Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (2e semestre 2017) (1re partie)
La chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel est ouverte à l’ensemble des décisions susceptibles d’intéresser le droit constitutionnel dans sa dimension contentieuse considérée de la manière la plus large. C’est ainsi que le contentieux électoral est intégré dans la présente chronique qui est divisée en quatre parties correspondant aux thèmes principaux du droit constitutionnel contemporain qui intègre aussi bien les questions institutionnelles que les problèmes de hiérarchie des normes et la place des droits et libertés.
La chronique présentée ci-dessous couvre le deuxième semestre de l’année 2017.
I – Les institutions constitutionnelles
Une seule décision de délégalisation des textes de forme législative est intervenue au cours de cette période, la décision n° 2017-270 L du 10 novembre 2017, Nature juridique de certaines dispositions du paragraphe IV de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Le Conseil a jugé que les dispositions dont le déclassement est demandé se bornaient à en préciser les modalités en désignant l’autorité administrative, soit un « commissaire général à l’investissement », chargée d’assister le comité de surveillance des investissements d’avenir. Ne mettant en cause aucun des principes fondamentaux, ni aucune des règles que l’article 34 de la constitution a placés dans le domaine de la loi et n’étant pas davantage au nombre des dispositions dont la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) impose l’inclusion dans une loi de finances, elles possèdent un caractère réglementaire.
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A – Les pouvoirs politiques : le pouvoir exécutif
La décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017, M. François G., a permis au Conseil de statuer sur le régime de l’accès des archives publiques émanant du président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement. Elle constitue surtout la première utilisation effective de l’article 15 de la Déclaration des droits de 1789.
M. François G., qui avait souhaité avoir accès à des documents, déposés par François Mitterrand à propos de l’engagement de la France au Rwanda ente 1990 et 1995, et déclassifiés par une décision du 7 avril 2015 prise par le secrétaire général de la présidence de la République, a sollicité du ministre de la Culture et de la Communication l’accès à des archives non librement communicables et le refus de ce dernier a fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Paris devant lequel M. G. a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Conseil d’État, estimant que la question présentait un caractère sérieux au regard des griefs invoqués par le requérant reposant sur la méconnaissance des articles 15 et 16 de la Déclaration des droits, l’a transmise au Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a répondu à ces deux griefs en ajoutant celui tiré de la violation de l’article 11 de la Déclaration, que le Conseil d’État n’avait pas retenu, tout en écartant les griefs tirés de la méconnaissance des articles 11 et 16 de la Déclaration. S’agissant du premier, il a jugé qu’« en définissant des conditions spécifiques de communication des archives publiques du président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement, les dispositions contestées ne portent pas d’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication garantie par l’article 11 de la Déclaration de 1789 et que ce grief devait être écarté » (§ 10). La motivation, si elle est sommaire, peut se comprendre. Pour le second, relatif au droit au recours effectif devant une juridiction garanti par l’article 16, il a estimé que « les dispositions contestées ne privent pas la personne à qui est opposé un refus de consultation du droit de contester cette décision devant le juge. La circonstance que l’autorité administrative ne puisse surmonter l’absence d’accord du signataire du protocole ou, le cas échéant, de son mandataire n’entraîne par elle-même pas d’atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction » (§ 11). Le rejet de ce grief a d’ailleurs conduit M. François G., après la décision du Conseil constitutionnel, à porter le litige devant la Cour européenne des droits de l’Homme. La méconnaissance éventuelle de l’article 15 de la Déclaration des droits constitue alors l’intérêt principal de cette décision, quand bien même le Conseil a jugé que les dispositions contestées n’avaient pas méconnu ce principe.
L’article 15 de la Déclaration des droits dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son Administration ». Il ne fait pas partie des articles les plus utilisés par les auteurs de QPC ni par le Conseil constitutionnel, mais certaines décisions se réfèrent à cet article, associé à d’autres dispositions de la Déclaration des droits, pour fonder un objectif de valeur constitutionnelle comme celui de bonne administration de la justice1, ou celui de bon emploi des deniers publics « qui découle de ses articles 14 et 15 »2.
De même, dans la décision n° 2006-538 DC, le Conseil a fait une référence explicite à l’article 15, associé à l’article 14 de la Déclaration, pour considérer « qu’il résulte de ces dispositions que les ressources et les charges de l’État doivent être présentées de façon sincère »3. Dans la décision n° 2011-641 DC du 8 décembre 20114, sans nier que l’article 15 était une norme de référence dans le contentieux constitutionnel, le Conseil a jugé que, par cette loi, « le législateur n’a pas méconnu cette disposition » (cons. 8). Dans aucune de ces décisions, le Conseil ne s’était cependant prononcé sur la portée de l’article 15 de la Déclaration, son contenu et ses effets.
