L’abbé de Caveirac calomnié

Publié le 13/07/2022

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Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) est qualifié, dans les dictionnaires, de bibliographe français. En 1846, il fut nommé bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. Une charge qui était justifiée. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, ouvrage paru en 1861. Ce livre se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (« la comtesse de Ranc… » [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des Lettres. Nous reprenons cet été la publication de la Lettre XI consacrée au « Cabinet de M. Turgot ». BGF

« La bibliographie, lorsqu’elle n’est pas tout à fait matérielle, reste la maîtresse de se tracer à elle-même ses propres limites, et que tout ce qui se rattache, de près ou de loin, au livre qu’on a sous les yeux, appartient de plein droit à celui qui le décrit », précisait Tenant de Latour à son interlocutrice. Toujours sous le chapitre de la bibliothèque de M. Turgot, l’auteur évoque l’abbé de Caveirac. Celui-ci, de son nom complet Jean Novi de Caveirac (1713-1782) était né à Nîmes et fut prieur de Cubiérettes en Occitanie. Il se distingua comme défenseur de la cause jésuite. Il publia notamment L’Appel à la raison, des écrits publiés contre les jésuites de France (1762) et quelques années auparavant, en 1758, L’Apologie de Louis XIV et de son conseil sur la révocation de l’Édit de Nantes, avec une dissertation sur la Saint-Barthélemy.

« Cet abbé de Caveirac, retombé ici deux fois sous la main de M. Turgot, était un assez vilain homme en tant qu’homme de parti. Non seulement il écrivit toute sa vie contre la tolérance dont Louis XV était disposé à user envers les protestants, mais il mit lui-même l’intolérance en action dans un procès où une femme calviniste, subitement convertie, voulait, en sollicitant la nullité d’un mariage qui datait de plus de quinze années, faire subir à ses enfants les affreuses conséquences des lois en vigueur. Tout cela rendait l’abbé de Caveirac fort attaquable sans doute, mais c’était un motif de plus pour ne pas recourir, contre lui, à l’arme odieuse de la calomnie. Or, voilà ce que dit Linguet [Simon-Nicolas-Henri Linguet, 1736-1794 à Paris, avocat, opposé aux philosophes], dans sa Réponse aux docteurs modernes. Le plaidoyer est peut-être un peu trop chaud pour le mérite du client ; mais ce ne serait là, au surplus, qu’un nouvel exemple de l’exagération où jette toujours l’injustice, et il reste, en définitive, du moins au profit du panégyriste, un fait que rien ne saurait annuler entièrement.

« Un cri universel s’est élevé, il y a quelques années, dit Linguet, contre ce malheureux abbé de Caveirac. Toute la basse-cour philosophique l’a hué avec indignité. On a dit, on a écrit, on a imprimé qu’il avait fait tout exprès une apologie de la Saint Barthélemy ». (À suivre)

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