L’Aisne fête le 400e anniversaire de la naissance de La Fontaine

Publié le 29/06/2021

Vue du Château de Condé.

DR

L’anniversaire de la naissance du génial fabuliste en avril 1621 donne lieu à plus de 200 manifestations culturelles, témoignant ainsi de l’actualité de l’œuvre de Jean de La Fontaine. Visites à Château-Thierry où il est né et au Château de Condé.

Maison natale à Château Thierry

À Château-Thierry, c’est un autre académicien, Amin Maalouf, qui a présidé aux commémorations de la naissance de La Fontaine. L’écrivain est né le 8 juillet 1621 et pour lui rendre hommage, rien de mieux que de retourner aux sources en allant dans sa maison natale.

Jean de La Fontaine ou une vie riche en rebondissements. Dans la sous-préfecture de l’Aisne, à Château-Thierry, le petit Jean naît de parents issus d’une famille bourgeoise affleurant la petite noblesse locale. Le père, Maître des eaux et des forêts, a acheté une maison en 1617 que son fils revendra à ses 55 ans, étant toujours dans les embarras financiers. Les propriétaires se succèdent avant que la maison ne soit reprise fin XIXe siècle par la ville et transformée en musée des Beaux-Arts après la Second Guerre mondiale.

Reniant une carrière ecclésiale, puis une charge d’avocat qui l’ennuient, Jean de La Fontaine se partage entre Paris et Château-Thierry, où il se complaît dans les discussions philosophico-mondaines des salons littéraires.

Sous la protection de la duchesse de Bouillon (née Marie-Anne Mancini, elle est la nièce du Cardinal Mazarin), le jeune Jean passionné par la nature et les animaux observe le genre humain, palabre à l’infini, écrit quelques contes et essais libertins, s’essaye à des fables.

La duchesse introduit La Fontaine à la cour, lui présente Molière, Racine, Boileau, Mesdames de Sévigné et de La Fayette. Sous la protection de Nicolas Fouquet pour qui il se prend d’amitié, La Fontaine tombe en disgrâce en même temps que son mentor après la somptueuse fête donnée par le surintendant en son château de Vaux pour le roi Louis XIV. Néanmoins, ses fables rencontrent un succès croissant auprès de la noblesse. Ce style littéraire, même s’il n’est pas nouveau et créé par La Fontaine, fait parler les animaux pour évoquer les sentiments des hommes. À cette évocation s’ajoute une morale qui conclut l’histoire animalière, une leçon de conduite que l’homme devrait tenir à l’avenir.

L’œuvre de Jean de La Fontaine se poursuit : des contes licencieux, des odes, des poèmes, des essais libertins : tout un marivaudage propre au XVIIe siècle.

C’est à Paris que pendant 20 ans, La Fontaine, qui ne sait pas gérer la dot de sa femme et sa fortune personnelle, trouve asile et protection auprès de Madame de La Sablière qui tenait un salon littéraire. Il est reçu en 1684 à l’Académie Française à la place de Colbert malgré les diverses accusations d’immoralité qui pleuvent sur lui.

Malade en 1693 et voyant sa fin venir, La Fontaine voit un prêtre qui lui demande d’abjurer sa vie épicurienne et ses écrits libertins. Après s’être soumis à de nombreux exercices spirituels, il meurt en avril 1695.

Les pièces à vivre du fabuliste

Le musée Jean de La Fontaine montre le salon, la « salle à manger », le cabinet de travail du fabuliste.L’influence des fables sur les arts décoratifs est palpable dans les pièces. De manière hétéroclite, une copie de La Fontaine à 50 ans d’après Hyacinthe Rigaud côtoie des gravures aquarellées de Marc Chagall, des illustrations de Gustave Doré…Pour attirer un jeune public, une exposition en Lego représente les fables les plus connues : Le Lion et le Rat, Le Corbeau et le Renard, Le Chêne et le Roseau, etc.

Et si vous avez un peu de temps, poursuivez votre chemin pour un tour en ville : maison de Camille et Paul Claudel, musée du Trésor de l’Hôtel-Dieu, le couvent des cordeliers, le clocher, le chocolatier Chevillotte et ses bonbons de chocolat à l’effigie de La Fontaine… La ville de Château-Thierry a plus d’un atout dans ses ruelles.