Restait également suspendue la question de savoir si l’article 15 était invocable dans le contentieux des QPC. Cette dernière reconnaissance n’allait pas de soi, car il était possible de considérer que cet article proclame un droit objectif n’intéressant que la société et non les citoyens ou les « hommes », au sens de la Déclaration des droits.
ll a fallu attendre la décision n° 2015-471 QPC du 29 mai 2015, Mme Nathalie K.-M., à propos des délibérations au scrutin secret du conseil de Paris pour que le Conseil considère à la fois que l’article 15 était invocable dans ce type de contentieux, mais de manière implicite, et que le principe n’avait pas vocation à s’appliquer « aux règles d’organisation d’un scrutin », rendant ce moyen inopérant (cons. 7 et 8). L’article 15 appartient donc à la catégorie des droits et libertés que la constitution garantit, même si, dans toutes ces décisions, le Conseil n’a jamais considéré qu’il avait été porté atteinte au principe posé par l’article 155.
Par la décision n° 655 QPC, le Conseil constitutionnel donne un contenu positif à l’article 15, en proclamant que : « Est garanti par cette disposition le droit d’accès aux documents d’archives publiques » (§ 4).
Si le Code du patrimoine affirme, à l’article L. 213-1, que « les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l’article L. 213-2, communicables de plein droit », la décision n° 655 QPC consacre un droit constitutionnel reconnu à toute personne, physique ou morale, y compris des plus hautes autorités de l’État. Ce droit est cependant encadré et limité par la qualité des auteurs des documents et de leurs fonctions.
En effet, certaines de ces archives peuvent être sensibles et susceptibles de porter atteinte à des intérêts publics, considérés comme étant supérieurs au droit au libre accès. Ces considérations expliquent le savant équilibre auquel se livre le Conseil constitutionnel dans la décision n° 655 QPC faisant application de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives qui a voulu réglementer le dépôt des archives publiques en affirmant le principe de libre communicabilité des archives. L’article L. 213-4 du Code du patrimoine, contesté par M. François G., prévoit un régime spécifique pour les archives du président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement. Il ressort de cet article que l’autorité politique dispose d’un pouvoir discrétionnaire sans obligation de motiver le refus opposé à une demande d’accès.
M. G. estimait que ces dispositions conféraient aux responsables politiques ou à leur mandataire un droit exclusif d’autoriser, de façon discrétionnaire, la divulgation anticipée des documents qu’ils ont versés aux archives et méconnaissaient le droit de demander compte à un agent public de son administration, prévu à l’article 15 de la Déclaration des droits (§ 2).
Le Conseil constitutionnel a cependant estimé que le législateur avait entendu protéger l’utilisation de ces archives par les intéressés eux-mêmes et leur accorder une protection particulière, parce que ces archives « peuvent comporter des informations susceptibles de relever du secret des délibérations du pouvoir exécutif et, ainsi, favoriser la conservation et le versement de ces documents. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général » (§ 7). Celui-ci est néanmoins fixé par le seul législateur et le Conseil assimile ce dernier à une exigence de même valeur que le droit dont le caractère constitutionnel a été affirmé dans la présente décision. Ainsi, le Conseil opère un contrôle, que l’on pourrait qualifier « d’interne », en ce qu’il examine le contenu de la loi par rapport à l’objectif que la loi s’assigne elle-même, sans qu’il ait, en lui-même, valeur de norme constitutionnelle.
L’équilibre recherché par le Conseil constitutionnel résulte aussi de la limitation dans le temps des restrictions opérée par les articles L. 213-2 et L. 213-4 qui, de ce fait, ne portent pas une atteinte excessive au droit d’accès aux archives publiques [et] sont proportionnées à cet objectif d’intérêt général. Le droit d’accès aux archives publiques autorise des limitations « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (§ 4).
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B – Les pouvoirs politiques : le Parlement et la procédure législative
Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, Loi organique pour la confiance dans la vie politique et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, Loi pour la confiance dans la vie politique. Les décisions du Conseil constitutionnel relatives aux lois organique et ordinaire pour la confiance dans la vie politique sont l’occasion pour le Conseil de formuler une exception à sa jurisprudence relative aux cavaliers organiques (I), de préciser dans quelles conditions peuvent être prononcer des peines d’inéligibilité (II), comment peuvent être encadrés les recrutements de collaborateurs et les dépenses publiques, et prévenus les conflits sans porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs (III). Enfin, il se prononce sur l’articulation de la prévention des conflits d’intérêts et des détournements de fonds et le respect du droit à la vie privée (IV), et celle des incompatibilités parlementaires avec l’égal accès aux emplois publics (V).
I. Une exception à la jurisprudence sur les cavaliers organiques pour les collectivités à statut particulier d’outre-mer
Le Conseil veille à ce que les lois qu’il contrôle ne contiennent pas de cavalier législatif. Cela constitue une limite au droit d’amendement en première lecture. Depuis la révision de 2008, l’article 45 de la constitution dispose en son alinéa premier que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Ainsi, le Conseil contrôle, le plus souvent d’office, le respect de cette exigence. En conséquence, des dispositions, qui « ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi », sont considérées comme ayant été adoptées selon une procédure contraire à la constitution. Toutefois, le Conseil n’avait jamais, avant 2011, censuré une disposition d’une loi organique au motif qu’elle ne présentait pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initiale. Cela aurait été justifié « par la rareté des véhicules législatifs en matière organique et par les exigences particulières que la constitution fixe pour leur adoption »6.
