Germaine Richier au Mont Saint-Michel

Publié le 04/10/2017

Centre Pompidou

Puissante, écorchée souvent, bouleversante parfois, la sculpture de Germaine Richier (1904-1959), habitée d’intelligence et de créativité possède une forte attraction. Mal connue, cette artiste est trop ignorée dans l’histoire de l’art de la première moitié du XXe siècle.

Il faut saluer l’initiative du Centre Pompidou, associé au Centre des monuments nationaux, qui fête ses 40 ans dans divers musées de France et propose une exposition de cette artiste à l’Abbaye du Mont Saint-Michel. L’Ouragane en est le titre, il reprend le nom de l’une des sculptures emblématiques de Germaine Richier, réalisée en 1949. Le parcours réunit des œuvres majeures dans la salle des Hôtes du XIIe siècle et, à l’extérieur sur la terrasse de l’Ouest. Dans ce lieu magnifique chargé d’histoire, les créations de l’artiste prennent tout leur sens.

Fille du midi, née près d’Arles, Germaine Richier étudie la sculpture dans l’atelier de Guigues, qui avait été praticien de Rodin, aux Beaux-Arts de Montpellier. En 1925, elle « monte » à Paris et entre, l’année suivante, dans l’atelier d’Antoine Bourdelle dont elle est d’ailleurs la seule élève. Durant 3 ans, elle réalise sous la houlette de son maître une œuvre classique : nus, torses. Installée en 1930 avenue du Maine, elle travaille avec ardeur et crée des sculptures aux puissants volumes, toujours classiques et réalistes dans lesquelles elle maîtrise parfaitement la matière.

L’humain est pour elle le modèle essentiel mais son art évolue et à partir de 1940, sa personnalité s’affirme. Si l’homme demeure présent, elle s’intéresse aussi au monde animal et elle rompt avec la représentation traditionnelle exécutant des œuvres parfois déchiquetées où le vide va s’imposer.

Les pièces importantes figurent dans l’exposition telles L’Orage et L’Ouragane, deux grandes figures : une femme et un homme massifs, aux volumes généreux. Figée comme par une émotion soudaine, L’Orage est bouleversant par sa vérité, sa force expressive, celle que l’on retrouve dans L’Ouragane. Une violence parcourt ces sculptures superbes et presque déchirantes.

Germaine Richier chemine dans son art qui évolue au fil du temps. Aux côtés de ces personnages, voici le chétif Diabolo vivant, expressif, filiforme à la manière d’Alberto Giacometti qui était son ami. Autre bronze, L’Eau, allégorie où se retrouve le style inventif de l’artiste : une femme assise aux jambes grêles par rapport au corps et dont le visage est remplacé par le col d’une amphore ; ici encore se révèle l’originalité, la recherche de Germaine Richier qui s’est toujours renouvelée dans sa création figurative et inspirée.

Il arrive qu’elle patine ses œuvres en doré, ainsi La Montagne, création monumentale, baroque, fantastique dans laquelle elle introduit le végétal (branches d’arbre) coulé dans la matière. Cette œuvre de 1956 témoigne de ses incessantes recherches. L’Échiquier est sa dernière œuvre importante ; elle s’est amusée à conférer aux pièces de ce jeu une allure étrange, extravagante : une tête possède des cornes et une autre devient hippocampe, un jeu singulier à l’image de la créatrice.

L’œuvre de Germaine Richier peuplée d’humains, d’animaux, de figures hybrides révèle une grande richesse d’invention, une inventivité permanente.

LPA 04 Oct. 2017, n° 129e6, p.15

Référence : LPA 04 Oct. 2017, n° 129e6, p.15

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