Le juge et l’équilibre du contrat

Le contrôle juridictionnel des clauses entre professionnels en droit allemand

Publié le 30/03/2018

Le contrôle des conditions générales dans les contrats conclus entre entreprises est l’objet d’un vif débat en Allemagne. Étant donné que la jurisprudence ne distingue en règle générale guère entre les principes conduisant le contrôle dans les relations entre entreprise et consommateur (B2C) d’une part et ceux applicables aux relations entre entreprises (B2B) d’autre part, les voix demandant une plus grande liberté dans le domaine B2B deviennent de plus en plus fortes. On se propose dans le présent article d’examiner et d’évaluer des propositions de réforme dans ce domaine.

1. En Allemagne, le contrôle des conditions générales d’affaires a été développé au XXe siècle par la jurisprudence, qui a principalement dû trancher sur des cas relevant des affaires entre entreprises. En effet, avant l’adoption de la loi portant réglementation du droit des conditions générales d’affaires (Gesetz zur Regelung des Rechts der Allgemeinen Geschäftsbedingungen) en 1976/77, les bases juridiques spécifiques faisaient défaut. Le tribunal d’Empire (Reichsgericht) et plus tard la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) ont plutôt pris appui sur l’interdiction générale des actes juridiques portant atteinte aux bonnes mœurs1 ainsi que sur le principe de bonne foi2. Après la codification et même suite à la modernisation du droit des obligations en 2002, par laquelle le droit matériel des AGB a été intégré dans le Code civil allemand (BGB), et cela pour l’essentiel sans aucun changement, le contrôle du contenu des conditions générales n’a pas été axé en priorité sur le droit des consommateurs mais est resté strict en comparaison internationale pour ce qui concerne les affaires B2B.

2. Il a fallu attendre le début des années 2000 pour voir s’animer le débat autour de la réforme du contrôle des clauses dans le domaine des affaires B2B. Les principales critiques – justifiées de mon point de vue – émises à l’encontre de la jurisprudence suprême sont les suivantes : premièrement, les exigences requises pour un accord individuel exempté de contrôle sont considérées comme excessives. Deuxièmement, le principe selon lequel la nullité d’une clause envers les consommateurs résultant de la violation d’une règle du catalogue d’interdictions3 a une valeur indicative pour le contrôle du contenu dans le domaine des affaires entre entreprises d’après la clause générale4 est considéré comme erroné, car il ne tient pas compte des particularités des affaires entre entreprises.

3. Les partisans de la réforme plaident ainsi pour un contrôle du contenu plus différencié entre les affaires B2C d’une part et les affaires B2B d’autre part. Pour les affaires entre entreprises, ils réclament notamment une reconnaissance moins restrictive des accords individuels, l’abandon de la valeur indicative du catalogue de clauses interdites ainsi qu’un contrôle du contenu qui soit basé sur les bonnes pratiques des entreprises.

4. Les demandes de réformes plus poussées, notamment l’introduction d’un seuil de 1 million d’euros portant sur la valeur de l’objet du contrat et à partir duquel les contrats seraient exempts de contrôle, doivent être évaluées de façon critique, car elles se bornent trop apodictiquement à un seul point de vue.

5. Nonobstant le besoin de réforme décrit précédemment, le contrôle des AGB a globalement fait ses preuves dans les affaires entre entreprises en Allemagne et son maintien en l’état est justement réclamé par bon nombre de petites et moyennes entreprises.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Code civil allemand (BGB), § 138.
  • 2.
    BGB, § 242.
  • 3.
    BGB, § 308, 309.
  • 4.
    BGB, § 307.