Rétrospective Delacroix
Eugène Delacroix, Autoportrait au gilet vert (vers 1837), huile sur toile, 65 x 54 cm.
Réunion des musées nationaux-Grand Palais/Michel Urtado
Chez Eugène Delacroix (1798-1863) il y a une singularité, une vive sensibilité. Il exprime une spécificité romantique proche d’un Schiller ou d’un Byron. Les auteurs qu’il côtoya dès sa scolarité au lycée impérial, à Paris, confirme cet esprit. Dans sa bibliothèque nous trouvons les Antiques et les Modernes : Homère, Virgile, Horace, Le Tasse, Racine et Voltaire. Eugène Delacroix acquit ainsi une culture classique et contemporaine. Et il faut ajouter Dante et Shakespeare, Matthew Gregory Lewis, Horace Walpole ou Ann Radcliffe et Byron. Dans son Journal il écrivit : « Si l’on entend par romantique la libre manifestation de ses impressions personnelles, non seulement je suis romantique, mais je l’étais à 15 ans ». Très tôt il fut épris de musique et il s’essaya à la littérature au sortir de l’adolescence.
Cet esprit romantique nous le trouvons avec ses peintures, telles La Grèce sur les ruines de Missolonghi, Les Massacres de Scio ou La Liberté guidant le peuple. Il y a une énergie palpable, une pulsion de la vie face à la mort et à la destruction. Le romantisme est une fulgurance, non dans le sens d’étincelant mais dans le sens de bouleverser, de secouer l’esprit. Chez Delacroix tout est plein d’énergie vitale, de grandeur. Et il porte un idéal. Le même exprimé chez les romantiques anglais et allemands et en musique avec Beethoven ou Mendelssohn. Pour ce qu’il éprouvait, il écrivit aussi : « Cette émotion s’adresse à la partie la plus intime de l’âme. Elle remue des sentiments que les paroles ne peuvent exprimer que d’une manière vague ».
Le Musée Eugène Delacroix nous propose aujourd’hui une exposition autour des peintures (huile et cire sur plâtre) de la chapelle des Saints-Anges en l’église Saint Sulpice. S’y trouve La Lutte de Jacob avec l’ange, sur la paroi de gauche. « Cette lutte, écrivit-il, est regardée par les livres saints comme un emblème des épreuves que Dieu envoie quelques fois à ses élus ». Sur celle de droite est représentée Héliodore chassé du Temple, un symbole de la victoire du bien sur le mal, et, au plafond, Saint Michel terrassant le dragon. La commande lui fut faite en 1849, mais Delacroix ne l’achèvera qu’en 1861. Pour être proche de l’église Saint Sulpice, Delacroix loua alors un atelier, place Fürstenberg, l’actuel musée.
Les trois peintures ont été récemment restaurées par la Ville de Paris, et cette restauration a permis d’effectuer des recherches sur les sources de Delacroix pour les réaliser. Ce qui nous permet aujourd’hui de comprendre que le peintre se référa à Raphaël, Titien, Rubens, Le Lorrain et Solimena, références à ses œuvres propres comme les études et esquisses qu’il réalisa pour la conception de ces trois chefs-d’œuvre.
Sont aussi réunies plusieurs créations que l’œuvre de Delacroix inspira à des artistes du XIXe et XXe siècle : Gustave Moreau, Odilon Redon, William Strang, Jacques Lipchitz, René Iché, Charles Camoin, Jean Bazaine ou Marc Chagall.
N’oublions pas d’aller voir la grande exposition du Musée du Louvre, proposée plus d’un demi-siècle après la dernière rétrospective parisienne. De nouveau est rassemblé l’essentiel de l’œuvre du peintre : les grands formats du Louvre y côtoient ses œuvres issues des musées nationaux et de l’étranger.