Dans sa décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011, le Conseil a étendu sa jurisprudence sur les cavaliers législatifs contenus dans des lois ordinaires aux lois organiques7. Ce revirement jurisprudentiel a été confirmé par la décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 20168 qui fixe les critères pour déterminer si une disposition constitue un cavalier organique. Le commentaire autorisé de la décision précise donc que « des dispositions introduites en première lecture sur le fondement d’autres habilitations constitutionnelles que celles sur le fondement desquelles le projet de loi organique avait été initialement déposé méconnaissent l’exigence d’un lien des amendements avec le projet de loi déposé »9.
En l’espèce, le Conseil a fait application de cette jurisprudence. Il a estimé que les dispositions prises sur le fondement des articles 23 (§ 10), 65 (§ 55) et 72-1 (§ 70) de la constitution « ne présentent pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi organique déposé sur le bureau du Sénat, qui sont prises sur le fondement des articles 6, 13, 25, 34 et 47 de la constitution ». Il les a donc déclarées contraires à la constitution. En revanche, des dispositions prises sur le fondement des articles 74 et 77 de la constitution n’ont pas été considérées comme des cavaliers organiques car « elles visent à assurer l’application dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie de dispositions prévues par la loi organique déférée ou de dispositions ayant le même objet prévues par la loi pour la confiance dans la vie politique » (§ 69) ou encore « elles ont pour objet de transposer à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, en les adaptant, des dispositions de la loi organique » (§ 71 et 73).
Le Conseil formule donc une exception à sa jurisprudence sur les cavaliers organiques. Le caractère de cavalier organique ne s’apprécie pas simplement au regard des habilitations constitutionnelles directement visées. D’une part, ne sont pas des cavaliers les dispositions visant à assurer l’application ou la transposition, en les adaptant, de dispositions de la loi organique aux collectivités d’outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. D’autre part, ne constitue pas non plus un cavalier les dispositions ayant le même objet que celles prévues par une loi ordinaire adoptée concomitamment. Cette jurisprudence est justifiée par le fait que les mêmes dispositions peuvent avoir un caractère organique ou ordinaire suivant qu’elles concernent la France métropolitaine ou les collectivités territoriales d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Elle s’adapte donc aux lois ordinaire et organique adoptées « en tandem ».
II. Peine d’inéligibilité et principes d’individualisation et de proportionnalité des peines
Les lois ordinaire et organique en cause instaurent plusieurs peines d’inéligibilité. La loi ordinaire prévoit une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité à l’encontre de toute personne coupable de crimes et délits limitativement énumérés (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 4). La loi organique prévoit qu’un député manquant à ses obligations de déclaration ou de paiement d’impôts et ne se mettant pas en conformité en dépit des injonctions de l’administration fiscale, peut être condamné par le Conseil constitutionnel à une peine d’inéligibilité (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 15). Pour l’une et l’autre de ces peines, le Conseil s’est assuré du respect des principes d’individualisation et de proportionnalité des peines.
S’agissant de la peine complémentaire d’inéligibilité, le Conseil a d’abord rappelé les principes de proportionnalité10 (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 6) et d’individualisation des peines11 (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 7).
Il a estimé que le caractère obligatoire de la peine complémentaire ne portait pas atteinte au principe d’individualisation des peines. D’une part, cette peine, instituée en vue de « renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants », n’est prévue que pour les infractions « d’une particulière gravité », « révélant des manquements à l’exigence de probité ou portant atteinte à la confiance publique ou au bon fonctionnement du système électoral » (§ 8). Comme le relève le commentaire, le Conseil avait déjà admis le principe d’une peine obligatoire en acceptant le dispositif dit des « peines plancher »12. D’autre part, la peine peut être effectivement individualisée puisque le juge peut en moduler la durée voire même ne pas la prononcer dans certaines circonstances (§ 9).
S’agissant de la proportionnalité des peines, le Conseil exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Il relève que la peine d’inéligibilité emporte également automatiquement interdiction ou incapacité d’exercer une fonction publique, en application de l’article 131-26 du Code pénal (§ 4). Il y aurait donc un « effet domino » : une condamnation pénale entraîne le prononcé d’une peine principale, qui entraîne le prononcé d’une peine complémentaire d’inéligibilité, qui emporterait interdiction ou incapacité d’exercer une fonction publique. Le Conseil estime que si le prononcé de la peine d’inéligibilité entraînait de plein droit l’interdiction ou l’incapacité d’exercer une fonction publique pour tous les délits mentionnés au paragraphe II de cet article, « il en résulterait une méconnaissance du principe de proportionnalité des peines pour tous les délits mentionnés au paragraphe II de cet article » (§ 11). Il émet donc une réserve indiquant l’interprétation conforme qu’il convient de donner à la loi : la condamnation pour les délits mentionnées au paragraphe II de l’article 131-26-2 du Code pénal n’entraîne pas de plein droit l’interdiction ou l’incapacité d’exercer une fonction publique (§ 11). En cas de délit, le juge est donc libre de prononcer cette peine. En revanche, le Conseil estime que le caractère obligatoire de la peine n’est pas disproportionné s’agissant des crimes13. La réserve ainsi formulée conduit, comme souvent, à réécrire la loi d’après des exigences faiblement déterminées. De plus, les précisions concernant cette réécriture ne sont clairement données que dans le commentaire, ce qui ne facilite pas la clarté et l’intelligibilité du droit. La réserve n’est pas mentionnée dans le Code pénal, il est donc possible qu’elle ne soit pas appliquée.
