Rétropédalage constitutionnel sur l’incapacité de recevoir une libéralité

Publié le 13/12/2022
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L’atteinte au droit de propriété, dont le droit de disposer librement de son patrimoine est un attribut, qui résulte de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil, article dont les dispositions ont été contestées par une question prioritaire de constitutionnalité, est justifiée par un objectif d’intérêt général et proportionné à cet objectif. La solution, à saluer, n’empêche pas l’appréciation du cheminement suivi dans le domaine des incapacités de recevoir des libéralités.

Cons. const., QPC, 29 juill. 2022, no 2022-1005

La crainte n’était pas grande, malgré la difficulté de prophétiser, mais elle est levée1. Quelques mois avant la présente décision, le Conseil constitutionnel a invalidé pour l’avenir une partie de l’article L. 116-4, I, du Code de l’action sociale et des familles2, solution confortée par le passé par la Cour de cassation pour l’auxiliaire de vie à domicile3. De retour dans le Code civil, il sauve son article 909, après transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)4. Cohérence des décisions5 ou incohérence6 et insécurité juridique par une lisibilité du droit rendue fort incertaine ? Les commentaires nombreux sont partagés regrettant à l’occasion une motivation jugée légère voire lacunaire ou approuvant un raisonnement rigoureux et justifié.

La liberté de disposer est en lien avec celle de recevoir. Envisageons, d’une part, le résultat positif de l’atteinte justifiée au droit de disposer, attribut du droit de propriété (I) et, d’autre part, l’explication, à discuter, de l’interdiction sauvée (II).

I – Le résultat positif de l’atteinte justifiée au droit de disposer, attribut du droit de propriété

Il faut d’abord présenter la limite de la conformité du texte (A) et, ensuite, l’inspiration apparente du raisonnement précédent de 2021 (B).

A – La limite de la conformité du texte

Affichons d’emblée le résultat pratique, à approuver7 : « L’atteinte au droit de propriété qui résulte des dispositions contestées est justifiée par un objectif d’intérêt général et proportionné à cet objectif » (pt 8). Présentes dans le code depuis 1804, faut-il souligner, les dispositions de l’article 909, alinéa 1er, sont conformes à la Constitution, ne méconnaissant aucun droit ou liberté (pt 9).

Relevons immédiatement que le Conseil semble prendre goût aux QPC sur le sujet – du moins, inciter au contentieux, non pleinement découragé – car, en limitant l’appréciation au premier alinéa (pt 1) – certes cadre de sa saisine –, donc aux professions médicales et de la pharmacie jusqu’aux auxiliaires médicaux, sans obiter dictum de sa motivation permettant une généralisation, la porte reste ouverte pour la critique des autres !

La nature de la relation avec les ministres des différents cultes conduit-elle à la même conséquence8, dans un monde matérialiste où peut être relativisée la force du traitement des âmes ? Il ne faut certes pas négliger les risques d’emprise. Surtout, ce type de relation appelle à un cloisonnement du spirituel et du matériel, comme pour les professions de santé, déjà rémunérées pour leurs services, à l’instar des organes protecteurs professionnels9.

On songe aussi aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), personnes physiques ou morales, désignés par un juge, car l’alinéa 2 (issu L. n° 2007-308, 5 mars 2007, en vigueur le 1er janv. 2009) ne contient pas la limite temporelle du cours de la maladie puisque sont visées largement les dispositions « faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité ». La brèche est néanmoins offerte aux plaideurs invétérés. Nous ne croyons pas que la mission des MJPM, rémunérée par un encadrement strict, si soucieux de déontologie, devrait les faire échapper à l’interdiction, contrairement à d’autres10. Inspiration de « proportionnalité » subjective (ou in concreto, si l’on préfère), relevons que, si la population des majeurs protégés est hétérogène, le disposant est, en fait, souvent plus âgé que jeune. La plupart du temps, le majeur protégé ne connaîtra pas le MJPM qui aura sa charge avant l’exercice de celle-ci. Et, assez fréquemment, si l’on en croit les chiffres officiels, la fin de la mesure n’est pas une mainlevée mais s’opère les « pieds devant ». Par suite, la période d’interdiction se ramène, en pratique, à la durée de la mission de protection (C. civ., art. 418) pour la majorité des hypothèses. En outre, anéantir cette interdiction pourrait conduire à s’interroger sur celle du mineur de 16 ans (C. civ., art. 904), spécialement dans ses rapports avec son tuteur, y compris post-émancipation ou majorité (C. civ., art. 907).

