De Watteau à David, la collection Horvitz
Nicolas de Largillière, Louise-Marguerite Bertin de Vaugien, Comtesse de Montchal, 1735 (h/t).
The Horvitz Collection/M. Gould
François Boucher, Femme nue allongée, vers 1740.
The Horvitz Collection/M. Gould
Découvrir une collection procure toujours un véritable intérêt ; elle révèle un goût pour l’art et la recherche patiente de l’œuvre désirée. Le Petit Palais présente peintures, dessins et quelques sculptures acquises depuis les années 1980 par Jeffrey E. Horvitz.
Ce grand amateur d’art américain s’est fortement intéressé à l’art français du XVIIIe siècle dans ses diverses expressions et l’ensemble des dessins du XVIIIe siècle constitue la collection privée la plus importante de dessins français à l’étranger. 200 œuvres parmi les 1 800 réunies par Jeffrey E. Horvitz font revivre l’évolution artistique durant cette période où l’art classique cède la place à une conception moderne, du rococo au néo-classicisme.
La présentation chronologique se décline en 15 sections thématiques ou monographiques. Le XVIIIe siècle est celui du portrait, ceux de Hyacinthe Rigaud qui, au début du siècle est l’un des maîtres de la figuration solennelle, il excelle dans la ressemblance. Peintre favori des prélats et magistrats, Nicolas de Largillière séduit avec la vérité du rendu de la carnation féminine. À ses débuts, le XVIIIe siècle abandonne la peinture religieuse et d’histoire au profit d’une image vivante des mœurs de l’époque et d’une admiration de la nature dont on développe l’étude. Les peintres s’intéressent au paysage pour lui-même et non comme simple décor. Mais ce que l’on retient avant tout, ce sont les scènes galantes immortalisées principalement par Antoine Watteau ; on admire ses réunions de seigneurs galants et de jeunes femmes gracieuses, élégantes dans des parcs ombragés par des arbres centenaires. C’est tout le jeu de la séduction, du plaisir, qu’évoque le peintre dans ces scènes réalisées en courbes et contre-courbes en un pinceau délicat et ses dessins sont traités tout en finesse.
Peintre d’histoire agréé par l’Académie royale de Paris et, plus tard, peintre du roi, François Boucher découvre l’art du nu et la vibration de la lumière lors d’un séjour à Rome. Il exalte le rayonnement féminin ; ses pastels autant que ses dessins sont admirables tout comme ses nus à la sanguine très charnels, voluptueux. Puis la peinture animalière connaît un certain engouement, Jean-Baptiste Oudry en demeure l’emblème par la vérité qu’il confère aux bêtes, ses trophées de chasse affirment sa maîtrise.
Jean-Honoré Fragonard figure évidemment parmi les artistes appréciés par le collectionneur. Élève de François Boucher, il se rend en Italie d’où il rapporte notamment lavis et sanguines sur le thème du paysage d’une délicatesse extrême avec de vastes ciels, des arbres au feuillage arachnéen. Artiste passionné, il va passer maître des tableaux galants ; c’est le peintre de la découverte de l’amour. Superbe dessinateur, ses feuilles reflètent la vérité des modèles en une touche libre.
Ce panorama du XVIIIe siècle rappelle combien il fut riche en création et évolution. Si la Femme, précieuse ou savante, joue un rôle important le paysage n’est pas oublié avec Hubert Robert et ses célèbres vues peuplées de ruines si bien traitées. De même, la peinture d’histoire ou religieuse qui revient ainsi que les scènes de genre toujours présentes ; celles de Louis Boilly où la beauté des dames vêtues de robes superbes sur lesquelles coule la lumière évoque le goût de l’époque pour le raffinement. Quant aux dessins de sculpteurs ils méritent l’attention ; puissance et sensibilité les caractérisent le plus souvent. Ce siècle se termine avec un retour au néo-classicisme inspiré de l’Antiquité, Jacques-Louis David en est l’un des maîtres, il a laissé des tableaux traitant souvent de la vie politique avec une science du dessin remarquable.
Ce XVIIIe siècle plutôt frivole se termine par le bouleversement général de la Révolution ; les commandes importantes laisseront place à des portraits et paysages de petits formats.