Sur le fondement du principe de proportionnalité des peines et de la liberté d’expression, le Conseil a censuré l’extension de la peine obligatoire d’inéligibilité à certains délits de presse punis d’une peine d’emprisonnement. Il s’appuie ici sur sa jurisprudence relative à la liberté d’expression et de communication et aux limitations qui peuvent y être apportées, telle qu’elle résulte de sa décision n° 2012-647 DC du 28 février 201214. Le législateur peut réglementer la liberté d’expression et « instituer des incriminations réprimant les abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers » (§ 12). Néanmoins, l’exercice de cette liberté étant « une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés », les atteintes qui y sont portées doivent respecter le principe de proportionnalité15 (§ 12). Il ne s’agissait pas ici de créer une nouvelle incrimination, mais d’adjoindre une nouvelle peine pour une incrimination existante. Le Conseil a estimé que « la liberté d’expression revêt une importance particulière dans le débat politique et dans les campagnes électorales » (§ 13). Il estime donc que la liberté d’expression doit être particulièrement protégée dans ce cadre, ce qui fait obstacle au prononcé d’une peine obligatoire d’inéligibilité. Il estime que l’atteinte à la liberté d’expression est disproportionnée (§ 13). Ces « abus dans la liberté d’expression » que le Conseil juge « condamnables » (§ 13) ne justifient pas, selon lui, une peine d’inéligibilité.
La peine d’inéligibilité pour manquements à des obligations fiscales peut être prononcée par le Conseil constitutionnel saisi par le bureau de l’Assemblée nationale si ce dernier constate une absence de mise en conformité et de contestation du manquement constaté par l’Administration fiscale. Le Conseil a estimé qu’il s’agissait d’une sanction ayant le caractère d’une punition (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 17) au sens de sa jurisprudence sur l’article 8 de la Déclaration16. Il considère que la sanction n’est pas manifestement disproportionnée et que les dispositions laissent le Conseil libre de prononcer ou non la sanction et lui permettent d’individualiser la peine en fonction de la gravité du manquement (§ 18). Le Conseil déclare donc ce dispositif conforme à la constitution.
III. La conciliation du principe de séparation des pouvoirs avec la prévention des conflits d’intérêts, l’encadrement du recrutement de collaborateurs et des dépenses publiques
La présente décision est l’occasion pour le Conseil de revenir sur son interprétation du principe de séparation des pouvoirs à l’égard du gouvernement et du Parlement (A) et sur l’articulation de ce principe et du principe de libre administration avec la réglementation des emplois familiaux de collaborateurs (B).
A. Le principe de séparation des pouvoirs à l’égard du gouvernement et du Parlement
Le Conseil constitutionnel considère que l’autonomie des assemblées est un corollaire du principe de séparation des pouvoirs17 et est fondée sur l’article 16 de la Déclaration (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 17)18. L’expression ne figure pas dans ses décisions, mais simplement dans les commentaires autorisés19.
En l’espèce, l’institution d’un « registre public recensant les cas dans lesquels un membre de cette assemblée a estimé devoir ne pas participer à ses travaux en raison d’une situation de conflit d’intérêts » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 15) ne porte pas atteinte au principe de séparation (§ 19). Le Conseil estime que ces dispositions n’ont « ni pour objet ni pour effet de contraindre un parlementaire à ne pas participer aux travaux du Parlement » (§ 18). Les dispositions, ne créant pas d’obligations pour les parlementaires, ne pouvaient porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
De même, les dispositions prévoyant la mise en place d’un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et ceux des collaborateurs parlementaires ne portent pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 48). Le législateur a simplement déterminé « les principes fondamentaux du droit du travail en application de l’article 34 de la constitution » (§ 48) et « a entendu confier au bureau de chaque assemblée le soin de s’assurer de la mise en œuvre de négociations, de consultations ou simplement d’échanges d’informations entre les représentants des parlementaires employeurs et ceux des collaborateurs parlementaires » (§ 48).
Le « principe de la séparation des pouvoirs »20 « s’applique [également] à l’égard du président de la République et du gouvernement »21. Une loi ne peut donc pas imposer au Premier ministre de prendre dans un délai préfix un décret22.
Conformément à cette jurisprudence, le Conseil a estimé que l’article 23 de la loi ordinaire qui « impose au Premier ministre de prendre un décret en Conseil d’État déterminant les conditions de prise en charge des frais de représentation et de réception des membres du gouvernement, méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 71). De même, l’article 15 de la loi organique qui prévoit la suppression de la pratique dite de la « réserve ministérielle » « porte atteinte à la séparation des pouvoirs et méconnaît l’article 20 de la constitution » « en limitant ainsi les prérogatives du gouvernement » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 52).
