Aubusson : entre tapisseries, visite de la cité et haltes gourmandes

Publié le 26/08/2021

Cornet de chèvre et glace à l’huile d’olive.

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Aubusson tisse plus que jamais des tapisseries

La ville creusoise vit encore et toujours au rythme des métiers à tisser, la cité internationale de la tapisserie témoignant par le modernisme de ses créations d’un savoir-faire ancré, contemporain et bien vivant.

Les trois principales manufactures royales (Beauvais, les Gobelins, Aubusson) témoignent d’un fort passé patrimonial au cœur de l’hexagone de l’art français de la tapisserie. En balade en Creuse, nos pas nous ont conduit dans la petite cité d’Aubusson qui, aujourd’hui, revendique haut et fort son passé tout en voulant l’ancrer dans le futur pas des réalisations modernes.

Une origine incertaine. Des mentions écrites de fabrication de draps de laine et de couvertures dès 1457, l’hypothèse d’un prince ottoman exilé au XVe siècle à 40 km d’Aubusson et l’installation de tisserands turcs, l’alliance entre des familles locales et d’autres flamandes d’Arras et du Hainaut… L’origine de la tapisserie dans ces bourgades de la Creuse est incertaine ; si ce n’est que la pureté de l’eau non calcaire de la rivière, la Creuse, est un élément propice au dégraissage de la laine et à la fixation des teintures.

La cité internationale de la tapisserie pour remonter le temps. Dès 1981, le projet économique et culturel d’un renouveau de la tapisserie porte ses fruits. Du centre Jean-Lurçat à la cité actuelle, les années ont prouvé que plus que jamais la tapisserie s’ancre dans la vie locale et sait surtout sortir du cliché « vieille tenture poussiéreuse d’un château » pour s’ouvrir à un public jeune, à des artistes contemporains.

Dans la nef des tentures, on parcourt le temps avec les verdures du XVIe siècle peuplées d’animaux fantastiques ou réels, et celles tirées des romans sentimentaux ; les tentures du XVIIe siècle avec des récits bibliques, littéraires et mythologiques… C’est en 1664 que Colbert accorde aux ateliers d’Aubusson le droit d’inscrire en gros les caractères de « Manufacture royale de tapisseries » au-dessus de leurs portes. Au XVIIe siècle, Aubusson et sa voisine Felletin se démarquent, cette dernière ville restant fidèle à la religion catholique alors qu’Aubusson adopte la religion réformée. Louis XIV contraint à l’exil ceux qui refusent d’abjurer leur foi ; d’où la fuite de 200 lissiers aubussonnais vers la Suisse et l’Allemagne. La révocation de l’édit de Nantes entraîne une réforme de la manufacture et le XVIIIe siècle est une époque de grande production artistique concurrencée par la fabrication de tapis au point noué et de tapis ras. Au XIXe siècle, la production est éclectique du néoclassicisme à l’orientalisme. Suivent au XXe siècle des tapisseries liées aux divers mouvements artistiques : Art déco, Art nouveau, Arts and Crafts (mouvement surréaliste de Jean Lurçat). Cet artiste relance et médiatise la ville d’Aubusson tout en amenant divers artistes tels que Dom Robert, Marc Saint-Saëns, Robert Wogensky, etc. à la tapisserie. Différentes tapisseries témoignent de cette évolution de l’art du lissier.

Un savoir-faire ancestral et vivant. Outre être un écrin pour les plus belles tapisseries de tous les temps et aussi un centre bibliothécaire de documentation de 6 000 livres, la cité internationale est aussi un lieu de formation des lissiers afin d’obtenir un brevet des métiers d’art. Malgré la pandémie, pas moins de 17 stagiaires sont en formation en cette année 2021, témoins des divers chaînages du savoir-faire qui se transmettent décennie après décennie.

Une plate-forme de la création contemporaine. La cité présente les maquettes d’artistes et les tapisseries tout juste « tombées » du métier. Et de voir la licorne de Nicolas Buffle, inspirée des fameuses tapisseries de la dame à la licorne (fin XVe siècle) conservées au Musée de Cluny. L’imaginaire de Tolkien est aussi présent avec 14 tapisseries et 2 tapis. J. R. R. Tolkien est l’auteur du Seigneur des Anneaux ; alors que son fils Christopher décède, c’est son épouse Baillie qui reprend la mise en valeur et la promotion de son œuvre. En pensant à lui, vous imaginez des textes ; c’est oublier que, dès son enfance, le génial écrivain a dessiné et peint. La prouesse pour ces réalisations de Tolkien réside dans le départ de l’aventure : un ensemble d’aquarelles et de dessins conservé à la Bodleian Library d’Oxford, dont la plupart ne mesure que 20 cm de côté. À la cartonnière Delphine Mangeret de réaliser des cartons en agrandissant le dessin ; au lissier de le retranscrire en interprétant selon un parti pris ancien et des techniques et couleurs d’antan. Et Emmanuel Gérard, directeur de la cité, d’affirmer que c’est bien là un savoir-faire aubussonnais mis en place depuis 500 années…

Dans la même veine a été signée une convention entre la cité internationale de la tapisserie, le Studio Ghibli Inc. et le maître de l’animation japonaise, Hayao Miyazaki, pour créer 5 tapisseries extraites de ses films. On retrouvera ainsi l’errance en forêt de la princesse Mononoké, le banquet du Voyage de Chihiro, les illustrations proches du travail d’un Jules Verne pour Le Château ambulant. Des appels à candidature auprès des ateliers sont en cours, témoignant de la vivacité et du modernisme dans la création des ateliers et manufactures locales.