Au pire, on retrouvera le déplacement du contentieux sur le terrain du consentement, de son existence et ou de ses vices11, à caractériser alors plus souplement peut-être en termes d’exigence probatoire, en espérant également une appréciation moins stricte du délit d’abus de faiblesse12. Il faut bien compenser autrement la négation des réalités de terrain pour des raisons idéologiques inspirées d’une dérive onusienne sur la capacité juridique à tout prix parce que l’objectif de protection est primordial lorsqu’on doit s’occuper concrètement de personnes vulnérables (des rêves utopiques aux mains dans le cambouis).

B – L’inspiration apparente du raisonnement précédent de 2021

Remarquons encore avec insistance que, sous prétexte d’une limitation de la capacité juridique de donner d’une personne vulnérable (pts 2 et 4)13, c’est en réalité l’interdiction de recevoir de certaines personnes qui est essentiellement en cause (mot évoqué, pts 2, 6 et 7)14. Le malade est parfaitement libre de donner à une personne en dehors de la liste des incapables dont on se défie par une règle de fond15, généralement désignée en doctrine par l’expression d’une présomption irréfragable de captation16.

Le bénéficiaire de la libéralité (sans obligation alimentaire envers le disposant) peut-il défendre qu’il a un droit-créance à obtenir la réalisation de son espérance et qu’il est discriminé à en être privé ? Sa situation le priverait-elle abusivement de l’obtention de cet avantage ? Si la réserve héréditaire recule, on n’ose imaginer la revendication forte d’un droit à héritage tirée de l’égalité républicaine et de la tradition nationale17. Le Conseil suivra-t-il au regard de son corpus actuel ?

Ne faudrait-il pas confier de telles appréciations à des élus techniciens plutôt qu’à des pseudo-Sages repus de grands principes ? Par parenthèse, la liberté du mariage existe mais on ne se marie pas avec un choix entièrement libertaire (C. civ., art. 161 et s.), même si le tabou s’est effacé par la « tolérance » à l’égard de futurs conjoints, anciennement membres de la belle famille, au nom de la Convention européenne des droits de l’Homme. En outre, malgré l’aptitude ou le discernement et le consentement exigé sous différents aspects (C. civ., art. 146), le mariage suppose, par principe, la majorité, dans un but protecteur qui a même conduit à la réforme du droit jusque-là en vigueur pour les filles (C. civ., art. 144).

L’inspiration était pourtant forte de la motivation précédemment utilisée en 2021. Elle paraît inspirer la démarche, avec le rappel par le législateur des limitations aux conditions d’exercice du droit de propriété (intérêt général ; proportionnalité ; objectif poursuivi) (pt 3) ; de la limitation de la capacité de malades ne pouvant disposer librement de leur patrimoine, attribut du droit de propriété subissant une atteinte légale (pt 4). L’atteinte est constituée au droit de disposer (limitation plus que privation)18. Il faut donc vérifier consécutivement si elle doit être supportée ou non. Il nous semble toutefois vain d’épiloguer outre mesure par une exégèse subtile du raisonnement emprunté. Le Conseil n’allait pas se désavouer publiquement, à quelques mois d’intervalle, d’où le masque commode de la continuité des principes et méthodes. Ne soyons pas dupes. L’habillage de la justification par le Conseil – ou telle ou telle analyse de sa motivation – cachera mal l’arbre du pur opportunisme.

