Les incunables allemands du duc d’Aumale

Publié le 22/06/2022

Les Lettres d’indulgence du Pape Nicolas V en faveur du Roi de Chypre sont les plus anciennes impressions de Gutenberg, à Mayence en 1454

Musée Condé

On s’imagine que lorsque Gutenberg imprima la Bible, ce fut une révolution, comme si rien n’avait existé avant lui et que l’on repartait du néant. En réalité, l’invention de l’imprimerie ne fut pas une rupture mais le résultat d’une mutation lente qui se dessina à partir des xylographes dès le XIVe siècle. Cette Bible suscita néanmoins quelque méfiance. Certains de ses acquéreurs pensèrent, à l’époque, qu’ils avaient acheté un manuscrit pour seulement 60 écus ; les autres ayant reconnu que le travail de la main était absent crièrent à la sorcellerie. On dénonça Gutenberg et son associé Johann Fust, à l’indignation des magistrats. Il a été tiré de ce premier livre près de 200 exemplaires, tous sur vélin, peu avant 1455 ; 48 seraient parvenus jusqu’à nous, dont 21 complets. Trois sont conservés en France, deux à la bibliothèque Mazarine et un à la Bibliothèque nationale.

Cette Bible est le premier des incunables. Le mot est tiré de incunabula, littéralement « langes, berceau, enfance, origine ». Il n’est pas tout de suite entré dans notre vocabulaire. Il provient du titre Incunabula typographiæ, le titre du catalogue répertoriant les premiers ouvrages imprimés avant 1501, publié en 1688 à Amsterdam par Beughem. Le duc d’Aumale, dont on fête le bicentenaire, avait constitué un cabinet de livres parmi les plus extraordinaires. Rien que le fonds de sa bibliothèque conserve quelque onze mille raretés, dont parmi eux un certain nombre d’incunables. Cette collection retrace l’essor de l’imprimerie depuis le milieu du XVe siècle jusque vers 1520. On cite par exemple Les Lettres d’indulgence, les plus anciennes impressions de Gutenberg en 1453 et une Bible datée de 1462 imprimée par des livrets xylographiques tirés d’un seul bloc (vers 1460-1470), des livres illustrés célèbres comme la Chronique de Nuremberg.

Le musée de Condé à Chantilly organise une exposition dévoilant pour la première fois la place importante qu’y tiennent les livres en provenance des pays de langue allemande. L’essentiel de ces trésors germaniques provient de la bibliothèque Standish, soit 3 504 volumes acquis d’un bloc en 1851 par le duc d’Aumale. À partir de ce noyau, le prince bibliophile enrichit sa collection, avec notamment le De mulieribus claris de Boccace, dont on apprécie la verve et la hardiesse des gravures. À tous ceux-là, il convient d’ajouter un parfait exemplaire des Epistolae de Gasparin de Bergame, le premier livre imprimé à Paris vers 1470, dans l’atelier de la Sorbonne par Jean Heynlin et Guillaume Fichet.

• Plus d’informations sur le bicentaire du duc d’Aumale fêté par le château de Chantilly : https://chateaudechantilly.fr/bicentenaire-de-la-naissance-du-duc-daumale/

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