Dans la peau de Cyrano
Théâtre du Lucernaire
Il a beaucoup vagabondé dans le milieu des festivals, des lycées, et des petites scènes alternatives, avec cette obsession du jeu et du partage et cette passion du théâtre qui l’avait éloigné de ses études d’ingénieur et des voies droites des carrières confortables.
Il écrivait des poèmes, des chansons, des petits sketchs. Il avait créé une compagnie intitulée « Qui va piano », comme s’il voulait célébrer la tranquillité alors qu’il n’y a pas plus agité lorsqu’il est sur scène !
Puis il y eut la consécration en off par le festival d’Avignon, avec d’abord un spectacle jeune public (Molière dans tous ses états) et ce Dans la peau de Cyrano qu’il ne cesse de jouer en libres tournées avec déjà plus de 600 représentations.
Et voici, Nicolas Devort, la quarantaine venue, enfin consacré sur les scènes parisiennes avec ce spectacle qui emplit une salle enthousiaste, s’offrant le luxe de donner ce Cyrano en anglais le mardi et de jouer un autre spectacle en même temps, Le bois dont je suis fait, au Théâtre de Belleville, le lundi (relâche au Lucernaire) et le dimanche en soirée, enchaînant avec le Cyrano de l’après-midi.
Il est l’auteur de ce joli texte plein d’humour et de poésie, avec un sens de l’observation qui lui permet d’être toujours au plus juste lorsqu’il interprète avec une virtuosité exceptionnelle tous les personnages d’un conte rafraîchissant qui lui a été soufflé, dit-il, lors d’une rencontre avec des lycéens.
Timide et incompris, le jeune Colin, affligé de bégaiements, fait sa rentrée dans un nouveau collège et se montre effrayé devant ses condisciples et ses maîtres. Le professeur de littérature a ouvert un cours de théâtre où il entraîne l’adolescent, qu’il parviendra à délivrer en lui faisant jouer le rôle de Cyrano avec lequel il va l’identifier…
Nicolas Devort entre dans la peau des différents personnages : Colin (alias Cyrano), tête dans les épaules, mains nerveuses, regard affolé, Maxence (alias Christian), le bellâtre sûr de son charme, Adélaïde (alias Roxane), chichiteuse précieuse et le professeur paternaliste et bienveillant.
Décor minimaliste pour fixer l’attention sur le visage et le corps d’un comédien-danseur qui accomplit une véritable performance en changeant de personnages en un quart de secondes en leur donnant une vérité étonnante.
Texte plein de finesse, bonheur de jouer en intimité avec un public conquis !
Il faut aller voir Nicolas Devort, non plus au Lucernaire car le spectacle se termine fin mars, mais dans un autre théâtre parisien où il sera repris en juin.
Il faudra également le retrouver lors de la reprise de Le bois dont je suis fait où, avec un alter ego (Julien Cigana), ils jouent avec la même efficacité les rôles de père, mère, grand-père, fils et belles-filles en grande libération par le proverbe « Chi va piano va sano », certes, mais sans ménager sa monture et pour aller loin !