La Lutte de Jacob avec l’Ange au Musée national Delacroix
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Pour une première exposition dédiée aux peintures de la Chapelle des Anges à Saint-Sulpice, restaurées depuis 2016, intitulée : « Une lutte moderne — de Delacroix à nos jours », le Musée national Delacroix a choisi comme thématique la lutte avec le choix d’une peinture inspirée de la Bible : La lutte de Jacob avec l’Ange.
L’œuvre peinte par Eugène Delacroix est prétexte à plusieurs évocations. D’abord, celle des influences. Ainsi du Titien, dont Le martyre de Saint Pierre a guidé Delacroix dans la composition d’ensemble de La lutte de Jacob avec l’Ange. Il n y a pas que Titien et l’exposition donne à voir et connaître d’autres peintres inspirants. Ensuite, le parcours rend compte, notamment dans l’atelier, du travail d’esquisses et de préparation de la future œuvre. On voit les évolutions dans le dessin, les choix que le peintre fait dans les poses et les postures des deux personnages. Eugène Delacroix, à l’opposé de représentations antérieures de la scène, choisit par exemple de leur donner le même âge (voir l’esquisse, plume et encre ferro-gallique sur papier calque, vers 1854). Enfin, est abordé au-delà du seul Eugène Delacroix, le thème de la lutte elle-même, avec son lot d’interprétations possibles et symboliques de l’épisode biblique, jusqu’à celle de la lutte de l’artiste avec l’art et pourquoi pas avec lui-même ? L’exposition suscite interrogations tout autant qu’elle instruit.
Dans l’atelier — Eugène Delacroix a soixante ans lorsqu’il occupe la rue Furstenberg — on découvre des esquisses et des toiles de Marc Chagall. Lui aussi a été inspiré par l’épisode entre Jacob et l’Ange. Le style Chagall transforme évidemment la vision de la lutte qui se fait plus suggérée qu’énergique, plus tracée que dessinée. La lutte devient sous ses couleurs et dans ses aquarelles une rencontre poétique. Eugène Delacroix lui-même n’était pas loin de fondre la lutte, dans sa manière de peindre, entre combat et danse, confrontation et accueil… D’autres artistes (Odilon Redon, Gustave Moreau, Charles Camoin, Jean Bazaine) sont également convoqués pour tisser le lien entre Eugène Delacroix et leurs propres œuvres.
Eugène Delacroix, fatigué après avoir réalisé les peintures de la « terrible chapelle », épuisé par une vie d’artiste et d’homme tout court, donnera encore quelques œuvres. « Le poète religieux » qui a compris le christianisme selon son ami Charles Blanc qui lui consacrera deux beaux articles dans la Gazette des Beaux arts 1864, le « grand solitaire travesti en mondain », selon Frédéric Martinez, dont le livre Delacroix vient d’être réédité, meurt en 1863. Une autre grande exposition, au Louvre, honore jusqu’à la fin juillet prochain, l’insatiable peintre dont multiples lieux parisiens abritent par ailleurs les œuvres (église Saint Paul-Saint-Louis, Hôtel de ville).