Christian Galantaris plus que bibliophile
Éditions Ipagine
L’un des plus beaux gestes d’un bibliophile n’a pas été écrit par un bibliophile, mais par un romancier, aujourd’hui disparu, qui a été bien étonné lorsque nous lui avons dit qu’il avait énoncé le « credo du bibliophile ». Louis Calaferte (1928-1994) o,riginaire de Turin, dans son roman Rosa Mystica, publié par les éditions Denoël, en 1968, décrit son personnage principal s’extasiant devant « les reliures brillantes sous la lumière, la chaleur fauve des cuirs ». Ravi, il exprimait « le plaisir intime que de tirer de sa niche un livre, de caresser sa reliure, de le feuilleter, de s’attarder, admiratif, à la finesse des gravures, de respirer l’odeur du papier ; entre le pouce et l’index d’en apprécier le grain, l’épaisseur, le velouté, la douceur lisse ». Et il ajoutait : « Chaque fois une satisfaction de presque concupiscence. » Christian Galantaris, libraire et lettré ou lettré et libraire, exprime d’une autre manière cette passion pour les livres. Outre ses nombreuses expertises dans le cadre des ventes publiques de bibliothèques et de son activité de libraire, il a déjà composé plusieurs ouvrages magistraux qui comptent désormais dans l’histoire du livre. Après son Manuel de Bibliophilie (éditions des Cendres, 1997) et sa bibliographie commentée et exhaustive des ouvrages de Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, il vient d’ajouter une pépite en nous offrant, aujourd’hui, une Histoire de la bibliophilie, avec en guise de sous-titre : 500 ans d’amour du livre.
Christian Galantaris a conscience que les traités de bibliophilies sont nombreux. Après Paul Lacroix, dit le Bibliophile Jacob (1806-1884), qui rêvait d’établir un dictionnaire biographique des bibliophiles, libraires, amateurs s’y sont essayés. Christian Galantaris a pris la suite et relevé le défi. Prenant appui sur les propos du libraire bibliographe, Jean Viardot (1924-2022), qui recommandait de ne pas se contenter de l’histoire des bibliophiles, il a bâti son ouvrage sur « une histoire linéaire des usages bibliophiliques rangée par siècle, aussi chronologiquement que possible, entrecoupée de notices sur les bibliophiles notoires, ainsi que de concepts, d’éléments connexes liés de très près à la pratique de la bibliophilie. » Depuis le Duc de Berry (1340-1416) jusqu’à Jacques Guérin (1901-2000), il ne reste, dit encore l’auteur, qu’à choisir les figures les plus illustratives. Les amateurs qui ont suivi les grandes ventes de livres, à Drouot notamment, conservent la mémoire de personnages aussi haut en couleur que le colonel Sickles, l’homme aux 3 collections et aux 21 catalogues de ventes, côtoie ici le libraire Pierre Bérès (1913-2008) mais également le baron Pichon (1812-1896), président de la très prisée Société des bibliophiles françois (avec un o). Ces personnages passionnés et les thèmes décrits dans cette histoire forment les maillons d’une chaîne qui laissent percevoir les goûts et les comportements bibliophiles durant cinq siècles. « La bibliophilie est un art en continuel renouvellement », affirmait Fernand Vandérem (1864-1939), qui fut directeur du Bulletin du bibliophile. « Si l’on veut se réclamer d’elle, il faut sans trêve se rajuster à ses progrès. » Christian Galantaris a suivi sans désemparer cet adage et s’est gardé d’inscrire le mot fin à son ouvrage, sachant que l’histoire de la bibliophilie est intemporelle et « donc interminable ».
Référence : AJU016s1
