p. 139.
-
28.
Madon S., Guyll M., Greathouse S., Scherr K.-C. et Wells G.-L., « Temporal discuting : the differential effect of proximal and distal conséquences on confession décisions », Law and Human Behaviour 2012, n° 36, p. 13.
-
29.
Clément S. et Portelli S., L’interrogatoire, 2001, Sofiac, p. 132.
-
30.
Kant E., Anthropologie du point de vue pragmatique, 1993, Flammarion, p. 242-243.
-
31.
Association d’études et de recherches de l’École nationale de la magistrature, L’aveu en matière pénale, 1988, ENM, p. 20.
-
32.
Gueniat O. et Benoit F., Les secrets des interrogatoires et des auditions de police, traité de tactiques, techniques et stratégies, 2012, Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 59.
-
33.
Les faux souvenirs sont en effet une illusion (évènements inexistants et fabriqués) ou une distorsion (éléments très éloignés de la réalité des faits). À titre d’exemple, une jeune fille, accusée d’avortement, avoua avoir commis un infanticide après l’accouchement. La fausseté des faits fut cependant établie et l’accusée fut déclarée innocente de l’infraction imaginaire qu’elle avait pourtant avouée en toute sincérité. V. Willems S. et Van Der Linden M., « Différences interindividuelles dans la propension aux faux souvenirs », in Bredart S. et Van Der Linden M. (dir.), Souvenirs récupérés, souvenirs oubliés et faux souvenirs, 2004, Solal, p. 93 et 109 ; Bernheim H., L’hypnotisme et la suggestion dans leurs rapports à la médecine légale, 2007, L’Harmattan, p. 80 et 86-89.
-
34.
Gilardeau E., À l’aube du droit pénal utilitaire, 2011, L’Harmattan, p. 177.
-
35.
À cette incitation à parler peut cependant s’attacher la vertu d’une reconnaissance par le droit de la coopération de l’avouant, non sans faire écho à la locution populaire « faute avouée est à demi pardonnée ». Parce que l’aveu est le premier pas vers l’amendement, il ne semble parfois pas nuisible de récompenser celui qui s’y prête. Sur cet avis : v. de Valkeneer C, La tromperie dans l’administration de la preuve pénale, 2000, Larcier, p. 621.
-
36.
Le sort de l’aveu en présence d’un échec de la CRPC reste une question des plus saisissantes. Une utilisation ultérieure de cette auto-incrimination, portant atteinte à la présomption d’innocence, est rejeté par la Cour de cassation (Cass. crim., 17 sept. 2008, n° 08-80858). V. L. n° 2004-204, 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Sur la CRPC : Defferrard F., Le suspect dans le procès pénal, Paris, Mare et martin, 2017, p. 187 ; Verges E., Les principes directeurs du procès judiciaire, l’étude d’une catégorie juridique, thèse Marseille, 2000, p. 144 ; Delage P.-J., « Résistances et retournements, essai de synthèse du contentieux relatif à la procédure de “plaider coupable” », RSC 2011, p. 831.
-
37.
Nous pouvons souligner que le droit de mentir s’entendrait en droit français lato sensu, notamment en raison de l’absence de serment de l’accusé en droit positif français. V. Boituzat F., Un droit de mentir ? Kant ou Constant, 1993, PUF, p. 42. Sur le devoir moral du mensonge et sur le fait que la vérité se mérite, nous renvoyons au débat philosophique de Derrida J., Histoire du mensonge, prolégomènes, 2005, L’Herne, p. 16 ; Koyre A., Réflexions sur le mensonge, 1996, Allia, p. 16.
-
38.
« Les paroles s’envolent, les écrits restent. » Locution latine juridique.
-
39.
Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 34.
-
40.
À ce propos, nous pouvons soulever la pertinence de la mention de questions. Jusqu’à la loi du 15 juin 2000, la mention des questions posées à l’accusé ne figurait pas sur le procès-verbal. La mention « SI » (sur interpellation) se plaçait avant chaque déclaration retranscrite pour laquelle l’accusé avait été sollicité. La retransmission de l’interaction s’épanouissait dans le monologue d’un aveu-récit donnant l’illusion d’une confession sincère et parfois spontanée. Désormais, la forme du procès-verbal revêt davantage celle d’un échange de paroles. Le dialogue au sein duquel les questions de l’interrogateur alternent avec les réponses de l’accusé y est fidèlement retranscrit. L’appréciation de la qualité de l’aveu s’opère désormais à l’aune des questions posées. L’annulation de procès-verbaux méconnaissant cette règle s’avère ainsi nécessaire. V. évidemment Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 31 et « L’annulation des procès-verbaux d’interrogatoire pour défaut de mention des questions », AJ pénal 2005, p. 19. V. aussi L. n° 2000-516, 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes ; CPP, art. 429, al. 2 : « Tout procès-verbal d’interrogatoire ou d’audition doit comporter les questions auxquelles il est répondu. »
-
41.
Clément S. et Portelli S., L’interrogatoire, 2001, Sofiac, p. 98.
-
42.
Les hésitations dans la voix, les variations de ton, les colères contenues ou exprimées sont également autant d’éléments pertinents pouvant permettre au lecteur du procès-verbal de comprendre dans quel état d’esprit la production d’aveu est intervenue chez l’accusé.
