« Le Journal » au Théâtre de Paris explore les relations assassines entre politiques et médias
La représentation de la pièce a commencé il y a moins d’un mois au Théâtre de Paris et elle fait déjà salle comble ! Écrite par un avocat d’affaires dont c’est la première œuvre théâtrale, Antoine Beauquier, Le Journal met en scène les relations parfois toxiques et incestueuses qui unissent le monde des affaires, la presse et la politique. Un coup de maître !
2025-02-16 20-18À la tête du Journal, un organe de presse d’investigation indépendant, l’incorruptible Edmond s’apprête à publier des révélations sur les intérêts détenus et non déclarés à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique du très influent ministre Jacques Flamm. Mais un coup de fil de son avocat l’informe que sa fille vient d’être arrêtée et incarcérée pour trafic de drogue à Jakarta. Elle risque la peine de mort. Un seul homme peut la sortir de là : Jacques Flamm. Jusqu’où le journaliste intransigeant qui fait trembler la classe politique depuis 30 ans est-il capable d’aller pour sauver ce qu’il a de plus précieux ? Est-il lui-même si transparent qu’il le prétend ?
Une leçon de nuance
L’intrigue et les dialogues révèlent une connaissance si fine du monde des affaires, de la politique et des médias que l’on s’interroge : qui a bien pu écrire cela ? Réponse : Antoine Beauquier, avocat d’affaires, ancien secrétaire de la conférence. Il a fait ses armes chez Gide avant de monter son cabinet, Boken. Il est aussi conseiller de Paris. La pièce est une charge contre le journalisme d’investigation et ses inquiétantes exigences de pureté, mais aussi contre la corruption en politique, et l’arrogance du monde des affaires.
Mais c’est également une indispensable leçon de nuance. Car les choses humaines ne sont jamais aussi manichéennes qu’on aimerait le croire. L’homme d’affaires peut contribuer à faire tomber un dictateur et à redresser un pays, le politique n’est pas toujours aussi inutile qu’on l’imagine, et le journaliste très pur, à l’inverse, peut se préoccuper autant, voire plus, de faire marcher sa boutique et de flatter son goût du pouvoir que de combattre pour la vérité. Il n’y avait sans doute qu’un juriste pour saisir et oser mettre en scène une telle complexité. « Flamm a travaillé des années, a réussi l’ENA, serré des millions de mains, arraché une circonscription tenue des années par la gauche, gagné la confiance du président, est devenu un ministre incontournable…Et moi, il m’a fallu deux heures et un bon verre de rhum pour le dézinguer » commente Raphaël, le journaliste et vieux compagnon de route qu’Edmond a chargé d’écrire l’article contre Flamm.
Cinq comédiens remarquables
La pièce est un thriller qui tient en haleine pendant 1 h 30. Elle est servie par des comédiens de grand talent, très investis, au point d’arracher le spectateur à la conscience qu’il est au théâtre et que tout ceci n’est qu’un spectacle. Dans le rôle du père en détresse et du patron de presse intransigeant, Bruno Putzulu (Edmond) est parfait. Bruno Debrandt (Raphaël) campe avec beaucoup de talent et de finesse un journaliste aguerri et désabusé, prêt à tous les sacrifices pour secourir un ami. Le ministre, Bernard Malaka (Flamm), débordé, faussement empathique et parfaitement onctueux, est plus vrai que nature. En homme d’affaires cynique, à la fois habile et brutal, Olivier Claverie (Bernard Van) est impeccable. Enfin, mention spéciale pour la performance remarquable de la jeune Carolina Jurczak (Appoline), extraordinairement émouvante dans le rôle de la fille en révolte contre un père trop puissant et trop parfait.
La salle rit, s’émeut, s’inquiète et finit par applaudir à tout rompre au tombé de rideau, rappelant plusieurs fois les comédiens. Un excellent spectacle !
Informations et réservations ici.
2025-02-16 20-19Référence : AJU496779
