Insolite : Quand les testaments contiennent des clauses improbables
Les Éditions du Trésor viennent de publier un recueil de 200 Pépites de la presse : curiosités journalistiques du XIXe siècle de l’historien François-Remy Roqueton. Entre les récits de loups-garous marseillais, les histoires d’inventeurs de menottes rappelant la loi et autres « dompteurs de belles-mères », on trouve régulièrement des articles concernant des testaments insolites…

Curiosités journalistiques et juridiques
Avant d’entrer dans le vif (ou le mort) du sujet des testaments insolites, l’histoire de ce livre très plaisant et plus qu’original mérite d’être racontée. Son auteur, François-Remy Roqueton, se plonge depuis presque 10 ans dans la presse du XIXe siècle afin de découvrir la « Genèse des vitraux héraldiques en Gironde », son sujet de thèse.
C’est en dépouillant les journaux de l’époque qu’il collecta ces 200 pépites de la presse, dont une bonne partie intéresseront les juristes (plusieurs chapitres sont consacrés aux affaires judiciaires et faits divers) : les chats fonctionnaires de la Poste, l’interdiction municipale faite aux sirènes de venir travailler à la foire du Havre en 1875, ou encore les multiples plaintes pour troubles surnaturels déposées par les Parisiens lors de la canicule de l’été 1898…
Chatouilles post-mortem à Arles
Commençons en France, où l’édition du 23 décembre 1844 du journal Le Globe raconte l’histoire d’un testament bien étrange dans le Midi, à Arles : « Une vieille demoiselle, qui vient de mourir, a fait un singulier legs ; elle a laissé par un testament une somme de 600 francs à la personne qui consentirait à lui chatouiller les pieds pendant les 48 heures qui suivront sa mort », sans doute pour vérifier que, contrairement à de nombreuses personnes à l’époque, elle ne serait pas enterrée vivante… Le défi fut tenté par une servante qui, au bout 10 heures, fut prise d’une crampe. Heureusement, une amie accepta de prendre le relais à condition de partager l’héritage, ce qui fut chose faite !
Auto-autopsie à Londres
L’Abeille cauchoise, un quotidien d’Yvetot, rapporte dans son édition du 15 février 1865 le testament régulier d’un riche marchand de spiritueux de Londres, ayant sans doute écrit ses ultimes volontés sous l’emprise de son produit, dont la clause est rapportée dans ses termes exacts : « Je prie mes héritiers de faire procéder à mon autopsie et de soumettre son corps à l’analyse des hommes de la science, car je tiens absolument à connaître la cause de ma mort ».
Le nez héritier de Miss B.
La Gazette des hôpitaux du 31 janvier 1860 raconte l’histoire d’une Londonienne, Miss B., ayant eu la surprise de découvrir qu’elle héritait de plusieurs millions d’un parfait inconnu sur le point d’être enterré. Afin de mettre un visage sur un testament aussi généreux, elle demanda à en voir le cadavre avant sa mise en bière, ce qu’accepta le notaire. À la vue du mort, elle s’écria : « C’est lui ! C’est l’homme qui, pendant trois ans, me poursuivit de ses hommages et de ses vers en l’honneur de mon nez ! À Hyde Park, à Covent Garden, il était toujours devant moi et me fixait constamment ! ». Aussi surprenant que cela puisse paraître, le harceleur nasal s’était rattrapé dans la mort des méfaits commis de son vivant à l’encontre de l’héritière grâce à ce testament que le journal reproduisit : « Je supplie Miss B. d’accepter le don de ma fortune entière, trop faible auprès des inexprimables sensations que m’a fait éprouver pendant trois ans la contemplation de son adorable nez. » Et le journaliste de conclure : « Miss B. daigna accepter les millions. »
Testament non-fumeur pour Roger
Le 4 avril 1839, Le Constitutionnel, journal parisien, rappelle une clause insérée par un Anglais du XVIe siècle sans son testament, Peter Columbel, alors que l’usage du tabac commençait à se généraliser à travers l’Europe : « Je lègue à mon fils Roger tous les meubles garnissant ma maison de Darby ; mais sous la condition expresse qu’en aucun temps de sa vie il ne prisera ni ne fumera de tabac. Si ses frères et sœurs le trouvent en contravention, et si la preuve en est rapportée à mes exécuteurs testamentaires, ledit Roger sera, par ce seul fait, privé de son legs, et tenu de rapporter à ma succession les objets qu’il y aura recueillis, ou leur valeur d’après l’inventaire déposé entre les mains de… »
Jury de bossus à Florence
Finissons notre sélection en Italie grâce au Journal du Cher (Bourges) du 4 août 1860, qui rapporte les dernières volontés d’un riche Florentin ayant décidé de léguer sa fortune « à l’homme le plus bossu de toute la Toscane ». L’improbable testament, établi « en bonne forme », précise que les candidats au poste devront soumettre leur bosse à un jury composé de 12 individus, eux-mêmes bossus. Tous les participants à cette étrange aventure « recevront, pour les dédommager du dérangement, chacun une médaille d’or où sera gravée l’effigie d’Ésope, le célèbre fabuliste, dont la laideur est proverbiale dans tout l’univers, ainsi qu’une somme consacrée aux frais d’allée et de venue à Florence ».
On ignore à ce jour si cette assemblée cabossée a pu se tenir…
Bonsoir !

Référence : AJU499562