Qui niera que pour nombre de personnes plus ou moins isolées, bénéficiant par leur situation de certaines prestations – aides à domicile ou à la mobilité –, qui étaient visées par l’article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles, la situation de faiblesse existe bien à l’égard des auxiliaires de vie, avec des risques identiques pour le patrimoine, voire un risque de maltraitance ? Certes, face à l’échéance que constitue l’approche du trépas, on peut imaginer que chacun vivra sa vulnérabilité intrinsèque et relationnelle, à la fois, avec une plus grande intensité19, d’où peut-être l’adjectif « particulière » souligné : « En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer la protection de personnes dont il a estimé que, compte tenu de leur état de santé, elles étaient placées dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens par ceux qui leur prodiguaient des soins »20. Néanmoins, la protection avait la même ambition pour un public touché par la vulnérabilité. Il demeure que ce n’est qu’avec l’article 909 que Portalis « a ainsi poursuivi un but d’intérêt général ». Cette affirmation ne saurait surprendre21.

II – L’explication, à discuter, de l’interdiction sauvée

Il faut d’abord s’intéresser aux motifs superficiels (A) et, ensuite, rappeler la critique fondamentale occultée (B).

A – Les motifs superficiels

Ils sont tels car on passe à côté de la critique essentielle qui était présentée. Passons à la proportionnalité admise avec des constats cumulatifs. Le Conseil pense trouver une limite temporelle22 pertinente ou fait mine d’y croire : « L’interdiction contestée ne vaut que pour les libéralités consenties pendant le cours de la maladie dont le donateur ou le testateur est décédé ». Avant, les protagonistes ne se connaissent souvent pas et, si l’auteur de la libéralité est juridiquement capable et sain, il n’y a pas de vulnérabilité ; ensuite, le malade est mort ou sauvé mais, alors, il peut toujours révoquer son testament ou trouver un fondement autre pour attaquer sur le terrain du consentement. C’est la maladie mortelle qui est visée lorsqu’existe le type de relation décrite. L’argument est donc à relativiser23. Cependant, la démarche est-elle délibérée ou s’agit-il de lunettes de courte vue par un raisonnement en silo ? Dans les deux cas, le regret pourrait advenir bientôt à l’occasion d’une nouvelle QPC obligeant à se prononcer sur cet élément ou à le négliger, comme fait ici pour celui de la vérification de l’aptitude réelle pourtant nettement invoqué.

Le Conseil ajoute dans la continuité (pt 6) que l’interdiction qu’il estime ainsi circonstanciée « ne s’applique qu’aux seuls membres des professions médicales, de la pharmacie et aux auxiliaires médicaux énumérés par le code de santé publique [donc parfaitement identifiés, suppose-t-on], à la condition qu’ils aient dispensé [« prodigué » selon la loi, mais sans incidence] des soins en lien avec la maladie dont est décédé le patient ». Il s’agit d’une lapalissade24 qui rappelle en substance les conditions d’application du texte25 et implicitement l’interprétation jurisprudentielle qui en est faite, avec ses nuances. Le Conseil y trouve probablement une identification plus soutenue qu’en 2021, là satisfaisante, de ceux entrant dans la catégorie décrite, frappés par la prohibition26.

Vient l’effort de synthèse (« ainsi ») comme un service minimum un jour de grève : « Eu égard à la nature de la relation entre un professionnel de santé et son patient atteint d’une maladie dont il va décéder, l’interdiction est bien fondée sur la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve le donateur ou le testateur à l’égard de celui qui prodigue des soins » (pt 7). Merci ! Saluons la conclusion, plus que la méthode. La moralisation et l’honneur de ces professions à mettre à l’abri du soupçon ne sont pas à négliger par une politique législative issue de l’élection démocratique. La prévention du risque importe au-delà de la déontologie. La dissuasion donne une ligne directrice pour la protection de la vulnérabilité des sujets de droit qui peut être défendue par différents fondements dans le but de remettre en cause, en certaines circonstances, des actes juridiques, notamment à titre gratuit.

