La vengeance dans la peau

Publié le 11/10/2018

Couverture du livre Amelie Nothomb les prénoms épicènes

Il y a des auteurs avec qui vous créez un lien particulier, plus qu’une connaissance, mais moins qu’un membre de la famille, vous ne le connaissez pas particulièrement bien, pourtant il vient vous visiter à intervalles réguliers, ce n’est pas vraiment un ami pourtant vous aimez sa présence, son style, son personnage, vous n’auriez pas idée de manquer cette rencontre annuelle et pourtant vous ne savez jamais à quoi vous attendre… Amélie Nothomb est de ceux-là.

On sait qu’à chaque rentrée, elle sera là.

Certains ne louperaient pour rien au monde ce rendez-vous, d’autres préfèrent laisser des intervalles plus espacés entre ces rencontres.

Mais qu’en est-il en cette rentrée de ce 27e livre ?

C’est un bon cru.

Terrible et mordant à la fois, il analyse les relations entre un père et une fille, des relations impossibles, car fondées sur un mensonge, une vengeance dont la fille est une victime collatérale.

Mais Épicènes, puisque c’est son prénom, est-elle vraiment une victime ?

Entre un père insondable et une mère dévouée à la réussite de son mari et dont l’amour suffit à combler le vide laissé par ce père mal-aimant, la jeune fille évolue dans le cirque des relations humaines. Comment un père peut-il après avoir tant désiré un enfant, finalement s’en désintéresser alors qu’elle est pourtant si prodigieuse ?

La vie d’une famille peut-elle se jouer sur une déception de jeunesse, peut-on vouloir à tel point se venger que toute empathie pour ses proches est impossible ?

Cette fable des temps modernes (l’action se passe dans les années 1970 entre Brest et Paris) donne le mauvais rôle au père, figure tutélaire rongée par la jalousie et dont l’ascension sociale n’est que l’instrument d’une vengeance peu ordinaire…

Comment le chagrin et la haine peuvent guider toute une vie ? Cet homme que l’on aime détester est finalement bien seul et son orgueil mal placé va conduire au naufrage familial.

Ce court roman est une histoire de filiation qui nous touche. Le style enlevé d’Amélie Nothomb nous comble par la richesse de son langage imagé, un pur moment d’un bonheur simple où la morale : « la personne qui aime est toujours la plus forte », l’emporte à la fin…

LPA 11 Oct. 2018, n° 139m2, p.16

Référence : LPA 11 Oct. 2018, n° 139m2, p.16

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