En revanche, la suppression de la pratique dite de la « réserve parlementaire » est considérée comme constitutionnelle. Cette pratique, qui n’avait pas de fondement textuel, était un « engagement du gouvernement envers les parlementaires d’exécuter le budget, s’agissant de certaines opérations déterminées, conformément aux demandes formulées par eux » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 48). Le Conseil considère que cette pratique conduisait le gouvernement « à lier sa compétence en matière d’exécution budgétaire » (§ 49). D’après lui, les dispositions supprimant cette pratique conduiraient donc en réalité à « assurer le respect de la séparation des pouvoirs et des prérogatives que le gouvernement tient de l’article 20 de la constitution pour l’exécution du budget de l’État » (§ 49). Il émet toutefois une réserve pour préciser la portée de ces dispositions qui ne doivent pas « être interprétées comme limitant le droit d’amendement du gouvernement en matière financière », ce qui serait contraire à l’article 44 de la constitution (§ 49).
B. La réglementation des emplois familiaux de collaborateurs et les principes de séparation des pouvoirs et de libre administration
Les articles 14, 15, 16 et 17 de la loi ordinaire prévoient que les parlementaires, les ministres et les membres de certaines collectivités territoriales ne peuvent employer, comme collaborateurs ou comme membres de leur cabinet, les personnes avec lesquelles ils ont un lien de parenté proche (partenaire, parents ou enfants du parlementaire ou du partenaire). Pour les personnes avec lesquelles le lien de parenté est moins proche ou dans le cas « d’emplois croisés » (par exemple, si l’enfant d’un parlementaire travaille pour un autre parlementaire), il n’y a pas d’interdiction, mais simplement une obligation de déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Si cette dernière estime que cela est susceptible de constituer un conflit d’intérêts, elle peut faire usage de son pouvoir d’injonction pour faire cesser cette situation (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 23). Dans le cas où cette situation concerne un parlementaire, ce dernier doit informer l’organe chargé de la déontologie parlementaire et seul cet organe dispose d’un pouvoir d’injonction (§ 25).
Les interdictions et limitations des emplois familiaux ne sont pas considérées, par le Conseil, comme inconstitutionnelles. Les ministres conservent leur autonomie dans le choix de leurs collaborateurs et « l’interdiction d’emploi pénalement sanctionnée (…) ne porte que sur un nombre limité de personnes » (§ 30). Il n’y a donc pas d’atteinte ni à la séparation des pouvoirs, ni à l’article 20 de la constitution. Il en va de même pour les parlementaires (§ 39), ce qui permet également le respect de la séparation des pouvoirs (§ 39), et pour les collectivités d’outre-mer et à statut particulier, ce qui assure le respect de l’article 72 de la constitution relatif au principe de libre administration (§ 43). De même, les obligations purement déclaratives imposées aux membres du gouvernement pour certains emplois familiaux ne portent pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs (§ 31).
En revanche, le pouvoir d’injonction conféré à la HATVP a été considéré comme contraire à la constitution (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 32, § 44 et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 74). En 2013, le Conseil avait déjà eu l’occasion de préciser que le principe de séparation des pouvoirs exclut que des dispositions permettent « à la haute autorité d’adresser à un député ou un sénateur une injonction dont la méconnaissance est pénalement réprimée »23. S’agissant des injonctions adressées aux membres du gouvernement, le Conseil avait alors estimé qu’elles étaient constitutionnelles dès lors qu’elles ne contraignaient pas les membres du gouvernement à démissionner24. En l’espèce, les dispositions habilitaient la HAPTV à « adresser une injonction, dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée (…) tendant à ce qu’il soit mis fin à une situation de conflit d’intérêts découlant de l’existence d’un lien familial » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 32). De plus, « le destinataire de l’injonction ne pourra mettre fin à la situation dénoncée qu’en démissionnant de ses fonctions ou, le cas échéant, en mettant fin à l’emploi de son collaborateur » (§ 32). Le Conseil estime en conséquence qu’« en confiant un tel pouvoir à une autorité administrative indépendante, le législateur a méconnu » les articles 8 et 20 de la constitution et les principes de séparation des pouvoirs et de libre administration25.
Pour les parlementaires, l’organe chargé de la déontologie parlementaire de l’assemblée concernée dispose des compétences conférées à la HAPTV. Le Conseil relève, d’une part, que « le statut et les règles de fonctionnement [de cet organe] sont déterminés par chaque assemblée » et, d’autre part, que la méconnaissance des injonctions n’est pas pénalement sanctionnée (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 40). En conséquence, il n’y a pas de méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs.
IV. Communication et publication de données personnelles, de déclarations de patrimoine, d’intérêts et d’activités et droit à la vie privée
Nombre des mesures prévues par les présentes lois ordinaire et organique sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée, soit en raison des pouvoirs d’investigation conférés à la HAPTV, soit en raison des informations divulguées par cette dernière ou par l’administration fiscale. D’une part, elles prévoyaient la possibilité pour la HAPTV et le président de la République d’exercer un droit de communication de certaines données personnelles (A). D’autre part, elles modifiaient les dispositions relatives aux déclarations de patrimoine, d’intérêts et d’activités (B).
