Le renforcement de l’office du juge : analyse d’une réforme envisagée

Publié le 08/01/2019

L’un des récents rapports sur les chantiers de la justice prône le renforcement de l’office du juge dans un procès civil. Le juge serait alors contraint de relever d’office tout moyen de droit. D’apparence ambitieuse, cette obligation générale se voit vidée de sa portée par les tempéraments qui l’accompagnent. À l’inverse, une proposition subsidiaire du rapport invite à réfléchir à un véritable renforcement de l’office du juge à partir de la notion d’ordre public.

L’office du juge en question. Le juge « tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables »1. Le principe est incontesté, les adages bien connus, le juge connaît le droit2, il dit le droit3. Pourtant, l’étendue de son office et son articulation avec le rôle des parties dans un procès civil sont au cœur de débats sans cesse renouvelés. Dernièrement, l’un des rapports sur les « chantiers de la justice »4, qui vise notamment à « repenser les droits et devoirs des acteurs du procès », envisage le « renforcement de l’office du juge »5. Cette proposition invite naturellement à s’interroger sur l’évolution de cet office, partant de l’état du droit positif en la matière.

L’état du droit positif. Toute entreprise de systématisation de l’office du juge s’avère délicate, quand bien même l’analyse s’arrêterait aux seules juridictions de première instance.

Cette analyse invite à observer plus généralement les pouvoirs du juge dans l’introduction, la conduite et l’extinction de l’instance. Celui-ci « veille au bon déroulement de l’instance ; il a le pouvoir d’impartir les délais et d’ordonner les mesures nécessaires »6. À s’y pencher de plus près, les pouvoirs des juges du fond se teintent d’obligations, de facultés et d’interdictions d’agir d’office. Ainsi, le tribunal de grande instance doit relever d’office la caducité de l’assignation remise tardivement au greffe7 et l’irrecevabilité d’actes de procédure non remis par voie électronique8, sans que de telles obligations ne s’étendent au tribunal d’instance ou au tribunal de commerce9, devant lesquels la représentation n’est pas obligatoire. Moins contraignantes, d’autres dispositions offrent au juge la faculté de prononcer d’office la caducité de la citation ou le renvoi de l’audience en l’absence de comparution du défendeur10. Disposant de larges pouvoirs lors de la mise en état de l’affaire puis du déroulement des débats, le juge peut notamment d’office ordonner toutes les mesures d’instruction légalement admissibles11, concilier les parties12, sanctionner leur absence de diligence par la radiation administrative de l’affaire13 ou prononcer la péremption de l’instance14. Les pouvoirs du juge dans la conduite de l’instance ont déjà fait l’objet de nombreuses évolutions et oscillent au gré de vents contraires, qui tantôt les renforcent tantôt les allègent. Ainsi, un mouvement général de contractualisation du droit tend à diminuer ces pouvoirs au profit de la volonté des parties15. S’inscrivant dans cette lignée, pourraient prochainement apparaître les actes de procédure d’avocats, qui lieraient le juge quant aux faits à prouver en vue de la résolution du litige16. À l’inverse, le juge est de plus en plus associé à la mise en œuvre d’un véritable « management judiciaire »17, qui milite pour un activisme croissant au service d’une bonne administration de la justice, pouvant prendre le pas sur les attentes des justiciables. Par exemple, le décret du 6 mai 2017 lui donne la faculté de constater d’office la péremption d’instance auparavant exclusivement entre les mains des parties18.

En ce qui concerne plus précisément le litige qui lui est soumis, le juge peut relever d’office son incompétence uniquement dans des hypothèses définies, notamment en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas19. Il peut relever d’office l’exception de litispendance20. Il doit relever d’office les exceptions de nullité d’ordre public21 mais a une faculté de relever d’office la nullité pour défaut de capacité d’ester en justice22, ainsi que l’irrecevabilité de la défense ne contenant pas les éléments d’identification prescrits du défendeur23. Le juge doit relever d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours24. Il peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée25. Il lui est en revanche interdit de relever d’office le moyen tiré de la prescription de l’action en justice26.

L’office du juge est renforcé dans le cadre d’un litige transfrontière lorsque les règlements européens s’appliquent. Il a ainsi l’obligation de relever d’office son incompétence : en matière civile et commerciale lorsque les juridictions d’un autre État membre sont exclusivement compétentes ou lorsque le défendeur domicilié dans un État membre ne comparaît pas27 ; en matière familiale lorsque sa compétence n’est pas fondée aux termes du règlement européen applicable, si la juridiction d’un autre État membre est compétente28 ; si le litige est relatif à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité29. Le juge est également tenu de relever d’office une situation de litispendance30.

L’office du juge au regard de la matière litigieuse a plus généralement été façonné par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans un arrêt Dauvin du 21 décembre 200731. Interprétant l’article 12 du Code de procédure civile, la Cour a estimé que « si [cet article] oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes »32. Le juge doit qualifier juridiquement les faits et actes invoqués par les parties, le cas échéant rectifier toute qualification erronée, mais il n’est pas tenu de substituer au raisonnement juridique présenté par les parties un autre raisonnement, quand bien même ce dernier se révélerait plus approprié au vu de leurs prétentions.

La jurisprudence Dauvin a suscité de vives critiques, d’abord pour sa complexité, étant donné l’absence de différence de nature entre la (re)qualification et la substitution d’une règle de droit à celle invoquée33 ; ensuite au nom du principe d’égalité devant la justice, les justiciables étant traités différemment selon la diligence du juge en charge de leur litige. La souplesse dont fait preuve la Cour de cassation à l’égard des juges du fond contraste avec les obligations croissantes pour les parties de formuler les moyens de droit au soutien de leurs prétentions34. La jurisprudence Dauvin, pragmatique, permet à l’inverse d’éviter aux « professionnels du pourvoi »35 de reprocher aux juges du fond de ne pas avoir relevé d’office tel ou tel moyen de droit. Elle s’accorde avec une conception renouvelée de l’office du juge et des parties, davantage contraignante pour ces dernières, dans laquelle les parties doivent apporter les faits et le droit du litige au juge qui leur délivre un jugement36.

En principe, le juge n’a pas l’obligation de relever d’office d’autres moyens de droit que ceux soulevés par les parties, quand bien même un raisonnement juridique différent devait s’avérer plus pertinent au regard de l’objet de leur litige. Toutefois, lorsque le litige porte sur une situation internationale, le juge a l’obligation de relever d’office la règle de conflit, à savoir le moyen tiré de l’application de la loi étrangère, si les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits37. Par ailleurs, la jurisprudence européenne l’a contraint à relever d’office différentes règles protectrices du consommateur38. Enfin, des obligations ponctuelles résident dans diverses conventions internationales, à l’instar de conventions bilatérales qui obligent le juge à examiner d’office les conditions de régularité d’une décision étrangère39.

L’urgente nécessité de repenser l’office du juge. Au-delà du rapport précité sur les « chantiers de la justice », une décision récente de la Cour de cassation invite à repenser l’office du juge. Dans un arrêt du 7 juillet 2017, la Cour de cassation a en effet posé en attendu de principe : « si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux »40. Dans le communiqué attaché à cette décision, la Cour de cassation précise « vouloir accroître l’office du juge lorsqu’il s’agit de la protection des consommateurs ». Cette évolution était pressentie par un arrêt antérieur du 19 février 2014, dans lequel la Cour avait censuré la décision d’une juridiction de proximité à qui il « incombait de faire application, au besoin d’office, des dispositions d’ordre public relatives à la garantie légale de conformité »41, celles-ci étant issues d’une directive européenne42.