B – La critique fondamentale occultée

De la sorte, est complètement passé à la trappe le raisonnement qui avait retenu fortement l’attention 16 mois plus tôt, teinté de la philosophie dévastatrice du comité des droits de la convention internationale de l’Organisation des Nations unies sur le droit des personnes handicapées du 30 mars 2007. Est-ce à dire que l’on peut considérer que le Conseil a fait un pas de recul sur le sujet ? Rien ne permet d’être dans la certitude absolue. La recherche systématique de l’aptitude au détriment de l’incapacité de droit est un mouvement de fond qui fait sentir son influence dans différents pays.

Dans cette « logique », l’avocat de l’infirmière libérale légataire à titre particulier par testament olographe défendait la méconnaissance du droit de propriété en s’appuyant sur le fait que « cette interdiction, formulée de façon générale, sans que soit prise en compte la capacité de la personne malade à consentir une libéralité ni que puisse être apportée la preuve de son absence de vulnérabilité ou de dépendance, porterait atteinte à son droit de disposer librement de son patrimoine » (pt 2). L’objection n’est pas reprise27 même si la cour d’appel de Paris posait clairement la question de l’atteinte au droit de propriété « en dehors de » ou « hors » « tout constat d’inaptitude » du disposant, dans la ligne de la décision de 2021 du Conseil (pts 2, 8 et 10, à relire !)28.

Suivre une telle voie radicale, c’est exiger, en définitive (il faut aller au bout de la logique promue), la suppression de toute incapacité, y compris toutes celles de la protection juridique des majeurs29. Sus à la démagogie ! En raisonnant par l’absurde, pourquoi continuer à accorder le statut de la minorité à un enfant, statut certes voulu protecteur, mais si contraire à l’expression d’un discernement, au moins dès la préadolescence (si l’on ne remonte pas à l’âge dit « de raison »), qui possède une certaine maturité, dont il faudrait tenir compte systématiquement, non par bribes ? Il nous semble qu’il faut se garder de ces excès. S’est-on vraiment interrogé sur la situation d’un monde dans lequel le système juridique bannirait la question de la capacité-incapacité juridique30 au profit du seul consentement ou de la « capacité de fait », aptitude à émettre une volonté, pour appréhender efficacement la vulnérabilité en temps réel, concrètement et individuellement, pour tous ? Réjouissons-nous de constater que la clause de désignation ou modification bénéficiaire en assurance-vie, par laquelle la transmission patrimoniale opère souvent, qui entre dans les actes de la prohibition de l’article 909, à suivre la jurisprudence, puisse connaître également cette protection par l’incapacité de jouissance spéciale.

Conclusion. Le Conseil constitutionnel a décidé de la conformité à la Constitution de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil. C’est heureux. Méfions-nous néanmoins de l’examen d’une future QPC pour compléter encore la démarche au nom des droits fondamentaux, entreprise de laminage des incapacités. Notaires : vigilance sur le type de relation pour le bénéficiaire de la libéralité !