-
43.
Cet enregistrement a été mis en place pour les infractions sexuelles commises sur des mineurs, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et à celles relevant de la criminalité organisée. V. L. n° 98-468, 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. Cons. const., 6 avr. 2012, n° 2012-228/229 QPC ; Perrier J.-B., « Le principe constitutionnel d’égalité impose l’enregistrement de toutes les gardes à vue en matière criminelle », AJ pénal 2012, p. 423.
-
44.
Roussel G., Les procès-verbaux d’interrogatoire, 2005, L’Harmattan, p. 204.
-
45.
L’enregistrement audiovisuel offre, par ailleurs, aux policiers la garantie de voir reconnaître leur loyauté dans la recherche de l’aveu. Seule une contestation du contenu du procès-verbal permet de se référer aux données du support audiovisuel. L’accusé, se prévalant alors des circonstances brutales d’un interrogatoire trop agité, ne pourrait pas contester la valeur probante de ses aveux extorqués, sinon provoqués. La fermeté prétorienne en exclut le recours. Si nombre d’auteurs s’accordent à approuver la complémentarité du procès-verbal et de l’enregistrement audiovisuel de l’interrogatoire, un vif regret semble s’exprimer quant à l’autonomie rejetée de la fonction de l’image. V. not. Sontag Koenig S., « Intervention de l’avocat et droits de la défense en garde à vue : quel avenir pour les enregistrements audiovisuels », AJ pénal 2012, p. 527. Clément S. et Portelli S., L’interrogatoire, 2001, Sofiac, p. 105-106.
-
46.
Sur ce sujet, v. not. Puigelier C. et Tikus C., « L’hypnose en tant que moyen de preuve », in Le Douarin N. et Puigelier C. (dir.), Science, éthique et droit, 2007, Odile Jacob, p. 158 ; Houin R., « Le progrès de la science et le droit de la preuve », RDIC 1953, p. 69 ; Albernhe T., Criminologie et psychiatrie, 1997, Ellipses, p. 653 ; Ambroise-Casterot C., « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », AJ pénal 2005, p. 261 ; Palmatier J.-J., « Systèmes d’analyse du stress dans la voix : vrais détecteurs de mensonges ? Un point de vue des États-Unis », AJ pénal 2008, p. 124 ; Larrieu P., « La réception des neurosciences par le droit », AJ pénal 2011, p. 231.
-
47.
Saint-Pierre F., Avocat de la défense, 2009, Odile Jacob, p. 33.
-
48.
Dayez B., À quoi sert la justice pénale ?, 1999, Larcier, p. 60-61.
-
49.
Chiappini P., Le droit et le sacré, 2006, Dalloz, p. 200.
-
50.
Naougas-Guerin M.-C., « Mythe et réalité du doute favorable en matière pénale », RSC 2002, p. 283.
-
51.
La promodo probatium (intime conviction du juge) a été appliquée par les magistrats dès la fin du Moyen Âge avec une souplesse exponentielle. La « question avec réserve de preuves » permettait notamment au juge d’apprécier librement la culpabilité du suspect et de le condamner, en l’absence d’aveu, à une moindre peine. Après la Révolution, cette règle s’est substituée au système des preuves légales. V. not. Astaing A. « Le refus du dogmatisme et du pyrrhonisme : la preuve pénale dans le Traité de la justice criminelle de France (1771) », in Leveleux-Teixeira C., Daniel Jousse : un juriste au temps des lumières (1704-1781), 2007, Presses universitaires de Limoges, p. 72-73.
-
52.
CPP, art. 428. V. aussi Bouloc B., « Les abus en matière de procédure pénale », RSC 1991, p. 221.
-
53.
Blanc A., « La preuve aux assises : entre formalisme et oralité, la formation de l’intime conviction », AJ pénal 2005, p. 271.
-
54.
Dulong R., L’aveu comme fait juridique et comme phénomène moral, 1999, EHESS, p. 15.
-
55.
Henrion H., La nature juridique de la présomption d’innocence, comparaison franco-allemande, 2006, Faculté de droit de Montpellier, p. 566.
-
56.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 15.
-
57.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, Pedone, 2012. p. 41.
-
58.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 63.
-
59.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 62.
-
60.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 389.
-
61.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 389.
-
62.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 272.
-
63.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 280-281.
-
64.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 40.
-
65.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 41.
-
66.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 60.
-
67.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 58.
-
68.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 58.
-
69.
Naougas-Guerin M.-C., « Mythe et réalité du doute favorable en matière pénale », RSC 2002, p. 283 ; Blanc A., « La preuve aux assises : entre formalisme et oralité, la formation de l’intime conviction », AJ pénal 2005, p. 271 ; Dulong R., L’aveu comme fait juridique et comme phénomène moral, 1999, EHESS, p. 15.
-
70.
Dulong R., L’aveu comme fait juridique et comme phénomène moral, 1999, EHESS, p. 19.
-
71.
CPP, art. 428 : « L’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges. »
-
72.
Caire A.-B., Relecture du droit des présomptions à la lumière du droit européen des droits de l’Homme, 2012, Pedone, p. 389.