Albert Marquet, peintre du temps suspendu

Publié le 05/08/2016

Albert Marquet, La Varenne Saint-Hilaire, la barque, 1913, huile, 65,4 x 81 cm.

Richard Nathanson, Londres / ADAGP, Paris 2016

Retrouver le cheminement de cet artiste à travers une centaine de peintures et dessins, c’est ce que propose la rétrospective du musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Albert Marquet fut un peintre discret qui a suivi les mouvements de son époque tout en conservant une approche stylistique personnelle.

L’eau, mer ou fleuve, a été pour lui une source permanente d’admiration ; en Normandie, à Paris ou en Afrique du Nord, sous des lumières si différentes, elle lui a inspiré des compositions dans lesquelles dominent le calme, la sérénité. Marquet a étudié avec Matisse à l’École supérieure des Arts décoratifs puis dans l’atelier de Gustave Moreau aux Beaux-Arts.

Présentée dans l’ordre chronologique, l’exposition s’ouvre avec la présentation de nus debout ou offerts, érotiques, ainsi qu’une série d’encres de Chine au dessin rapide, nerveux, parfois réduit à quelques traits et témoins de son grand talent de dessinateur. En peinture, il est très vite captivé par le paysage où l’eau constitue un élément important. Il aime les tons délicats et ne s’attache pas à la description mais cherche à recréer l’atmosphère en un style post-impressionniste. Un voyage en Normandie en compagnie de Raoul Dufy lui révèle la lumière sensible baignant les paysages maritimes. Il a alors rejoint l’année précédente le groupe des fauves et ses œuvres sont réalisées en un chromatisme rutilant, flamboyant ; ainsi Juillet où les drapeaux flottent au vent, hauts en couleurs. Durant cette période, il travaille en touches visibles et avec une palette forte, tandis que les formes sont cernées d’une ligne épaisse.

Cependant assez rapidement il délaisse cette violence des tons pour composer des toiles souvent poétiques en des tonalités restreintes très nuancées où dominent les gris, verts doux : La Seine à Poissy, où il excelle à rendre le reflet des frondaisons sur l’eau. À toute heure du jour, à différentes saisons, il capte la lumière parfois ocrée et exprime son goût pour une palette nuancée avec d’infinies variations, toujours harmonieuse et restreinte.

Lors d’un voyage en Afrique en 1919, il admire là encore la lumière vive ; il peint Alger écrasée de soleil, son port, ses bateaux sans détail inutile ou Bougie, qu’il traite dans la délicatesse des tons. Il adapte parfaitement sa palette et l’éclairage avec les lieux qu’il représente. Ce peintre aime une construction rigoureuse, les jeux de valeurs, l’union de l’eau et de la lumière et dans cette peinture redevenue paisible après le violent colorisme fauve il compose des paysages où l’eau devient miroir pour les arbres qui la bordent. Le dessin est plus affirmé dans cette atmosphère de verdure et d’eau dans l’union des verts. Une invitation à la promenade avec La Barque à La Varenne-Saint-Hilaire ; un peu plus tard il nous invite à L’Île aux cygnes dans un environnement lyrique.

Ses vues de Paris sont fort connues, il les a exécutées durant plus de trente ans depuis ses fenêtres du quai des Grands Augustins, en contemplatif. Dans les 20 toiles exposées sur ce thème, il peint en des angles différents qui apportent une variété de vision. Vues sensibles du fleuve au Pont-Neuf sous un soleil d’hiver ou lumière dorée sur les quais. La Seine et ses péniches, Notre-Dame par temps de neige qui se dégage d’un léger brouillard, autant de compositions uniques où s’exprime la sensibilité de l’artiste. Un tableau d’une discrète beauté retient le regard : La Dune du Pyla (1935) où se retrouvent la transparence de l’eau, des nuages légers dans une harmonie bleutée.

Albert Marquet a laissé une œuvre où s’unissent vérité et émotion.

 

LPA 05 Août. 2016, n° 119n8, p.22

Référence : LPA 05 Août. 2016, n° 119n8, p.22

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