Ferdinand Hodler et le parallélisme

Publié le 17/07/2018

F. Hodler, L’émotion.

SIK-ISEA, Zürich

« La mission de l’artiste est d’exprimer l’élément éternel de la nature, la beauté, d’en dégager la beauté essentielle ». Ainsi cet artiste suisse, le plus célèbre du pays avec Félix Vallotton, exprime-t-il son souhait intime : rendre à la nature sa vérité, sa plénitude à travers sa création. L’anniversaire du centenaire de sa mort est l’occasion de redécouvrir son œuvre témoin d’une vision très personnelle.

Présentée au musée Rath à Genève, l’exposition revisite les compositions de Ferdinand Hodler à partir de ce qu’il a appelé au cours d’une conférence le « parallélisme », celui qu’il trouve aussi bien dans la nature que dans le corps humain. Un concept de représentation du paysage qu’il ordonne à partir d’un système de lignes parallèles trouvées dans la nature pour aboutir à l’épure ; cependant forêts, lacs, montagnes demeurent vivants. Le parcours propose un dialogue entre paysages et portraits.

Autodidacte, Ferdinand Hodler s’initie à l’art grâce à Barthélémy Menn, professeur à l’école des Beaux-arts de Genève. Assez rapidement Hodler organise sa pensée, porte un regard nouveau sur la peinture. L’exposition s’appuie sur les écrits de l’artiste. Grand marcheur, il regardait, réfléchissait entre contemplation des forêts et autres lieux et délectation. Parcourant les bois, il est frappé par le parallélisme des troncs qu’il traduit par de subtiles variations lumineuses dans Promeneur dans la forêt. On est au cœur de la nature parmi cette verticalité ; la même ordonnance se retrouve dans les bords de ruisseaux, les montagnes puissantes sous la voûte d’un ciel travaillé ou encore dans la limpidité du lac Léman. Visions sereines, reflets de cette belle et immuable nature. La symétrie, une idée qui ne quitte pas l’artiste, et qu’il retrouve dans la figure humaine. À l’instar de bien des peintres, Hodler a réalisé de nombreux autoportraits où le regard apparaît profond en un traitement vigoureux de la peinture.

Ferdinand Hodler est habité par la peinture et, si parfois il n’a pas été compris, il a cependant continué à suivre son chemin. Plusieurs de ses chefs-d’œuvre figurent à l’exposition ainsi que des créations à découvrir. Il ne s’agit pas d’une rétrospective mais d’un voyage dans l’univers de cet artiste singulier ; il a souhaité faire dialoguer des toiles réalisées au cours d’années différentes afin de prouver leur proximité grâce au parallélisme. La Nuit aux confins de l’allégorie fait partie de ses compositions essentielles tout comme son pendant Le Jour, qui révèlent aussi son intérêt pour le Symbolisme. Dans le premier tableau, il peint des hommes allongés parallèlement réalisés en ocre du plus sombre au plus clair ; lui répond Le Jour avec des baigneuses voluptueuses assises. Ici, il s’agit de verticalité. Il transmet avec ces œuvres, dont on admire le rythme et l’équilibre, une vision métaphysique de l’existence. On le découvre également excellent dessinateur.

L’arbre demeure pour lui le compagnon idéal dans sa beauté, sa verticalité qui l’élève vers le ciel. Il peint aussi des corps allongés offerts au désir dans la vérité et la simplicité des volumes et l’on retrouve cette horizontalité dans la nature avec Le lac de Thoune et la chaîne du Stockhorn représentée par des tracés linéaires.

« Passer d’un parallélisme à un autre, d’un pré à un lac, d’un homme à une maison et ainsi de suite », cette correspondance taraude toujours le peintre. En vis-à-vis la force tellurique de la montagne et un autoportrait exécutés dans une même palette de bruns ou, plus tendre, un pré fleuri voisine avec un jeune couple. Hodler se révèle paisible devant le lac entouré de montagnes : horizontalité de l’eau, verticalité des cimes ; il y a là une sérénité, une majesté et cet essentiel que le peintre n’a cessé de rechercher. À voir encore des paysages de montagne sous divers angles, enneigés et où se mêlent puissance et mystique.

L’évolution du travail de Hodler est perceptible dans cette exposition. Il s’interroge après 1914 : que reste-t-il après la guerre. La mort mais aussi la nature.

LPA 17 Juil. 2018, n° 137w3, p.16

Référence : LPA 17 Juil. 2018, n° 137w3, p.16

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