A. Communication de données personnelles et droit à la vie privée
Les lois ordinaire et organique prévoyaient que la HAPTV pouvait « exercer directement le droit de communication de certains documents ou renseignement, reconnu à l’Administration fiscale à la section I du chapitre II du titre II de la première partie du Livre des procédures fiscales, afin de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 81 et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 57). Le Conseil a relevé que la HAPTV se verrait ainsi confier « le droit de se faire communiquer les données de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d’accès à un service de communication au public en ligne ou les hébergeurs de contenu sur un tel service » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 82 et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 58). Le Conseil estime que « la communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes faisant l’objet du contrôle » (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 83 et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 59). Il estime que le législateur aurait dû assortir la procédure de garanties. En l’espèce, il considère qu’elles ne sont pas suffisantes. Il déclare donc les dispositions contraires à la constitution (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 83 et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 60). Il confirme donc ici sa jurisprudence sur le pouvoir des autorités administratives indépendantes d’obtenir la communication de données de connexion. Comme le relève le commentaire autorisé du Conseil (p. 8), il avait déjà refusé cette compétence, pour les mêmes motifs, à l’Autorité de la concurrence26 et à l’Autorité des marchés financiers27.
La loi ordinaire prévoit que le président de la République peut « solliciter certaines informations relatives aux personnes dont la nomination comme membre du gouvernement est envisagée ». Les informations qu’il peut obtenir sont limitativement énumérées : « Interroger le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique sur la situation de l’intéressé au regard des conflits d’intérêts et sur le respect de ses obligations déclaratives auprès de ladite autorité », « demander à l’Administration fiscale d’attester si l’intéressé satisfait ou non aux obligations de déclaration et de paiement d’impôts dont il est redevable » et « obtenir communication du bulletin n° 2 de son casier judiciaire » (§ 60). Ces informations sont également transmises au Premier ministre. Le Conseil rappelle d’abord que « la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif »28 (§ 62). Les députés faisaient valoir que « le terme “envisagée” est dénué de toute limite ou portée juridique : il suffirait que le président “envisage” une nomination pour déclencher un droit à l’obtention de données, par ailleurs couvertes par le secret ». Le Conseil n’a pas été sensible à cet argument et a estimé, d’une part, que le législateur avait poursuivi un objectif d’intérêt général (§ 63) et, d’autre part, que les informations susceptibles d’être transmises étaient clairement circonscrites et que seul « un ensemble restreint de personnes dont la nomination est envisagée comme membre du gouvernement » étaient concernées (§ 64). Il a donc estimé que l’atteinte au droit à la vie privée était proportionnée.
B. Déclarations de patrimoine, d’intérêts et d’activités et droit à la vie privée
La loi organique impose aux candidats à l’élection présidentielle de remettre au Conseil constitutionnel une déclaration d’intérêts et d’activités, rendue publique par la HAPTV au moins 15 jours avant le premier tour. Cette déclaration d’intérêts et d’activités vient s’ajouter à la déclaration de patrimoine instaurée par la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. De plus, la loi organique modifie la date à laquelle le président droit remettre sa déclaration de patrimoine à l’issue de ses fonctions. Elle prévoit qu’il la remet entre 5 et 6 mois avant l’expiration de son mandat, et non plus entre 1 et 2 mois. Enfin, cette déclaration est maintenant rendue publique par la HAPTV avec un avis sur la variation de la situation patrimoniale (Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 4).
Des dispositions similaires figuraient dans la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Elles prévoyaient que les déclarations de patrimoine pouvaient être assorties d’une appréciation de la HAPTV. Le Conseil avait admis dans son principe l’atteinte à la vie privée que représente le fait de rendre publiques les déclarations de l’ensemble des candidats à l’élection « eu égard à la place du président de la République dans les institutions et à la nature particulière de son élection »29. En revanche, il avait estimé que la possibilité offerte à la HAPTV d’assortir la publication de la déclaration d’une appréciation conférait « à cette autorité le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci, dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l’égalité devant le suffrage »30. Pour les mêmes motifs, la possibilité d’assortir la publication de la déclaration de patrimoine remise à l’issue des fonctions du constat que la déclaration n’est pas exhaustive, exacte ou sincère a été déclarée inconstitutionnelle31.
L’obligation de déclaration d’intérêts et d’activités a été acceptée dans son principe par le Conseil pour les mêmes motifs que pour la déclaration de patrimoine. Après avoir rappelé que les atteintes au droit au respect de la vie privée sont constitutionnelles si elles sont « justifiées par un motif d’intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » (§ 5). Il a estimé qu’en l’espèce les atteintes étaient justifiées et a apprécié la proportionnalité « en tenant compte de la place du président de la République dans les institutions et de la nature particulière de son élection » (§ 6). Quant à la publication avec avis de la HAPTV, le Conseil a considéré que la modification des délais de publication de l’avis permettait de considérer que « le législateur organique n’a pas non plus conféré le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l’égalité devant le suffrage » (§ 7). Le législateur organique est donc parvenu à imposer, en tenant compte de la jurisprudence du Conseil, la publication d’un avis de la HAPTV sur la déclaration de patrimoine du président sortant.