Notes de bas de pages

  • 1.
    D. 2022, AJ, p. 1396, « Testament (incapacité de recevoir) : constitutionnalité du régime » ; C. Hélaine, « De la constitutionnalité de l’article 909 du Code civil », Dalloz actualité, 13 sept. 2022 ; J. Houssier, « L’interdiction de recevoir des membres des professions de santé est conforme à la Constitution », AJ fam. 2022, p. 437 ; A. Tani, « Conformité à la Constitution de l’article 909 du Code civil : “La médecine, c’est ingrat” », Dr. famille 2022, comm. 147 ; X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116 ; G. Raoul-Cormeil, « Constitutionnalité de l’incapacité de recevoir à titre gratuit du professionnel de santé », LEFP oct. 2022, n° DFP201b1 ; A. Munck-Barraud, « L’interdiction légale faite à la personne malade de consentir des libéralités à ses soignants est conforme à la Constitution », GPL 18 oct. 2022, n° GPL441g8 ; P. Pierre, « Clause bénéficiaire d’une assurance décès et professionnel de santé », Resp. civ. et assur. 2022, comm. 244 ; C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11 ; S. Bernard et Z. Bremond, « Le carcan de la vulnérabilité : retour sur l’incapacité de disposer de son patrimoine en faveur des professions de santé », JCP N 2022, 1267 ; S. Gaudemet, « Incapacités de suspicion : entre ombre et lumière », DEF 17 nov. 2022, n° DEF210v0 ; J. Boisson, « L’incapacité relative de disposer à titre gratuit au profit de son soignant est conforme à la Constitution », DEF à paraître, n° DEF210b2.
  • 2.
    Cons. const., QPC, 12 mars 2021, n° 2020-888 : DEF 1er juill. 2021, n° DEF201n7, obs. D. Noguéro ; LPA 1er juin 2021, n° LPA200z4, note D. Noguéro. Nous renvoyons aux commentaires variés des auteurs.
  • 3.
    Cass. 1re civ., 23 mars 2022, n° 20-17663 : Bull. civ. I ; DEF 23 juin 2022, n° DEF208n9, obs. J. Combret ; D. 2022, p. 1027, note A. Tani ; Dr. famille 2022, comm. 89, note M. Nicod ; D. 2022, Pan., p. 1174, spéc. p. 1176, obs. D. Noguéro ; JCP N 2022, n° 1, 1195, obs. N. Peterka ; RTD civ. 2022, p. 440, obs. M. Grimaldi ; GPL 30 août 2022, n° GPL439k0, obs. S. Bernard ; RJPF 2022/11, obs. C.-M. Péglion-Zika ; DEF 17 nov. 2022, n° DEF210v0, 2e esp., obs. S. Gaudemet ; D. 2022, Pan., p. 2063, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier.
  • 4.
    Cass. 1re civ., 24 mai 2022, n° 22-40005 : DEF 23 juin 2022, n° DEF208n9, obs. J. Combret ; Dr. famille 2022, comm. 128, note A. Tani. Dans la même affaire, Cass. 1re civ., 16 sept. 2020, n° 19-15818 : Bull. civ. I ; DEF 18 févr. 2021, n° DEF168q4, 1re esp., note D. Noguéro.
  • 5.
    En ce sens, A. Tani, « Conformité à la Constitution de l’article 909 du Code civil : “La médecine, c’est ingrat” », Dr. famille 2022, comm. 147 ; C. Hélaine, « De la constitutionnalité de l’article 909 du Code civil », Dalloz actualité, 13 sept. 2022 : décision dans la droite lignée de la jurisprudence du Conseil ; C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11 : « C’est non sans un soulagement certain, mais avec des interrogations sur la cohérence de la jurisprudence constitutionnelle en matière d’incapacités de recevoir, que doit être accueillie la décision » ; « les deux décisions du Conseil constitutionnel en matière d’incapacités relatives de recevoir sont parfaitement cohérentes : elles déroulent le même raisonnement, mais retiennent une solution différente en raison de la différence entre l’incapacité des auxiliaires de vie à domicile trop générale – quant aux gratifiés visés et aux actes effectués par les auxiliaires – et l’incapacité des professions de santé bien encadrée ». Ces « deux décisions tendent à un équilibre permettant de préserver l’autonomie des personnes vulnérables tout en assurant leur protection » ; S. Bernard et Z. Bremond, « Le carcan de la vulnérabilité : retour sur l’incapacité de disposer de son patrimoine en faveur des professions de santé », JCP N 2022, 1267 : parfaite cohérence. Les cinq auteurs approuvent la décision.
  • 6.