La protection des consommateurs relève d’une compétence partagée de l’Union européenne avec les États membres43, ce qui signifie que les normes européennes côtoient dans l’ordre juridique interne des normes nationales. Distinguer les deux peut s’avérer ardu dès lors que les règles issues du droit de l’Union européenne, transposées, se fondent aux côtés de leurs homologues de droit national44. La question se pose également de cantonner l’obligation du juge aux seules règles de source européenne protectrices du consommateur. La décision du 7 juillet 2017 pourrait ainsi être rapprochée d’un arrêt de 2009, dans lequel la Cour de cassation avait précisé que « la méconnaissance des dispositions d’ordre public du Code de la consommation peut être relevée d’office par le juge »45. Obligation de relever d’office les règles d’ordre public protectrices du consommateur de source européenne, simple faculté pour celles d’origine interne, l’hypothèse d’une dualité de régimes au service d’un même objectif peine à convaincre. De plus, est-il justifié de cantonner à la seule protection du consommateur l’obligation pour le juge de relever d’office certains moyens de droit ? Cette même logique ne pourrait-elle pas être transposée à la protection du salarié ou de l’assuré en matière contractuelle, voire à la protection du mineur ou du majeur vulnérable ? Ou à d’autres catégories de personnes ? La Cour de cassation a ainsi récemment consacré une obligation pour le juge de relever d’office la loi du 5 juillet 198546 applicable aux accidents de la circulation47.

Par ailleurs, le prisme de la protection de l’une des parties au litige pourrait laisser place au seul souci de garantir l’impérativité des règles en cause. À cet égard, la décision du 7 juillet 2017 met en exergue l’impérativité des règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux, dont peuvent se prévaloir des professionnels victimes. Cette réalité semble oubliée en présence d’un agriculteur confronté à un géant de l’industrie agrochimique, mais celui-ci n’en reste pas moins un professionnel, victime du produit lors de l’ouverture d’une cuve de traitement. La décision du 7 juillet 2017 reflète par la même occasion les limites de la notion de consommateur, dont la définition varie en fonction de l’instrument concerné. D’autres obligations pourraient ainsi naître à l’avenir et se détacher davantage encore de la protection de tel ou tel justiciable particulier. En tout état de cause, la décision du 7 juillet 2017 de la chambre mixte de la Cour de cassation invite à réfléchir plus largement au renforcement à venir de l’office du juge.

Critiques énoncées par le rapport et rupture annoncée. Plusieurs illustrations à l’appui, le rapport précité sur les « chantiers de la justice » fait état d’un « dispositif [qui] manque indiscutablement de cohérence. Il apparaît peu lisible pour les justiciables, voire pour certains des acteurs du monde judiciaire, qui peuvent avoir du mal à comprendre pourquoi le juge peut demander des explications aux parties, proposer une nouvelle qualification des faits, demander une recherche de la loi étrangère, ou encore soulever une fin de non-recevoir ou exception de nullité d’ordre public, mais s’abstenir de relever un moyen de droit »48. C’est finalement moins la question de la cohérence que la passivité du juge qui est critiquée dans le rapport. Celui-ci entend se démarquer de la décision Dauvin précitée.

À cette fin, deux propositions sont avancées, la seconde étant présentée comme plus ambitieuse que la première : l’une consiste à consacrer la jurisprudence Dauvin, laissant au juge une faculté de relever d’office les moyens de droit applicables au litige ; l’autre mue cette faculté en véritable obligation. Cette seconde proposition est toutefois assortie de tempéraments : « le juge n’aurait pas l’obligation de relever les moyens mélangés de fait et de droit, ni de changer le fondement des prétentions, dès lors que les parties n’ont pas spécialement attiré son attention sur un fait »49. Or, ces tempéraments risquent de vider de toute portée l’obligation générale du juge de relever d’office les moyens de droit. À la première proposition s’ajoute également une précision : la faculté pour le juge de relever d’office les moyens de droit pourrait s’accompagner « de l’énumération, dans les textes, des moyens d’ordre public que le juge serait tenu de relever d’office »50. La référence à l’ordre public invite à s’interroger sur sa place dans un éventuel renforcement de l’office du juge. Ces deux propositions méritent ainsi d’être analysées à l’aune de leurs précisions. Dès lors, après avoir démontré en quoi la proposition présentée comme plus ambitieuse d’un renforcement général de l’office du juge ne représente qu’un faux-semblant (I), il convient de réfléchir sur un éventuel renforcement de l’office du juge à partir de la notion d’ordre public (II).

I – La réforme envisagée : un renforcement de l’office du juge en faux-semblant

D’apparence ambitieuse, la proposition avancée d’une obligation générale de relever d’office les moyens de droit doit être mise à l’épreuve de ses tempéraments : « le juge n’aurait pas l’obligation de relever les moyens mélangés de fait et de droit, ni de changer le fondement des prétentions, dès lors que les parties n’ont pas spécialement attiré son attention sur un fait »51. En excluant les moyens mélangés de fait et de droit (A) et en se limitant aux faits « spécialement » invoqués par les parties (B), l’obligation générale pour le juge de relever d’office les moyens de droit se voit vidée de sa portée.

A – L’exclusion discutable des moyens mélangés de fait et de droit

Les moyens de (pur) droit seuls concernés. Il est précisé dans le rapport précité sur les « chantiers de la justice » que « le juge n’aurait pas l’obligation de relever les moyens mélangés de fait et de droit ». La notion de moyen est mise en avant sans précision sur ce qu’elle recouvre. Longtemps discuté notamment quant à son articulation avec la notion de cause52, le moyen s’entend d’un énoncé factuel ou juridique à l’appui d’une prétention53. Toutefois, révélateur d’une réalité plus complexe, le critère d’identification du moyen est bien « [l]’existence d’un raisonnement juridique mis en œuvre afin d’aboutir à une conclusion »54. Image parlante, « [l]e moyen est noué lorsque les faits utiles ont trouvé la règle applicable »55. Cette notion de moyen invite dès lors à appréhender avec prudence la distinction entre moyen de droit et moyen de fait, le droit et le fait s’entremêlant au service d’un même raisonnement juridique.

Plus précisément, le rapport distingue les moyens mélangés de fait et de droit, ceux de droit et ceux de pur droit, ajoutant ne pas vouloir « s’arrêter à la distinction entre moyen de droit et moyen de pur droit »56. Cette distinction supplémentaire rappelle l’ancien article 12, alinéa 3, du Code de procédure civile, suivant lequel « le juge peut relever d’office les moyens de pur droit ». Cette disposition fut abrogée par le Conseil d’État dans une décision du 12 octobre 197957. La référence aux moyens de pur droit fut déjà critiquée en son temps et associée à une « inadvertance » du législateur58. En effet, « on saisit mal la nuance qui peut distinguer le [moyen de pur droit] du [moyen de droit]. Ou bien le moyen est de pur droit – ou de droit, selon l’expression choisie –, ou bien il ne l’est pas. Dans la première hypothèse, il ne saurait y avoir de degrés dans sa « pureté » juridique et, que sa dénomination soit « de droit » ou « de pur droit », le moyen dont il s’agit est le même »59. Il suffit alors d’opposer à la catégorie des moyens mélangés de fait et de droit celle des moyens de (pur) droit.

Cette opposition est classique devant la Cour de cassation. En effet, les parties ne peuvent se prévaloir d’une argumentation juridique reposant sur des faits n’ayant pas préalablement été constatés par les juges du fond. Logiquement, « [u]ne définition rigoureuse s’impose ici, afin que la Cour n’en vienne pas à connaître du fond des litiges, à contrôler l’applicabilité de la règle nouvelle à des faits qui n’auraient pu être ni discutés ni appréciés »60. Reprenant les propos d’un ancien conseiller à la Cour de cassation, la juridiction suprême doit avoir recours « exclusivement à des faits ou documents qui figurent dans la décision attaquée et que les juges du fond ont tenus pour établis »61. Cette appréciation est nécessairement casuistique et requiert d’observer le contenu de chaque décision faisant l’objet d’un pourvoi en cassation62. En tant que telle, la distinction entre moyens de droit et moyens mélangés de fait et de droit n’est pas transposable devant les juridictions du fond.

L’office des juges du fond et la difficulté d’isoler les moyens de (pur) droit. L’ancien article 12 alinéa 3 du Code de procédure civile permettait au juge de relever d’office uniquement les moyens de pur droit. Toutefois, l’analyse de son application jurisprudentielle, qui met seulement en avant l’obligation pour le juge d’inviter les plaideurs à présenter leurs observations, ne permet pas d’identifier ce qui était entendu par moyen de pur droit devant les juges du fond63. Or, la distinction entre moyen de (pur) droit et moyen mélangé de fait et de droit apparaît des plus délicates. En introduisant un moyen de droit dans le débat, le juge substitue à l’argumentation des parties un autre raisonnement, pouvant le cas échéant s’écarter de la qualification opérée par les parties. Cet énoncé influence nécessairement l’appréciation des faits du litige en suscitant une autre perception des faits pertinents. Reprenant les propos des doyens Solus et Perrot, « [l]e fait et le droit évoluent au cours d’un procès en constante harmonie »64. La difficulté qui en découle à isoler des moyens de (pur) droit explique que certains auteurs le caractérisent comme celui qui s’applique aux seuls faits déjà présentés devant les juges ou pris en considération par eux65 là où d’autres l’entendent plus largement comme celui qui s’applique aux faits se trouvant dans le débat, dont le juge a pu avoir connaissance66. Le rapport ne précise pas, quant à lui, ce qu’il entend par moyen de droit.

