Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Marc Chagall, l’Opéra (détail), 1954.
Archives Fondation Maeght
La Fondation Maeght conserve une collection d’œuvres d’art moderne et contemporain, une des plus importantes en Europe. Pour cet hiver, elle nous en propose une nouvelle lecture, à la suite des expositions consacrées à A. R. Penk et Edouardo Arroyo.
Plus de 100 œuvres : peintures, sculptures, dessins ou estampes, sont présentées pour cet accrochage autour de la dimension humaniste de la collection.
La question de l’humanité et de ses représentations, de l’existence et de l’être humain, sont ce que cerne l’exposition, et son titre est emprunté aux vers de Louis Aragon, mis en musique par Léo Ferré : « Est-ce ainsi que les hommes vivent. Et leurs baisers au loin les suivent (…) ».
Dans les salles et les espaces extérieurs, le parcours de l’exposition est construit autour de la figure de l’homme. Apparaît ainsi l’humain avec ses corps, ses environnements, ses excès, ses souffrances ou ses joies, ses vérités et ses utopies.
Ce parcours conduit le visiteur à travers différents thèmes : les regards, les situations du corps, les mécaniques et les géographies humaines, les gestes du travail ou de la fête, les jeux et le théâtre, les villes et les villages, les rêves, les débordements, le silence et la solitude.
Regards : des visages de femmes et d’hommes qui nous interrogent. Le Portrait de Fabiani d’Henri Matisse montre une expression ambivalente de l’être humain, saisie en une ligne. The Face of Rudolf Nureyev de Francis Bacon nous découvre le visage du danseur dans la douleur, non dans la beauté, composé par des lignes, des taches, des angles et des contrastes de couleurs.
Situations du corps : le corps et sa représentation depuis le plus humble au plus épique. Hesperis de Georges Braque, c’est l’imagination ou le fantasme de la sculpture. Corps acrobates ou funambules chez Fanta et Vladimir Velickovic. Corps animal et végétal avec La Forêt de Germaine Richier, nous montre une créature hybride.
Mécaniques et géographies humaines : l’humain au travail avec des œuvres de Pierre Alechinsky, Georges Braque et Jean-Michel Folon. La série de dessins de Pierre Alechinsky évoque la rue et les personnages de la ville, tandis que Georges Braque, dans La Chasse, fait surgir un personnage aux lignes fragilisées.
Gestes du travail et de la fête : les machines de Peter Klasen, les scènes de genre et d’imagerie bucolique de Vassily Kandinsky. De Gérard Fromanger, Le Dripi de Gaumont fait vivre la dimension de la fête, celle du peuple Gomon de Côte d’Ivoire.
Jeux et théâtre : Mille et une nuits, Badroulboudour Rosa Amat d’Alekos Fassianos ou les personnages de Claude Garache ou d’Henk Visch dans des tonalités de rouge.
Villes et villages : cette partie de l’exposition évoque l’atmosphère urbaine et la nature avec des œuvres de grands formats. Elle nous montre leur opposition et leurs liens, leurs espaces hétérogènes. Le choix est allé à Pierre Alechinsky, Alexander Calder, Tibor Csernus, Fernand Léger ou Jacques Monory.
Rêves : Marc Chagall a ici toute sa place. Il a construit une vision pleine d’allégresse, faisant voler ses personnages au-dessus des villes et des paysages.
Débordements : parfois l’art nous emmène dans des excès, la déraison, le délire voire la folie. Le débordement est toujours comparé à Dionysos. Chez Alexander Calder, cette démesure a pris les traits de son Black man ou chez Jean Dubuffet avec Faits et raison.
Silence et solitude : sont annoncés avec une peinture de Djamel Tatah, où une figure est disposée dans le vide de l’espace de la toile, marquant une attente. De Marco Del Re, un grand triptyque représentant un paysage avec des ruines. De Sam Szafran, un homme, seul, ouvre le champ de la méditation et de la pensée. Et Alberto Giacometti qui incarne cette pensée avec ses sculptures. Ses corps débattent avec le temps et la finitude.