    En ce sens, J. Houssier, « L’interdiction de recevoir des membres des professions de santé est conforme à la Constitution », AJ fam. 2022, p. 437. L’auteur approuve la décision tout en relevant, très critique, les prises de positions opposées comme la conformité au prix de profondes contradictions. Il considère que l’interdiction du « CASF était donc triplement limitée en droit, ratione temporis, ratione personnae et rationne materia, et donc proportionnée ».
  • 7.
    Unanimité des commentaires cités.
  • 8.
    En ce sens, S. Bernard et Z. Bremond, « Le carcan de la vulnérabilité : retour sur l’incapacité de disposer de son patrimoine en faveur des professions de santé », JCP N 2022, 1267 : « L’incapacité ciblant les ministres du culte ne semble pas devoir être discutée dans la mesure où son régime est historiquement calqué sur l’incapacité ciblant les professions de santé ». Suffisant ?
  • 9.
    L’incapacité de recevoir à titre gratuit est inapplicable aux protecteurs familiaux, Cass. 1re civ., 17 oct. 2018, n° 16-24331 : Bull. civ. I ; DEF 14 mars 2019, n° DEF145s1, note D. Noguéro ; D. 2019, Pan., p. 1412, spéc. p. 1414, obs. D. Noguéro.
  • 10.
    G. Raoul-Cormeil, « Constitutionnalité de l’incapacité de recevoir à titre gratuit du professionnel de santé », LEFP oct. 2022, n° DFP201b1 : « En traitant ces professionnels plus sévèrement que les professionnels de santé, il est à craindre que l’interdiction soit disproportionnée ». L’auteur approuve la décision. S. Bernard et Z. Bremond, « Le carcan de la vulnérabilité : retour sur l’incapacité de disposer de son patrimoine en faveur des professions de santé », JCP N 2022, 1267 : incapacité « bien délimitée sur le plan personnel » mais « il n’en va pas de même en ce qui concerne sa délimitation temporelle », d’où un dispositif pouvant « ne pas franchir le test de constitutionnalité s’il devait en être fait une application large ». Les auteurs évoquent l’hypothèse d’une nouvelle saisine QPC. Interrogative sur les MJPM, C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11.
  • 11.
    Par ex., pour l’auxiliaire de vie, Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 19-21267 : DEF 1er juill. 2021, n° DEF201n8, obs. D. Noguéro ; JCP N 2021, 443 ; Dr. famille 2021, comm. 101, obs. M. Nicod ; JCP N 2021, 1244, note N. Peterka.
  • 12.
    Cass. crim., 22 juin 2022, n° 20-86271 : AJ fam. 2022, p. 439, obs. L. Mary.
  • 13.
    En ce sens, X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116.
  • 14.
    Le « tour de passe-passe » justement dénoncé, C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11.
  • 15.
    L’action en nullité relative sera souvent exercée au décès du disposant par ses héritiers, continuateurs de sa personne et assumant ainsi, même médiatement, sa protection, par la dissuasion que peut générer la crainte d’une action en justice contestant la libéralité litigieuse (v. notre analyse sous la décision de 2021). Contra X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116. L’auteur y voit une défense des seuls héritiers.
  • 16.
    X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116. L’auteur y voit « une forme de paternalisme d’État ». En parallèle, il faudrait peut-être relativiser la démocratie sanitaire à l’épreuve des faits…
  • 17.
    C.-M. Péglion-Zikka, « Existe-t-il un droit de l’homme à hériter ? », RTD civ. 2018, p. 1. Rappel du refus constitutionnel d’un tel droit par cet auteur, dans son commentaire sous l’arrêt. Aussi, S. Bernard et Z. Bremond, « Le carcan de la vulnérabilité : retour sur l’incapacité de disposer de son patrimoine en faveur des professions de santé », JCP N 2022, 1267.
  • 18.
    Le point 3 de la décision vise l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
  • 19.
    J. Houssier, « L’interdiction de recevoir des membres des professions de santé est conforme à la Constitution », AJ fam. 2022, p. 437. L’auteur compare les vulnérabilités à domicile ou en établissement.
  • 20.
    En ce sens, C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11. Insistant sur la notion de vulnérabilité composante de l’intérêt général et évoquant la Cour européenne des droits de l’Homme pour son avancée sur la « vulnérabilité (catégorielle, groupale et situationnelle) », X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116.