En revanche, il ajoute par la suite que l’obligation du juge de relever d’office ne s’applique qu’aux faits sur lesquels les parties auraient « spécialement attiré [l’attention du juge] »67, adoptant par ce biais une approche particulièrement restrictive.

B – La limitation problématique aux faits « spécialement » allégués

L’actuelle délimitation des faits appréhendés par le juge. Conformément à l’article 7 du Code de procédure civile, lui-même « consécration par les auteurs du décret de 1971 d’une jurisprudence déjà cinquantenaire »68, le juge a l’interdiction de se fonder sur des faits qui ne sont pas dans le débat. Cet encadrement se justifie par les intérêts privés en présence : le juge ne dispose pas de la matière litigieuse, il ne lui appartient pas de susciter ou nourrir le différend entre les parties. Il doit par conséquent se saisir des seuls faits apportés par les parties. En revanche, il lui est loisible d’« inviter les parties à fournir les explications de fait qu’il estime nécessaires à la solution du litige », suivant l’article 8 du même code. D’emblée perçu comme « un moyen d’agression puissant contre le monopole donné aux parties d’alléguer le fait »69, ce pouvoir donné au juge trouve ses limites dans le principe dispositif et le cadre posé par les prétentions des parties. Le juge ne peut substituer d’autres demandes à celles portées devant lui, il ne peut modifier l’objet du litige. Parmi les faits dans le débat pouvant être pris en considération par le juge, figurent les faits « spécialement invoqués » par les parties et les faits « adventices »70, apportés par les parties mais qui ne sont pas spécialement allégués au soutien de leurs prétentions. L’ensemble de ces faits prend place au sein d’un « panier » dans lequel le juge puise sa décision71. Sont ainsi visés tous les faits dont le juge a pu légitimement prendre connaissance, parce qu’ils résultent des allégations plus générales des parties ou des pièces versées au débat.

À cet égard, la proposition d’obliger le juge à relever d’office les moyens de droit, limitée aux faits sur lesquels les parties ont « spécialement attiré son attention », interroge. Le juge n’est-il pas déjà contraint de relever d’office les moyens de droit s’appliquant aux faits expressément invoqués par les plaideurs72 ? Une telle obligation découlerait de l’article 12 du Code de procédure civile qui l’oblige à trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux. Par ailleurs, les solutions actuelles qui contraignent le juge à relever d’office certains moyens de droit ne limitent pas cette obligation aux faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions mais l’étendent bel et bien aux faits adventices.

Les actuelles obligations de se saisir des faits dans le débat. Lorsqu’il est fait obligation au juge de relever d’office une fin de non-recevoir d’ordre public, telle celle résultant de l’inobservation d’un délai de recours, celui-ci doit être mis à même de la constater. Ce constat peut être opéré à partir des pièces produites au débat, sans que les parties n’aient spécialement attiré l’attention du juge sur le point de départ du délai de recours73 ; le cas échéant, il appartient au juge de s’assurer de la régularité de la notification d’une décision, qui marque ce point de départ74.

La Cour de cassation a pu entretenir l’ambiguïté quant aux faits devant être appréhendés par le juge. Dans trois arrêts du 18 septembre 2008, elle a ainsi précisé que « si les juges du fond sont tenus de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la forclusion (…) lorsque celle-ci résulte des faits soumis leur examen, c’est à la partie intéressée qu’il incombe d’invoquer et de prouver ces faits »75. L’obligation pour le juge semble ici limitée aux seuls faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. Toutefois, la Cour de cassation a ajouté plus largement dans ces mêmes arrêts que la partie « n’avait invoqué aucun fait propre à caractériser [la forclusion] ». La jurisprudence ultérieure se situe dans cette lignée : à défaut de se prévaloir directement de la forclusion, les parties doivent invoquer les faits propres à la caractériser76. Par conséquent, le juge doit disposer dans le débat des faits nécessaires pour pouvoir caractériser la forclusion, sans que la partie intéressée n’ait nécessairement attiré son attention à cet égard. Toute autre interprétation conduirait à vider de sa portée une obligation pour le juge d’agir d’office, ce dernier devant uniquement répondre aux conclusions des parties. Cette jurisprudence peut néanmoins être critiquée pour son caractère restrictif, puisqu’elle fait reposer l’obligation du juge sur les seules allégations des parties et non pas les pièces versées au débat, qui auraient pu révéler la forclusion en question.

Par ailleurs, le droit de l’Union européenne a fait peser diverses obligations sur le juge, à l’instar du désormais topique relevé d’office du caractère abusif de clauses contractuelles. L’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice sur ce point a transformé la faculté initiale aux mains du juge77, y compris en présence d’une législation nationale contraire78, en véritable obligation79, constamment réaffirmée depuis lors80. Cette obligation existe « dès [que le juge] dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet »81. Dans cette lignée, l’article R. 632-1 du Code de la consommation prévoit : « [le juge] écarte d’office (…) l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Les éléments du débat, connus du juge, ne sauraient se limiter aux faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. La jurisprudence européenne est allée plus loin encore : d’une part, elle assortit cette obligation de relevé d’office d’une obligation préalable pour le juge national de « prendre d’office des mesures d’instruction afin d’établir si [la clause concernée] entre dans le champ d’application de la directive »82 ; d’autre part, elle adopte une conception restrictive de l’autorité de chose jugée, qui ne fait pas échec à un recours ultérieur sur d’autres clauses d’un même contrat83.

Similairement, l’obligation pour le juge récemment consacrée de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, s’étend aux « faits dont [le juge] est saisi »84. Par conséquent, l’obligation de relever d’office les moyens de droit, telle qu’elle est actuellement entendue, recouvre l’ensemble des faits dans le débat et ne saurait se limiter aux faits sur lesquels les parties ont spécialement attiré l’attention du juge. Il est à cet égard révélateur, lorsque dans le rapport précité sur les « chantiers de la justice » sont cités en exemples les États voisins de la France – Allemagne, Belgique et Royaume-Uni, que soit mentionnée leur obligation d’« appliquer d’office la règle de droit commandée par les faits de la cause »85. Commandée par les faits de la cause, non pas limitée aux faits spécialement invoqués par les parties.

Transition. Une obligation pour le juge de relever d’office les moyens de droit, limitée aux faits sur lesquels les parties « auraient spécialement attiré » son attention, se révèle ainsi plus restrictive que les actuelles obligations du juge. En vue de renforcer l’office du juge, faut-il pour autant admettre une obligation générale de relever d’office les moyens de droit que les faits dans le débat permettent de caractériser ? Le rapport expose les « fortes réserves, exprimées par les juridictions comme par les organisations syndicales »86 auxquelles se heurte la généralisation de l’obligation de relever d’office : d’une part, un transfert de responsabilité des avocats vers les juges, qui ne sont pas en mesure de l’assumer en l’état de leur charge de travail ; d’autre part, un nouveau contentieux susceptible d’être généré, portant sur la méconnaissance alléguée de cette obligation par le juge. La recherche d’une solution intermédiaire conduit à s’interroger sur un éventuel renforcement de l’office du juge à partir de la notion d’ordre public.

II – Réflexions sur un renforcement de l’office du juge à partir de la notion d’ordre public

Évoquée par le rapport précité sur les « chantiers de la justice », l’obligation de relever d’office les seuls moyens d’ordre public invite à réfléchir à une solution intermédiaire satisfaisante afin de renforcer l’office du juge sans trop l’alourdir. Il apparaît alors pertinent de s’interroger plus largement sur la reprise de l’ordre public comme critère de l’office du juge (A) avant d’envisager une redéfinition plus générale de son office à partir de la notion d’intérêt général (B).