La loi organique modifie également la liste des éléments devant figurer dans la déclaration d’intérêts et d’activités des parlementaires. Elle « y ajoute les “participations directes ou indirectes qui confèrent le contrôle d’une société, d’une entreprise, ou d’un organisme dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil” » (§ 22). Là encore, le Conseil a estimé que l’atteinte portée à la vie privée par la publication de ces informations n’était pas disproportionnée compte tenu « de leur situation particulière et de leurs prérogatives » (§ 26 et 27). Il reprend donc le raisonnement qu’il avait suivi lorsque les obligations de déclaration d’intérêts et d’activités et de publication de ces déclarations avaient été instaurées par la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique32.
V. Incompatibilités et égal accès aux emplois publics
Le Conseil estime que les restrictions apportées au principe d’égal accès aux emplois publics, fondées sur l’article 6 de la Déclaration, doivent être justifiées « par la nécessité de protéger la liberté de choix de l’électeur, l’indépendance de l’élu ou l’indépendance des juridictions contre les risques de confusion ou de conflits d’intérêts »33 (§ 29). En l’espèce, la loi organique prévoyait une incompatibilité avec « l’exercice d’une fonction de direction au sein d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme travaillant de façon substantielle, y compris indirectement, pour une personne publique ». Le Conseil a estimé qu’elle était conforme à la constitution (§ 30 et 31).
Toutefois, les incompatibilités ne doivent pas être trop larges ou générales. Comme le rappelle le commentaire de la décision, « le principe est la compatibilité du mandat parlementaire avec les activités professionnelles de l’élu. L’incompatibilité est l’exception » (p. 28). En 2013, le Conseil avait ainsi censuré l’interdiction de toute activité de conseil, sauf s’il s’agissait d’une activité exercée dans le cadre d’une profession libérale réglementée34.
Dans la présente loi, le législateur organique a donc tenté de circonscrire cette interdiction pour la rendre compatible avec la constitution. Les nouvelles dispositions interdisent à un parlementaire « de débuter une telle activité et d’acquérir un tel contrôle pendant son mandat ou, afin d’éviter tout détournement de la loi, dans les douze mois précédant son entrée en fonction ». Elles n’interdisent donc pas « de manière générale à un parlementaire de poursuivre l’activité de conseil qu’il exerçait auparavant, ni de conserver le contrôle d’une société ayant principalement cette activité ». Ils ne sont contraints de renoncer à leur activité de conseil ou au contrôle d’une société fournissant principalement une telle prestation que si ces « activités de conseil présent[ent] un risque particulier de conflit d’intérêts » (§ 37). Le Conseil a estimé ces limitations satisfaisantes et considère que dans ces conditions il n’y a pas d’atteinte à l’article 6 de la Déclaration (§ 39).
MB
1 – Les validations législatives
Par la décision n° 2017-644 QPC du 21 juillet 2017, Communauté de communes du pays roussillonnais, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la constitution la validation de la compensation du transfert de la TASCOM aux communes et aux EPCI à fiscalité propre, prescrite par l’article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.
Pour ce faire, le Conseil a fait application de sa jurisprudence en matière de modification rétroactive d’une règle de droit ou de validation d’acte administratif ou de droit privé par le législateur, qui repose sur cinq conditions fixées dans les décisions n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, loi portant validation d’actes administratifs (cons. 6, 7 et 9) et n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (cons. 18 et 19), et formulées dans un considérant de principe stabilisé depuis la décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, SELARL PJA, ès qualités de liquidateur de la société Maflow France (cons. 3) : la validation par le législateur doit respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée ; elle doit respecter le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; la portée de la validation doit être strictement définie ; l’atteinte aux droits des parties qui résulte de la validation doit être justifiée par un motif impérieux d’intérêt général (décision présentée § 3).
Faisant application de cette jurisprudence, le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions contestées visent à remédier, pour les années 2012 à 2014, au défaut de base légale de la compensation de ce transfert révélé par la décision du Conseil d’État en date du 16 juillet 2014 (§ 4 et 5). Il a constaté que l’atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant fait l’objet de ce mécanisme de compensation au titre des années 2012 à 2014 est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ; que le législateur a précisément défini et limité la portée de la validation ; que le législateur a expressément réservé les décisions de justice passées en force de chose jugée ; et que les arrêtés préfectoraux validés, qui avaient pour objet d’appliquer la règle de compensation financière du transfert de la taxe sur les surfaces commerciales aux communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne méconnaissent ni les principes constitutionnels de la libre administration et de l’autonomie financière des collectivités territoriales, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle (§ 6 à 9). L’article 133 de la loi du 29 décembre 2016 ne méconnaissant ni l’article 16 de la Déclaration de 1789 ni aucun autre droit ou liberté que la constitution garantit, le Conseil en déduit qu’il doit être déclaré conforme à la constitution (§ 10).
Tout comme dans la décision n° 2013-366 QPC précitée, la présente décision porte sur la validation d’une disposition législative remédiant à une malfaçon législative ayant des conséquences contentieuses et financières importantes.
