Entre Rubens et Van Dyck

Publié le 29/08/2018

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S’il ne possède pas la capacité d’invention, l’exubérance, l’extraordinaire génie de Rubens ni la science, la fraîcheur de palette de Van Dyck ses contemporains, Gaspar de Crayer demeure toutefois un excellent peintre plutôt oublié.

C’est d’ailleurs la première exposition de cet artiste flamand présentée au musée de Cassel, en Flandre, qui répare cette injustice avec une présentation de ses œuvres retraçant les principales époques de sa création.

Près de 50 peintures, dessins, gravures issus de grands musées européens et des États-Unis familiarisent avec ce peintre qui connut son heure de gloire au moment de la Contre-Réforme notamment. Il a réalisé durant cette période un grand nombre de tableaux religieux.

Fut-il ami de Rubens, l’on ne sait, cependant le maître d’Anvers lui a ouvert une partie de son atelier, ce qu’il faisait rarement.

Gaspar de Crayer naît à Anvers dans un milieu artistique, son père est enlumineur et calligraphe et lui-même est assez tôt intéressé par la peinture. Il devient l’élève de Raphaël Coxie à Bruxelles où il va s’installer quelques années.

Contrairement à de nombreux artistes il n’effectue pas le voyage en Italie, cependant, certaines de ses œuvres s’inspirent de peintres italiens ; il admire le Titien et Véronèse.

Sa vie se passe entre Bruxelles, Anvers et Gand où il décédera, les pinceaux à la main.

S’il est reconnu comme peintre de scènes religieuses, on le découvre aussi excellent portraitiste de cour et d’aristocrates. En 1635, il est attaché à la cour du cardinal infant Ferdinand puis il deviendra peintre du roi.

Vers la fin des années 1610 il s’exprime en un maniérisme tardif sans excès dans des rouges et des bleus sous la lumière, réalise des Madones et Enfant qui parfois possèdent un accent vénitien. Au fil des salles on découvre par exemple la superbe luminosité irradiant le corps de Job, un tableau de 1619 à la palette de brun doré ou plus sombre. Très présent, le personnage implorant la providence et dont la souffrance est perceptible s’impose dans le clair-obscur. Autre composition Le martyre de Sainte-Catherine, remarquable de finesse dans les coloris, d’élégance du trait. C’est l’art flamand dans sa beauté avec une plasticité qui évoque celle de Rubens. Une série de portraits maniéristes sans complaisance, le plus souvent des commandes de l’entourage des archiducs Albert et Isabelle dont il glorifie ainsi le pouvoir comme il est de coutume. Il affirme une aisance à exprimer le rang du personnage au visage le plus souvent dénué d’émotion.

Le peintre excelle dans le rendu, le raffinement de la dentelle des fraises entourant les visages ; ainsi le délicat portrait d’une jeune femme à la carnation presque translucide, elle se détache d’une tenture rouge révélant la dextérité de l’artiste dans le rendu des drapés, sa sobriété de palette.

Pour la première fois sont confrontés deux portraits de Philippe IV d’Espagne venus de Madrid et de New York. Dans le premier le souverain est accompagné d’un nain. La scène est un peu théâtrale, le personnage vêtu d’une armure de parade en acier trempé, gravé de motifs du plus bel effet se détache d’un rideau rouge contrastant avec la cuirasse. Dans les deux tableaux le visage apparaît sans expression.

Parmi les compositions bibliques ou de la vie de Jésus qui ont fait sa gloire, L’Annonciation et La Visitation, deux œuvres inspirées du baroque où le peintre révèle sa personnalité et qui le font remarquer. Crayer s’est attaché à la figure de Marie-Madeleine, il l’évoque les yeux tournés vers le ciel, coupant ses cheveux qui faisaient partie de sa séduction, au moment où elle renonce aux vanités du monde. Un crâne à ses côtés symbolise son changement de vie. Il pare aussi les Vierges à l’Enfant d’une grande douceur.

Ses gravures et dessins d’une rare finesse réalisés à l’encre brune ou rouge sont superbes, œuvres d’art à part entière, lumineuses.

L’art de Gaspar de Crayer témoigne de son admiration pour Rubens, de sa connaissance de l’art italien. Il atteint son apogée vers 1640.

LPA 29 Août. 2018, n° 138s9, p.13

Référence : LPA 29 Août. 2018, n° 138s9, p.13

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