A – L’ordre public comme critère de l’office du juge ?

L’ordre public, emploi et déclin d’un critère déterminant de l’office du juge. La notion d’ordre public est directement mentionnée dans différentes dispositions du Code de procédure civile en lien avec l’office du juge. Il en va ainsi de l’article 76, qui fait état des règles de compétence d’attribution d’ordre public pouvant être relevées d’office. L’article 1038 est porteur à cet égard d’une véritable obligation : « Les exceptions de nationalité et d’extranéité ainsi que celle d’incompétence pour en connaître sont d’ordre public. Elles (…) doivent être relevées d’office par le juge »87. Par ailleurs, l’article 120 oblige le juge à relever d’office les exceptions de nullité, même si en pratique, rares en sont les illustrations jurisprudentielles. L’exigence d’habilitation du syndic par une délibération de l’assemblée générale des copropriétaires pour intenter une action en justice au nom du syndicat des copropriétaires fut un temps considérée comme telle88, avant que la Cour de cassation ne revienne sur cette qualification89. Ainsi qu’exposé, « [l]es règles sanctionnées par une exception de procédure sont tenues pour moins importantes que celles que sanctionne une fin de non-recevoir. Le législateur y voit volontiers, et non sans quelque raison, un refuge de la chicane. Aussi est-il de principe que le juge ne peut soulever d’office l’inobservation de ces règles (…). [L’article 120] n’est doté que d’un domaine d’application très restreint. En pratique, il n’intéresse guère que le défaut de pouvoir d’un représentant de l’État ou d’une collectivité publique »90. Les fins de non-recevoir d’ordre public, devant être relevées d’office conformément à l’article 125, résultent notamment de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Par ailleurs, la Cour de cassation a caractérisé comme telles les règles déterminant la seule compétence du comptable public pour délivrer un titre de perception d’impôts91 et le pouvoir juridictionnel exclusif de la cour d’appel de Paris pour statuer en appel dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce92. En ce qui concerne la motivation d’un recours, elle a estimé que le défaut de motivation d’un contredit constituait une fin de non-recevoir d’ordre public93. La Cour de cassation a précisé par ailleurs qu’« en matière d’état des personnes, les fins de non-recevoir ont un caractère d’ordre public »94. Ces diverses illustrations permettent de distinguer un ordre public qui se rattache aux règles essentielles d’organisation et de fonctionnement de la justice civile95 ou se rapporte aux droits subjectifs portés en justice. Difficile pour autant d’envisager une distinction claire entre ordre public procédural et ordre public substantiel, l’ordre public procédural étant principalement un ordre public de protection d’intérêts privés96.

Dans l’ordre administratif, le juge a l’obligation de relever d’office les moyens d’ordre public. Ceux-ci portent sur les règles relatives à la compétence des juridictions et la recevabilité des recours97. Il en existe également de nombreux concernant la matière litigieuse, identifiés par le Conseil d’État, de portée générale ou davantage spécifiques98. Parmi ces derniers figure le moyen tiré de la responsabilité sans faute99 et « le moyen tiré du principe qu’une personne, publique ou privée, ne peut pas être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas »100, ce qui implique notamment le moyen tiré de l’absence de préjudice101 ou de lien direct de causalité102. Le moyen tiré de la nullité d’un contrat est également d’ordre public, par exemple en cas de défaut de consentement103 ou d’illégalité des stipulations convenues104.

Devant le juge judiciaire, la référence aux moyens d’ordre public a fait l’objet d’un déclin certain au profit de la seule référence aux moyens de droit105. Éminemment fluctuante et mystérieuse106, diffuse et fuyante107, protéiforme108, la notion d’ordre public suscite à juste titre la méfiance. Par ailleurs, au-delà de la difficulté à en définir les contours, cette notion est peu employée en raison de l’absence de régime procédural spécifique, contrairement à l’usage qui en est fait devant le juge administratif. Le nouveau Code de procédure civile, issu de la réforme opérée par le décret du 9 septembre 1971109, a en effet entendu ne faire aucune différence entre moyen de droit et moyen d’ordre public au stade du relevé du moyen. L’article 16 du nouveau Code de procédure civile prévoyait pourtant initialement que « le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit, autres que d’ordre public, qu’il a relevés d’office (…) sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ». Il soustrayait ainsi à la contradiction des parties les moyens d’ordre public. Ces mots « autres que d’ordre public » ont disparu du texte en vertu du décret du 20 juillet 1972110, alignant le régime des moyens d’ordre public sur celui des moyens de droit111. Le critère de l’ordre public aurait par conséquent vocation à reprendre toute son importance aux fins de distinguer la faculté de l’obligation de relever d’office les moyens de droit. Or, en se référant aux « règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne »112 devant être relevées d’office par le juge, la Cour de cassation invite dans sa décision précitée à la reprise du critère.

Contours traditionnels de l’ordre public et office du juge. La difficulté de déterminer les contours de l’ordre public ne doit pas faire perdre de vue l’idée essentielle contenue dans cette notion : la protection d’un intérêt général, qui doit prévaloir sur des intérêts privés éventuellement contraires. Cet intérêt général peut résider dans la sauvegarde d’intérêts particuliers, à l’instar de l’ordre public dit « de protection », tourné vers la défense d’intérêts catégoriels. De nombreux auteurs relevaient ainsi il y a déjà plus de 20 ans l’« essor d’un ordre public social de protection dont les règles ont pour objectif de sauvegarder les intérêts de certaines catégories de contractants en situation d’infériorité, par exemple les salariés ou les consommateurs »113. Sans se cantonner à ces catégories, l’ordre public de protection s’applique chaque fois que l’intérêt général implique la défense d’intérêts catégoriels.

Cette opposition entre ordre public et intérêts privés conduit à une distinction traditionnelle entre règles impératives et règles supplétives. Reprenant la définition de Planiol, « une disposition est d’ordre public toutes les fois qu’elle est inspirée par des considérations d’intérêt général qui se trouveraient compromises si les particuliers étaient libres d’empêcher l’application de la loi »114. Les règles d’ordre public sont les règles auxquelles les parties ne peuvent déroger. Il s’agit là de la vision traditionnelle de l’ordre public, applicable également à l’office du juge115, qui pourrait être reprise pour déterminer les moyens devant être relevés d’office. À cet égard, le droit international privé pourrait servir de guide, dans la mesure où le juge a l’obligation de relever d’office la règle de conflit lorsque les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits116. Toutefois, cette distinction traditionnelle entre droits disponibles et droits indisponibles fait depuis longtemps l’objet de critiques, tenant tant à ses difficultés de mise en œuvre qu’à sa pertinence117. Un nouveau système a pu être proposé, obligeant le juge à relever d’office la règle de conflit de lois en toute hypothèse, dès lors que l’élément d’internationalité est dans la cause, les parties devant ensuite conclure sur le droit applicable118. Plus largement, la disponibilité des droits ne devrait pas constituer le vecteur de l’office du juge. L’éventuel renforcement de son office invite en effet à s’affranchir de la notion d’ordre public pour redéfinir l’office du juge à partir de l’intérêt général, notion qui lui est sous-jacente.

B – Essai d’une redéfinition de l’office du juge à partir de l’intérêt général

L’intérêt général conditionnant l’intervention du juge : pallier l’ignorance des parties. La disponibilité des droits, qu’elle permette aux parties de renoncer à des droits, de transiger ou de soumettre leur différend à l’arbitrage, ne doit pas avoir de conséquences en tant que telle sur l’office du juge. En effet, il n’apparaît pas contradictoire d’obliger le juge à relever d’office un moyen de droit tout en permettant aux parties de s’accorder pour l’écarter par la suite. Les parties en ont pris connaissance, prennent conscience de ce à quoi elles renoncent et affirment leur liberté d’opérer un tel choix, le juge ne devant pas ici interférer avec leurs attentes. Or si le juge n’a pas préalablement introduit le moyen de droit concerné dans le débat, le doute subsiste quant à cette volonté réelle des parties.

