Conte autour de Charles IX – Qui a volé le premier de l’an ? (II)

Publié le 31/12/2021

Un nouvel acte, l’Édit de Roussillon.

BGF

Les bruits coutumiers de la forêt sont couverts par le martèlement des sabots des chevaux lancés en plein galop. Leur souffle accompagne les cris des cavaliers destinés à fouetter leur élan. Loin derrière, la compagnie a peine à suivre cette folle course ; les chiens ont beau donner de la voix, leurs appels se perdent dans les taillis. Charles et Henri, quasi couchés sur l’encolure de leur monture, ne sentent même plus les branches basses les heurter. Les deux jeunes gens, rouges, suants, trempés, couverts de poussière finissent par se détendre et prennent une allure moins vive. Une clairière s’offre à eux sur la berge d’une rivière. Sitôt à bas de leur selle, ils se précipitent et plongent leur main dans l’eau fraîche avant de s’en asperger le visage.

« Comment peux-tu laisser Madame ta mère poursuivre son pouvoir ? », demande soudain Henri à Charles. Ce dernier hausse les épaules et lui répond qu’il est bien heureux de pouvoir chasser tout son saoul, de découvrir grâce à son aumônier, le bon Jacques Amyot, les auteurs classiques et les poètes et surtout Monsieur de Ronsard qui le couvre de son amitié. Je lui ai dit, ce qui l’a flatté : « Tous deux également nous portons des couronnes. Mais, roi, je la reçus ; poète, tu la donnes » – « Tu as l’esprit trop tendre lui reproche son cousin. Je n’aurai jamais imaginé, comme toi, d’offrir chaque 1er mai un brin de muguet comme porte-bonheur aux dames de la cour » – « Ces dames en sont bien aises, et j’ai, comme tu le sais, demandé que ce geste est renouvelé tous les ans ».

Leur conversation se tourne naturellement vers ce qui les préoccupait depuis la veille, c’est-à-dire l’allongement ou le raccourcissement de l’année.

« Que veux-tu, ma noble mère a découvert, à la faveur de cette longue promenade dans laquelle, elle m’a emmené, que l’année débutait soit à Noël, soit le 25 mars, soit le 1er mars ou encore à Pâques, ce qui provoque, tu t’en doutes, des confusions. Nous pensons qu’en réalité c’est notre ministre, L’Aubespine, qui lui a soufflé ce dysfonctionnement. Il m’a de son propre chef soumis, l’année dernière à Saint-Germain, un édit qui prescrivait de dater les actes publics en faisant commencer les années au 1er janvier » – « Tu faisais l’innocent hier, mais tu étais au courant de cette décision de modifier le calendrier » – « Certes, mais il m’est difficile de me heurter à la fois à Madame ma mère et à Monsieur de l’Hospital » – « Bref, tu vas signer et on appellera ce nouvel acte, l’Édit de Roussillon où Monsieur le cardinal de Tournon nous héberge actuellement » – « Bien, puisqu’il en ainsi, qu’allons-nous faire puisque le 1er avril nous a été volé et a perdu ses prérogatives ? » – « La fête Sire, une fête remplie de farces, de poissons frétillants et de joyeusetés pour ne pas l’oublier ».

Le 9 août 1564, à Roussillon, près de Grenoble, le roi Charles IX signa en présence de sa mère, la régente Catherine de Médicis, un édit préparé par le chancelier Michel de L’Hospital et le ministre Sébastien de L’Aubespine, décidant que l’année commencera le 1er jour de janvier et ainsi se devait compter en tous actes et écritures.

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