• La cité internationale de la tapisserie, rue des Arts, 23200 Aubusson. Tél. : 05 55 66 66 66

Que voir en déambulant en ville ?

Bien sûr, à Aubusson, tout respire et vit encore au rythme de la laine et des métiers à tisser, et la bourgade extrêmement florissante d’antan ne compte plus que quelque 3 900 habitants.

Si vous venez ici pour visiter la cité de la tapisserie, prenez le temps d’une promenade, l’occasion de parcourir les ruelles et indéniablement vous serez ramené(e) au microcosme des lissiers, des teinturiers. De nombreuses maisons ont des restes d’escaliers aux marches en pierre descendant directement dans la Creuse, elles attestent ainsi qu’elles étaient des maisons de tapissiers qui venaient y laver la laine avant de la stocker, puis de la travailler en hauteur dans les pièces en sous-pente. De même, les fenêtres « chien-assis » étaient les ateliers de tissage, et c’est dans l’ancien quartier des lissiers, dit « La Terrade », que vous trouverez les maisons les plus pittoresques. On y accède par un vieux pont en pierre construit avec les pierres et matériaux récupérés du château démoli.

Vers la rue Vieille, artère principale de circulation de la ville, la maison des Vallenet est belle même si l’ensemble est hétéroclite car plusieurs époques de construction s’entremêlent et des remaniements sont visibles. Certaines portes et fenêtres proviennent du château (XVIIe siècle), un balcon en ferronnerie est du XIXe siècle ; mais des signes extérieurs (croix de la famille d’Aubusson et écusson de la ville) prouvent que la maison appartenait à de riches lissiers. En bas de la maison, la fontaine en pierre noire de Volvic contraste par sa couleur sombre avec la douceur des pierres du bâtiment.

Plus loin, la maison du tapissier et l’office de tourisme sont des édifices du XVIe siècle et la construction typique se révèle être une échoppe arrondie au rez-de-rue, des appartements au premier étage, des ateliers dans les parties hautes.

Levez toujours les yeux pour voir les maisons à pans de bois et observez les toitures. Certaines ont la particularité d’être en bardeaux de châtaignier. C’est là une technique souvent utilisée en Limousin, riche en forêts de châtaigniers dont le bois est connu pour être imputrescible et détesté des araignées. Sur la tour de l’horloge, ancienne enceinte défensive du bourg qui remonterait au XVIe siècle, des bardeaux aussi et 3 cadrans indiquant l’heure mais surtout un beau panorama sur la ville.

Dormir et manger aux Maisons du Pont

Pour vous héberger et vous restaurer, nous vous conseillons « Les Maisons du pont », un établissement à mi-chemin entre l’hôtel et la chambre d’hôtes. Idéalement située sur le pont de La Terrade, votre chambre ou suite comportera une kitchenette. Dans un bâti ancien, tout a été refait de manière design et fonctionnel. Faisant parties du lieu, deux restaurants à votre disposition : « À Côté », un café cantine pour une restauration rapide de salades et de viandes grillées ; et « À La Terrade », un bistrot gourmand dans lequel nous avons pris un bon dîner.

Pour 34 €, on se régale d’un cylindre de fromage de chèvre adouci par un biscuit madeleine caché et d’une boule de glace à l’huile d’olive : un mélange sucré-salé étonnant de fraîcheur et de suavité. Ne choisissant pas la pastilla de lapin à la sauge, nous avons opté comme plat principal pour le lieu jaune en croûte posé sur un houmous de pois chiches et un cromesquis de béarnaise. Pour finir en douceur, sur un moelleux amandé s’étalait une mousse mascarpone vanillée et des fruits rouges.

Bavardant avec les convives de la table voisine, nous avons vu leur choix d’un menu Épicure à 44 € avec du foie gras au poivre de maniguette, un buisson de gambas aux herbes sur une royale de petits pois menthe et un sablé breton et son crémeux chocolat avec sa gelée d’abricots.

Pour accompagner votre repas, les vins au verre étaient plus que raisonnables : un Alsace Pinot Blanc de 2017 à 5 € ; un Bordeaux supérieur de 2018 à 5 €, un Bourgueil de 2019 à 5,50 €, ou un rosé des Coteaux d’Aix en Provence 2019 à 5 €.

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