Pour ces mêmes motifs, le juge ne devrait pas être dans l’impossibilité de relever d’office certains moyens de droit, comme c’est le cas à l’heure actuelle. En effet, le juge est empêché d’agir pour faire prévaloir la volonté des parties. Un auteur l’expose, à propos du moyen tiré de la prescription ou de certaines règles de compétence d’attribution, « [d]ans ces deux hypothèses, le Code semble présumer que les parties ont délibérément omis de relever d’office le moyen de droit et qu’elles ont ainsi manifesté leur accord tacite pour le contourner : il présume leur volonté de voir leur litige tranché par la justice malgré la prescription, ou encore celle de proroger conventionnellement la compétence. C’est alors la volonté du législateur ou du pouvoir réglementaire que de donner un sens à un comportement d’abstention des parties – abstention de relever un moyen »119. Dans le même sens, l’article 1126 du Code de procédure civile interdit au juge, saisi d’une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et statuant en présence du défendeur, de relever d’office le moyen tiré du défaut d’expiration du délai de deux ans de cessation de la communauté de vie entre les époux. Pour parvenir aux mêmes fins, il suffirait d’admettre la possibilité pour les parties de lier le juge quant à leur volonté de le voir trancher le litige, alors même que l’action est prescrite, qu’elle n’est pas recevable ou que le litige relève d’une autre juridiction, de la même façon qu’elles peuvent actuellement, pour les droits dont elles ont la libre disposition, le lier par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat120. Sans accord contraire des parties, le juge disposerait toujours de la faculté de relever d’office les moyens de droit. Il pourrait par ailleurs dans certaines hypothèses être dans l’obligation de relever d’office certains moyens de droit.

L’intérêt général façonnant l’intervention du juge : renverser l’issue du litige. L’office du juge mérite d’être articulé avec le principe qui jalonne son intervention, à savoir le principe dispositif. Le juge est tenu par les termes du litige. Il a ainsi pu être avancé que « [l]’essentiel, pour qu’il n’y ait pas de modification de l’objet du litige, réside dans le fait que le juge ne modifie pas le résultat économique et social recherché par les parties »121. Si ce même raisonnement est transposé à son obligation de relever d’office un moyen de droit, celle-ci serait présente lorsque le moyen de droit, malencontreusement omis par les parties, permet ou à l’inverse fait obstacle au résultat économique et social qu’elles recherchent. Par conséquent, il ne s’agit pas d’identifier une liste de moyens d’ordre public devant être relevés d’office en toute hypothèse, mais de contraindre le juge à relever d’office un moyen de droit dans un litige déterminé en raison des conséquences qu’il suscite dans le débat. L’intérêt général justifierait l’intervention du juge uniquement lorsque cette intervention s’avère déterminante pour l’issue du litige. Ainsi, le juge aurait l’obligation de relever d’office les règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux si la victime ne peut obtenir réparation sur le fondement qu’elle invoque, par exemple si la responsabilité est contractuelle et qu’une clause élusive de responsabilité fait échec à sa demande en réparation. En revanche, si une indemnisation même moindre demeure possible sur le fondement invoqué par l’une des parties, un tel devoir ne pèserait pas sur le juge, son intervention ne s’avérant pas déterminante pour l’issue du litige. Similairement, le juge aurait l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause uniquement si l’annulation de la clause fait obstacle à l’exécution du contrat recherchée en justice. Dès lors, l’intervention du juge serait conditionnée par son degré d’importance, lié aux conséquences du moyen de droit omis dans la détermination des droits et devoirs des parties. Seront au contraire écartés les moyens de droit, non soulevés par les parties, qui ne bouleversent pas l’issue du litige, et ce même s’ils conduiraient à un résultat quelque peu différent. En toute hypothèse, l’intervention du juge nécessiterait que le moyen de droit en cause puisse se déduire des faits présents dans le débat. Il incomberait au demandeur au pourvoi de démontrer qu’un autre fondement juridique, non relevé d’office, aurait renversé l’issue du litige, pour que les juges du fond concernés puissent encourir une censure de la Cour de cassation. Ainsi, il ne s’agit pas d’identifier in abstracto des moyens d’ordre public. Seuls de rares moyens devront en toute hypothèse être relevés d’office, tels ceux qui résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours.