C’est pourquoi le Conseil constitutionnel s’assure également qu’outre l’article 16 de la constitution deux autres principes ne sont pas méconnus (§ 9) : le principe de libre administration des collectivités territoriales, consacré par la décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979, loi modifiant les modes d’élection de l’Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l’aide technique et financière contractuelle de l’État (cons. 9) et son corollaire, le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales, consacré dans la décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, loi relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux (cons. 7 à 15).
CR
2 – Le contrôle de la procédure législative
3 – La compétence et le domaine de la loi
4 – L’incompétence négative du législateur
C – Le pouvoir juridictionnel
D – Le pouvoir financier
E – Les collectivités décentralisées
F – Droits électoraux, contentieux des élections et des référendums
II – Le procès constitutionnel
A – Les acteurs et les actes devant le Conseil constitutionnel (…)
B – La procédure devant le Conseil constitutionnel
C – Les techniques contentieuses (…)
D – L’autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel
III – Les normes de références
A – Les sources matérielles
1 – Les textes constitutionnels
2 – Les rapports de systèmes
3 – Les libertés
a – Sécurité et libertés
b – Liberté individuelle, respect de la vie privée, principe de responsabilité
c – Liberté d’entreprendre, liberté contractuelle
4 – Le droit de propriété (…)
5 – Le principe d’égalité
a – Principe d’égalité devant la loi
b – Principe d’égalité devant la loi fiscale et les charges publiques – Droits et libertés en matière fiscale
6 – Les droits sociaux
7 – Les principes du droit répressif
a – Principes de légalité, nécessité et individualisation des délits et des peines
b – Principe de proportionnalité des sanctions
8 – Les droits processuels
a – Le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, l’égalité devant la justice et le principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions
(À suivre)
Notes de bas de pages
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1.
Cons. const., 3 déc. 2009, n° 2009-595 DC, loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la constitution, cons. 4 ; Cons. const., 20 avr. 2012, n° 2012-235 QPC, association Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie, cons. 17.
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2.
Cons. const., 12 févr. 2009, n° 2009-575 DC, loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, cons. 4.
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3.
Loi portant règlement définitif du budget 2005, cons. 2.
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4.
Loi relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.
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5.
V. aussi Cons. const., 2 déc. 2016, n° 2016-599 QPC, Mme Sandrine A.
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6.
Commentaire de la décision Cons. const., 28 juill. 2016, n° 2016-732 DC, loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, p. 13.
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7.
Cons. const., 28 juill. 2011, n° 2011-637 DC, loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, cons. 21 et 22.
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8.
Cons. const., 28 juill. 2016, n° 2016-732 DC, loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, § 100-102.
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9.
Commentaire de la décision Cons. const., 28 juill. 2016, n° 2016-732 DC, loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, p. 14.
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10.
Cons. const., 9 août 2007, n° 2007-554 DC, loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cons. 6-8.
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11.
Cons. const., 9 août 2007, n° 2007-554 DC, cons. 13.
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12.
Cons. const., 9 août 2007, n° 2007-554 DC, cons. 12-19 et le commentaire des décisions Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, p. 5.
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13.
Voir en ce sens le commentaire, p. 5-6. [renvoi à préciser].
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14.
Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, cons. 5.
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15.
Cons. const., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC, loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, cons. 15.
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16.
Cons. const., 30 déc. 1987, n° 87-237 DC, loi de finances pour 1988, cons. 15.
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17.
Cons. const., 25 juin 2009, n° 2009-581 DC, résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, cons. 61 ; Cons. const., 13 mai 2011, n° 2011-129 QPC, cons. 4 ; Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-676 DC, loi relative à la transparence de la vie publique, cons. 45 ; Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 38-39.
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18.
Cons. const., 13 mai 2011, n° 2011-129 QPC, cons. 4.
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19.
V. par ex., le commentaire de la décision Cons. const., 8 déc. 2016, n° 2016-741 DC, loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, p. 14.
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20.
Cons. const., 3 mars 2009, n° 2009-577 DC, loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, cons. 13 (pouvoir de nomination et de révocation du président de la République).
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21.
Cons. const., 9 août 2012, n° 2012-654 DC, loi de finances rectificative pour 2012 (II), cons. 81 (modification du traitement du président de la République et du Premier ministre).
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22.
Cons. const., 12 nov. 2015, n° 2015-721 DC, loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, cons. 14-15.
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23.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 39.
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24.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-676 DC, loi relative à la transparence de la vie publique, cons. 62.
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25.
Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, § 32, § 44 qui renvoie au § 32 et Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-753 DC, § 74 qui renvoie au § 44.
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26.
Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC, loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. 134 à 138.
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27.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646/647 QPC, M. Alexis K. et a. (Droit de communication aux enquêteurs de l’AMF des données de connexion), § 7-10.
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28.
Cons. const., 22 mars 2012, n° 2012-652 DC, loi relative à la protection de l’identité, cons. 8.
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29.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 7.
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30.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 8.
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31.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 8.
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32.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 33.
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33.
Cons. const., 30 mars 2000, n° 2000-426 DC, loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d’exercice, cons. 15.
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34.
Cons. const., 9 oct. 2013, n° 2013-675 DC, loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 53.