  • 21.
    C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11 : le Conseil « se contente de caractériser le but d’intérêt général par la seule référence au besoin de protection résultant de la situation de vulnérabilité des personnes malades en l’espèce (ou des personnes assistées alors). Il délaisse ainsi d’autres considérations qui auraient pu venir en appui de sa démonstration. L’incapacité de disposer protège aussi l’intérêt des tiers, celui des héritiers légaux notamment, ainsi que celui de la société résidant dans une certaine moralisation des professions de santé ».
  • 22.
    C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11 : comparaison avec la décision de 2021.
  • 23.
    Pour CASF, art. L. 116-4, I, on retrouve la durée de la prise en charge. Et également les mêmes exceptions à l’interdiction, par renvoi explicite à C. civ., art. 909, al. 3. Elles ne sont pas évoquées par le Conseil en 2022.
  • 24.
    Contra X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116. L’auteur y voit une explication repoussant l’excès de généralité par la réunion d’éléments objectivés. En ce sens, S. Bernard et Z. Bremond, « Le carcan de la vulnérabilité : retour sur l’incapacité de disposer de son patrimoine en faveur des professions de santé », JCP N 2022, 1267.
  • 25.
    Le traitement, prévu à l’origine, a été remplacé par les soins, en vertu de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 en vigueur au 1er janvier 2009, ce qui est une extension du domaine de l’incapacité.
  • 26.
    C.-M. Péglion-Zika, « Constitutionnalité de l’article 909, alinéa 1er, du Code civil (incapacité relative de recevoir pour les membres des professions de santé) : 2 poids, 2 mesures ? », RJPF 2022/11 : condition personnelle, selon l’auteur, relevant la différence avec 2021. Troisième limite à l’interdiction, elle ajoute une dernière condition dite « matérielle » : les soins donnés, aspect différent des tâches à domicile, vagues, en 2021.
  • 27.
    D. 2022, Pan., p. 2063, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier : « Le caractère irréfragable de la présomption n’a donc pas semblé excessif au Conseil dès lors que son périmètre était borné ».
  • 28.
    Des regrets, visiblement, X. Bioy, « L’interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé : retour sur la vulnérabilité pensée par le droit », JCP G 2022, 1116 : « L’article 909 assimile donc tout patient décédé d’une maladie, quels que soient son état de conscience et son autonomie, à la situation pérenne des catégories de personnes protégées par la loi. La loi et le Conseil admettent une présomption irréfragable d’incapacité qui crée une catégorie abstraite et générale de majeurs protégés, non en raison de leurs capacités intrinsèques mais de leur situation ». Et « le contrôle du Conseil constitutionnel demeure assez restreint, surtout pour un droit de premier plan. En effet, il aurait tout aussi bien pu formuler une réserve d’interprétation tendant à s’assurer de la subsidiarité de l’application du dispositif. Son automaticité interroge quelque peu, à la fois parce qu’elle condamne la relation médicale à n’être que source de vulnérabilité, ensuite parce qu’elle prive la personne de la possibilité de prouver le contraire. Cependant, un ordre public de protection requiert aussi une forme d’efficacité et de sérénité que peinerait à réaliser un contrôle concret aux mains du juge de la succession ».
  • 29.
    Avertissement donné, D. Noguéro, « Pour la protection à la française des majeurs protégés malgré la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées », RDSS 2016-5, p. 964. Adde D. Noguéro, « Vulnérabilité et aptitude en France », in La vulnérabilité. Journées québécoises, t. LXVIII/2018, 1re éd., 2020, Bruylant-LB2V, Travaux de l’Association Henri Capitant, p. 173.
  • 30.
    C. civ., art. 1128, 2° – C. civ., art. 1146 – C. civ., art. 902. Vocabulaire maintenu à noter !
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