Le renforcement de l’office du juge dépendrait certes de litiges déterminés. Toutefois, la Cour de cassation fait elle-même preuve d’un certain pragmatisme, lorsqu’elle développe en droit international privé l’exception d’équivalence : « l’équivalence entre la loi appliquée et celle désignée par la règle de conflit – en ce sens que la situation de fait constatée par le juge aurait les mêmes conséquences juridiques en vertu de ces deux lois – justifie la décision qui fait application d’une loi autre que la loi compétente »122. En validant la décision fondée sur une loi dont les conséquences juridiques sont équivalentes, même s’il ne s’agit pas de la loi qui aurait dû être appliquée à l’issue du raisonnement conflictualiste, l’exception d’équivalence permet d’atténuer la rigueur de l’obligation pour le juge de relever d’office l’application de la loi étrangère lorsque les droits sont indisponibles. S’inspirant dans une certaine mesure de cette solution, les juges du fond n’auraient pas l’obligation de relever d’office le moyen de droit qui conduit à un résultat « équivalent » à celui attendu par les parties, qu’il s’agisse d’accorder ou de faire échec à leurs prétentions. L’office du juge se trouverait par ce biais renforcé sans trop alourdir sa tâche, au service d’un rôle attendu au sein de la cité.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. CPC, art. 12.
  • 2.
    Suivant l’adage jura novit curia.
  • 3.
    Suivant l’adage da mihi factum, dabo tibi jus.
  • 4.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », in Beynel J.-F. et a. (dir.), Rapport sur les « Chantiers de la Justice », 2018, Documentation française, p. 81 et s. (rapport remis au ministère de la Justice en janvier 2018 et dont les référents sont Agostini F., présidente du TGI de Melun, et Molfessis N. professeur ; pour des commentaires, v. Brenner C., « La réforme de la procédure civile : un chantier de démolition ? », D. 2018, p. 361 ; v. égal. Amrani-Mekki S., « Les chantiers de la justice numérique, procédure civile et réseau des juridictions : le rationnel est-il toujours raisonnable ? », Gaz. Pal., 6 févr. 2018, n° 312x8, p. 67, ainsi que le dossier y afférent avec les réactions notamment de la Conférence nationale des présidents de TGI, du Syndicat de la magistrature et de l’Union syndicale des magistrats ; Théron J., « Améliorer et simplifier la procédure civile : comment regagner la confiance des justiciables ? Aperçu rapide », JCP G 2018, p. 237 ; Chainais C. et Lagarde X. (dir.), « Réformer la justice civile : séminaire de droit processuel – actes du colloque du 6 février 2018 », JCP G 2018 ; Guerlin G., « La procédure civile en chantier », RLDC 2018, p. 32 à 36, n° 158.
  • 5.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 6.
    V. CPC, art. 3.
  • 7.
    Devant le tribunal de grande instance, v. CPC, art. 757, al. 3 et CPC, art. 791, al. 3.
  • 8.
    V. CPC, art. 796-1, al. 1 ; est réservé le cas où l’acte ne peut être transmis pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit.
  • 9.
    V. CPC, art. 839, al. 2 pour le tribunal d’instance et CPC, art. 857, al. 2 pour le tribunal de commerce, qui précisent la « peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie ».
  • 10.
    V. CPC, art. 468 et CPC, art. 471.
  • 11.
    V. CPC, art. 10.
  • 12.
    V. CPC, art. 21.
  • 13.
    V. CPC, art. 470 : si aucune des parties n’accomplit les actes de la procédure dans les délais requis ; CPC, art. 82 : en cas de renvoi devant une juridiction compétente désignée, si aucune des parties ne constitue avocat.
  • 14.
    V. CPC, art. 388.
  • 15.
    V. Cadiet L. et Jeuland E., Droit judiciaire privé, 10e éd., 2017, Paris, LexisNexis, p. 14, n° 17.
  • 16.
    V. Amrani Mekki S., « L’acte de procédure d’avocats, signe d’une nouvelle ère de la procédure civile ? », in Bléry C. et Raschel L. (dir.), 40 ans après… une nouvelle ère pour la procédure civile, 2016, Paris, Dalloz, p. 17 à 29.
  • 17.
    V. Deharo G. et Sauviat A., « L’ambiguïté managériale » in Cadiet L. et a. (dir.), Mieux administrer pour mieux juger : essai sur l’essor et les enjeux contemporains de l’administration de la justice, 2014, Paris, IRJS, p. 69 à 88.
  • 18.
    V. CPC, art. 388, issu du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile, article 3.
  • 19.
    V. CPC, art. 74, al. 1(CPC, art. 92, anc.) ; sur la procédure d’injonction de payer, v. CPC, art. 1406, al. 3 ; v. égal. CPC, art. 93, sur l’incompétence territoriale pouvant être relevée d’office en matière gracieuse, cette faculté étant limitée en matière contentieuse aux litiges relatifs à l’état des personnes, où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas ; en présence d’une convention d’arbitrage, v. CPC, art. 1448.
  • 20.
    V. CPC, art. 100.
  • 21.
    . V. CPC, art. 120, al. 1.
  • 22.
    V. CPC, art. 120, al. 2.
  • 23.
    V. CPC, art. 59.
  • 24.
    V. CPC, art. 125.
  • 25.
    V. CPC, art. 125, al. 2.
  • 26.
    V. C. civ., art. 2247.
  • 27.
    V. règl. (UE) n° 1215/2012, 12 déc. 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), art. 27 et 28.
  • 28.
    V. règl. (CE) n° 2201/2003, 27 nov. 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, art. 17 abrogeant le règl. (CE) n° 1347/2000.
  • 29.
    V. règl. (UE) 2015/848, 20 mai 2015, relatif aux procédures d’insolvabilité (refonte), art. 4.
  • 30.
    V. règl. (UE) n° 1215/2012, 12 déc. 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), art. 29 ; v. égal. règl. (CE) n° 2201/2003, 27 nov. 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, art. 19.
  • 31.
    V. Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11343, Dauvin : JCP G. 2008, p. 10006, obs. Weiller L. ; D. 2008, p. 228, obs. Dargent L. ; D. 2008, p. 1102, note Deshayes O. ; RDI 2008, p. 102, obs. Malinvaud P ; RTD civ. 2008, p. 317, obs. Gautier P.-Y.
  • 32.
    V. Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11343, Dauvin.
  • 33.
    Reprenant les termes du doyen Motulsky, « dans les deux cas, le juge, tenu de statuer – d’office – sur les aspects juridiques des éléments de fait à lui soumis, traite les indications fournies par les parties sur ce terrain comme ce qu’elles sont : de simples suggestions et non pas des limitations » dans « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D. 1972, p. 100, n° 37.
  • 34.
    Si la saisine est faite par voie d’assignation et à peine de nullité pour vice de forme, v. CPC, art. 56, al. 2 ; sur les conclusions en matière contentieuse devant le tribunal de grande instance, v. CPC, art. 753, al. 1.
  • 35.
    L. Weiller, obs. précitées sous Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11343, Dauvin, JCP G 2008, p. 10006.
  • 36.
    V. Chainais C. et a., Procédure civile : Droit interne et européen du procès civil, 33e éd., 2016, Paris, Dalloz, p. 413 et 415, n° 544 et 545.
  • 37.
    Sur l’obligation de relever d’office la règle de conflit, v. Cass. 1re civ., 11 oct. 1988, n° 87-11198, Rebouh et Cass. 1re civ., 18 oct. 1988, n° 86-16631, Schule ; sur le maintien de cette obligation uniquement lorsque les droits sont indisponibles ou que la matière est soumise à une convention internationale ; v. égal. Cass. 1re civ., 4 déc. 1990, n° 89-14285, Coveco − sur l’abandon de cette exigence lorsque la règle de conflit est de source conventionnelle, v. Cass. 1re civ., 26 mai 1999, n° 96-16361, Mutuelle du Mans ; sur la pertinence de ce critère, v. dans la suite du texte : II A/ « L’ordre public comme critère de l’office du juge ? ».
  • 38.
    À cet égard, l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause est désormais codifiée à l’article R. 632-1 du Code de la consommation ; sur la jurisprudence européenne, v. réf. en note 36 : « La limitation problématique aux faits “spécialement” allégués » ; v. égal., sur l’office du juge en matière de contrat de crédit à la consommation, CJUE., 21 avr. 2016, n° C-377/14, Radlinger, ECLI: EU: C: 2016:283 ; dans cet arrêt, la Cour énonce plus généralement que « la protection effective du consommateur ne pourrait être atteinte si le juge national n’était pas tenu d’apprécier d’office le respect des exigences découlant des normes de l’Union en matière de droit de la consommation » (point 66).
  • 39.
    V. l’article 20, § 1 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 (pour une application, v. Cass. 1re civ., 21 sept. 2016, n° 14-29340) ; v. égal. l’article 4, § 1 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 (pour une application, v. Cass. 1re civ., 13 déc. 2017, n° 16-20810).