• Office de tourisme, 2 place des États-Unis, 02400 Château-Thierry. Tél. : 03 23 83 51 14

Au Château de Condé pour du libertinage. Jean de La Fontaine est certes connu pour être un fabuliste de génie ; mais c’est oublier qu’il fut aussi un auteur de contes licencieux, de romans libertins, d’odes anticléricales.

En fin de vie pour se racheter une bonne conduite, il dut d’ailleurs renier ces œuvres. Mais on ne pense qu’à elles au château de Condé, car les murs ne font que célébrer l’Amour et les amours. Certains de ces décors muraux peints dévoilent les Contes libertins de La Fontaine, publiés entre 1665 et 1671, et son roman poétique Les Amours de Psyché et de Cupidon (1669).

Quelques mots d’histoire. Aux portes de la Champagne, cette superbe demeure est celle de François de Bourbon, l’ancêtre de tous les rois de France depuis Henri IV, des premiers princes de Condé, du cardinal de Richelieu, d’une des mazarinettes, Olympe Mancini, inquiétée lors de l’affaire des poisons…

Face à un tel passé historico-royal et à une telle généalogie architecturale, on peut comprendre que la famille Rochefort ait succombé au charme des lieux en achetant la propriété en 1983. Le décès prématuré de son père contraint Aymeri de Rochefort à reprendre le domaine à l’âge de 22 ans et à s’y consacrer. C’était sans compter sur les travaux permanents à entreprendre, les tracasseries administratives à subir, les contraintes d’ouverture au public lequel fait cruellement défaut depuis la crise sanitaire, la nécessité d’être en même temps jardinier, plombier, organisateur d’évènementiel, comptable…

Cependant, Aymeri est fou amoureux de ces pierres, de ces décors intérieurs et il se bat au quotidien pour entretenir, embellir pour le public, pour les générations à venir ce joyau patrimonial. On ne peut qu’admirer et lui en être très reconnaissant ; d’autant qu’étant habité ce château, à l’opposé d’autres, a une âme et que c’est à lui qu’on doit cette ambiance particulière.

Quelques pièces d’exception : le salon Servandoni. Avant d’y accéder, vous emprunterez le bel escalier d’honneur du XVIIIe siècle ; l’artiste italien étant à la fois sculpteur et architecte. Au premier, une très grande salle de réception entièrement peinte de scènes mythologiques de Servandoni. Peints sur des toiles posées à 5 cm du mur, les trompe-l’œil sont majestueux : Apollon et des nymphes, les bains d’Apollon dans la grotte de Thétys à Versailles, l’enlèvement de Proserpine, etc. autant de scènes représentant l’amour galant et l’ouvrage licencieux de La Fontaine.

La chambre d’Olympe. La benjamine des sœurs Mancini, Olympe, y a couché en visite à sa sœur Marie-Anne en résidence au château en 1664 et 1665. Une situation dans l’ancien donjon, du mobilier d’époque avec une bergère XVIIIe siècle avec oreillettes pour limiter les courants d’air. Une pièce rendue chaleureuse par sa cheminée, sa chaufferette et une peinture dans le goût de Watteau, Le villageois ayant perdu son veau, qui reprend un conte de Jean de La Fontaine.

Le salon des Oudry. Il est rare de voir regroupées en un même lieu autant de grandes peintures d’Oudry, le peintre officiel des chasses de Louis XV. Oudry a peint ces scènes de chasse, de pêche, de chiens vers 1725. Somptueux ensemble qu’on aurait pu trouver au musée de la chasse et de la nature ou au musée Nissim de Camondo, tellement la facture est belle, pure. Même les boiseries, les dessus-de-porte et de cheminée ont des attributs liés à la chasse, la pêche, la nature avec force coquillages, fusils, des éléments très prisés et à la mode au XVIIIe siècle.

Une fois ces retours de chasse, ces chiens et ces poissons pêchés admirés ; surprise totale quand le miroir se lève : au hasard d’une restauration a été découvert, cachée derrière la glace, une peinture intacte. La fiancée du roi de Garbe révèle un conte libertin que La Fontaine a publié en 1666. Heureusement que Claus von Bulöw, occupant le château, ne l’a pas brûlé !

• Château de Condé, Condé, 02330 Condé-en-Brie. Plus d’informations sur : www.lesportesdelachampagne.com

Plan