  • 40.
    V. Cass. ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25651 ; D. 2017, p. 1800, Bacache M. ; D. 2018, p. 35, obs. Brun P et a. ; D. 2018, p. 583, obs. Aubry et a. ; RTD civ. 2017, p. 829, obs. Usunier L. ; RTD civ. 2017, p. 872, obs. Jourdain P. ; RTD civ. 2017, p. 882, obs. Gautier P.-Y.
  • 41.
    V. Cass. 1re civ., 19 févr. 2014, n° 12-23519.
  • 42.
    V. dir. n° 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.
  • 43.
    V. TFUE, art. 4.
  • 44.
    V. dir. n° 85/374 du 25 juillet 1985, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux a ainsi été transposée par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 et se retrouve aux articles 1245 et suivants du Code civil ; v. égal. dir. n° 1999/44 du 25 mai 1999 a été transposée par l’ord. n° 2005-136 du 17 février 2005 et se retrouve aux articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation ; v. enfin dir. n° 2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs a été transposée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.
  • 45.
    V. Cass. 1re civ., 22 janv. 2009, n° 05-20176 :D. 2009, p. 908, note Piédelièvre S. ; JCP G 2009, p. 10037, note Lagarde X. ; la Cour de cassation mettait ainsi fin à une jurisprudence dans laquelle elle censurait les juges du fond qui relevaient d’office les dispositions du Code de la consommation, même lorsqu’elles étaient d’ordre public : v. entre autres Cass. 1re civ., 15 févr. 2000, n° 98-12713 ; Cass. 1re civ., 10 juill. 2002, n° 00-22199 ; Cass. 1re civ., 3 avr. 2007, n° 06-10468.
  • 46.
    V. L. n° 85-677, 5 juill. 1985, tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation
  • 47.
    V. Cass. 2e civ., 5 juill. 2018, n° 17-19738.
  • 48.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 49.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 50.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 51.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 52.
    Sur cette discussion, v. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 13 à 55.
  • 53.
    V. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 49 et p. 77, qui expose le moyen de droit comme l’« énonciation par une partie ou par le juge, d’un fait ou d’une règle de droit d’où l’on va déduire le bien-fondé d’une demande ou d’une défense ».
  • 54.
    V. Eudier F., Ordre public substantiel et office du juge, thèse, 1994, Rouen, p. 20, n° 14.
  • 55.
    V. Martin R., « Sur la notion de moyen », JCP G 1976, p. 2768, n° 11.
  • 56.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 57.
    V. CE, ass., 12 oct. 1979, nos 01875, 01905, et 01948 à 01951.
  • 58.
    V. Blanc E., « Principes généraux de la nouvelle procédure civile : étude analytique des “dispositions liminaires” du décret du 9 septembre 1971) », JCP G 1973, p. 2559.
  • 59.
    V. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 85 ; v. égal. Martin R., « Le fait et le droit ou les parties et le juge », JCP G 1974, p. 2625, note 28 : « L’adjectif “pur” apporte une précision en excluant expressément tout élément de fait, ce qui est bien dans la logique du système. Mais si on le supprimait, rien ne serait changé ».
  • 60.
    V. Normand J., « Le juge et le fondement du litige », in Mélanges P. Hébraud, p. 606 à 607, n° 20.
  • 61.
    V. Voulet J., « L’irrecevabilité des moyens nouveaux devant la Cour de cassation en matière civile », JCP G 1973, p. 2544, n° 20.
  • 62.
    Dans Boré J. et Boré L., La cassation en matière civile, 2016, Dalloz Action, p. 491, n° 82212, les auteurs mettent en garde : « La distinction du moyen de pur droit et du moyen mélangé de fait et de droit (…) repose nécessairement sur une appréciation d’espèce qui diminue la valeur doctrinale des précédents jurisprudentiels qui peuvent exister sur ce point ».
  • 63.
    V. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 84.
  • 64.
    V. Solus H. et Perrot R., Droit judiciaire privé, t. 3, 1991, Paris, Sirey, p. 95 à 96, n° 92.
  • 65.
    V. Normand J., Le juge et le litige, 1965, Paris, Pichon & Durand-Auzias, p. 212, n° 221 ; v. égal. Guinchard S. et a., Procédure civile, 2016, Dalloz, p. 417, n° 547.
  • 66.
    V. Boré L. et Boré J., La cassation en matière civile, 2016, Dalloz, Action, p. 491, n° 82211 : « Devant les juridictions de fond, le moyen de pur droit est celui qui ne met en jeu aucun fait qui ne soit dans le débat » ; v. déjà Martin R., « Le fait et le droit ou les parties et le juge », JCP G 1974, p. 2625, n° 29 : « Le juge du fond pourra introduire d’office dans le débat un élément de droit, et former un moyen nouveau en l’appliquant aux faits qui sont dans la cause ».
  • 67.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 68.
    V. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 69 ; de nombreuses décisions sont citées à l’appui : Cass. civ., 19 juin 1929 : S 1929, 1, 309 − Cass. 1re civ., 17 juin 1957, Bull. civ. I, n° 281, p. 226 − Cass. 2e civ., 16 janv. 1963, Bull. civ. II n° 54, p. 40 − Cass. 2e civ., 23 janv. 1963 : Bull. civ. II, n° 74, p. 55 − Cass. 2e civ., 21 janv. 1965 : Bull. civ. II, n° 61, p. 43 ; à titre presque anecdotique, l’auteur isole néanmoins la jurisprudence relative au divorce, la Cour de cassation refusant que le juge relève d’office une faute de l’un des époux pour prononcer le divorce à ses torts exclusifs (Cass. 2e civ., 27 janv. 1983 : Bull. civ. II, n°24, p. 17 − Cass. 2e civ., 18 févr. 1966 : Bull. civ. II n°229, p. 166).
  • 69.
    Martin R., « Le fait et le droit ou les parties et le juge », JCP G 1974, p. 2625, n° 27.
  • 70.
    Motulsky H., « La cause de la demande dans la délimitation de l’office du juge », D. 1964, p. 238, n° 12.
  • 71.
    Métaphore attribuée à C. Parodi, qui se référait à un « cageot » et non à un panier (L’esprit général et les innovations du Code de procédure civile, 1976, Defrénois, p. 50, n° 30) ; v. Bolard G., « Les faits tirés du dossier », in Justice et droits fondamentaux, études offertes à Jacques Normand, 2003, Paris, Litec, p. 43 à 50 ; Storme M., « Le juge et son panier », in Mélanges dédiés à la mémoire du doyen Jacques Héron, 2008, Paris, LGDJ, p. 473 à 476.s
  • 72.
    En ce sens, v. Motulsky H., « La cause de la demande dans la délimitation de l’office du juge », D. 1964, p. 238, n° 12 ; Normand J., Le juge et le litige, 1965, Paris, Pichon & Durand-Auzias, p. 212, n° 221 ; Dorsner-Dolivet A. et Bonneau T., « L’ordre public, les moyens d’ordre public en procédure », D. 1985, p. 65 ; Bolard G., « Les principes directeurs du procès civil : Le droit positif depuis Henri Motulsky », JCP G. 1993, p. 3693, n° 11 ; Héron J. et Le Bars T., Droit judiciaire privé, 2015, Paris, LGDJ, p. 231 et 232, n° 285 ; Cadiet L. et Jeuland E., Droit judiciaire privé, 2017, Paris, LexisNexis, p. 472 à 473, n° 533 ; Chainais C., « Les rôles respectifs des parties et du juge au regard de la matière litigieuse et du droit applicable au litige », in Chainais C. et a. (dir.), L’office du juge : études de droit comparé, 2018, Bruxelles, Bruylant, p. 39 et 40.
  • 73.
    Cass. 2e civ., 1er mars 1978, n° 76-13971 ; Cass. 2e civ., 24 oct. 1979, n° 77-15604.
  • 74.
    Cass. 2e civ., 3 avril 2003, n° 01-20886.
  • 75.
    Cass. 1re civ., 18 sept. 2008, nos 07-15473, 07-13474 et 07-16275 : D. 2008, p. 2499, obs. Avena-Robardet V. : Gaz. Pal. 3 mars 2009, n° H3455, p. 20, note Poissonnier G.
  • 76.
    Cass. 1re civ., 13 nov. 2008, n° 07-19282 ; JCP G 2009, p. 10036, note Monachon Duchêne N. − Cass. 1re civ., 14 mai 2009, n° 08-12836.
  • 77.
    CJCE, 27 juin 2000, n° C-240/98 à C-244/98, Océano Grupo, EU: C: 2000: 346, pt 26.
  • 78.
    CJCE, 21 nov. 2002, n° C-473/00, Cofidis, EU : C : 2002 : 705, point 38 ;JCP G 2003, p. 927 à 952, note Paisant G. ; v. réc. CJUE, 18 févr. 2016, n° C-49/14, Finanmadrid EFC, EU : C : 2016 : 98, point 55.
  • 79.
    Envisagée dans l’arrêt CJCE, 26 oct. 2006, n° C-168/05, Mostaza Claro, EU : C : 2006 : 675, point 38, avant d’être affirmée plus clairement avec l’arrêt du CJUE, 4 juin 2009, n° C-243/08, Pannon GSM, EU : C : 2009 :350, point 35.
  • 80.
    V. not. les arrêts CJUE, 14 juin 2012 n° C‑618/10, Banco Español de Crédito, EU:C: 2012:349, pts 42 et 43 ; CJUE, 21 févr. 2013, n° C‑472/11, Banif Plus Bank, EU :C : 2013 :88, point 22 ; et CJUE, 1er oct. 2015, n° C‑32/14, ERSTE Bank Hungary, EU:C: 2015:637, point 41.
  • 81.
    V. CJUE, 4 juin 2009, n° C-243/08, Pannon GSM, EU : C : 2009 :350, point 35.
  • 82.
    V. CJUE, 9 nov. 2010, n° C-137/08, VB Pénzügyi Lízing Zrt, point 56 : D. 2011, p. 974, note Poillot E.
  • 83.
    CJUE, 26 janvier 2017, n° C-421/14, Banco Primus, EU :C : 2017 :60, point 52.
  • 84.
    Cass. ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25651 ; D. 2017, p. 1800, Bacache M. ; D. 2018, p. 35, obs. Brun P et a. ; D. 2018, p. 583, obs. Aubry et a. ; RTD civ. 2017, p. 829, obs. Usunier L. ; RTD civ. 2017, p. 872, obs. Jourdain P. ; RTD civ. 2017, p. 882, obs. Gautier P.-Y.
  • 85.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 86.
    V. rapp. « Amélioration et simplification de la procédure civile », p. 32.
  • 87.
    Sur la compétence, v. égal. CPC, art. 1406.
  • 88.
    Cass. 3e civ., 14 mai 1974, n° 73-10204.
  • 89.
    La Cour a d’abord relevé qu’une partie avait, « en connaissance de cause, abandonné ce moyen » (Cass. 3e civ., 16 oct. 1991, n° 89-17166) ; elle a par la suite clairement posé que « l’irrégularité de fond tenant au défaut de pouvoir du syndic d’agir en justice, ne revêt pas un caractère d’ordre public, de sorte que le juge n’est pas tenu de la soulever d’office et qu’elle ne peut profiter qu’à la partie qui l’invoque » (Cass. 2e civ., 25 mars 1992, n° 89-18785) ; v. égal. Cass. 3e civ., 26 juin 2002, n° 00-13805 ; Cass. 3e civ., 9 avril 2008, n° 07-13236.
  • 90.
    Héron J. et Le Bars T., Droit judiciaire privé, 6e éd., 2015, Paris, LGDJ, p. 237, n° 290.
  • 91.
    Cass. com., 6 févr. 2007, n° 04-13026.
  • 92.
    Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10016.
  • 93.
    Cass. 2e civ., 23 nov. 1994, n° 93-10586.
  • 94.
    Cass. 1re civ., 13 nov. 2014, n° 13-21018.
  • 95.
    Cadiet L. et Jeuland E., Droit judiciaire privé, 10e éd., Paris, LexisNexis, p. 14, n° 17.
  • 96.
    Cadiet L. et Jeuland E., Droit judiciaire privé, 10e éd., Paris, LexisNexis, p. 14, n° 17.
  • 97.
    V. Chapus R., Droit du contentieux administratif, 13e éd., 2008, Paris, Montchrestien, 2008, p. 266 à 267, n° 293 et n° 294 sur la compétence ; p. 426 à 439, n° 515 à 537 sur la recevabilité.
  • 98.
    V. Chapus R., Droit du contentieux administratif, 13e éd., 2008, Paris, Montchrestien, 2008, p. 821-829, n° 933 à 940.
  • 99.
    CE, 20 déc. 1974, n° 90229, Cne de Barjols : RDP 1975, p. 536 ; CE, 30 juin 1999, n° 190038, Foucher : RFDA 1999, p. 1210, concl. Bergeal C.
  • 100.
    V. Chapus R., Droit du contentieux administratif, 13e éd., 2008, Paris, Montchrestien, p. 827, n° 940 ; principe posé dans l’arrêt CE sec., 19 mars 1971, n° 79962, Mergui.
  • 101.
    CE, 2 avr. 1971, n° 79277, Marchand ; CE, 25 janv. 1995, n° 132877, Cne de Simiane-Collongue.
  • 102.
    CE sect., 3 janv. 1975, n° 92956, Ep. Paya.
  • 103.
    CE sect., 11 févr.1972, n° s79402, 79495, Office HLM du Calvados : AJ 1972, p. 245, concl. Guillaume G.
  • 104.
    CE, 6 mai 1985, nos 41589, 41699, Assoc. Eurolat : AJ 1985, p. 620, note Fatôme E. et Moreau J., LPA 2 oct. 1985, p. 4, note Llorens F. ; RFDA 1986, p. 21, concl. Genevois B., contrat contenant des clauses incompatibles avec les principes de la domanialité publique et les nécessités du fonctionnement d’un service public.
  • 105.
    Eudier F., Ordre public substantiel et office du juge, thèse, 1994, Rouen, titre préliminaire sur l’essor du concept de moyen de droit et le déclin du concept de moyen d’ordre public.
  • 106.
    V. ainsi l’accroche de thèse dans Eudier F., Ordre public substantiel et office du juge, thèse, 1994, Rouen, p. 1, n° 1 : « La notion d’ordre public, pourtant familière à tout juriste, qu’il soit universitaire ou praticien, "emprunte une partie de sa majesté au mystère qui l’environne". Ce mystère, bon nombre d’auteurs ont tenté de le percer, sans complètement y parvenir ».
  • 107.
    V. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 88.
  • 108.
    Dorsner-Dolivet A. et Bonneau T., « L’ordre public, les moyens d’ordre public en procédure », D. 1985, p. 59 à 66.
  • 109.
    V. le décret n° 71-740 du 9 septembre 1971 instituant de nouvelles règles de procédure destinées à constituer partie d’un nouveau Code de procédure civile.
  • 110.
    V. le décret n° 72-684 du 20 juillet 1972 instituant de nouvelles dispositions destinées à s’intégrer dans la partie générale d’un nouveau Code de procédure civile.
  • 111.
    V. Moury J., Le moyen de droit à travers les articles 12 et 16 du NCPC, thèse, 1986, Paris II, p. 92 et 93 ; analysant les principes généraux de la nouvelle procédure civile, d’aucuns continuaient néanmoins à affirmer que le juge avait l’obligation de relever d’office les moyens d’ordre public (voir Blanc E., « Principes généraux de la nouvelle procédure civile : étude analytique des “dispositions liminaires” du décret du 9 septembre 1971 », JCP G 1973, p. 2559, article 12).
  • 112.
    Cass. ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25651 ; D. 2017, p. 1800, note Bacache M. ; D. 2018, p. 35, obs. Brun P et a. ; D. 2018, p. 583, obs. Aubry et a. ; RTD civ. 2017, p. 829, obs. Usunier L. ; RTD civ. 2017, p. 872, obs. Jourdain P. ; RTD civ. 2017, p. 882, obs. Gautier P.-Y.
  • 113.
    Eudier F., Ordre public substantiel et office du juge, thèse, 1994, Rouen, p. 13, n° 10.
  • 114.
    Définition citée par Malaurie P., Les contrats contraires à l’ordre public : étude de droit civil comparé : France, Angleterre, URSS, 1953, Reims, Matot-Braine, p. 263.
  • 115.
    V. Cadiet L. et Jeuland E., Droit judiciaire privé, 10e éd., 2017, Paris, LexisNexis, p. 14, n° 17 : « ici comme ailleurs, l’article 6 du Code civil sert de boussole ».
  • 116.
    V. note 37 ; avant même l’arrêt Mutuelle du Mans, qui en 1999 a abandonné cette obligation lorsque la règle de conflit est de source conventionnelle, la Cour de cassation a eu recours à la notion d’« accord procédural » entre les parties pour permettre l’application de la loi du for en dépit de la présence d’une convention internationale normalement applicable, pour les droits dont elles avaient la libre disposition, v. Cass. 1re civ., 6 mai 1997, n° 95-15309, Hannover : RCDIP 1997, p. 514, note Fauvarque-Cosson B. ; JDI 1997, p. 804, note Bureau D.
  • 117.
    V. synth. de Fauvarque-Cosson B., « Le juge français et le droit étranger », D. 2000, p. 125 ; Jault-Seseke F., « L’office du juge dans l’application de la règle de conflit de lois en matière de contrat de travail », RCDIP 2005, p. 253.
  • 118.
    Niboyet M.-L., « Office du juge et déclenchement du raisonnement conflictuel » in Azzi T. et Boskovic O. (dir.), Quel avenir pour la théorie générale des conflits de lois ?, 2015, Bruxelles, Bruylant, p. 19 à 34, spéc. p. 28 à 31 ; solution déjà esquissée auparavant : v. Fauvarque-Cosson B., « Le juge français et le droit étranger », D. 2000, p. 125, n° 14.
  • 119.
    Chainais C., « Les rôles respectifs des parties et du juge au regard de la matière litigieuse et du droit applicable au litige », in Chainais C. et a. (dir.), L’office du juge : études de droit comparé, 2018, Bruxelles, Bruylant, p. 34.
  • 120.
    CPC, art. 12, al. 3.
  • 121.
    Chainais C., « Les rôles respectifs des parties et du juge au regard de la matière litigieuse et du droit applicable au litige », in Chainais C. et a. (dir.), L’office du juge : études de droit comparé, 2018, Bruxelles, Bruylant, p. 27 ; l’auteur précise : « Ainsi, il n’y a pas de modification de l’objet du litige dans l’appréciation souveraine, par le juge, du mode et de l’étendue de la réparation d’un dommage ou d’une prestation compensatoire (par substitution d’une rente à un revenu en capital par exemple) ».
  • 122.
    Cass. 1re civ., 13 avr. 1999, n° 96-22487 ; Rev. crit. DIP 1999, p. 698, note Ancel B. et Muir Watt H. ; JCP G 2000, p. 10261, note Légier G. ; Gaz. Pal. 2 mars 2000, n° C0125, p. 42, obs. Niboyet M.-L. ; D. 2000, p. 268, note Agostini E. ; JDI 2000, p. 315, note Fauvarque-Cosson B. − Cass. 1re civ., 3 avr. 2001, n° 99-17649 : Rev. crit. DIP 2001, p. 513, note Muir Watt H. − Cass. 1re civ., 11 janv. 2005, n° 01-02473 ; D. 2005, p. 2924, note Mahinga J.-G. ; Rev. crit. DIP 2006, p. 85, note Scherer M. ; JDI 2006, p. 955, note Godechot S. ; Gaz. Pal. 26 févr. 2006, n° g0518, p. 21, note Niboyet M.-L.
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